Dans la jungle de la phrase française 5
borne infranchissable 4. L’exemple (5) aligne donc deux phrases P (non pas Π →
P1 + P2).
• L’énonciation ancre l’énoncé dans une situation de communication en stipulant
qui énonce (accessoirement à qui) 5, quand (accessoirement où) et la modalité que
sélectionne l’énonciateur (assertive = « je prétends que… », interrogative = « je
demande si… » ou injonctive = « je veux que… »).
• L’énoncé installe une prédication à trois termes ou, métaphoriquement exprimé,
lance un pont dont le premier pilier forme le thème, le second pilier le rhème et le
tablier la copule, visible en cas de rhème non verbal, nom ou adjectif : Pierre est un
avocat ou Marie est futée, etc., invisible et subductivement – les mots subduction
et subductif sont de Gustave Guillaume, qui revivie ainsi la théorie du verbe
substantif = « sous-jacent » de Port-Royal – inscrite au verbe en cas de rhème
verbal : Pierre plaide ou Pierre demande la parole 6. La prédication complète à
trois termes s’expose à perdre en discours un ou deux termes : Au feu ! (omission
du thème). Vous ici ? (omission de la copule). – Qui chante ? – Pierre (la réplique
se dispense de répéter le rhème), etc. Cette prédication incomplète n’en reste pas
moins… une prédication 7.
• Le thème coïncide avec le sujet grammatical et non, attention, comme on le
prétend généralement (et comme la Grammaire critique du français l’a soutenu
– mea culpa – jusqu’à sa troisième édition de 2003, abusée par l’acception
banale de thème = « sujet, idée, proposition qu’on développe » [d’après le Petit
Robert] vs l’acception technique de « fondation, socle, soubassement » [d’après
le Dictionnaire grec-français de Liddell et Scott]), le sujet logique (celui, suivant
la doxa, « dont on parle, dont il est dit quelque chose, etc. »). Sont l’un et l’autre
sujets grammaticaux, outre le syntagme nominal mes souliers de (3), le il référentiel
4 Cavanna,Cavanna, Mignonne, allons voir si la rose… (Paris, Albin Michel, 22001 : 47-48) :
« Quand tu t’aperçois que tu te perds en un labyrinthe tortillant, que les incidentes,
les mises en apposition, les subordonnées conjonctives et les relatives s’emmêlent et
ne mènent à rien qu’au galimatias, alors, arrête-toi. Ferme les yeux. Respire un grand
coup. Deux, trois grands coups, bien profonds. Et distribue des points. De beaux gros
points ronds. »
5 Les questions « pour qui ? » et « pour quoi ? » ouvrent les vannes de la pragmatique.Les questions « pour qui ? » et « pour quoi ? » ouvrent les vannes de la pragmatique.
6 Guillaume (Guillaume (21969 : 74) : « [Être] apparaît subductif, idéellement antécédent, par rapport
au reste de la matière verbale. Ne faut-il pas “d’abord” être pour pouvoir “ensuite”
se mouvoir, aller, venir, marcher, manger, boire, dormir, jouir, souffrir, voir, regarder,
entendre, écouter, sentir, penser, etc., etc. ? »
7 Pour le détail et les justications, cf. Wilmet 2007a : § 159 sv.Pour le détail et les justications, cf. Wilmet 2007a : § 159 sv.