LES ALPES Mercredi 04/01/2017 INTRODUCTION La chaîne des Alpes est un vaste ensemble de reliefs, large de quelques centaines de km et dessinant un arc de plus de 1000 km de long entre Vienne (Autriche) et la Corse. C’est un édifice majeur des paysages européens, comportant un certain nombre de sommets au delà de 4000m. Les Alpes constituent une chaîne orographique coincée entre le Massif central français à l’W et le bassin Pannonique à l’E. D’W en E, on peut distinguer l’arc des Alpes Occidentales puis une partie rectiligne entre lac Léman et Dassin Panonnique comportant au N, les Alpes centrales puis les Alpes Orientales et au S les Alpes Méridionales. è ALP 1 L’étude sera effectuée sur les Alpes franco-italo-suisses en la limitant à la partie visible sur la carte de France au millionième et s’articulera autour de 3 questions ü Comment les Alpes s’inscrivent-elles dans la dynamique lithosphérique ? ü Quelle est la structuration de l’édifice ? ü Quels sont les indices et les vestiges de l’histoire de cette chaîne ? ü Peut-on reconstituer les grandes étapes de son histoire géodynamique ? I. LES ALPES, UNE LIMITE DE PLAQUES ACTUELLE EN CONVERGENCE I.1 LES TEMOIGNAGES DE LA SISMICITE ACTUELLE Les séismes témoignent d’instabilités mécaniques Localisation des séismes à la surface du globe et « zoom » sur la sismicité dans le secteur Alpes – Apennins – Adriatique Ø Alp 2 Localisation plus importante de la sismicité dans la partie sud de l’arc alpin. A replacer dans un contexte géodynamique très bien connu Les Alpes sont localisées au niveau d’une limite convergente de plaques caractérisée par une vitesse propre en même temps qu’une limite divergente fonctionne dans l’Atlantique avec sa vitesse propre. Entre ces deux limites, il existe une structure d’accommodation sous la forme de failles de transfert (ou F. transformantes), dont la faille du détroit de Gibraltar, qui passe vers l’E à un décrochement légèrement compressif dans les Cordillères Bétiques (SE Espagne : Cordopue-Grenade), dans le Rif et en Kabylie. L’histoire des Alpes est donc étroitement liée à l’histoire de l’Atlantique : la convergence Afrique / Europe entre en compétition avec la divergence de l’Atlantique. I.2 LES APPORTS DE LA GEODESIE L’étude de la distribution de la sismicité doit être complétée par une approche géodésique : sur des intervalles de temps de quelques jours à quelques années, possibilité de mesurer des déplacements horizontaux et verticaux de quelques millimètres seulement. En combinant sismicité et vecteurs déplacement, on constate que l’Afrique converge vers l’Europe à des vitesses de 4 à 7 mm/an : ces vitesses sont variables au cours du temps, et globalement la vitesse est moins importante à l’W qu’à l’E, ce qui détermine un mouvement de rotation antihoraire de l’Afrique, responsable d’un transfert de contraintes vers l’Europe au niveau des Alpes (pôle de rotation décrivant leur mouvement relatif est situé à l’W (mais non loin) de Gibraltar). B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 1 Ø Alp 3 Il existe 3 petites fosses de subduction encore actives (pointillé bleu) dans la fosse héllénique : SE de la Sicile, S de la Grèce et SE de la Turquie. Le trait rouge correspond à d’anciennes limites de plaques qui constituent aujourd’hui un front de chaîne de montagne. Le contexte géodynamique méditérannéen dans lequel est situé la chaîne Alpine met en jeu 4 plaques : l’Europe (EU), l’Afrique (AF), l’Arabie (AR) et l’Anatolie (ANA) qui se sont séparées de la plaque Afrique depuis moins de 35 Ma. La chaîne alpine résulte du rapprochement entre l’Eurasie au Nord et le bloc Apulie-Afrique-Arabie (issues du Gondwana) au Sud. De l’Arc des Alpes occidentales à celui des carpates, la chaîne est quasiment continue. Ce rapprochement a débuté voici 100 Ma. De façon plus générale, l’exemple des Alpes montre que les contraintes liées à la convergence Afrique / Europe sont transmises à l’ensemble du territoire français : ü Pourquoi le Massif Central ou le Massif Armoricain, portions d’une vieille chaîne complètement érodée, affleurent-ils ? ü Pourquoi le Massif Armoricain est-il à une altitude supérieure à celle du Bassin Parisien ? Ø Alp 4 Cela s’explique si on suppose que la lithosphère continentale européenne se déforme par ondulations à grande longueur d’onde (100-200 km.), avec formation de gigantesques anticlinaux et synclinaux (flambage lithosphérique). D’ailleurs, le Bassin Parisien est « mollement » plissé : cf. anticlinal du pays de Bray. On peut penser que le Massif Armoricain et le Massif Central correspondent à des anticlinaux à l’échelle de la lithosphère. II. ORGANISATION STRUCTURALE DES ALPES OCCIDENTALES Cette étude a été effectuée lors de la séance 1 du 16/11/2016 II.1 LES GRANDES ENSEMBLES STRUCTURAUX I.1.1 Les informations de la carte au 10-­‐6 La carte géologique de la France au millionième sur laquelle s’appuie cette première approche sera vue en TP. Un schéma structural de la chaîne des Alpes est réalisé à partir de ce document. Ø Carte géol au millionième (commun TP) Si l’on fait abstraction des affleurements de roches magmatiques et métamorphiques varisques de fond rouge (qui ne relèvent pas de l’histoire alpine), une vue d’ensemble montre, en partant de la plaine du Pô, du Piemonte (affleurements q2, q3), une succession de secteurs épousant la forme arquée de l’ensemble, à savoir, de l’est (bord interne de la chaîne) vers l’ouest (bord externe): • une zone de fond turquoise (j2c) constituée par la nappe des schistes lustrés, où affleurent des roches basiques à ultrabasiques (oph 1, ub), à dominante verte, • une zone de fond gris (h2-3) et violet (t2, tj) qui constitue la couverture sédimentaire de la zone briançonnaise, • une zone de fond plus varié bleu (j1, 2 et 3), vert (c1 et 2), orangé (e2) soit la couverture sédimentaire de la zone dauphinoise, • une zone comportant la vallée du Rhône, le Bas Dauphiné, la Bresse et le bassin suisse, marquée par des dépôts cénozoïques (g, m et q). Plus à l'ouest, le Massif Central et le Jura leur font suite. I.1.2 Le schéma structural La nette délimitation de ces secteurs est due à la présence d’accidents majeurs qui les séparent. Il s’agit pour l’essentiel de chevauchements ou charriages à vergence (sens de déplacement) générale ouest. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 2 Ø Alp 5 Ainsi peut-on définir d’est en ouest, une zone piémontaise et ligure ou liguro-piémontaise (j2c) chevauchant (en partie) une zone briançonnaise (h2-3, t2, tj), elle-même chevauchant par un accident majeur qualifié de front pennique ou Chevauchement pénique Frontal (CPF) la zone dauphinoise. La base de ce chevauchement présente du gypse (« savonnette du géologue » !!) qui permet le découplage rhéologique . Les analyses tectoniques et métamorphiques conduisent à distinguer une zone externe, non métamorphique (zone dauphinoise) et des zones internes (zones briançonnaise et liguro-piémontaise) de la chaîne. Cette subdivision est justifiée par l’analyse de leur mise en place (cf plus loin). Les dépôts cénozoïques constituent le bassin d’avantchaîne, pour l’essentiel un bassin molassique, qui s'étend depuis la Suisse jusqu'aux départements de la Savoie et de l’Isère. Au Sud, on note les bassins de Digne-Valensole et du Bas-Dauphiné. Au sein de la zone dauphinoise affleurent des plutonites varisques (14 à 18), de fond rouge, qui constituent les massifs cristallins externes (Mont-Blanc, Aiguilles Rouges, Belledonne, Pelvoux et Mercantour). La zone briançonnaise comporte une partie des massifs cristallins internes (Grand Saint-Bernard, Mont Pourri, Vanoise, Ambin), constitués de métamorphites anciennes (bk), de plutonites anciennes (7) et de houiller (h). L’autre partie des massifs cristallins internes est piémontaise (Mont-Rose, Grand Paradis, Dora Maira) constitués de plutonites fini-varisques (18, 20). L’analyse fine de cette carte et surtout les compléments fournis par d’autres documents conduisent à distinguer deux autres zones plus internes, peu représentées dans les Alpes occidentales, mais qui ont une importance dans l’interprétation géodynamique de cette chaîne. Elles affleurent au N de Turin (Torino). Il s’agit de : ü la zone austro-alpine, affleurements bistres (br) anciens, chevauchant à l’ouest la zone liguro-piémontaise et se terminant du côté interne (est) contre la faille insubrienne ; on parle encore de zone de Sesia (localité italienne de ce secteur) ; ü la zone sud-alpine, affleurements anciens (b) s’appuyant à l’ouest sur la faille insubrienne et largement cachetés par les dépôts quaternaires de la Lombardie à l’est. La faille ou « ligne » insubrienne est en fait un faisceau de failles dont certaines sont décrochantes dextres (voir l’indication reportée sur la carte et les blocs décalés de part et d’autre). Une autre zone existe, coincée entre les zones Dauphinoise et Briançonnaise, dans les Alpes du Nord (Savoie et Valais suisse). Il s’agit de la zone valaisane comportant une couverture sédimentaire (t, J, et c2-e: flyschs) sur des ophiolites (oph). Le Piémont et la Lombardie (bassin de la plaine du Pô), vastes zones subsidentes (voir les isobathes de la base du Pliocène) ainsi que le Montferrat (sud de Turin) sont à rattacher à la chaîne des Apennins, dont l’extrémité septentrionale figure à l’est de Gènes (Genova). Le bassin du Pô est une vaste zone subsidente (voir les isobathes de la base du Pliocène) à rattacher à la chaîne des Apennins, dont l’extrémité septentrionale figure à l’est de Gènes (Genova). La plaine du Po, très plate, correspond au remplissage sédimentaire sub-actuel d'une zone subsidente très dissymétrique, les zones les plus subsidentes se trouvant juste au Nord des principaux chevauchements apenniniques. C'est un bassin flexural (anciennement appelé bassin molassique). Sous le poids des nappes apenniniques s'avançant vers le Nord, le substratum austro-alpin est fléchi (réponse isostatique à une surcharge) et subside fortement. La subsidence s'accompagne en même temps d'une forte sédimentation, ce qui fait que la dépression ainsi créée ne s'enfonce pas sous le niveau de la mer, comblée en même temps qu'elle se forme. La plaine du Po est à relier à l'Apennin, et en aucun cas aux Alpes. L'équivalent alpin de la plaine du Po est le bassin molassique suisse qui constitue le bassin flexural des Alpes. Enfin, dans chacune de ces zones, existent des chevauchements, considérés comme des accidents de second ordre par rapport aux précédents. II.2 SOCLE ET COUVERTURE Socle et couverture désignent deux ensembles de roches, opposés par leur nature et leur comportement mécanique, séparés par une discordance. Cette notion a été très discutée dans les Alpes. Nous considérerons que l’ensemble des formations paléozoïques ou plus anciennes constitue le socle alpin, alors que les roches mésozoïques et cénozoïques forment la couverture (excepté les ophiolites du plancher océanique alpin). B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 3 Ø Photo de Maurienne + TP (Carte Annecy 1/250.000) Par extension, pour les formations océaniques, nous considérerons comme socle – au sens mécanique du terme - les roches magmatiques basiques et ultrabasiques de la lithosphère océanique, les ophiolites, et comme couverture leur toit sédimentaire. Parfois, quelques dépôts du début du secondaire peuvent être inclus dans le socle. II.2.1 Les unités du socle Le socle dauphinois : Il forme les massifs cristallins externes (Mont-Blanc, Aiguilles Rouges, Belledonne, Pelvoux, Mercantour). L’altitude de ces plutonites varisques, bien supérieure à celle de ces mêmes formations dans les massifs anciens, témoigne de leur reprise dans une tectonique récente, alpine. Il comporte aussi des reliques d’un océan primaire (ophiolites de Chamrousse à l’est de Grenoble). Nombre de ces affleurements sont affectés par un métamorphisme d’âge varisque (surcharge rouge). Le socle briançonnais : Il représente une partie des massifs cristallins internes (Grand St Bernard, Mont Pourri, Vanoise, Ambin..). La plupart de ces formations est affectée par le métamorphisme alpin (figuré en bleu) dans les faciès des schistes verts et des éclogites (massif d’Ambin) Le socle piémontais : il forme l’autre partie des massifs cristallins internes (Mont Rose, Grand Paradis, Dora Maira). Ce socle est affecté par un métamorphisme alpin dans le faciès des éclogites. Au sud du massif de Dora Maira, deux étoiles marquent l’emplacement des unités alpines à coésite. Toutes ces formations sont associées à un socle ligure de tout autre nature. Le socle austro-alpin : La zone de Sesia est essentiellement constituée par un socle ancien (br) et deux types de plutonites, varisques (méso : 13 et néo : 21) et alpine (23). C’est la première fois que nous rencontrons des "granites" alpins qui sont peu représentés. Les formations anciennes ont subi un métamorphisme alpin dans le faciès des éclogites. Notons également dans la partie sud de cette zone la présence de péridotites (ub) dans le massif du Lanzo, interprétées comme un affleurement de manteau. Le socle sud-alpin : La zone d’Ivrea, essentiellement représentée par un socle ancien (b) et des plutonites varisques (20,21) est affectée d’un métamorphisme permo-triasique sud-alpin (attention, les figurés ne sont plus bleus mais violets) dans les faciès des amphibolites et des granulites. Un métamorphisme mésovarisque est aussi observable. Le socle de l'océan alpin (zone ligure) : La zone liguro-piémontaise comporte aussi des affleurements de magmatites basiques de complexes ophiolitiques (oph, ub). Ce sont des restes du plancher océanique alpin (de la Téthys) qui forment le socle océanique ligure. Fréquemment ces lambeaux entourent, via des contacts tectoniques, les massifs cristallins internes piémontais (Mont Rose, Grand Paradis), ces derniers affleurant à la faveur de fenêtres. Citons le massif du Chenaillet (Montgenèvre, à l’est de Briançon), les ophiolites du Queyras, celles du Mont Viso accolées au bord externe du massif de Dora Maira. Ces formations, à l’exception du Chenaillet, sont également affectées par un métamorphisme alpin dans les faciès “schistes bleus” et “éclogites”. II.2.2 Les unités de la couverture Les Schistes lustrés s’étalent en larges nappes vers l’W. La klippe du Mont Jovet en ZB en constitue un témoignage.. La nappe des Flysch à helminthoïdes (FH) au sommet (K>), décollé avant métamorphisme et répandu vers l’W en vastes klippes. o Ubaye-Embrunnais et Alpes Maritimes sur la ZD o Unités sommitales des Pré-Alpes Les nappes apuliennes chevauchent le crâton européen mais elles n’existent pas dans les Alpes Occidentales. Visibles dans la zone de Sésia, ces nappes se développent dans les Alpes Centrales et surtout dans les Alpes Orientales. Les sondages montrent leur présence sous les molasses de la plaine du Pô. La klippe de la dent blanche appartient à ce domaine B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 4 Bilan La chaîne alpine présente une disposition en éventail marquée par : ü Chevauchement vers le N des Alpes sur le bassin molassique suisse, autricien et allemand ü Chevauchement vers le S des Alpes méridionales qui chevauchent et sont recouvertes par les molasses de la plaine du Pô Un accident majeur, le Front Pennique ou Chevauchement Pennique Frontal délimite les Alpes internes et les Alpes externes. A ce niveau, la ZB chevauche vers l’W la ZD. La faille insubrienne est un décrochement dextre qui sépare les Alpes centrales des Alpes méridionales. Elle est jalonnée de petits massifs granitiques oligo-miocènes dont