Transferts thermiques

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34
Transferts thermiques
JAMES J OULE (1818—1889)
34.1 Rappels de Thermodynamique
34.1.1 Le premier principe
Énergie mécanique
Le théorème de l’énergie cinétique pour un système matériel Σ affirme la conservation de l’énergie mécanique totale d’un
système soumis à des efforts conservatifs ; cette énergie totale s’écrit :
E = Ec + E p
1
Ec = mΣ~v2G + Ec∗
2
E p = E pi + E pe
(34.1)
où on a distingué l’énergie cinétique barycentrique Ec∗ , ainsi que les composantes intérieure E pi et extérieure E pi de l’énergie
potentielle dont dérivent les forces exercées sur le système. Compte tenu de l’absence de forces non conservatives au niveau
microscopique, le caractère isolé d’un système matériel impose ∆E = 0.
Énergie interne
Nous ne nous intéresserons dans la suite qu’à la seule partie de l’énergie mécanique totale qui ne dépend que du système
seul, étudié dans un référentiel où son centre de masse G est, à un instant donné, au repos. Cette partie de E porte le nom
d’énergie interne U 1 :
1 Dans la suite, sauf mention expresse, nous négligerons l’énergie cinétique de translation et les interactions potentielles avec l’extérieur, ce qui permet
de confondre2 E et U.
258
Manuel de Physique
U = Ec∗ + E pi
1
E = U + mΣ~v2G + E pe
2
(34.2)
Le premier principe
Le premier principe de la Thermodynamique indique que l’énergie interne U du système est une fonction d’état. Dans le cas
où le système n’est pas isolé, on s’attend a priori à une variation de cette énergie interne du système, du fait des interactions
énergétiques avec l’extérieur.
34.1.2 Travail, Chaleur
Transfert de travail
La partie des échanges énergétiques qui correspond nécessairement à la variation d’un paramètre extensif macroscopique
porte le nom de transfert de travail.
Ainsi, on pourra observer, pour le travail des forces de pression exercées sur un fluide, pour les forces de traction ou encore
pour les forces électriques, les expressions :
δW = −pext dV
δW = Fext dL δW = −eext dq
Transfert thermique
On appelle ainsi la partie non macroscopique des échanges énergétiques, soit dU − δW , soit :
dU = δW + δQ ou encore ∆U = W + Q
(34.3)
L’expression « transfert thermique » a récemment été introduite pour remplacer le terme « chaleur », source de possibles
confusions entre les notions de transfert thermique (extensif, lié à une transformation) et de température (intensif, lié à un
état).
La confusion a été levée de façon explicite pour la première fois vers 1760 par le physicien britannique J OSEPH B LACK
(1728-1799) ; il nommait alors intensity of heat la température et quantity of heat le transfert thermique.
34.2 Description des transferts thermiques
34.2.1 Généralités
Historique
La controverse concernant la nature de la “chaleur” durèrent jusqu’au milieu du XIX ième siècle. Cependant, vers 1805,
le physicien et mathématicien français J OSEPH F OURIER (1768-1830), reprenant des travaux antérieurs, décida de faire
complètement abstraction de la nature de la chaleur, pour se concentrer que l’étude de sa transmission.
Fourier supposa que la chaleur se transmet des zones chaudes vers les zones froides perpendiculairement aux surfaces
isothermes et proportionnellement aux écarts de température existants. Il aboutit ainsi à la première étude quantitative d’un
mode de transfert thermique, la conduction ; c’est aussi le premier que nous étudierons en détail. La résolution de l’équation
aux dérivées partielles obtenue amena Fourier à développer les notions de séries et intégrales de Fourier.
Transferts thermiques
Nous étudions ici un ensemble de systèmes thermodynamiques qui ne se trouve pas à l’équilibre thermique, c’est-à-dire
lorsque la température d’un système particulier Σ n’est pas partout égale à la température du ou des autres systèmes avec
lesquels Σ est en contact, ou en relation par rayonnement électromagnétique.
La description que nous ferons des transferts thermiques sera phénoménologique, c’est-à-dire d’origine expérimentale,
même su une analyse microscopique simplifiée permettra de justifier certaines de ces lois.
Transferts thermiques
259
Température
Le système thermodynamique étudié Σ sera bien sûr macroscopique, ce qui ne l’empêchera pas d’être de faible dimension à notre échelle. En particulier, nous ne nous priverons pas de considérer le cas de systèmes inhomogènes sur le plan
thermique ; le système thermodynamique de base sera donc l’élément de volume dτ, infinitésimal à notre échelle, et cependant macroscopique, c’est-à-dire contenant un nombre dN de particules très élevé, même si la quantité de matière dn
correspondante est très faible. La température d’un tel élément de volume sera notée T (~r,t). L’échelle de dimensions correspondante porte le nom d’échelle mésoscopique ; elle occupe une position intermédiaire entre les échelle microscopique
et macroscopique :
microscopique mésoscopique macroscopique
mais l’ordre de grandeur des dimensions mésoscopiques peut être très variable, compris entre quelques micromètres et
quelques kilomètres, selon les dimensions caractéristiques du système étudié.
Nous rencontrerons des situations normales où la température T est une fonction continue de l’espace, mais aussi des
modélisations extrêmes où cette température subit des variations très rapides sur de faibles dimensions, que l’on considérera
donc parfois comme des zones de discontinuité de la température (au niveau d’une paroi par exemple).
34.2.2 Les modes de transfert
Les transferts thermiques au sein de systèmes hors d’équilibre thermique se font principalement par trois modes et par leurs
combinaisons.
Conduction
Le mode de transfert qui apparaît toujours au sein d’un milieu continu (solide ou fluide) thermiquement inhomogène est
la conduction thermique, consistant en des transferts thermiques de proche en proche, par chocs microscopiques entre
particules d’énergie cinétique moyenne différente.
La conduction thermique sera associée à un courant local d’échanges thermiques causés par l’existence d’un gradient de la
température dans le milieu continu étudié.
Convection
La convection désigne, en général, le transport d’une quantité physique lié à un transfert de masse observable à l’échelle
macroscopique. Nous l’étudierons donc dans un fluide relativement à un certain système de référence R, relativement auquel
les particules passant au point P du fluide ont, à un certain instant t, la vitesse ~v(P,t).
Si l’étude détaillée de la convection n’est pas au programme, nous étudierons de façon assez complète l’existence de flux
thermiques conductifs liés aux phénomènes de convection, qui apparaissent aux frontières (parois, canalisations) des systèmes thermodynamiques ; on parlera de transfert pariétal.
Rayonnement
Le rayonnement constitue le troisième mode de transfert thermique ; il ne nécessite pas de support matériel car il constitue
un transport énergétique par une onde électromagnétique qui, comme on le verra par la suite, se propage dans le vide ou
bien dans certains milieux matériels ; nous nous limiterons au cas des milieux transparents, qui se comportent, du point de
vue du rayonnement, pratiquement comme le vide.
34.3 Transports énergétiques dans les systèmes ouverts
34.3.1 Systèmes ouverts
Définitions
Les systèmes ouverts sont des systèmes comportant un nombre de particules élevé (systèmes thermodynamiques) et non
nécessairement constant, du fait d’un apport continu de matière en entrée et d’une évacuation de matière en sortie.
Les différentes grandeurs extensives (notamment les grandeurs énergétiques) associées à ce système peuvent aussi varier du
fait, par exemple, de transformations chimiques ou de changements d’état.
260
Manuel de Physique
Nous appellerons donc système ouvert (Σ) l’ensemble de la matière comprise, à un instant quelconque, à l’intérieur d’une
surface fermée (A), dite surface de contrôle, fixe dans le référentiel d’étude.
Bilans de grandeurs extensives
Considérons une grandeur physique extensive X pour un milieu continu (fluide ou solide) ; elle peut être de nature thermodynamique (fonctions d’état U, H, S, ...) ou non (masse, impulsion). Son caractère extensif permet de la décrire par une
intégrale de volume, la grandeur X contenue dans le volume (τ) intérieur à la surface de contrôle (A) ayant les expressions :
X=
Z
τ
x µ dτ
en fonction de la densité massique x de la grandeur X et de la masse volumique µ du milieu continu.
Au cours d’un intervalle de temps δt, la grandeur X contenue dans le volume invariable (τ) limité par la surface de contrôle
fixe (A) varie pour deux raisons : d’abord, localement en chaque point P de (τ), le densité x dépend du temps ; ensuite, aux
frontières de (τ), de la matière entre ou sort de (τ), entraînant avec elle un certain flux de X.
Nous noterons dérivée totale ou dérivée particulaire de X la grandeur :
X(t + δt) − X(t)
DX
= lim
dt
δt
δt→0
où X(t + δt) est la valeur de X dans le volume (τ0 ) occupé, à l’instant t + δt, par les mêmes particules qui occupaient à
l’instant t le volume (τ).
