Mais, en renouvelant sans cesse l'offre de biens et de services, la
destruction créatrice infantilise aussi les consommateurs insatiables. A
peine ont-ils consommé qu'il leur faut bientôt recommencer. Vous
avez aimé la 3G? Vous adorerez la 4G! Selon Houellebecq, la
destruction créatrice fait de nous des «kids définitifs» jamais rassasiés,
jamais satisfaits. D'où la fascination de Jed, héros de «la Carte et le
Territoire», pour les hypermarchés.
A quoi aboutit la destruction créatrice?
Logiquement, à l'épuisement du monde et de l'homme. Schumpeter
postulait que ce mécanisme déboucherait sur une social-démocratie
apaisée. Houellebecq est beaucoup plus pessimiste. Il considère que
les Trente Glorieuses et l'Etat providence ont permis une hausse du
pouvoir d'achat et l'entretien d'un certain nombre «d'inutiles,
d'incompétents et de nuisibles», mais aussi d'écornifleurs modestes
(Michel dans «Plateforme») à qui va sa tendresse.
Mais cette parenthèse s'est refermée. La compétition mondialisée ne
peut aboutir qu'à une extinction. Surpopulation, épuisement des
ressources, inégalités croissantes... Comme Malthus, Houellebecq
pense que le capitalisme court à sa perte, car il est suicidaire. Malthus
avait théorisé la baisse tendancielle du profit. Houellebecq reprend
cette notion et l'applique à la sexualité. Il parle de baisse tendancielle
du désir. La consommation sexuelle toujours insatisfaite mène à la
pornographie ou à la partouze tout aussi insatisfaisante et lassante car
toutes deux dénuées d'amour.
Sur quoi fonde-t-il cette prophétie d'une autodestruction du
capitalisme?
La plupart des économistes croient au retour à l'équilibre. Soumis à la
loi de l'offre et de la demande, les marchés finissent par se réguler
même s'il faut passer par des périodes de crise. Les ressources
s'épuisent? Les gains de productivité y pourvoiront. Les espèces
disparaissent? L'homme en créera de nouvelles.
Mais Houellebecq, qui est un romancier du passage inexorable du
temps, de l'irréversibilité et de l'entropie, ne croit pas à ce retour à
l'équilibre. Il pense au contraire que tout processus de dégradation va à