PHYSIQUE DES PARTICULES, LA MASSE EST
DITE
"HIGGS, HIGGS, HIGGS… HOURRAH!"
Avant de commencer, je vous dirai pour être honnête avoir emprunté les termes de
ce titre accrocheur aux unes de quelques journaux parus après le 4 Juillet de cette
année.
"Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" s'interrogeait le philosophe et
mathématicien allemand Liebnitz au XVIIè siècle
Ce mercredi 4 juillet 2012, depuis 9h du matin, la salle de conférence du CERN (le
Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire) est comble.
A 10h35, Fabiola Gianotti en charge de l'expérience ATLAS au sein du LHC (le
Large Hadron Collider ou Grand Collisionneur de Hadrons) tente de rester
impassible en projetant une nouvelle diapo "powerpoint" de son intervention.
Deux chiffres pour le moins mystérieux apparaissent et déclenchent un tonnerre
d'applaudissements :
126,5 GeV et 5 Σ (sigma)
Pour le commun des mortels ces chiffres n'ont aucune signification, mais pour les
physiciens, ils indiquent la masse d'une nouvelle particule et le degré de certitude
très élevé de sa découverte.
Les chercheurs du CERN viennent de confirmer l'existence d'une nouvelle particule
élémentaire qui ressemble fortement au boson de Higgs qu'ils traquent depuis près
de 50 ans, la pièce manquante du grand puzzle que représente le Modèle Standard
de la Physique des Particules.
LE MODÈLE STANDARD DE LA PHYSIQUE
Afin de mieux comprendre le rôle clé de cette particule, il est nécessaire de refaire
une petite plongée dans la physique de l'infiniment petit et de son Modèle Standard.
1. Les Particules élémentaires.
Pour décrire le monde qui nous entoure, les physiciens l'ont en effet décomposé en
petites briques: les fameuses particules élémentaires.
On en distingue deux types: les particules de matière, appelées fermions, et les
particules d'interaction, ou de force, appelées bosons.
Les fermions forment la matière telle que nous la connaissons. Deux type de
quarks appelés up et down, s'assemblent pour former des protons et des neutrons.
Ces nucléons sont eux-mêmes collés ensemble pour former des noyaux atomiques.
Lorsqu'on ajoute des électrons, un 3e type de fermion, autour de ces noyaux, on
obtient des atomes.
Une quatrième particule, le neutrino, reste solitaire. Comme ils interagissent très
peu avec le reste de la matière, ces neutrinos nous sont moins familiers. Pourtant, ils
sont partout. À tout instant, ils nous traversent par milliards sans que nous nous en
apercevions.
Passons maintenant à la deuxième catégorie de particules élémentaires, les
bosons.
Ce sont les vecteurs de trois des quatre principales forces qui existent dans la
nature.
Le plus connu est à n'en pas douter le photon, qui «porte» l'interaction
électromagnétique. C'est grâce à lui que des éléments de matière de même charge
(positive ou négative) se repoussent et que des éléments de charge différente
s'attirent. Toute la chimie et tous les phénomènes électromagnétiques, à commencer
par la lumière, résultent donc de l'action de ce médiateur sans masse.
On trouve ensuite les gluons. Ce sont les vecteurs de l'interaction dite «forte».
Il en existe huit différents. Ils agissent comme une colle entre les quarks et entre les
nucléons (les protons et les neutrons). Ce sont donc les garants de la cohésion des
noyaux atomiques.
Trois bosons, dits «intermédiaires», sont enfin responsables de l'interaction dite
«faible». Ces derniers peuvent au contraire provoquer la désintégration spontanée
de certains noyaux atomiques. À ce titre, ce sont eux qui sont à l'origine des
réactions thermonucléaires qui font «brûler» les étoiles.
2. Les trois forces unifiées dans le «modèle standard»
Au cours du XXè siècle, les physiciens sont parvenus à réunir ces interactions
électromagnétiques, faible et forte dans une même théorie, qu'ils ont baptisée
«modèle standard de la physique".
D'après les équations de ce modèle qui font appel à la notion de symétrie, ces trois
forces n'en formaient qu'une aux premiers instants de l'Univers: la force
électronucléaire.
La beauté de cette formulation était une grande victoire pour les physiciens, qui
cherchaient depuis longtemps à réaliser cette unification.
Mais l'édifice théorique présentait une faille majeure…
Il fallait à tout prix que la masse des particules, et plus particulièrement des bosons,
soit nulle pour respecter le formalisme mathématique sous-jacent.