Cette dérivée, calculée en suivant individuellement les particules en mouvement dans le milieu continu, n’est pas égale à la
dérivée locale de X, qu’on définira par :
∂X
=
∂t
Z τ
∂
(µx) dτ
∂t
et qui ne tient compte que des variations locales de X, mais pas de la convection de X, c’est-à-dire du transport de la grandeur
X associé au déplacement de matière entrant ou sortant de (τ).
On doit donc ajouter à cette variation les termes de flux sortants (cf. démonstration dans le cours de Thermodynamique),
d’où :
DX
∂X
=
+
dt
∂t
I
A
µ x~v ·~ndS
Ce débit s’identifie à un flux du vecteur densité locale de courant de X noté ~jX = µ x~v. On notera la forme synthétique, qui
porte le nom de formule de Reynolds :
DX
∂X
=
+ D (X)
dt
∂t
(34.4)
Premier principe de la Thermodynamique
Le théorème de l’énergie cinétique peut être écrit pour un système ouvert, sous la forme, fonction de l’énergie mécanique
massique em :
DE
∂E
=
+
dt
∂t
I
A
µ em~v ·~ndS = Pm + Pt
faisant intervenir les puissances mécanique Pm et thermique Pt reçues par le système.
La puissance mécanique se décompose en puissance utile Pu et puissance des forces pressantes P0 , avec :
Transferts thermiques
261
P0 = −
I
A
p dS~n ·~v
On remarque donc enfin que :
∂E
+
∂t
p
µ em +
~v ·~ndS = Pu + Pt
µ
A
I
Enthalpie
On peut aussi noter que em = u + 21~v2 + e p et que u + µp = h, en fonction des grandeurs massiques enthalpie h, énergie interne
u, énergie potentielle e p ; on a donc finalement pour expression du premier principe pour un système ouvert :
∂
τ ∂t
Z
I 1
1
u + ~v2 + e p dτ + µ h + ~v2 + e p ~v ·~n dS = Pu + Pt
2
2
A
Notamment, le cas des régimes permanents se traite simplement sous la forme :
I
1
µ h + ~v2 + e p ~v ·~ndS = Pu + Pt
2
A
1
qui prend la forme utilisée dans l’étude des bilans thermiques, D H + m~v2G + E p = Pu + Pt .
2
34.3.2 Bilans thermiques
Enthalpie et énergie interne
La relation H = U + pV montre que H ' U pour les phases condensées, de volume faible.
Si, pour les milieux continus peu compressibles (solides, liquides), la distinction entre enthalpie massique h et énergie
interne massique u est anecdotique, il n’en va pas de même des gaz ; remplacer h par u reviendrait à oublier l’existence
inévitable de forces de pression, qui travaillent lors de la convection.
Rappelons encore les expressions des capacités thermiques massiques :
cp =
∂h
∂T
cv =
p
∂u
∂T
v
Compte tenu de la remarque qui précède, on considérera souvent ces deux valeurs comme voisines pour des phases condensées : c p ' cv ' c, où la capacité thermique massique c est pratiquement indépendante de la nature de la transformation subie
cp
R
r
γr
par le système. Au contraire, pour les gaz, c p − cv '
= r et γ =
permettent de déterminer cv =
et c p =
.
M
cv
γ−1
γ−1
Dans de nombreux autres cas, on notera de manière indifférente :
c=
∂u
∂T
(34.5)
définissant ainsi la capacité thermique massique dans les conditions de la transformation, sans préciser celle-ci a priori.
Ces conditions ne modifient pas de façon significative la valeur de c si le système est dans une phase condensée.
262
Manuel de Physique
Bilan thermique pour un système fermé
Le premier principe appliqué à un système fermé de volume (V ), limité par la surface extérieure (S) impose :
∂U
+ D (H) = Pt
∂t
si on suppose l’absence de toute puissance mécanique utile (autre que des forces de pression de transvasement) et si on
néglige les variations d’énergie cinétique et d’énergie potentielle lors de l’écoulement.
D’autre part, on distinguera dans la puissance thermique Pt les flux thermiques reçus par conduction, par transfert pariétal
convecto-conductif et par rayonnement, qui seront notés :
Pt = Φc + Φ p + Φr
enfin, le débit d’enthalpie et la variation locale de l’énergie interne s’écrivent :
D (H) =
I
(S)
∂U
=
∂t
µh~v ·~ndS
Z
∂
(µcT ) dτ
∂t
(V )
On écrira donc ce bilan thermique :
Z
∂
(µcv T ) dτ = Φc + Φ p + Φr + Φa
∂t
(V )
Φa =
I
(S)
jh dS
où on a choisi de noter jh = µh~v · (−~n), qui est le flux d’enthalpie advecté entrant dans le volume (V ) étudié.
On remarquera que l’ensemble des termes du second membre sont maintenant présentés dans le cadre de l’algébrisation
classique de la Thermodynamique : ces grandeurs sont positives si elles décrivent une entrée d’énergie dans le système. Il
arrive qu’on doive modifier l’équation ci-dessus pour tenir compte, par exemple, de sources thermiques réparties en volume
dans le système (V ) étudié ; on ajoutera alors au second membre la puissance Pl localement dégagée à l’intérieur de ce
système. On aura alors la version généralisée du bilan thermique :
∂
(µcT ) dτ = Pl + Φc + Φ p + Φr + Φa
(V ) ∂t
Z
(34.6)
B ILANS THERMIQUES
La variation locale de l’énergie interne d’un système thermodynamique (si on néglige les variations
d’énergie cinétique globale et les variations d’énergie potentielle externe, est la somme de la puissance
localement créée, et des flux thermiques de conduction, de transfert pariétal, de rayonnement et d’advection.
Expressions intégrales des flux thermiques
La puissance thermique localement cédée à la matière peut souvent se mettre sous forme d’une intégrale de volume :
Pl =
Z
(V )
pl dτ
Par contre, les flux thermiques associés à la conduction, aux transferts pariétaux et au rayonnement peuvent en général se
mettre sous la forme de flux entrants, décrivant les échanges d’énergie entre le système et son extérieur à travers sa surface.
Ces flux seront recherchés, par analogie avec le flux thermique advecté, sous la forme :
Φc =
I
(S)
jc dS Φ p =
I
(S)
j p dS Φr =
I
(S)
jr dS
en fonction des densités surfaciques de puissance thermique reçue par conduction, transfert pariétal et rayonnement.
Les chapitres qui suivent développent les expressions de ces divers flux surfaciques.
35
Conduction et transferts pariétaux
JAMES WATT (1736—1819)
35.1 La conduction thermique
35.1.1 Flux thermique
Transferts thermiques en volume
Dans un milieu où existent des inhomogénéités locales de température, les chocs microscopiques entre particules animées
d’un mouvement d’agitation thermique important (provenant des zones chaudes) et particules animées d’une agitation
thermique moindre (provenant des zones froides) se traduisent par des transferts thermiques en volume, au sein du matériau.
Considérons une surface infinitésimale orientée d~S = dS~n ; nous admettrons que le flux thermique (c’est-à-dire, la quantité
d’énergie transitant sous cette forme, à travers dS, par unité de temps, dans le sens de ~n) de conduction dΦ c à travers dS
peut se mettre sous la forme :
dΦc = ~jc ·~ndS
On fait ainsi apparaître un vecteur densité volumique de courant thermique de conduction ~jc , champ fonction à la fois du
point P et du temps1 .
Notons que dΦc s’exprime en watt, et donc que l’unité de mesure de ~jc est le W · m−3 .
Transfert thermique par conduction
Le flux thermique total Φc à travers une surface S orientée et le transfert thermique dQc à travers cette surface pendant le
temps dt, reçu par le système situé après S, fourni par celui situé avant S, se mettent donc sous la forme :
1 Il existe ici une ambiguïté de vocabulaire puisque cette densité volumique de courant thermique est aussi un flux surfacique exprimé en W · m −2 ;
c’est la même difficulté que celle que l’on rencontre en électricité à propos de la densité volumique de courant ~j, qui s’exprime en A · m−2 .
264
Manuel de Physique
dQc = Φc dt
Φc =
Z
S
~jc ·~ndS
Notons que dans le cas particulier où la surface S est fermée, le transfert thermique reçu par le système intérieur à S s’écrit
en fonction de :
Φc = −
I
S
~jc ·~ndS =
I
S
jc dS
(35.1)
puisqu’on a choisi pour le flux scalaire une orientation vers l’intérieur de la surface (S), conformément à la convention
usuelle de la Thermodynamique :
F LUX THERMIQUE
CONDUCTIF
Le flux thermique reçu par conduction par un système thermodynamique (Σ) de surface extérieure (S)
s’écrit :
Φc =
I
(S)
jc dS
où le flux thermique conductif par unité de surface s’écrit :
jc = −~jc ·~n
si ~n est la normale à (S) orientée vers l’extérieur de (Σ).
