L’injection du faisceau lumineux
se fait « en passant à la résonance »
c’est-à-dire pendant le court inter-
valle de temps où la cavité, dont la
longueur est périodiquement modu-
lée, a une fréquence de résonance
proche ou égale à la fréquence opti-
que du laser. Cette méthode permet
d’avoir une énergie lumineuse stoc-
kée dans la cavité proche de celle
que l’on aurait si l’on avait asservi la
cavité au laser. Lorsque cette énergie
atteint un niveau seuil fixé, mesuré
sur la lumière transmise, l’injection
est interrompue. On enregistre alors
la décroissance exponentielle de
l’énergie stockée en mesurant l’inten-
sité du faisceau émis par la cavité. Le
temps s
g
de décroissance de l’inten-
sité en présence du gaz composé de
la molécule à étudier est extrait par
une méthode d’ajustement des cour-
bes. Le coefficient d’absorption du
gaz a
g
est directement donné par
a
g
=1
cs
g
−1
cs
0
,oùs
0
est le temps
de décroissance en l’absence de gaz
(ou hors de la raie d’absorption).
En balayant le laser en longueur
d’onde et en maintenant la plage de
résonance de la cavité sur la longueur
d’onde du laser, on obtient directe-
ment un spectre d’absorption quanti-
tatif de la molécule. On peut remar-
quer que la résolution spectrale est
théoriquement fixée par la finesse de
la cavité et non plus par la largeur
spectrale du laser, comme c’est le cas
lorsque l’injection se fait avec un la-
ser fonctionnant en impulsion. Cette
résolution spectrale peut être de l’or-
dre du kilohertz lorsque satteint une
centaine de microsecondes, ce qui
permet de faire de la spectroscopie
sub-Doppler. La figure 2 montre un
exemple de spectre d’une transition
électronique faible de la molécule de
NO
2
, résolue rotationnellement, dans
le domaine visible autour de 744 nm.
En l’absence d’absorption intra-
cavité, le spectre obtenu est dû uni-
quement aux pertes totales des
miroirs (transmission, absorption,
diffusion). Ces miroirs ont une très
grande stabilité, ce qui permet d’uti-
liser le spectre en l’absence d’absorp-
tion intra-cavité comme référence de
« zéro absorption ». Cette grande sta-
bilité peut être utilisée pour mesurer
soit un continuum d’absorption, soit
un spectre n’ayant pas de structures
rotationnelles résolues, comme c’est
le cas pour de grosses molécules à
pression atmosphérique, soit même
d’envisager des mesures de diffusion
ou la détection de particules sub-
microniques. Cette possibilité d’enre-
gistrer, de manière quantitative, des
spectres non résolus est extrêmement
intéressante car elle permet pour la
première fois d’envisager la détection
sans ambiguïté et en temps réel de
molécules comme les composés or-
ganiques volatils qui jouent un rôle
important dans la pollution atmo-
sphérique ou comme l’acétaldéhyde,
l’éthanol, l’éthane..., gaz qui inter-
viennent dans le métabolisme des
plantes. Deux projets sont en cours
dans notre laboratoire, l’un consiste à
détecter des traces d’explosifs, l’autre
à détecter les molécules à l’état
de trace dans l’air expiré par un
patient pour un diagnostic médical
non invasif.
De la cavité passive à la cavité
active
Comme nous venons de le voir, la
sensibilité de la méthode CRDS dé-
pend essentiellement des faibles per-
tes de la cavité, pertes qui sont liées
à la qualité des miroirs. Ces pertes
augmentent très rapidement si l’on
est obligé d’introduire dans la cavité
une cellule d’absorption. Dans ce
cas, pour conserver de grands temps
de déclin, une solution consiste à
régénérer les photons perdus après un
aller-retour dans la cavité : c’est la
technique de spectrométrie d’absorp-
tion intra-cavité laser (ICLAS). Cette
technique a vu le jour pratiquement
simultanément en 1970 à l’Institut
Lebedev à Moscou dans le groupe de
E.A. Sviridenkov et à Los Alamos
dans le groupe de R.A. Keller, et a
été reprise en 1972 par T.W. Hänsch
et P.E. Toschek, alors dans le groupe
de A.L. Schawlow à Stanford.
Le montage expérimental est cons-
titué d’un laser dont le milieu ampli-
ficateur a un profil de gain large
bande, comme par exemple un colo-
rant, un cristal de saphir dopé de
titane ou un verre dopé de terre rare.
Le faisceau laser est envoyé au bout
d’un temps t (appelé temps de géné-
ration) après le démarrage du laser
dans un spectrographe et le spectre
ainsi échantillonné dans le temps est
enregistré à l’aide d’une barrette de
photodiodes. Le pouvoir de résolu-
tion k/dk du spectrographe que nous
avons également développé est de
800 000 mais ne permet pas de
résoudre les modes du laser.
Considérons le démarrage du laser.
A l’instant initial, un laser de pompe
est envoyé sur le milieu amplificateur
à l’aide d’un premier modulateur.
Des photons spontanés « ensemen-
cent » de manière aléatoire les modes
longitudinaux du laser compris dans
la courbe de gain. Des centaines à
des dizaines de milliers de modes,
selon le type de laser, peuvent ainsi
démarrer pratiquement simultané-
10
30
50
70
90
110
130 742.5 743.0 743.5 744.0 744.5 745.0
NO2 en cellule
jet supersonique
cavit
vide
Temps de décroissance ( µs)
742.5 743.0 743.5 744.0 744.5 745.0
0
1x10-7
2x10-7
3x10-7
4x10-7
5x10-7
Longueur d'onde (nm)
jet supersonique
Coefficient d'absorption ( cm -1 )
Figure 2 - Exemple de spectre diode-CRDS de
NO
2
(A2B2←X2A1). La figure supérieure re-
présente l’évolution du temps de déclin s0de la
cavité vide, du temps de déclin sm
jet de la cavité
en présence d’un jet supersonique de NO
2
à une
température translationnelle de 38 K, du temps
de déclin sg
cellule en présence d’une pression de
20 Pa de NO
2
dans 1,9 kPa d’argon à tempéra-
ture ambiante. La figure inférieure représente,
pour la même région spectrale, le coeffıcient
d’absorption de NO
2
en jet, déterminé à partir
des temps de déclin de la cavité vide et en pré-
sence de jet. La résolution spectrale est ici don-
née par la largeur Doppler résiduelle qui est de
250 MHz. La limite de sensibilité sur la mesure
du coeffıcient d’absorption a été évaluée à
10
–10
/cm pour une expérience en cellule pour un
rapport signal sur bruit de l’unité.
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