nous discuterons l’importance pour la chronologie. Les Alpes sont le témoignage de l’affrontement de deux plaques continentales, l'Europe (W et NW) et l'Apulie (promontoire septentrional de la plaque africaine à l’E) avec une suture océanique vestige de l'Océan Alpin, la Téthys ligure. Les zones paléogéographiques et les grands ensembles structuraux définis dans ce qui précède se superposent. III. LES INDICES DE L’ÉPAISSISSEMENT ET DU RACCOURCISSEMENT Trois marqueurs fondamentaux qui doivent être associés: ü Topographie (relief positif) et racine orogénique (dont témoigne une anomalie gravimétrique négative) = épaississement. ü Bassin flexural. ü Structures tectoniques ( plis, chevauchements, décrochements,…). III.1 LES MARQUEURS DE L’ÉPAISSISSEMENT III.1.1 La topographie Relief positif (Attention : tout relief positif n’est pas une chaîne de collision) Ø Diapo Image topographie Il s’agit d’un M.N.T (Modèle Numérique de Terrain). Ce relief positif est couplé à une anomalie gravimétrique négative : Ø ALP 6 Cette image indique la présence en profondeur d’un excès de masse de densité inférieure à la densité moyenne de la lithosphère. La profondeur du Moho : plus importante sous la chaîne : idée d’une racine crustale Imagerie par sismique réflexion: TP profil Ecors Ø ALP 7 Profil transversal aux Alpes occidentales : coupe nord-ouest / sud-est ; en rouge : sédiments européens ; en blanc avec pointillé rouge : la croûte continentale européenne ; en jaune : sédiments du bassin padan ; en hachures verticales : croûte continentale apulienne ; en gris : le manteau) On observe le plongement actuel de la lithosphère européenne sous les Alpes et sous la lithosphère africaine On voit bien également l’épaississement crustal (Moho vers -55 km) ainsi qu’une « lame » de manteau impliquée dans l’épaississement qui est donc lithosphérique et pas seulement crustal : la formation des Alpes est bien un processus à l’échelle lithosphérique. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 5 Remarquons également que les deux marges continentales sont déformées (plis, chevauchements…) : cela signifie qu’il n’y a « plus rien à subduire », avec en conséquence un transfert de la déformation sur les 2 marges, ce qui est un témoignage d’une collision continentale III.1.2 Le bassin flexural Ø ALP 8 En liaison avec le sous-charriage de l’Europe sous l’Afrique, c’est l’Europe qui supporte le poids de la chaîne et a subi une flexure quasi élastique, faisant apparaître une dépression, réceptacle des produits de l’érosion de la chaîne : le bassin molassique péri-alpin. Il constitue une réponse à une surcharge provoquée par l’épaississement lithosphérique associé à la collision. Ce bassin formé dans un contexte de convergence présente une anomalie topographique négative avec un message sédimentaire : extraction de la chaîne d’un excès de masse, d’où la possibilité par datation des premiers sédiments de déterminer l’âge du début de la collision : Oligocène inférieur (34±4 Ma), certes avec une petite indétermination, mais le début de la collision n’est ni crétacé, ni quaternaire ! Remarque : La plaine du Pô (ou bassin padan) est un autre bassin flexural, lié aux Apennins, autre chaîne de collision III.1.3 La migmatisation, réponse thermique à l’épaississement On se place maintenant en profondeur au niveau de la racine orogénique Epaississement de la croûte continentale = augmentation des sources radiogéniques (principalement donc de la production de chaleur 40 K et 238 U), Sur une échelle de temps dépassant 10 Ma, on peut donc prédire une réponse thermique avec développement d’un gradient géothermique anormalement fort ; le décalage temporel (10 Ma contre 1-2 Ma pour l’apparition du bassin flexural) étant lié au fait que les roches sont de mauvais conducteurs thermiques (diffusivité thermique : environ 106 m2.s-1). Plusieurs Ma sont donc nécessaires pour qu’un transfert de chaleur puisse s’effectuer sur une distance significative. On peut donc s’attendre à une fusion partielle de la croûte continentale : migmatites… Certes, on n’observe pas la racine alpine à l’affleurement…(nous mentionnerons plus loin quelques plutons probablement liés à cette fusion partielle, avec extraction et remontée des liquides au voisinage des grands décrochements situés à l’est de la chaîne). D’où la démarche de se déplacer spatialement et dans le temps en observant le Massif Central (ou Armoricain) : la collision y est datée autour de 380-350 Ma On a aujourd’hui en surface les vestiges d’une vieille chaîne érodée, pénéplanée, plus précisément ses racines, que l’on peut penser être des analogues de la racine alpine : migmatites et granitoïdes abondants ; quand la fusion partielle atteint un degré suffisant, les liquides sont collectés, montent et forment des plutons III.2 LES INDICES DU RACCOURCISSEMENT Ce sont des plis de géométrie variée, des failles inverses ou chevauchements, avec parfois association de plis et de failles inverses (pli-faille : Jura). Toutes ces structures sont bien lisibles sur la carte de la France au 1/106 Quelques exemples : Le front pennique: Structure majeure à l’échelle de l’arc alpin; limite de la plaque Europe (subduite, ployée ; portant des terrains sédimentaires déformés, non métamorphiques) / zones internes des Alpes = zone épaissie (des terrains métamorphiques), avec chevauchement des zones internes métamorphiques sur l’avant-pays européen B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 6 En toute rigueur, il ne faudrait pas parler de chevauchement, mais de sous-chevauchement (ou sous-charriage, dont un bon exemple est la subduction : sous-charriage d’une lithosphère sous la lithosphère de la plaque supérieure), car un « caillou » dense ne peut pas se mettre sur un caillou moins dense… Plissements : Plissement = déformations à toutes les échelles (massif, cf. carte ; affleurement ; lame mince ) Ø ALP 9 Secteur du Bourg d’Oisans. Grand pli synclinal à plan axial subvertical), Alpes autrichiennes Plis failles Pli couché Déformation au niveau des minéraux une déformation ductile permanente) Un lien spatio-­‐temporel entre failles et plis très important existe : Exemple des grès du Champsaur: représentent une partie de la couverture sédimentaire de la croûte européenne au niveau du Pelvoux è ALP 10 1 : observations de terrain : formation sédimentaire très plissée, les plis se localisent sous le front pennique 2 : géométrie : coupe schématique, montrant un gradient de déformation : plus on est proche du front pennique, plus c’est déformé 3 : cinématique : indiquée par les linéations d’étirement 4 : dynamique: le moteur du plissement paraît donc être le sous-charriage de la lithosphère européenne : les grès du Champsaur, coincés entre Briançonnais et croûte continentale Pelvoux, et moins résistants rhéologiquement ont été déformés par plissement : importance du contraste rhéologique dans la formation des plis. Comprendre leur distribution dans l’espace et le temps est une clé de la compréhension de la tectonique de la collision. Une analogie : la rencontre d’un caterpillar et d’un tas de sable avec ses limites. Ø ALP 11 Lors de la convergence de deux objets, si contraste rhéologique, alors déformation avec raccourcissement et épaississement (ici, uniquement vers le haut, contrairement à la chaîne de montagnes !) Au début de la convergence et si la vitesse est lente, formation de plis Si la vitesse augmente, si on dépasse le seuil de déformation continue, alors développement de failles inverses L’épaississement crée une anomalie topographique positive, qui représente une instabilité gravitaire : érosion, d’autant plus qu’il pleut (entraînement vers les points bas) et transport de l’excès de masse en contrebas (équivalent d’un bassin molassique à la flexure près) En ayant bien conscience des limites de l’analogie par rapport à la réalité, dans le cas des Alpes, le caterpillar est le manteau de la lithosphère apulienne qui joue le rôle de poinçon rigide III.3 COMMENT DATER LA COLLISION ? Principe : étude des relations tectonique / sédimentation : l’âge le plus récent des sédiments impliqués dans une structure tectonique fournit l’âge minimum de la déformation Ø ALP 12 En gros, la déformation paraît se propager vers l’Europe stable de l’Oligocène (vers 36 Ma) jusqu’à l’actuel : par exemple, la faille inverse de l’île Crémieu est encore active…et on assiste à une fermeture du fossé bressan (inversion tectonique) Idem pour la marge sud-alpine: 25-6 Ma, ce qui indique des déformations plus récentes que du coté européen… A nouveau que les 2 marges sont déformées : marqueur clé de collision continentale. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 7 Autre donnée : la datation des grands chevauchements, comme celui de la Dent Blanche (haut de la diapo 33) par datation des recristallisations minérales associées : 35-30 Ma Retour à la fusion partielle prédite suite à l’épaississement crustal : les quelques plutons (leur nature est variée : granites, syénites, diorites) localisés au niveau du système de décrochements de la ligne insubrienne ont été datés par radiochronologie (Rb-Sr, U-Pb sur zircons) de 30 à 5 Ma, ce qui donne également un âge minimum pour la collision Ø ALP 13 Bilan : différents arguments conduisent à dater la collision de l’Oligocène inférieur, la convergence continuant encore actuellement (cf. géodésie) Ajoutons un autre élément, bien que fort discuté (son principal intérêt est à ce stade de faire réfléchir) : ce sont les fossés d’effondrement péri-alpins d’âge également Oligocène (tectonique distensive, remplissage sédimentaire et volcanisme) : fossé Rhénan, Limagnes… Ø Alp 14 Ø Alp 15 extrait carte géol (Capes 2006) Pourquoi cette extension se serait-elle arrêtée-elle fin Oligocène (rifts avortés) ? Du fait d’un blocage de la subduction continentale, peut-être liée à la rupture du panneau plongeant, avec passage à la collision IV. LES MARQUEURS D’UN ANCIEN OCEAN ET DE SES MARGES La présence des ophiolites, lambeaux de lithosphère océanique, indiquent l’existence passée d’un océan. IV.1 LA ZONE DAUPHINOISE : UNE MARGE PASSIVE Le message sédimentaire délivre 3 types d’information: - types et milieux de dépôt - chronologie des dépôts (paléontologie, biostratigraphie) - datation tectonique / sédimentation (chronologie relative) Exemple des zones externes au niveau du Bourg d’Oisans Sur le versant W de Belledone et le long d’une transversale E-W à travers l’Oisans et le Pelvoux, on voit des failles normales avec des : sédiments ante-rift (Trias) sédiments syn-rift (Jurassique inférieur) : types de dépôts : variations latérales des dépôts (épaisseur, contenu), brèches de faille types de surface : - surface de discordance syn-rift / ante-rift avec onlap - surfaces de discordance internes aux dépôts syn-rift, avec onlap - surface de discordance post-rift / syn-rift avec onlap Sédiments post-rift (Jurassique moyen,…) Ø Alp 16 Ces failles normales sont reprises en compression mais pas de chevauchement ni de failles inverses. Les blocs basculés jouent le rôle de poinçon rigide. En dépliant les structures plissées, possibilité de reconstituer une géométrie typique de blocs basculés, donc une marge en extension. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 8 De petits blocs basculés préservés peuvent même être observés dans des endroits favorables comme les lacs Besson (au dessus de l’Alpe d’Huez) : Ø ALP 17 à gauche de la photo : socle continental à pendage Est à droite sédiments syn-rift à pendage Ouest (dolomies du Trais à patine rousse ; noter le niveau clair qui matérialise la stratification) L’étude des sédiments, qui révèle de forts contrastes aboutit à une reconstitution classique de marge passive au Jurassique : • • • Z. dauphinoise : sédimentation mésozoïque puissante et continue sur croûte continentale amincie Z. briançonnaise : sédimentation mésozoïque condensée avec lacunes (par exemple, du Jurassique inférieur) sur blocs basculés avec 2 modèles différents : modèle B symétrique et modèle A fortement asymétrique Z. piémontaise : sédiments pied de marge et surtout pour l’essentiel océaniques (avec radiolaires, Globotruncana…) se déposant au pied d’une marge continentale qui devait ressembler à celle de la Galice actuelle. Ø ALP 18 IV.2 LE MESSAGE DES OPHIOLITES DU CHENAILLET IV.2.1 Les données de l’observation Ø ALP 19a Noter la faible épaisseur des basaltes, le fait qu’ils reposent parfois directement sur des serpentinites = manteau hydraté, localement bréchifié Les plagiogranites océaniques sont des leucotonalites pauvres en K2O qui forment de petits filons dans les parties sommitales des gabbros. Deux mécanismes de formation existent (d’après Nedellec/Bouchez p 213) : ü Cristallisation fractionnée de liquide gabbroïque ü Fusion partielle de CO déjà cristallisée Les gabbros sont en fait en petites poches intra-serpentinites (versant ouest du Chenaillet) et le manteau est affecté de failles normales (forte activité tectonique et détritisme associé : brèches à éléments de serpentinites, gabbros…) IV.2.2 Les données cartographiques La carte montre deux ensembles de roches. ü Les trois composants d’une série ophiolitique : serpentinites (péridotites), gabbros (dont certains sont déformés) et basaltes tholéitiques constituent un socle océanique. La forme en tubes des basaltes atteste d’un épanchement sous-marin. Ce substratum est recoupé de filons de plagiogranites (albitites) et d’intrusions de dolérites (roches intermédiaires entre basaltes et gabbros). ü La couverture sédimentaire constitue le deuxième ensemble. Elle débute par endroits par des brèches ophicalcitiques, suggérant l’éboulement d’escarpements de serpentinites au sein d’une sédimentation planctonique carbonatée. Les radiolarites attestent également d’un dépôt marin profond (sous la CCD) sur le socle océanique. Ø ALP 19b La coupe SO/NE montre la succession péridotites, gabbros et basaltes sous la forme de klippe(s). On observe au sein de cette klippe une fenêtre (Gimont) à l’est. Ces unités liguro-piémontaises chevauchent à l’ouest celles de la zone briançonnaise. L’estimation grossière de l’épaisseur des gabbros donne une valeur de 400 m. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 9 Les gabbros sont localement très déformés et transformés minéralogiquement (par exemple : clinopyroxène + plagioclase + eau → hornblende) : ce sont en fait des méta-gabbros ; les minéraux métamorphiques sont disposés dans les plans de foliation, ce qui indique que déformations et métamorphisme sont contemporains. CPx + FPL + H2O = Hb Or par endroit, les méta-gabbros sont recoupés par des filons basaltiques non déformés : on peut proposer que déformations et métamorphisme des gabbros sont contemporains de l’expansion océanique (le métamorphisme est océanique!) ; Les filons basaltiques traversant les méta-gabbros alimentaient probablement les volcans ponctuels signalés plus haut ; par radiochronologie, on a daté la cristallisation des minéraux basaltiques (zircons : U-Pb) entre 170 et 130 Ma : Jurassique IV.2.3 Le Chenaillet, une ophiolite de type LOT L’épaisseur limitée des gabbros (et des basaltes), l’absence de complexe filonien, la nature lherzolitique de la péridotite (taux de fusion faible n’éliminant pas la totalité du clinopyroxène) opposent cette ophiolite à celle de l’Oman (épaisseurs kilométriques, présence d’un complexe filonien, péridotite de type harzburgite sans clinopyroxène). Les basaltes forment des coussins et des tubes et reposent soit directement sur les péridotites, soit sur les gabbros. La surface océanique