Expression locale
Compte tenu du théorème d’Ostrogradski, et si le vecteur densité volumique de courant thermique de conduction ~jc est
défini de façon continûment dérivable en tout point du système étudié, on pourra aussi écrire, pour le système intérieur à
une surface fermée S :
Φc = −
Z
V
div ~jc dτ
35.1.2 Bilans thermiques
Le système étudié
Considérons un volume simplement connexe (V ). Nous supposerons ici que ce milieu continu est le siège de transferts
thermiques par conduction ou de création locale de puissance thermique, mais nous négligerons les autres phénomènes de
transfert thermique :
– pas de transport d’enthalpie par convection, par exemple parce que le système est fermé ;
– pas de transferts pariétaux, par exemple parce que les parois qui entourent le système sont adiabatiques ;
– pas de transfert par rayonnement. Les conditions d’application éventuelle de cette application seront discutées plus loin.
Dans ces conditions, le bilan thermique général prend la forme simplifiée :
Z
(V )
µc
∂T
dτ = Pl + Φc
∂t
(35.2)
Conduction et transferts pariétaux
265
Bilan thermique
Les deux termes qui figurent au second membre de l’équation ci-dessus peuvent s’écrire comme des intégrales de volume ;
en effet, on a d’une part :
Pl =
Z
(V )
pl dτ
et d’autre part, comme on l’a vu ci-dessus :
Φc = −
On en déduit l’équation de bilan thermique local :
où on écrit souvent aussi µc ' cte donc :
Z
V
div ~jc dτ
∂T
~
= pl
div jc + µc
∂t
(35.3)
∂T
= pl
∂t
On remarquera bien sûr l’analogie de cette forme avec les équations de conservation :
∂ρ
– Équation de conservation de la charge électrique div ~j +
=0;
∂t
∂µ
– Équation de conservation de la masse div(µ~v) +
= 0;
∂t
∂wem
– Identité de Poynting div ~R +
= −~j · ~E.
∂t
La présence d’un terme pl non nul en général au second membre montre qu’il n’y a pas de conservation d’une grandeur
« chaleur », ce qu’on sait déjà en thermodynamique classique puisqu’il n’existe pas de fonction d’état décrivant la chaleur
emmagasinée dans un corps macroscopique.
div ~jc + µc
35.2 Loi de Fourier
35.2.1 Énoncé de la loi de Fourier
Présentation
L’ensemble des relations présentées ci-dessus constitue le cadre mathématique de description des bilans thermiques de
conduction, et non pas un modèle phénoménologique de la conduction.
Celui-ci a été proposé par Fourier et porte donc son nom ; on peut le présenter par analogie à la loi d’Ohm, autre modèle
phénoménologique décrivant, lui, la conduction électrique sous la forme :
−−→
~j = ρ~v = γ ~
E = −γ gradV
en fonction d’une grandeur γ caractéristique du milieu conducteur, et qui porte le nom de conductivité électrique.
L’hypothèse de Fourier est la suivante : comme les lignes de courant électrique sont alignées avec les directions de décroissance du potentiel électrique, les lignes de transport thermique sont alignées avec les directions de décroissance de la
température.
Conductivité thermique
Ainsi, la loi de Fourier, bien vérifiée dans de très nombreux milieux, et qui présente l’avantage d’être une loi linéaire,
s’exprime selon :
−→
~jc = −λ −
gradT
(35.4)
La constante λ, dite conductivité thermique du milieu continu2, est caractéristique de la nature du matériau utilisé. Comme
2 On
rencontre aussi le symbole K pour la conductivité thermique.
266
Manuel de Physique
on le voit ci-dessus, λ s’exprime en W · m−1 · K−1 .
Les valeurs de λ varient très largement d’un matériau à l’autre, depuis par exemple λ = 20 × 10 −3 W · m−1 · K−1 pour un
gaz comme N2 dans les conditions normales de température et de pression, λ = 400 W · m −1 · K−1 pour un bon conducteur
thermique comme le cuivre métallique.
35.2.2 Équation de la chaleur
Énoncé
Dans le cadre de la loi de Fourier, les bilans thermiques de conduction forment une équation différentielle vérifiée par la
fonction température T (~r,t), considérée comme la fonction inconnue, et la densité volumique de puissance thermique créée
pl (~r,t), considérée alors comme une donnée :
−λ∆T + µc
∂T
∂t
= pl
(35.5)
Cette équation, dite équation de diffusion thermique, porte le nom historique d’équation de la chaleur.
Régime permanent
Dans l’étude des régimes permanents de conduction thermique, l’équation de diffusion prend la forme :
1
∆T (~r) = − pl (~r)
λ
analogue de l’équation de Poisson de l’électrostatique :
∆V (~r) = −
1
ρ(~r)
ε0
Il y a donc analogie complète des méthodes de résolution de ces deux équations. Les méthodes correspondantes (méthodes
de Laplace) seront développées au chapitre suivant. Lors de l’étude de l’équilibre électrostatique, on verra d’autres méthodes
de résolution de problèmes analogues.
35.3 Transfert thermique pariétal
35.3.1 Description générale
Flux pariétaux
Au sein d’un fluide en mouvement, la présence simultanée de la convection (liée aux mouvements du fluide) et de la conduction (qui apparaît automatiquement dès lors que le fluide n’est pas isotherme) peut faire l’objet d’une étude simplifiée : c’est
celle du flux conductif pariétal, à la limite du fluide et d’une paroi qui le limite.
Hypothèses d’étude
Dans la géométrie simplifiée ci-dessus, que nous supposerons décrire un écoulement permanent le long d’une paroi, le
−−→
phénomène de conduction apparaît dans le sens de −gradT , c’est-à-dire essentiellement le long de l’axe z (normal à la
paroi) si la différence entre les températures dans le fluide TF et dans le solide TS sont nettement plus importantes que les
inhomogénéités de température dans le fluide et dans le solide, ce que nous supposerons dans la suite.
L’étude détaillée de ce type de situation peut être envisagée à partir des équations de base que sont les relations de continuité
de la température et de flux thermique normal, qui est bien sûr exclusivement conductif :
TS (z = 0+ ) = TF (z = 0− )
− λS
∂T
∂z
z=0+
= −λF
∂T
∂z
z=0−
Conduction et transferts pariétaux
267
z
paroi solide
x
O
~v
fluide en mouvement
F IG . 35.1 – Flux pariétal
en notant λS et λF les conductivités thermiques du solide et du fluide.
Cependant, cette étude exige celle des lignes de courant ~v(~r) dans le fluide, qui sont bien sûr liées à la variation TF (~r) de la
température dans celui-ci ; on parle de couplage entre la conduction normale ou transverse et la convection longitudinale.
Seules des solutions numériques ont en général pu être proposées pour ce problème complet.
Couche limite
On peut cependant donner une expression approchée des flux thermiques pariétaux en considérant l’existence de couches
limites, dans les fluides au voisinage des parois, le long desquels la température varie très rapidement, passant, sur une faible
épaisseur (notée η) de la valeur pratiquement uniforme TF0 dans le fluide, pour z < −η à la valeur pratiquement uniforme
TS0 dans le solide, pour z > 0.
C’est précisément l’existence de cette zone où la variation de température est rapide et transversale qui permet de ne
considérer que le seul flux conductif transverse.
Ainsi, même si on ne peut pas, par cette méthode, étudier les variations (lentes) de température longitudinales, on obtient
une expression du flux thermique pariétal (mesuré de long de l’axe z, du fluide vers la paroi solide) selon :
−→
~j p = −λF −
gradTF
−η<z<0
'−
λF
(TS0 − TF0 )~ez
η
Nature de l’écoulement
L’étude complète des écoulements (dynamique des fluides) exige la prise en compte des forces exercées de l’extérieur du
fluide (pesanteur, etc...) et à l’intérieur de celui-ci (pression, viscosité) ; elle mène à des équations non linéaires dont la
résolution mathématique se révèle généralement assez lourde et, pour cette raison, elle est exclue du programme.
Signalons seulement l’existence, pour un écoulement dans une canalisation, de deux cas limites : les écoulements laminaires,
dans lesquels les lignes de courant glissent les unes sur les autres tout en restant parallèles, et les écoulements turbulents,
dans lesquels la vitesse du fluide dans la canalisation varient d’un point à l’autre de façon quasiment aléatoire. Le passage
d’un régime à l’autre se fait exclusivement en fonction d’un paramètre sans dimension appelé nombre de Reynolds R qui,
vd
dans une canalisation cylindrique de diamètre d, vaut R = , où v est la vitesse moyenne du fluide et ν le coefficient de
ν
viscosité cinématique3. L’écoulement devient potentiellement turbulent pour R dépassant une valeur critique de l’ordre de
2 300 environ.
35.3.2 Coefficient de transfert pariétal
Définition
Généralisant l’expression précédente, le transfert thermique de surface à l’interface entre le solide et le fluide, compté
positivement du fluide vers la paroi solide, peut se mettre sous la forme | j p | = h|TF0 − TS0 |, où le coefficient de transfert
3 Les
forces volumiques de viscosité sont proportionnelles à ce coefficient.
268
Manuel de Physique
thermique de surface h est d’autant plus important que le fluide est bon conducteur de la chaleur et que l’épaisseur de la
couche limite est plus faible, favorisant par exemple les transferts thermiques de surface lorsque l’écoulement est turbulent.