Or ce n'est pas le cas: les bosons intermédiaires, pour ne citer qu'eux, ont bel et bien
une masse. Et celle-ci est importante: plusieurs centaines de fois celle du proton.
La cathédrale conceptuelle menaçait de s'effondrer.
Deux possibilités s'offraient alors aux théoriciens: soit jeter la théorie à la poubelle,
soit considérer que l'on n'avait pas bien compris jusqu'à présent ce que représentait
la masse.
Au début des années 1960, trois chercheurs, les physiciens belges François
Englert et Robert Brout, et indépendamment, le physicien britannique Peter Higgs,
ont choisi cette deuxième voie et ont postulé, presque simultanément, un
mécanisme pour sauver le Modèle Standard, en postulant l'existence d'un nouveau
boson.
Baptisé «scalaire», puis «Higgs», du nom de l'un de ses trois pères, cette particule
serait présente partout dans l'Univers et formerait un champ uniforme. Ce sont ces
bosons qui conféreraient leur masse aux autres particules.
La masse ne serait donc plus une donnée intrinsèque, mais la conséquence de
l'interaction avec ces bosons. Plus une particule agit avec les bosons de Higgs, plus
elle est lourde.
Seulement voilà… le "boson de Higgs" est resté pendant 50ans un pur concept.
Aucun outil n'était jusqu'à présent sufsamment puissant pour l'observer
expérimentalement.
3. Pourquoi parle-t'on de boson de Higgs et non pas de
boson de ENGLERT-BROUT-HIGGS ?
C'est la faute de Steven WEINBERG, prix Nobel de physique en 1979, qui dans une
publication rédigée en 1967, sur l'unification des forces faible et électromagnétique,
avait cité en premier lieu le travail de Peter Higgs en 1964, alors qu'en réalité les
premiers articles (parus quinze jours plus tôt) étaient ceux de Robert Brout et
François Englert.
D'autres physiciens l'ont suivi et depuis, le nom de "boson de Higgs" est resté.
4. Pourquoi l'a t-on surnommé, "la particule de Dieu" ?
Le surnom de "Particule de Dieu" ou "God Particle" vient en fait d'un malentendu
issue d'un livre publié par Léon Lederman intitulé :
"The God Particle : if the Universe is the answer, what is the question?"
En fait l'auteur du livre avait appelé la particule : "The Goddamn Particle" (la fichue
particule), mais son éditeur a préféré raccourcir le terme en "God Particle".
Mauvaise idée, selon Peter Higgs qui est lui-même athée...
5. La brisure spontanée de symétrie… késako?
La symétrie au sens physique, c'est une propriété du système selon laquelle il n'y a
pas de direction de parcours privilégiée, dans l'espace et le temps, pas de rotation
privilégiée non plus.
Le caractère "spontané" de cette rupture de symétrie signifie que ce n’est pas une
action extérieure qui produit ce changement brutal dans la structure géométrique du
système. Il n’y a pas de miracle et pourtant il y a un changement rapide et qualitatif
du système avec apparition d’un paramètre nouveau et d’une directionnalité
nouvelle.
Nous vivons au quotidien la rupture de symétrie.
Nous constatons par exemple la différence entre le haut et le bas. C'est une rupture
de symétrie puisqu'une direction est privilégiée, celle de l'attraction terrestre.
En tant qu'êtres humains, nous connaissons d'autres ruptures de symétrie, comme
celle qui nous permet de reconnaître notre droite de notre gauche, ou de distinguer
dans le temps, le passé et le présent.
Jusqu'au milieu du XXème siècle, les lois de la Physique semblaient parfaitement
symétriques et absolues, valides autrement dit, pour tout l'Univers.
Mais des expériences réalisées en 1956 sur la désintégration d'un noyau de cobalt
radioactif, ont ébranlé cette certitude : car les électrons émis par le cobalt
"préfèrent" une direction à une autre.
Tout se passe comme si, à la sortie d'une rame de métro, les usagers choisissaient
tous, la même voie de sortie sans avoir pour cela de raisons apparentes…
Reprenons l'image que j'avais empruntée au physicien pakistanais, Abdus Salam,
lors de mon précédent exposé sur "La Cosmologie Moderne":
Considérons une table ronde, prête à recevoir ses convives. Le long du périmètre
de cette table alternent régulièrement assiettes et cuillères.
Avant le début du repas, la situation est parfaitement symétrique et invariante par
rotation.
Mais lorsque le premier convive s'assoit, il choisit une cuillère à droite ou à gauche
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