était constituée par endroits de manteau mis à nu. Ces caractères sont le signe d’une expansion océanique lente, à l’origine d’une ophiolite de type LOT. D’où la reconstitution proposée (coupe en bas, à droite ; Lagabrielle) et sur le bloc-diagramme (1 : serpentinites ; 2 : gabbros ; 3 : détritisme ; 4 : volcan basaltique) Ø ALP 20 Rappel: deux grands types de dorsale océanique • Dorsale type Est Pacifique : expansion rapide, croûte magmatique épaisse et continue (modèle ophiolitique H.O.T. : Oman) • Dorsale type Atlantique Central : expansion lente, croûte discontinue, mince quand elle existe (modèle ophiolitique L.O.T. : les ophiolites alpines) Bilan : Le message essentiel des ophiolites : un océan, son type et son âge ! IV.3 LES ALPES AVANT LES ALPES Les études paléo-magnétiques réalisées dans les terrains d’âge permien à jurassique moyen (notamment, laves) aboutissent à des positions des paléo-pôles Nm différentes pour le Dauphinois et le Briançonnais : ces 2 domaines ne pouvaient être côte à côte ! L’Atlantique central ouvert de même que l’océan alpin (avec faille de Gibraltar), l’Atlantique sud non ouvert et l’Atlantique nord au stade rifting, Beaucoup de ressemblance entre cette reconstitution des fonds de l’océan alpin et ceux de l’Atlantique central, ce qui suggère une analogie en terme de fonctionnement : d’ailleurs, l’ouverture de l’océan alpin (encore appelé ligure ou liguro-piémontais ou téthysien) est corrélée à l’ouverture de l’Atlantique Central via la faille de transfert de Gibraltar Longtemps considérée comme l’exemple classique d’un orogène dérivé de la Téthys, les Alpes sont en fait le produit de deux orogènes : Crétacé qui forme les Alpes orientales et Tertiaire qui forme les Alpes centrales et occidentales. L’évolution de ces deux orogènénèses peut être associée à l’histoire de deux systèmes océaniques différents. ü A l’Est, la néothétys disparaît sous l’Apulie. Sa fermeture correspond à l’orogénèse crétacé (Hors programme). ü A l’Ouest, la Téthys alpine dont la fermeture correspond à l’orogénèse tertiaire o formée au jurassique moyen, par extension de l’Océan Atlantique central, l’océan liguropiémontais o et au crétacé moyen, par un extension de l’océan Atlantique nord, l’océan valaisan. Ø ALP 21 B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 10 L’histoire des Alpes est totalement liée à l’ouverture diachrone de l’Atlantique et que dès -80 Ma le système océan alpin et ses marges passe en convergence alors que la collision est datée de l’Oligocène inférieur (au plus tôt -38 Ma) ! Que s’est-il passé pendant cette convergence Afrique / Europe entre 80 et 38 Ma ? La fermeture du domaine océanique alpin s’est réalisée avec deux types de subduction : une subduction océanique et une subduction continentale V. DE LA SUBDUCTION OCEANIQUE À LA SUBDUCTION CONTINENTALE Les Alpes sont installées sur la limite entre plaques Eurasie et Afrique et témoignent de la convergence de ces plaques, en particulier au Crétacé-Cénozoïque. Plus précisément, c'est le promontoire Nord de la plaque Afrique (Apulie), qui est impliqué dans la convergence avec l'Europe. La chaîne occupe l'emplacement d'un océan et de ses marges passives, développées alors que les mêmes plaques divergeaient, au Mésozoïque. L'essentiel de l'océan, la Téthys alpine ou océan liguro-piémontais, a disparu par subduction. Il n'en reste que quelques témoins, les ophiolites et leurs couvertures sédimentaires, les Schistes Lustrés. Ces deux ensembles lithologiques constituent la zone liguro-piémontaise. Il apparaît clairement que seuls les Schistes lustrés peuvent représenter un paléo-prisme d'accrétion sédimentaire au sens strict (sédimentaire). Quels sont les arguments ? V.1 LES MARQUEURS DE LA FERMETURE DE L’OCEAN ALPIN V.1.1 L’existence de trois grands types d’ophiolites 1. Chenaillet : pas de trace de structure ou de métamorphisme autre qu’océanique Chenaillet = un objet très préservé quasiment l’océan tel qu’on le verrait si on plongeait sur les fonds de la dorsale de l’Atlantique central 2. Queyras des schistes lustrés : petits morceaux d’ophiolites (gabbros, basaltes ou serpentinites) emballés dans d’immenses masses de schistes lustrés (métamorphisme schistes bleus indiqué sur la carte au 1/106) Ø ALP 22 Exemple de paysage : l’ophiolite du Bric Bouchet au sein d’un « océan » de schistes lustrés et vues rapprochées de petites ophiolites au « pied » du Bric Bouchet Schistes lustrés : méta-­‐sédiments avec trois composantes : carbonatée, détritique, volcano-­‐sédimentaire Méta-­‐gabbros à glaucophane, lawsonite et jadéite (lame mince: couronne de glaucophane autour d’un clinopyroxène magmatique) Lawsonite : sorosilicate Glaucophane : amphibole sodique, schiste HP Epidote = sorosilicate provient de l’altération FPL et Hb 3. Monviso Grandes masses d’ophiolites et très peu de schistes lustrés conditions métamorphiques éclogites sur la carte au 1/106: roches très transformées, reconnaissables essentiellement par leur composition chimique : méta-gabbros à jadéite (ou omphacite : intermédiaire entre jadéite et diopside), grenat et glaucophane Problématique : Comment expliquer la présence aujourd’hui à l’affleurement de trois types d’ophiolites très contrastés ? En examinant la nature actuelle (actualisme), notamment la subduction californienne (basse Californie) et de l’Oman : Ø ALP 23a B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 11 La subduction californienne est une subduction intra-océanique, avec prisme d’accrétion = mélange de sédiments océaniques, de morceaux de croûte océanique et de produits détritiques issus de la marge chevauchante (blocs de gabbros, basaltes et serpentinites) On a dans ce contexte une lithosphère océanique chevauchante, non transformée, ainsi que des morceaux de lithosphère océanique entraînés dans le prisme d’accrétion dans les conditions du faciès des schistes bleus ou des éclogites. Compte tenu de l’effet de butoir rigide du manteau de la lithosphère chevauchante, les roches sont bloquées en base du prisme, puis sont extrudées vers la surface Ø ALP 23b Les ophiolites de l’Oman, exemple classique « d’obduction » sur la marge continentale de la plaque Arabie, dans un contexte où il n’y a pas eu (encore) collision ; les roches de la marge arabique, observables dans des fenêtres tectoniques, sont affectées par du métamorphisme schistes bleus et éclogites. Ce n’est pas la lithosphère océanique qui est « montée » sur la lithosphère continentale, il y a nécessité d’un sous-charriage de la marge sous la lithosphère océanique, ce qu’on peut comprendre en faisant intervenir une subduction intra-océanique (déjà abordé): V.1.2 Les schistes lustrés, paléo-­‐prisme d’accrétion Carte et coupe géologique de la partie sud des Alpes occidentales (modifié d'après Schwartz, 2002). La zone liguro-piémontaise est constituée par deux ensembles juxtaposés. La partie la plus occidentale est à dominante sédimentaire et correspond aux unités de Schistes lustrés qui peuvent être assimilées à un paléo-prisme d'accrétion. Ces unités reposent sur des unités ophiolitiques (Monviso). A. Qu’est ce qu’un prisme d’accrétion océanique ? Rappel cours Océan : Il s'agit d'une structure tectonique générée par l'imbrication d'écailles sédimentaires à l'avant d'une zone de subduction. Cet écaillage est lié à l'existence d'un butoir rigide permettant de racler les sédiments pélagiques plus meubles de la croûte océanique en cours de subduction. Ce butoir localisé au-dessus de la croûte océanique subduite correspond soit à de la marge, soit à de la croûte océanique ou soit à un ancien prisme. Ø ALP 24 Coupe schématique d'une zone de subduction au niveau d'une marge active présentant un prisme d'accrétion océanique. On peut observer deux ensembles au sein du prisme d'accrétion : (A)- partie superficielle du prisme formée par accrétion frontale, (B)- partie profonde du prisme formée par sous-placage de matériel pélagique. B. Arguments sédimentaires et structuraux Le domaine des Schistes lustrés se caractérise par d'abondants volumes de sédiments océaniques correspondant à des calcschistes qui emballent quelques fragments de lithosphère océanique. Un calcschiste dérive de marnes ou de pélites calcareuses à surface satinée (séricite, rutile (TiO2)) La complexité structurale apparente des Schistes lustrés tient en premier lieu au changement de sédimentation au cours du temps. ü Jurassique : unités à ophiolites dissociées, ü Crétacé inférieur : calcschistes monotones ü Crétacé supérieur : d'unité à olistolithes, gros blocs appartenant à une masse glissée, emballée dans le sédiment en cours de dépôt. Les masses ophiolitiques présentes sont serpentinisées et contiennent des métagabbros et des prasinites complètement dissociées et dilacérées. Il n'existe plus de vrai plancher océanique. Cet écaillage de la lithosphère océanique résulte de la subduction. Une prasinite est une roche du FSV (Alb + Epidote + Chlorite + Amphibole) qui dérive d’une pélite calcareuse ou d’une roche basaltique. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 12 Le domaine des Schistes lustrés correspond donc à l'accumulation d'un important volume de matériel sédimentaire associé à des reliques de croûte océanique. L'ensemble présente une structuration complexe où l'on peut néanmoins reconnaître différentes unités superposées. C. Arguments métamorphiques Les différentes unités des Schistes lustrés piémontais montrent systématiquement des paragenèses de HP-BT. On observe dans les métasédiments la présence de chloritoïde ou de carpholite, tandis que dans les lithologies plus basiques on observe l'occurrence de lawsonite, zoisite, glaucophane et parfois d'omphacite. Carpholite : minéral du FSB contenu dans les métapélites. Zoisite : Sorosilicate du FSV = épidote dans laquelle Al remplace Fe Les conditions métamorphiques évoluent d'ouest en est, depuis les conditions du faciès des schistes bleus de basse température (0,8 GPa - 300°C) pour les unités le plus à l'ouest jusque à la transition éclogite-schistes bleus (1,3 GPa - 450°) pour les unités le plus à l'est. Ø ALP 25 Carte des conditions métamorphiques dans les Schistes lustrés d'après l'observation de différents assemblages minéralogiques au sein des lithologies basiques (Schwartz, 2002). Les conditions P-T évoluent d'ouest en est depuis les conditions du faciès des schistes bleus de basse température jusqu'à la transition éclogite / schistes bleus. L'association d'unité à forte composante sédimentaire avec de telles évolutions métamorphiques est typique d'un environnement de prisme d'accrétion sédimentaire dont la genèse et le fonctionnement est lié à celui d'une zone de subduction. Les Schistes lustrés des Alpes occidentales représentent donc un paléo-prisme d'accrétion. Ce prisme dont la dimension ne va cesser d'augmenter au cours du temps, du fait du retrait de la plaque plongeante subduite, est constitué par du matériel provenant du rabotage progressif des sédiments déposés sur le plancher océanique. A l'avant du prisme va se constituer un empilement précoce d'écailles sédimentaires essentiellement constituées de matériel pélagique et d'une petite fraction dérivée de la croûte océanique. Progressivement l'alimentation du prisme va se faire par sous-placage en continu de roches sédimentaires métamorphiques qui auront été enfouies à des profondeurs de plus en plus importante le long du plan de subduction. Ce phénomène en continu permet d'expliquer l'évolution progressive des conditions P-T observées au sein des Schistes lustrés. L'observation d'un paléo-prisme d'accrétion comme celui des Schistes lustrés, signe donc la présence d'une paléozone de subduction, en l'occurrence celle liée à la fermeture de l'océan liguro-piémontais débuté au Crétacé. Cependant il existe d'autres indices à l'échelle des Alpes comme par exemple : ü l'enregistrement de phénomène d'obduction, comme en témoigne l'absence d'assemblage minéralogique de haute pression au sein de l'ophiolite du Chenaillet. ü la présence de roches magmatiques calco-alcalines (cf zone Sesia); ü la répartition de la sismicité actuelle à travers l'arc alpin qui souligne le plan de subduction de la plaque européenne sous la plaque Apulienne. Ø ALP 26 Carte de localisation des séismes après inversion 3D sur une carte structurale simplifiée et sur coupe ouest-est (modifié d'après Paul et al., 2001). La sismicité dessine le plan de subduction de la lithosphère Européenne sous la plaque Apulienne. D. Fonctionnement du prisme et exhumation des roches métamorphiques Dans certains cas le prisme d'accrétion peut atteindre des dimensions respectables, c'est-à-dire d'échelle crustale (20-40km d'épaisseur) comme pour le prisme d'accrétion observé actuellement au Sud de l'Ile de Vancouver. Ce prisme est lié à la subduction vers l'Est de la plaque océanique Juan de Fuca sous la plaque Amérique du Nord (fosse des Cascades). Les conditions thermiques modélisées dans le prisme sont faibles (T°C <450°C en base de prisme). De telles conditions P-T sont symptomatiques des conditions du faciès des schistes bleus voir des éclogites pour des édifices B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 13 plus importants. Les sédiments ainsi que des fragments de croûte océanique entraînés par la subduction, vont être progressivement métamorphisés au cours de l'enfouissement, puis vont venir alimenter par sous-placage la partie basale du prisme. Il ressort ainsi que les prismes d'accrétion sont des sites géodynamiques particuliers qui permettent d'expliquer la genèse de certaines roches de haute pression et de basse température (HP/BT). Le fonctionnement des prismes d'accrétion permet donc d'expliquer la genèse de certaines roches métamorphiques de HP mais il permet également d'expliquer l'exhumation de ces mêmes roches de HP/BT. Différentes modèles existent mais dans tous les cas, la serpentinite joue un rôle essentiel pour permettre l’exhumation (cf cours marges actives) V.2 LES MARQUEURS DE LA SUBDUCTION CONTINENTALE Il faut donc chercher des traces de subduction continentale et un métamorphisme associé plus récent que le métamorphisme schistes bleus et/ou éclogites des ophiolites V.2.1 Les données cartographiques et radiochronologiques Les massifs cristallins internes montrent : • des lames de croûte continentale en forme de dômes (massif du Grand Paradis - carte au 1/106), • A (Dora Maïra) on trouve des méta-grès contenant des grenats avec des inclusions de coésite, polymorphe HP de la silice (profondeur > 75-80 km) • métamorphisme daté de 35 Ma (Eocène sup) Bilan : on constate effectivement un diachronisme des métamorphismes, donc un entraînement en subduction de fragments de lithosphère continentale (futurs massifs cristallins internes) tardivement par rapport aux ophiolites Ø ALP 27 DM : 30-40 Ma = Oligocène-Eocène Sup Viso : 45-70 Ma : Eocène moy – Crétacé terminal Queyras : 60 Ma (Paléocène) – 90 Ma (Crétacé Sup) La zone piémontaise des Alpes occidentales peut être reconstituée comme un paléo-prisme d’accrétion au niveau d’une zone de subduction fonctionnant à l’Eocène et de type intra-océanique: le Queyras paraît correspondre à la partie haute du prisme, tandis que le Monviso a été entraîné plus profondément. Ø ALP 28 Suite à la subduction océanique, la marge continentale européenne amincie est entrée en subduction continentale. On serait passé au stade collision quand la subduction continentale se serait bloquée ou tout du moins fortement ralentie. Retour aux massifs cristallins internes (carte au 1/106, Grand Paradis) : ils forment des dômes