L’algébrisation a été développée plus haut ; le flux pariétal est évidemment positif (reçu par le système Σ) si la température
de celui-ci est inférieure à celle du milieu extérieur.
F LUX THERMIQUE PARIÉTAL ( CONVECTO - CONDUCTIF )
Le flux thermique pariétal reçu par
I un système (Σ) de la part d’un fluide extérieur (F) s’écrit sous
la forme de la loi de Newton Φ p =
(S)
j p dS où le flux thermique pariétal par unité de surface s’écrit
j p = h (TF − TΣ )
Ordres de grandeur
Les flux de transfert thermique de surface j p se mesurant en W · m−2 , les coefficients de transfert thermique de surface h
s’expriment en W · m−2 · K−1 ; ils dépendent de la nature du fluide mais aussi de l’épaisseur de la couche limite (ordinairement de l’ordre d’une fraction de millimètre) donc du type de régime de convection dans le fluide.
Dans un régime de convection naturelle, l’écoulement du fluide s’établit spontanément du fait des écarts de température
dans le fluide.
Dans un régime de convection forcée, un dispositif (pompe, ventilateur) impose les conditions de circulation du fluide, en
général à une vitesse supérieure à celle observée dans le cas de la convection naturelle.
De plus, dans chaque cas, on peut rencontrer des gradations dans les valeurs de h, selon par exemple les valeurs du nombre
de Reynolds.
Notons seulement les ordres de grandeur de h présentées dans le tableau 35.2.
Nature du transfert
Convection
naturelle
Convection
forcée
Nature du fluide
Gaz
Eau
Gaz
Eau
Huile
Métal liquide
h
5 à 30 W · m−2 · K−1
100 à 1000 W · m−2 · K−1
10 à 300 W · m−2 · K−1
300 à 1, 2 × 104 W · m−2 · K−1
50 à 1, 7 × 103 W · m−2 · K−1
6 × 103 à 1, 1 × 105 W · m−2 · K−1
F IG . 35.2 – Ordres de grandeur pour le coefficient h
Bilans thermiques
La prise en compte des phénomènes de transfert thermique pariétaux ne permet plus, comme dans le seul cas de la conduction, d’écrire une équation locale de diffusion thermique.
Par contre, ces phénomènes sont absents à l’intérieur du système, et une résolution locale est possible ; les phénomènes
pariétaux jouent alors le rôle de conditions aux limites pour la résolution des problèmes de conduction, en écrivant par
exemple la continuité des flux thermiques.
Il est bien sûr aussi possible de traiter des problèmes de bilan thermique global, incluant les phénomènes de conduction et
de transfert pariétal.
36
Méthodes de Laplace
W ILHELM W IEN (1864—1928)
36.1 Régimes permanents
36.1.1 Équation de diffusion en régime permanent
Équation de diffusion thermique
L’équation de la diffusion thermique prend, en régime permanent, la forme d’une équation différentielle dont la température
T est solution :
1
∆T (~r) = − pl (~r)
λ
(36.1)
en fonction de la puissance volumique créée localement pl et de la conductivité thermique λ du milieu :
La résolution de cette équation (dite de Poisson) pour un second membre p l donné, se fait par utilisation de méthodes dites
de Laplace, que nous présenterons ici.
Dans le cas particulier d’un milieu conservatif (pas de création en volume), l’équation de Poisson prend la forme d’une
équation de Laplace :
∆T (~r) = 0
Problèmes unidimensionnels
Les méthodes de résolution que nous développerons plus loin ne sont nécessaires que si la température T (on plus généralement la solution d’une équation de Poisson) est une fonction de plusieurs variables spatiales, T (x, y, z) ou bien T (ρ, ϕ, z)
ou encore T (r, θ, ϕ).
270
Manuel de Physique
Dans le cas unidimensionnel, la résolution est toujours facilitée par la transformation de l’équation aux dérivées partielles
(EDP) en équation différentielle (ED).
En particulier, dans le cas d’une équation de Laplace (sans terme du second membre), les solutions ci-après sont évidentes,
respectivement en coordonnées cartésiennes :
∆T (x) = 0 ⇒ T = T0 + T1
x
T1
⇒ ~jc = −λ ~ex
a
a
pour un problème radial cylindro-polaire :
∆T (ρ) = 0 ⇒ T = T0 + T1 ln
ρ
T1
⇒ ~jc = −λ ~eρ
ρ0
ρ
et pour un problème radial sphérique :
∆T (r) = 0 ⇒ T = T0 + T1
r0
r0
⇒ ~jc = λT1 2 ~er
r
r
Conditions aux limites
L’écriture de l’équation de la diffusion (36.1) ci-dessus suppose qu’on peut négliger, dans le volume où on détermine T (~r),
tous les phénomènes de transfert thermique autres que la conduction, donnée par la loi de Fourier.
Toutefois, les phénomènes pariétaux (transfert convecto-conductif caractérisé par un coefficient de transfert h, mais aussi
phénomènes de rayonnement) ne peuvent être exclus à la surface extérieure du volume étudié.
Ils serviront à écrire les conditions aux limites pour la résolution d’une équation de Laplace. Considérons en effet un
élément de surface dS et de normale extérieure ~ez de la paroi qui limite le volume (V ) à l’intérieur duquel on détermine la
température.
Nous supposerons que le milieu z < 0 est le volume (V ), dans lequel les transferts thermiques sont uniquement conductifs,
et le milieu z > 0 est le milieu extérieur, siège de phénomènes pariétaux.
On peut alors écrire la continuité des flux thermiques sous la forme :
jcn = −~jc ·~ez = j p
(36.2)
où la composante normale jcn de la densité volumique de courant thermique de conduction, tout comme le flux surfacique
pariétal j p sont orientés, conformément à la convention thermodynamique générale, vers l’intérieur de (V ).
jc
jp
z
Système Σ
Fluide F extérieur
F IG . 36.1 – Continuité des flux thermiques
On écrira encore :
Continuité de la température
∂T = j p (z = 0+ )
λ
∂z z=0−
Considérons le cas où le transfert pariétal est entièrement de nature convecto-conductive, la température au-delà de la couche
limite pour z > 0 étant notée T0 . On a alors :
∂T λ
= h T0 − T (z = 0− )
∂z z=0−
Méthodes de Laplace
271
On en conclut que, si la paroi assure un excellent contact thermique entre les deux systèmes disposés de part et d’autre
de celle-ci, on peut faire h → ∞ ce qui impose, pour conserver des flux conductifs finis (donc une température fonction
dérivable des coordonnées d’espace) :
T (z = 0− ) = T (z = 0+ )
On retiendra cependant que la continuité de la température de part et d’autre d’une surface de séparation n’est qu’un cas
particulier, vérifié seulement dans certains exercices simplifiés.
Problèmes analogues
Rappelons que les problèmes thermiques en régime permanent (sans terme de création locale) sont les analogues des problèmes électriques dans les milieux conducteurs ohmiques en régime permanent :
~j = γ~
E et div ~j = 0 ⇒ ∆V = 0
−−→
puisque ~
E = −gradV ; de même, l’étude de l’électrocinétique dans le vide se fait dans le cadre de l’équation de Poisson,
qui prend en l’absence de charge électrique la forme particulière :
∆V = 0
L’écriture des conditions aux limites pour ces problèmes peut se présenter sous deux formes :
– Si le potentiel électrique est fixé sur la surface limitant le volume étudié 1 , on se trouve dans le cas d’une résolution d’EDP
avec continuité du potentiel à la surface du volume (V ).
– Si la charge électrique surfacique est fixée sur la surface limitant le volume étudié, l’écriture des équations de passage
pour le champ électrique impose la valeur de la composante normale du champ électrique ou, ce qui revient au même, de
la dérivée normale du potentiel cherché.
36.1.2 Résistance thermique
Conductance électrique
Dans le cas des calculs de conductance et résistance électriques, on indique les valeurs du potentiel électrique sur deux
surfaces particulières, et on détermine le courant électrique qui parcourt l’espace compris entre ces surfaces :
I=
Z
S
γ~
E ·~ndS
où la surface S peut être choisie arbitrairement2 entre les deux surfaces limites (1) et (2).
De même, la différence de potentiel entre ces deux surfaces est donnée par l’intégrale de circulation :
V1 −V2 =
Z2
1
~
E · d~r
et on définit la conductance électrique par le rapport :
R
γ~
E ·~ndS
I
S
G=
= 2
R
V1 −V2
~
E · d~r
(36.3)
1
ainsi que la résistance électrique R = 1/G correspondante. Les unités de mesure courantes de G et R sont respectivement le
siemens (S) et l’ohm (Ω).
1 Par
exemple, présence de surfaces équipotentielles aux limites, potentiel nul à l’infini, etc.
une conséquence de la conservation du flux du vecteur densité de courant électrique ~j, selon la loi div ~j = 0
2 C’est
272
Manuel de Physique
Conductance thermique
Dans un régime de conduction thermique sans terme de création, on définit de même la puissance thermique circulant entre
deux surfaces (1) et (2) par :
Pc =
Z
S
~
−λgradT
·~ndS
et cette grandeur est l’analogue du courant électrique I. Là encore, la surface S peut être choisie arbitrairement entre les
deux zones (1) et (2), dont la température fixée, à cause de la conservation du flux thermique assurée par l’absence de tout
terme de création.
De même, on peut expliciter la différence de température T1 − T2 sous la forme :
T1 − T2 =
Z2
1
~
−gradT
· d~r
pour assurer l’analogie avec la différence de potentiel V1 −V2.
Finalement, on définira logiquement la conductance thermique par la relation :
R
~
−λgradT
·~ndS
Pc
S
Gth =
= 2
T1 − T2
R
~
−gradT
· d~r
(36.4)
1
~ | est négligeable, c’est-à-dire tel
Pour fixer une température uniforme sur (1) et (2), on peut choisir un milieu tel que | gradT
que λ est très élevé : on parle de conducteur thermique parfait.
On peut bien sûr aussi définir la résistance thermique par Rth = G1 . L’unité de mesure courante de Gth est le W · K−1 .
th
Analogie entre conductances
Pour des géométries analogues, les conductances électrique et thermique se calculent par la résolution d’équations analogues, avec des conditions aux limites analogues.
On obtiendra donc des résultats identiques, à savoir la relation :
Gth
G
=
λ
γ
(36.5)
s
Par exemple, un élément cylindrique de section s et de longueur l aura pour conductances électrique et thermique G = γ et
l
s
1l
Gth = λ . On définit bien sûr encore la résistance thermique par Rth = 1/Gth ; dans le cas cylindrique déjà cité, Rth =
.
l
λs
36.1.3 Ailettes
Définition
Une ailette de refroidissement est un système, formé d’un bon conducteur thermique, destiné à évacuer une puissance
thermique significative par transfert thermique pariétal convecto-conductif le long de la paroi séparant l’ailette du fluide qui
environne l’ailette.
La base de l’ailette (x < 0, cf. figure 36.2) est maintenue à une température T1 > T0 ; l’ailette a pour but d’évacuer la
puissance thermique la plus élevée possible de la base vers le fluide environnant.
Nous effectuerons l’étude de l’ailette en régime permanent ; nous lui attribuerons une longueur L et une forme cylindrique,
de rayon r.
L’ailette est formée d’un matériau conducteur thermique, de conductivité λ ; le coefficient de transfert thermique pariétal à
la surface latérale de l’ailette sera noté h.
Méthodes de Laplace
273
T0
x
O
x
x + dx
F IG . 36.2 – Ailette de refroidissement
Température le long de l’ailette
Effectuons le bilan thermique, en régime permanent, de la portion d’ailette comprise entre les sections d’abscisses x et
x + dx. On l’écrira Φc + Φ p = 0, soit encore ici :
jc (x)πr2 − jc (x + dx)πr2 + h(T0 − T (x)) 2πrdx = 0
qui peut s’écrire encore :
2hθ(x) = −r
d jc
d 2θ
= rλ 2
dx
dx
en fonction de la variable θ(x) = T (x) − T0 . On en déduit immédiatement :
x
x
+ β exp
T (x) = T0 + α exp −
d
d
d=
r
rλ
2h
La détermination des constantes d’intégration α et β se fait en considérant les conditions aux limites ; d’une part, on a :
T (0) = T1 = α + β
et d’autre part, le flux thermique en bout d’ailette vérifie la relation de continuité :
dT −λ
= h (T (L) − T0 )
dx x=L
Toutefois, on fait souventl’approximation
dite d’« ailette infinie » (β = 0) pour déterminer la température dans l’ailette
x
T (x) = T0 + (T1 − T0) exp − .
d
Puissance thermique évacuée
La puissance thermique totale évacuée par l’ailette, dans l’approximation de l’ailette infinie, prend la valeur :
Φe = −λ
dT r2
πr2 = λπ (T1 − T0 )
dx x=0
d
On peut donc faire apparaître un coefficient pariétal effectif h0 défini par :
Φe = h πr (T1 − T0 )
0
2
λ
h = =
d
On améliore bien sûr le transfert thermique si h0 h ⇔ λ hd.
0
r
2hλ
r
274
Manuel de Physique
36.2 Régimes variables
36.2.1 Régimes harmoniques
Oscillations thermiques
La température T dans un milieu conducteur thermique peut varier au cours du temps de manière sinusoïdale si une excitation extérieure impose cette variation sinusoïdale, et si on néglige les régimes transitoires.
La présence de l’oscillation sinusoïdale se manifeste par exemple par l’existence de conditions aux limites sinusoïdales.
Celles-ci trouvent par exemple leur origine dans les cycles astronomiques.
Les variations de période 24 heures (alternance jour/nuit) portent le nom d’oscillations nycthémérales.
Les variations de période égale à une année (alternance été/hiver) portent le nom d’oscillations annuelles.
Ondes thermiques
Dans le cas d’un régime d’oscillation sinusoïdale de température, et en l’absence de tout terme p l de création, on pourra
poser T (~r,t) = Tm + ℜ (Θ(~r) exp[iωt]), ce qui mène à la forme particulière de l’équation de diffusion thermique :
−λ∆Θ + iωµcΘ = 0
(36.6)
On reconnaît ici l’équation de l’effet Kelvin ou effet de peau, établie pour l’étude des régimes sinusoïdaux de conduction
dans les conducteurs électriques :
−∆~
E + iωµ0γ~
E = ~0
En particulier, des ondes thermiques peuvent se propager, avec atténuation, dans un tel milieu ; la profondeur de pénétration
de ces ondes est donnée par la résolution en onde plane :
h
i
Θ(~r) = Θ0 exp −i~k ·~r = Θ0 exp[−ikx]
ωµc
k = −i
λ
2
1−i
k=±
δ
δ=
s
λ
2ωµc
(36.7)
1
En particulier, la distance caractéristique δ d’atténuation de l’amplitude des oscillations thermiques varie comme √ ;
ω
√
cette distance est 365 ' 20 fois plus courte pour les variations nycthémérales que pour les variations annuelles ; ainsi, les
variations périodiques annuelles de température en profondeur dans le sol restent ressenties en profondeur (avec un retard
de phase) alors que les variations nycthémérales ne le sont plus.
36.2.2 Régimes transitoires et diffusivité thermique
Diffusivité thermique
En l’absence de terme de création (pl = 0), l’équation de la diffusion thermique peut s’écrire :
D∆T =
∂T
∂t
D=
λ
µc
(36.8)
où la diffusivité thermique du milieu est définie par le coefficient D. Cette diffusivité se mesure en m 2 · s−1 . Dans un
problème dont les dimensions caractéristiques sont de l’ordre de grandeur de L, on s’attend donc à trouver des durées
caractéristiques (constante de temps τ par exemple) données par :
τ∼
Cette relation appelle deux commentaires généraux :
L2
D
(36.9)
Méthodes de Laplace
275
– Dans l’équation d’ondes de d’Alembert, la grandeur caractéristique est une célérité c est les durées caractéristiques varient
L
proportionnellement aux distances caractéristiques (τ ∼ ).
c
Ici on observera des variations proportionnelles au carré L2 de ces dimensions, ce qui signifie une durée de transport
des variations de température qui augmente rapidement avec la dimension des systèmes étudiés. On dira que la diffusion
thermique ralentit lorsque la taille du système augmente.
– La durée des phénomènes de diffusion est d’autant plus brève que la diffusivité est plus importante (pour une dimension
donnée du système), ce qui justifie le terme de diffusivité. En particulier, on obtient une diffusion efficace (c’est-à-dire
rapide) pour un milieu de conductivité élevée (bons conducteurs thermiques), on de capacité thermique faible (mauvais
pouvoir d’accumulation de l’énergie thermique.
Diffusion et irréversibilité
L’équation de d’Alembert est invariante par renversement du sens du temps, du fait de l’intervention d’une dérivée seconde
∂2
; ce fait se manifeste par l’existence à égalité de solutions (OP) du type f (x − ct) et f (x + ct).
∂t 2
Au contraire, l’équation de diffusion fait intervenir une dérivée première, et l’inversion du sens du temps n’est plus indifférente ; on retrouve le fait que l’irréversibilité des transferts thermiques impose le sens d’évolution des systèmes en cours de
diffusion.
En particulier, on peut rechercher des solutions élémentaires de l’équation de diffusion sous la forme de régimes transitoires
du premier ordre :
t
T (~r,t) = T0 + T1 (~r) exp −
τ
où on imposera bien sûr τ > 0 ; une telle solution vérifie l’équation de la diffusion thermique seulement si T1 (~r) est solution
d’une équation aux valeurs propres de l’opérateur de Laplace :
∆T1 (~r) = −
1
T1 (~r)
d2
d2 =
D
τ
En particulier, dans le cas où on recherche une solution unidimensionnelle cartésiennes :
x
d 2 T1 (x)
1
=
−
T
(x)
⇒
T
(x)
=
T
cos
+
ϕ
1
1
a
dx2
d2
d
et la température peut se mettre sous la forme :
T (x,t) = T0 + Ta cos
2 d t
+ ϕ exp −
d
D
x
Conditions aux limites périodiques
dT
présente, dans le cas unidimensionnel, des conditions aux
dx
3
limites périodiques , la solution présentée ci-dessus ne peut en général pas satisfaire à ces conditions aux limites.