recouverts par des ophiolites, elles-mêmes recouvertes par l’austro-alpin : massif de Sesia, fragment de croûte continentale d’affinité apulienne. Dans le massif de Sesia, on trouve des méta-granites déformés de façon hétérogène à grenat et jadéite. C’est un autre exemple de fragment continental, porté dans des conditions HP-BT, mais ici le métamorphisme est daté de 70 Ma D’où l’idée qu’il n’y a pas eu une, mais deux subductions continentales diachrones ! Ø ALP 29 DM : 33 Ma = Oligocène Viso : 50 Ma : Eocène inf Sézia Lanzo : 70 Ma Crétacé Sup) B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 14 V.2.2 La zonation métamorphique des Alpes A. Les données de la carte tectono-­‐métamorphique Ø ALP 30 Le cartouche chronologique de la carte CCGM de 2004 distingue deux types de transformations minéralogiques : ü celles associées à une subduction, dont l’âge est représenté par des surcharges en pointillés rouges (35 – 59 Ma), bleus (60 – 89 Ma) ou violets (90 – 110 Ma) ; ü celles associées à la collision, dont l’âge est représenté par des couleurs jaune, orangé et verte, sont postérieures aux précédentes. La carte fait nettement apparaître trois gammes d’âge pour le métamorphisme HP BT. ü Entre -35 (éocène terminal) et -60 Ma (points rouges) dans les zones briançonnaise et liguro-piémontaise. ü Plus de 60 Ma, fin du crétacé à début de l’éocène (donc bien antérieur) dans les massifs de Sesia et de la Dent Blanche (points bleus). Dans cette zone austro-alpine, les métagranites montrent que la lithosphère africaine (apulienne) a également été subduite. Cependant, il s'agit d'un processus plus ancien que celui ayant affecté la marge européenne (-70 Ma) concernant la partie la plus interne de la plaque océanique et la marge continentale apulienne. ü Plus de 90 Ma (points violets) encore plus à l’est (Alpes autrichiennes). Il n’y a donc pas eu une seule mais plusieurs subductions diachrones au cours de la formation des Alpes. Ces subductions se seraient développées à la faveur d'anciennes limites tectoniques découplant mécaniquement les diverses unités. B. Les zones métamorphiques des Alpes occidentales Ø ALP 31 Les limites d’apparition des minéraux épousent la courbure de la chaîne ü Succession montre que P et T augmentent d’W en E. ü Est du front pennique, métamorphisme HP-BT (Sch bleus et éclogite) ü Les MCI constituent des « fenêtres tectoniques » faisant apparaître le socle européen et sa couverture sédimentaire sous les nappes d’origine océanique. Celui de Dora-Maira est polymétamorphique cai il présente une structure en nappes minces superposées qui n’ont pas suivi le même chemin P-T. IV.2.3 Les enseignements des chemins PTt des zones internes A. Les conditions d’enfouissement et de remontée des différentes unités La mauvaise conductivité calorifique des roches en regard des vitesses d’enfouissement et de remontée de celles-ci a deux conséquences : ü le trajet P-T est en forme de boucle ü Dans la partie prograde, l’augmentation de T°C favorise les recristallisations « gommant » ainsi les événements antérieurs. Par contre, une fois passé le pic de température, le refroidissement lors du chemin rétrograde et l’absence de fluides permettent la préservation, au moins partielle, des états antérieurs. Ø ALP 32 La figure consigne divers chemins P,T,t déduits de l’analyse d’ophiolites du Viso, de métamorphorphites du Briançonnais, des métagrès de Dora Maira et divers échantillons de schistes bleus, prélevés d’Ouest en Est. Enfouissement Ces derniers montrent des paragenèses attestant d’un métamorphisme croissant (faciès des schistes bleus à la limite du faciès des éclogites). Ces métasédiments résultent de la transformation de protolithes variés, détritiques et carbonatés (essentiellement marneux), qui constituaient la couverture sédimentaire de l'océan ligure. Le gradient métamorphique faible (de l’ordre de 10°C.km-1 # gradient continental (30°C/Km) est associé à un contexte de subduction. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 15 La succession des pics de métamorphisme de diverses unités et la similitude du gradient de métamorphisme permettent d’envisager que la subduction de la lithosphère océanique occidentale ait été suivie de celle de la bordure de la marge continentale européenne, d’abord piémontaise puis briançonnaise, attestant de la collision. Cet ensemble a été subduit sous la lithosphère continentale africaine. On parle encore de sous-charriage pour qualifier cet enfoncement. La plupart ont atteint des profondeurs de 30 à 80 km sauf Dora-Maira qui a atteint jusqu’à 100 km (Coésite = UHP) Chemin de retour globalement « froid » Modalités différentes pour les schistes lustrés d’une part et les unités nettement éclogitisées comme Dora-Maira et le Viso. Sur la transversale de Digne, les géologues ont trouvés des galets d’ophiolite métamorphisés dans le FSB dans des sédiments datés de l’oligocène inf (30-35 Ma) à La remontée des unités subduites, grâce à l’érosion, était donc pratiquement achevée vers 35-40 Ma. Il n’a pas fallu plus de 5-10 Ma à certaines unités (Briançonnais, Dora-maira) pour remonter de la zone SB-Eclogites-UHP à SV Ø ALP 33 Vitesse horizontale des plaques de l’ordre de 1-2 cm / an pour la convergence Afrique-Europe à l’origine des Alpes. Ceci donne une indication sur la vitesse d’enfouissement lors de la subduction Europe sous l’ApulieAfrique. La vitesse de surrection des Alpes pour les 100 dernières années = qqs mm/an # vitesses de remontée des roches UHP (1,5 cm/an) Bilan : ü L’exhumation des unités subduites est réalisée dès -35 Ma. ü Elle s’est donc effectuée ensuite très rapidement, en moins de 10 Ma, ü Elle a abouti à des paragenèses FSV qui traduisent l’absence de réchauffement. L’intensité de la subduction continentale décroît et l’on passe alors au stade de collision. B. Quels sont les mécanismes de remontée ? Plusieurs facteurs dont les parts relatives sont mal appréciées : tectonique, érosion et poussée d’Archimède avec « flottabilité différentielle » des unités issues de la marge continentale amincie (d = 2,7) et celles du manteau lithosphérique ou asthénosphérique environnant (d = 3,3) Le modèle du chenal de serpentinites (déjà évoqué) Observations de terrains Ø ALP 34 ü Voir les petits boudins d’éclogite inclus dans les métabasites # grands boudins de serpentinite formant le Mont Viso ü Géométrie vers l’W non initiale. ü Cisaillement ductile vers l’W marqué dans les métabasites ü Serpentine représente 50% du Viso (très >> au % d’une CO normale, cf Chenaillet) Modèle explicatif Certaines serpentinites plongent tandis que d’autres remontent dans le chenal à mélange avec les éclogites car conditions Sch bleus partout les mêmes et de même âge (45 Ma) Serpentine joue le rôle de couche savon le long de laquelle s’effectue la remontée Actuellement, à Cuba et St Domingue, anomalie sismique montre la présence de serpentine dans la zone de subduction. Ø ALP 35 B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 16 V.3 LES ALPES APRÈS LES ALPES : ÉVOLUTION GÉODYNAMIQUE RÉCENTE Ø ALP 36 Le front pennique est affecté par toute une série de failles (exemple des failles de la Haute Durance), qui sont actives sismiquement En particulier, dans le vallon du Fournel on observe des failles normales, se greffant sur le front pennique : les séismes sont localisés sur ces failles et sont en extension…alors que le système Alpes est globalement convergent ! Coté Européen, de grands chevauchements actifs (arcs de Nice et de Digne, Jura : fermeture du fossé de Bresse) et de grands décrochements (Belledonne) fonctionnent : la marge européenne est en raccourcissement Mais les zones internes sont en extension, une extension syn-convergence….que nous ne savons pas encore bien expliquer…. V. LES ALPES, UN ENSEMBLE DE PRISMES EMBOITÉS