Considérons par exemple une barre de longueur L calorifugée sur toutes ses extrémités ; on doit donc imposer la continuité
des flux thermiques sous la forme :
dT dT =
=0
dx x=0
dx x=L
Si la température T (x) ou le courant thermique jc = −λ
L
L
ce qui impose ϕ = 0 et sin = 0 donc nécessairement l’existence d’au moins un entier n tel que d =
. On pourra alors
d
nπ
chercher, du fait de la linéarité de l’équation de la diffusion, sa solution sous la forme :
3 Par
exemple, si les valeurs de T ou de sa dérivée jc sont fixées en deux points représentant les deux extrémités du milieu unidimensionnel étudié.
276
Manuel de Physique
x
∞
L2 t
T (x,t) = T0 + ∑ Tn cos nπ exp − 2
L
nπ D
n=1
où les coefficients Tn peuvent être reliés aux conditions initiales :
x
∞
T (x,t = 0) = T0 + ∑ Tn cos nπ
L
n=1
c’est-à-dire qu’ils forment les coefficients impairs de la série de Fourier d’une fonction de période 2L, obtenue par prolongement pair sur [−L; L] de la condition initiale T (x,t = 0).
Diffusion illimitée
La solution unidimensionnelle ci-dessus a été présentée dans le cadre de la résolution d’une EDP par décomposition de la
solution en série de Fourier. Pour rechercher une solution de l’équation de diffusion en l’absence de conditions aux limites
(diffusion dans un milieu illimité), il est logique de proposer une méthode basée sur la décomposition en intégrales de
Fourier.
Toutefois, une telle résolution sortant du cadre mathématique de notre programme, nous nous contenterons d’exhiber une
solution particulière, qu’on peut s’attendre à retrouver fréquemment dans tout problème de diffusion thermique illimité.
L2
Du fait du comportement déjà cité de la diffusivité (τ ∼
), nous chercherons une solution unidimensionnelle sous la
D
forme :
2
x
T (x,t) = T0 + f
g(t) = f (u)g(t)
Dt
x2
est sans dimension. Pour la simplicité de la résolution, nous chercherons de plus f sous forme d’une
Dt
fonction exponentielle, soit f (u) = f 0 exp(−pu). Il vient alors :
où la variable u =
h u
i
∂T
= f (u) p g(t) + g0(t)
∂t
t
et, après calculs
∂2 T
2g(t)
=
f (u) −p + 2up2
∂x2
Dt
g0
1
; on en déduit immédiatement p = donc
g
4
g0
1
1
t = − ; la solution correspondante est une distribution gaussienne de température, d’amplitude décroissante comme √
g
2
t
√
et d’écart-type croissant comme t, qui décrit l’affaiblissement par diffusion d’un pic de température :
Θ
x2
T (x,t) = T0 + √ exp −
4Dt
t
et l’identification avec l’équation de la diffusion impose −2p + pu(4p − 1) = t
37
Rayonnement thermique
M AX P LANCK (1858—1947)
37.1 Rayonnement électromagnétique
37.1.1 Rappels
Champ électromagnétique
Le rayonnement électromagnétique consiste en la propagation simultanée dans le vide, et dans certains milieux assimilés,
d’un champ électrique ~
E(~r,t) et d’un champ magnétique ~B(~r,t).
Dans un milieu isotrope d’indice n, on établit la relation de Maxwell-Faraday :
~B(~r,t) = n~u ∧ ~
E(~r,t)
c
si ~u est le vecteur unitaire de la direction de propagation. Dans un tel milieu, on montre la relation de structure des ondes
planes progressives, ~B(~r,t) ·~u = 0 et ~
E(~r,t) ·~u = 0. Ces deux champs se propagent ensemble et à la même vitesse c/n, où
c = 2.9979458 × 108 m · s−1 .
Milieux transparents
Nous ne considérons que les milieux matériels transparents. Ceci peut n’être vérifié que dans un certain domaine de fréquence, hors de ce qu’on appelle les bandes ou zones d’absorption ; on peut alors, dans le cadre de certains modèles, montrer
que n > 1 pour les milieux moléculaires non absorbants.
Nous ne considérerons dans le suite que le cas où n est voisin de l’unité, comme par exemple pour l’air dans les conditions
normales de température et de pression et dans le domaine de fréquence correspondant à la lumière visible.
278
Manuel de Physique
Fréquence et longueur d’onde
Rappelons encore que le rayonnement électromagnétique se traduit, en chaque point de l’espace, par une oscillation des
champs ~
E et ~B, qu’on peut caractériser par sa fréquence ν ou par sa pulsation ω = 2πν, mais qu’on préfère souvent en
pratique décrire au moyen de la longueur d’onde dans le vide du rayonnement, définie par :
λ0 =
c
2π
=
ν
k
(37.1)
Un usage abusif mais commun transforme en général cette notion, dans le vocabulaire courant, en longueur d’onde λ, alors
que la « vraie » longueur d’onde de l’onde électromagnétique dépend bien sûr de l’indice optique n. La classification des
divers domaines des ondes électromagnétiques est rappelée dans le tableau ci-après.
Nom des ondes électromagnétiques
Ondes radio
Hyperfréquences ou ondes centimétriques
Infrarouge
Lumière visible
Ultraviolets
Rayons X
Rayons γ
Limites (approximatives) de λ
plus de 1m
de 0, 1 mm à 1 m
de 750 nm à 0, 1 mm
de 400 nm à 750 nm
de 10−10 m à 400 nm
de 10−12 m à 10−10 m
moins de 10−12 m
Vecteur de Poynting
En tout point où parvient une telle onde, on a montré qu’elle transporte une puissance électromagnétique qui se met sous
forme d’une intégrale de surface, étendue à la surface qui reçoit cette puissance :
P(t) =
Z
S
~R(~r,t) ·~ndS
~R(~r,t) = 1 ~E(~r,t) ∧ ~B(~r,t)
µ0
avec
37.1.2 Courant thermique de rayonnement
Définitions
La somme des puissances rayonnées à travers une surface (S), portant sur les différentes directions de rayonnement, et
déterminée en moyenne temporelle, s’écrit nécessairement comme une intégrale de surface ; on la notera :
Φr =
Z
S
jr dS
où on remarque que la densité volumique de puissance rayonnée j r n’est plus définie de façon vectorielle, puisqu’il s’agit
en général d’une somme sur plusieurs directions.
C’est ce terme jr , analogue des grandeurs jc et j p définies plus haut lors des études de la conduction et des transferts
pariétaux, que nous étudierons dans ce qui suit. Notons ici que j r est algébrique ; son signe dépend du sens du transfert
effectif global à travers la surface étudiée. Nous choisirons dans toute la suite une convention thermodynamique, imposant
jr > 0 pour un flux reçu par le système (Σ) étudié1 .
Bilans thermiques de rayonnement
Les milieux transparents étudiés, siège de la propagation des ondes électromagnétiques, seront limités par des corps solides
ou liquides considérés comme des matériaux opaques, sur la surface desquels la totalité du rayonnement électromagnétique
incident est soit réfléchi, soit absorbé.
1 Il est important de noter que les conventions de signe sont souvent très floues ; on prendra soin de les préciser lors de la résolution d’un problème de
bilans thermiques de rayonnement.
Rayonnement thermique
279
Ajoutant aux flux réfléchi et absorbé un flux éventuellement émis (si le corps étudié est lui-même un émetteur de rayonnement électromagnétique), on pourra faire un bilan thermique pour le système (Σ) de surface extérieure (S) en écrivant la
puissance reçue par (Σ) sous la forme :
Pt =
I
S
jr dS +
I
S
j p dS
(37.2)
où on a choisi ici encore de compter positivement jr et j p s’ils sont reçus par le système.
Flux hémisphérique
La grandeur jr porte ici le nom de flux hémisphérique unitaire, puisque c’est la somme de toutes les puissances traversant
vers l’extérieur l’unité de surface extérieure au corps opaque étudié, du fait du rayonnement, quelle que soit le sens de
propagation de ce rayonnement.
On verra plus loin qu’on peut décomposer ce flux hémisphérique et diverses composantes (incidente, réfléchie, ...).
D’autre part, on verra encore qu’on peut en proposer une décomposition spectrale, détaillant la répartition de la puissance
unitaire jr en fonction de la fréquence ν à laquelle elle est émise, ou de la longueur d’onde λ correspondante.
Équilibre thermique, équilibre radiatif
En l’absence de transferts de travail, un système (Σ) sera en équilibre thermique (et donc en particulier à énergie interne
constante) si la puissance thermique totale reçue s’annule, Pt = 0 On parlera d’équilibre radiatif dans le cas particulier
où ce
I
système est en équilibre thermique sous l’action des seules grandeurs liées au rayonnement, selon Pt = Φr =
Enfin, on parlera d’équilibre radiatif
local2
S
jr dS = 0.
si cette relation est partout localement vraie : jr = 0.
37.2 Transferts thermiques par rayonnement
37.2.1 Définitions
Généralités
Ce qui suit est consacré à une étude simplifiée et phénoménologique des transferts thermiques associés au rayonnement ;
certains résultats sont admis, et de nombreuses définitions ont essentiellement un but descriptif. Des développements théoriques sont présentés ultérieurement (modèle statistique de Planck, et modèle de l’émission stimulée d’Einstein), formant
des liens entre l’étude du rayonnement thermique, la Thermodynamique statistique et l’Électromagnétique.
Absorption et réflexion
Comme on l’a déjà indiqué, lors de l’abord de la surface extérieure d’un obstacle opaque, le flux énergétique incident est
soit réfléchi, soit absorbé :
jr↓ = jrr + jra
A BSORPTION DU RAYONNEMENT
Le rayonnement électromagnétique incident sur la surface extérieure d’un système thermodynamique
(Σ) peut exciter des modes de vibration des atomes du système (Σ), conduisant à l’absorption d’une
partie du flux incident.
jr
On pourra définir un coefficient de réflexion énergétique R par la relation 3 R = ↓r ∈ [0; 1].
jr
Le phénomène de réflexion totale (R = 1) représente un cas exceptionnel. Plus généralement, la réflexion ne suit les lois de
Snell-Descartes que pour les matériaux à état de surface idéalement régulier.
2 L’équilibre
3 Dans
radiatif local est parfois improprement appelé équilibre thermodynamique local, d’où la notation ETL.
le cas de la réflexion par une planète de la lumière émise par le Soleil, le coefficient R prend le nom d’albédo.
280
Manuel de Physique
jrr = R jr↓
jr↓
Système (Σ)
jra = jr↓ − jrr
F IG . 37.1 – Répartition du flux incident jr↓
Précisons ici les conventions de signe adoptées : chaque flux hémisphérique radiatif est compté positivement le long d’une
normale à la surface du corps opaque, qui est dirigée dans le sens de propagation moyen du rayonnement correspondant :
vers l’extérieur pour le rayonnement réfléchi, vers l’intérieur pour le rayonnement incident.
Le flux absorbé est, par construction, positif, comme le flux réfléchi et le flux incident. Par contre, pour faire un bilan
énergétique pour le système (Σ), on devra affecter jra d’un signe positif et jrr d’un signe négatif :
Φar =
I
S
jra dS Φrr = −
I
jrr dS
S
Émission et réflexion
En plus de ces deux cas (réflexion et absorption) (qui font partie de ceux ordinairement étudiés en optique par exemple),
nous allons décrire ici des situations dans lesquelles la surface de tel ou tel corps opaque peut aussi émettre du rayonnement
électromagnétique, en particulier en liaison avec la température de ce corps émetteur.
É MISSION DE RAYONNEMENT
La désexcitation des atomes du système thermodynamique (Σ) peut conduire à l’émission de rayonnement électromagnétique par (Σ). Ce rayonnement émis s’ajoute au rayonnement réfléchi pour former le
rayonnement total partant de la surface de (Σ).
Ainsi, si on étudie le flux radiatif hémisphérique partant (ou émergent) j r↑ de l’élément de surface du corps opaque, on
constate qu’il est, en général, supérieur au seul flux réfléchi ; le supplément est appelé flux radiatif hémisphérique émis j re
par l’unité de surface du corps opaque, avec la relation :
jr↑ = jrr + jre
Ici, les normales conventionnelles sont dirigées vers l’extérieur du corps opaque pour les trois flux positifs j r↑ , jrr et jre d’où
les puissances correspondantes :
Φrr = −
I
S
jrr dS Φer = −
I
S
jre dS
en convention thermodynamique pour le corps (Σ) de surface extérieure (S).
Flux radiatif
On peut encore définir le flux radiatif total surfacique à la paroi du corps opaque par les relations :
jr = − jr↑ + jr↓ = − jre + jra
et la puissance totale reçue par rayonnement par le corps intérieur à (S) s’écrit :
(37.3)
Rayonnement thermique
281
Pr =
I S
I
− jr↑ + jr↓ dS = (− jre + jra ) dS
S
Le flux radiatif jr et l’ensemble de ses composantes décrites ci-dessus s’expriment en W · m −2 ; ils constituent donc des
grandeurs locales ou extensives relativement à la surface du corps opaque considéré.
Par contre il s’agit de grandeurs intégrales relativement à la direction de propagation du rayonnement, et aussi relativement
à la longueur d’onde du rayonnement considéré.
Étude spectrale
Seule l’étude spectrale (en fonction de la longueur d’onde) figure à notre programme, dans le seul cas de l’équilibre thermodynamique local. On la caractérise en limitant l’étude du flux radiatif et de ses composantes à un intervalle de longueur
d’onde [λ; λ + dλ] pour lequel les divers flux hémisphériques se mettent sous la forme :
d jx =
d jx
dλ
dλ
On peut aussi étudier d’autres répartitions spectrales, en fonction de la fréquence ν par exemple, d j x =
c
c
d jx
λ2 d j x
de ν = donc |dν| = 2 |dλ|, on a bien sûr
=
.
λ
λ
dν
c dλ
On peut repasser au flux total à partir du flux spectral par les relations :
jx =
Z ∞
d jx
ν=0
dν
dν =
Z ∞
d jx
λ=0
dλ
d jx
dν ; compte tenu
dν
dλ
37.2.2 Rayonnement d’équilibre
Loi de Planck
Nous admettrons provisoirement la loi de Planck, qui énonce qu’un corps opaque, non réfléchissant, à l’équilibre radiatif
(à la température T ) dans un milieu transparent d’indice unité admet des valeurs égales des flux hémisphériques spectraux
incident et partant, avec pour valeur commune la densité spectrale de rayonnement d’équilibre :
d jr↑
d je
d jr↓
=
=
dλ
dλ
dλ
d je
2πhc2
1
=
dλ
λ5 exp hc − 1
λkB T
(37.4)
en tout point de la surface du corps opaque, en fonction des constantes de Planck 4 h et de Boltzmann5 kB . Compte tenu de
la méthode changement de variable déjà signalée, on en donne aussi l’expression en termes de fréquence :
d jr↓
d jr↑
d je
=
=
dν
dν
dν
d je
2πhν3
1
=
dν
c2 exp hν − 1
kB T
(37.5)
Constante de Planck
Cette expression a été proposée par Planck pour des raisons théoriques, et les deux constantes fondamentales qui y figurent
sont la constante thermodynamique microscopique de Boltzmann et une autre constante, introduite par Planck pour aligner
sa formule théorique avec les valeurs expérimentales :
4 L’œuvre
kB = 1, 3805 × 10−23 J · K−1
h = 6, 6262 × 10−34 J · s
(37.6)
du physicien allemand M AX P LANCK (1858-1947) est fondamentale. Einstein a salué en son auteur un homme à qui il a été donné de doter
le monde d’une grande idée créatrice et dont la découverte devint la base de toute la recherche en physique au vingtième siècle.
5 Le physicien autrichien L UDWIG B OLTZMANN (1844-1906) fut à Vienne l’élève de Josef Stefan. Il a eu une influence a été profonde sur le développement de la science moderne. Par son interprétation de l’entropie, qui introduit la probabilité en thermodynamique, il a inspiré les travaux de Planck et
d’Einstein sur la théorie statistique du rayonnement, sur l’hypothèse des quanta et des photons.
282
Manuel de Physique
Équilibre radiatif
Puisque les flux incident et partant sont égaux, l’équilibre radiatif local d’un corps opaque avec le milieu environnant (en
l’absence donc de flux conductif et de flux pariétal convecto-conductif) est donc bien sûr caractérisé par un flux radiatif nul :
d jr
d jr↑ d jr↓
d je d ja
=−
+
=− r + r =0
dλ
dλ
dλ
dλ
dλ
et on obtient le même résultat pour les flux hémisphériques totaux, par intégration sur l’ensemble du spectre des longueurs
d’onde.
37.3 Conséquences de la loi de Planck
37.3.1 Lois de Wien et de Stefan
Expressions de la loi
Notons d’ores et déjà que l’expression de la loi de Planck en termes de fréquence est utilisée pour les développements
théoriques, tandis que la forme écrite en fonction de la longueur d’onde est celle que nous utiliserons en pratique.