V.1 LE PRISME OROGÉNIQUE L'analyse de diverses cartes couvrant le Jura ou la zone dauphinoise (cf TP carte Vif, Charpey) montre plusieurs écailles de couverture se chevauchant de l'est vers l'ouest. La base de ces unités est constituée par des évaporites du trias. C'est au niveau de cette "couche savon" que la couverture s'est désolidarisée du socle. Ce dernier, comme le montre le profil ECORS-­‐CROP (Alp 7) s'enfonce, subduit, sans grande déformation. Socle et couverture ont donc une évolution différente. Une telle structure est comparable à celle d'un prisme d'accrétion océanique. Le socle subduit correspond à la plaque plongeante et le bassin flexural issu de ce dynamisme à la fosse de subduction. L'écaillage crustal est l'équivalent des sédiments accumulés dans le prisme d’accrétion océanique. Divers auteurs (dont Lemoine et Agard) proposent une analyse de la structure actuelle profonde de la chaîne inspirée d’un modèle de fonctionnement d’un prisme d’accrétion océanique. La figure délimite trois niveaux de prismes imbriqués. Ø ALP 37 La figure Alp 39 propose un modèle d’édification du prisme orogénique à la suite de subductions successives. ü Un premier prisme, océanique, essentiellement sédimentaire, est construit lors de la subduction de l’océan alpin. ü Lui succède un prisme crustal, formé au début de la collision, lors de la subduction continentale. ü Enfin, la poursuite du sous-charriage de la plaque européenne constitue un prisme lithosphérique de plus grande ampleur, impliquant croûte et manteau. Le prisme orogénique est l’aboutissement de cette évolution. Son « butoir » est formé par le bord occidental de la plaque apulienne et la plaque plongeante le bord oriental de la plaque européenne. Le front actuel de ce prisme correspond au chevauchement du Jura sur la Bresse. Cette succession d’entités prismatiques (sédimentaire, crustale, lithosphérique) traduit le raccourcissement horizontal et l’épaississement en relation avec la convergence Apulie / Europe. Les accidents tectoniques majeurs jouent un rôle central dans l’histoire de la chaîne. Les failles normales qui délimitent les blocs basculés ont d'abord constitué des limites aux diverses zones paléogéographiques mises en place à la fin du trias, début du jurassique. Ces accidents, qui sont des zones de fragilité, ont pu rejouer en sens inverse, servant de rampes aux grands chevauchements lors de la compression. Les évaporites triasiques (zone des gypses) ont favorisé le décollement entre socle et couverture. Ces diverses caractéristiques expliquent la superposition des grandes zones structurales des Alpes et des domaines paléogéographiques dont elles sont issues. V.2 LES ALPES RÉSULTENT DE DEUX SUBDUCTIONS SUIVIES D’UNE COLLISION La carte du métamorphisme des Alpes (Alp 31) permet de distinguer deux grands ensembles tectonométamorphiques. Rappel : le cartouche chronologique montre des transformations minéralogiques associées à la collision, dont l’âge est représenté par des couleurs jaune, orangé et verte, postérieures à celles des subductions. B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 17 Dans les Alpes occidentales, le métamorphisme est marqué par un contexte dominant de subduction. L'exhumation s'est réalisée rapidement selon un trajet rétrograde froid. Un métamorphisme postérieur de collision a affecté ce secteur, mais il est resté dans les conditions du faciès des schistes verts et n’a donc pas effacé les traces du métamorphisme de subduction. Dans les Alpes centrales (Aar, Gothard, au nord de la ligne insubrienne) au contraire, on trouve peu de traces du métamorphisme de subduction qui a été effacé par le métamorphisme de collision qui a atteint les conditions du faciès des amphibolites (trajet rétrograde chaud). Dans ce scénario, ce sont les différentes structures héritées des différentes subductions, qui sont redéformées, restructurées, raccourcies…en collision, mais la chaîne garde la mémoire de ces subductions passées Ø ALP 38 CONCLUSION : Tout ceci est à rapprocher de ce qu’on a découvert dans le système convergent Inde / Asie: la lithosphère continentale indienne paraît avoir été entraînée à des profondeurs supérieures à 500 km, quand la subduction continentale a suivi la subduction océanique La chaîne des Alpes franco-italo-suisses (Alpes occidentales), en forme d’arc entre la mer méditerrannée et le lac Léman, peut être subdivisée en grands ensembles lithostructuraux composés d'ouest (zone externe) en est (zone interne) d'un avant-pays (Jura et bassin molassique), de la zone dauphinoise, de la zone briançonnaise, de la zone piémontaise et ligure, de la zone austro-alpine et de la zone sud-alpine. Ces diverses zones recouvrent trois grands domaines paléogéographiques : la plaque continentale européenne, les restes d'un océan la Téthys alpine, et le promontoire apulien de la plaque continentale africaine. De nombreux arguments plaident en faveur d'un processus de subduction - collision. L'océan alpin est reconstitué à partir de son plancher, dont une partie, obduite, a échappé à la subduction et a été préservée ; ce sont les ophiolites du Chenaillet qui permettent d'envisager une dorsale lente (type LOT) comparable à celle de l'Atlantique. La marge continentale est encore présente à certains endroits (Pelvoux), sous la forme de blocs basculés au niveau desquels les roches sédimentaires permettent de dater diverses phases du rifting entre la fin du trias et la limite jurassique inférieur et jurassique moyen. Cette phase d’ouverture, précoce, met en place un océan étroit, entre deux plaques continentales, européenne et africaine (apulienne). L'ouverture ainsi que la disparition de cet océan sont liées à l'évolution de l'océan atlantique. L'analyse de roches métamorphiques des zones piémontaise et briançonnaise permet de reconstituer les chemins (P, T, t) et donc de les associer à des contextes géodynamiques précis. A des moments différents (diachronisme), une partie de la marge apulienne, l'essentiel du plancher océanique et la marge continentale européenne ont été entraînés à des profondeurs notables (60 à 100 km) –subductions océanique et continentale- (faciès schistes bleus, éclogites puis schistes verts) puis rapidement exhumés. Lorsque la subduction a englouti la totalité de la lithosphère océanique, les deux marges continentales se sont affrontées (collision), la marge apulienne recouvrant fort modestement la marge européenne dans les Alpes occidentales. Ainsi se sont constitués successivement des prismes emboîtés, sédimentaire, crustal et lithosphérique, constituant un prisme orogénique, accommodant le raccourcissement et contribuant à l’épaississement par empilement d’écailles successives. Les données géodésiques et sismiques actuelles montrent que le raccourcissement et la surrection de la chaîne continuent de nos jours, affectant le bord externe. D'autres parties de la chaîne, plus internes sont en extension. L'analyse tectonique du bâti de la chaîne montre de nombreuses déformations, à différentes échelles : plis de rampe, décrochements, charriages et chevauchements, unités internes métamorphisées. La géophysique atteste d'un épaississement crustal et mantellique. Le bassin molassique qui ceinture le bord externe de la chaîne peut être interprété en termes de subduction, les dépôts détritiques, flyschs et molasses constituant un prisme d'accrétion. L’intégration des différentes informations permet de reconstituer les grandes étapes de l’histoire géodynamique de la chaîne où l’on peut reconnaître trois grandes étapes : ouverture mettant en place par accrétion l’océan alpin, fermeture consécutive aux subductions et à la collision d’importance limitée pour cette dernière dans les Alpes occidentales. Ø ALP 39 B. AUGÈRE PRÉPA AGREG INT 2016-2017 18