Pour analyser les conséquences formelles de la loi de Planck, écrivons la sous la forme :
d je
2πk5 T 5
= 4B 3 f (u)
dλ
h c
u=
hc
kB λT
f (u) =
u5
exp(u) − 1
f (u)
u
4.9651
F IG . 37.2 – Tracé de f (u) =
u5
exp(u) − 1
Le tracé de la fonction f est relativement aisé ; nous remarquerons que :
u5
df
=
(5 − u − u exp(−u))
du (exp(u) − 1)2
soit encore, si exp(u) 1,
df
u5
'
(5 − u)
du (exp(u) − 1)2
qui s’annule lorsque u0 ' 5 (en fait, pour u0 = 4, 9651). On en déduit la forme de f (u), et donc de la loi de Planck, à une
température donnée ; f (u) est tracée sur la figure 37.2.
Rayonnement thermique
283
Loi du déplacement de Wien
En particulier, le rayonnement partant (ou incident) à l’équilibre thermique admet un maximum pour une certaine longueur
d’onde λ0 qui vérifie :
λ0 T =
hc
= 2, 895 × 10−3 m · K
kB u 0
(37.7)
d je
dλ
5 000 K
3 500 K
1
λ
λ0 = 579nm (jaune)
λ0 = 827nm (infrarouge)
F IG . 37.3 – Spectres de la loi de Planck à 3 500 K et 5 000 K
La relation entre λ0 et T porte le nom de loi de déplacement de Wien 6 .
On n’oubliera cependant pas que la hauteur du maximum varie aussi avec la température, proportionnellement à T 5 ; on peut
ainsi proposer, sur la figure 37.3, la comparaison des répartitions spectrales de flux hémisphériques à 3 500 K et 5 000 K. On
1
notera que les tracés sont ici effectués en fonction de ; un tracé en fonction de λ est proposé plus loin.
λ
Loi de Stefan-Boltzmann
On constate en particulier que l’émission totale augmente très fortement avec la température ; on peut caractériser celle-ci
quantitativement par l’intégrale :
je =
Z ∞
d je
λ=0
dλ
2πhkB4 T 4
h 4 c2
dλ =
Z ∞
0
u3
du
exp(u) − 1
qu’on écrira encore :
je = σT 4
σ=
2πkB4
h 3 c2
Z ∞
0
u3
du
exp(u) − 1
Le calcul de cette intégrale se fait sous la forme :
I=
Z ∞
0
u3
du =
exp(u) − 1
Z ∞ 3
u exp(−u)
0
1 − exp(−u)
du =
Z ∞
0
u3 exp(−u) [1 + exp(−u) + exp(−2u) + · · ·] du
6 Le physicien allemand W ILHELM W IEN (1864-1928) travaillait dans le laboratoire de Hermann von Helmholtz. L’amélioration des techniques de
mesure des hautes températures lui permit d’énoncer la loi qui porte son nom ; c’est lui qui proposa en 1894 la définition du corps noir proposée plus bas.
Il obtient le prix Nobel de physique en 1911.
284
Manuel de Physique
au moyen d’un développement de Taylor du dénominateur. Notons alors :
Z
Z ∞
1 ∞ 3
v exp(−v) dv
Kα =
u3 exp(−αu) du = 4
α 0
0
on reconnaît une intégrale faisant partie d’une suite récurrente :
Jn =
Z ∞
0
vn exp(−v) dv = [−vn exp(−v)]∞
0 + nJn−1 = nJ−1
ce qui permet d’affirmer J3 = 6J0 , et un calcul immédiat montre que J0 = 1. Finalement, Kα =
∞
I=6
1
π4
6
d’où :
α4
π4
∑ α4 = 6 90 = 15
α=1
On en déduit la loi de
Stefan7
:
je = σT 4
σ=
2π5 kB4
= 5, 67 × 10−8 W · m−2 · K−4
15h3c2
(37.8)
Flux pariétal équivalent
Considérons une surface S d’un corps porté à la température T , dont le rayonnement est donné par la loi de Planck. Les
échanges thermiques par rayonnement entre ce corps et son environnement se font par l’intermédiaire du flux émis (donc
négatif), Φer = −SσT 4 . Si l’extérieur rayonne aussi selon la même loi, avec une température T 0 et une surface rayonnante
S0 , par l’intermédiaire du flux reçu, Φrr = +S0 σT 04 .
Dans le cas de l’étude d’un corps disposé en face d’un autre avec, entre ces deux corps, un faible écart de température, on
peut donc écrire le flux total reçu sous la forme :
Φr = Sσ(T 04 − T 4 ) ' 4SσT 3 (T 0 − T )
ce qui montre que les échanges thermiques par rayonnement peuvent se mettre sous une forme équivalente aux transferts
pariétaux convecto-conductifs, avec le coefficient équivalent :
hr = 4σT 3
(37.9)
Étendue spectrale
On peut encore remarquer que le spectre d’émission représenté par la loi de Planck reste peu étendu de part et d’autre de
la longueur d’onde maximale ; en particulier, on
qualifieen général d’étendue spectrale d’un émetteur à l’équilibre à la
1
température T l’intervalle de longueurs d’onde
λ0 ; 8λ0 car on peut montrer numériquement que :
2
Z 8λ0 e
dj
λ0
2
dλ
dλ = 0.98 σT 4
ce qui signifie que cette étendue spectrale concentre 98% de la lumière partant du corps opaque considéré.
On peut, compte tenu de la loi de Wien, donner quelques valeurs numériques ; elles sont reportées dans le tableau 37.5.
La première ligne (T = 3 K), dans le domaine des ondes centimétriques correspond au rayonnement électromagnétique
fossile (rayonnement cosmologique) considéré aujourd’hui comme la preuve la plus flagrante de l’explosion initiale (big
bang) de l’Univers.
Si les deux lignes suivantes (T = 300 K et T = 1 500 K) relèvent de l’infrarouge, la quatrième (qui décrit assez bien une
partie du rayonnement solaire, avec T = 5 700 K) est partiellement dans le domaine visible, débordant dans les proches
infrarouge et ultraviolet, avec un maximum d’émission à 530 nm, voisin du maximum de sensibilité de l’oeil humain moyen
(560 nm environ), qui est situé dans le jaune.
d je
L’étendue spectrale du rayonnement est visualisée sur la figure 37.4, qui représente
en fonction de λ.
dλ
7 Les travaux du physicien autrichien J OSEF S TEFAN (1835-1893) ont porté sur la théorie cinétique des gaz, l’hydrodynamique et surtout sur la théorie
du rayonnement. Stefan démontre empiriquement en 1879 que l’intensité du rayonnement du corps noir est proportionnelle à la quatrième puissance de sa
température absolue, relation connue depuis sous le nom de loi de Stefan-Boltzmann, Boltzmann l’ayant déduite en 1884 de considérations thermodynamiques.
Rayonnement thermique
285
d je
dλ
Étendue spectrale
λ
1
λ
2 λ0 0
8λ0
F IG . 37.4 – Étendue spectrale du rayonnement
Température d’équilibre
3K
300 K
1 500 K
5 700 K
λ0 /2
0, 5 mm
5 µm
1 µm
260 nm
8λ0
8 µm
80 µm
16 µm
4, 2 µm
F IG . 37.5 – Limites de quelques étendues spectrales
37.3.2 Corps noir
Définition
Un corps noir ou absorbeur intégral est un corps opaque qui absorbe tout rayonnement incident, quelles que soient les
directions de rayonnement et ce, à toute longueur d’onde. Le flux partant est donc le seul flux émis, j rr = 0 ⇒ jr↓ = jra
(absorbeur intégral) donc jr↑ = jre (flux partant = flux émis), que le corps noir soit ou non à l’équilibre thermodynamique.
Équilibre thermodynamique local du corps noir
Dans le cas de l’équilibre thermodynamique de l’ensemble du système formé d’un corps noir et de son environnement, le
flux radiatif est nul et on peut donc appliquer la loi de Stefan sous les deux formes :
jrr = 0 ⇒ jr↓ = jra = jr↑ = jre = σT 4
(37.10)
d je
d jr↓
d j ra
d jr↑
d j re
=
=
=
=
dλ
dλ
dλ
dλ
dλ
L OI DU CORPS NOIR
Les flux hémisphériques totaux et spectraux émis jre , absorbé jra , partant jr↑ et incident jr↓ sur la surface
d’un corps noir à l’équilibre à la température T sont donnés par les lois de Planck, Wien et StefanBoltzmann :
d je
2πhc2
1
=
dλ
λ5 exp hc − 1
λkB T
λ0 T = 2, 895 × 10−3 m · K
je = σT 4
286
Manuel de Physique
Pour cette raison, la loi de Planck du rayonnement thermique est aussi appelée loi de rayonnement du corps noir.
Le corps noir est une idéalisation qui n’est pas présente dans la nature ; cependant, de nombreux systèmes réels réalisent
une assez bonne approximation du corps noir, au moins dans certains domaines spectraux ou de température.
Ainsi, un mur enduit de plâtre (blanc), qui est un corps assez bien réfléchissant dans le domaine visible (puisqu’il est blanc)
peut-il être considéré comme un corps noir dans le domaine infrarouge.
De la même façon, le verre, qui est pratiquement transparent dans le domaine visible, pour une température d’émetteur de
5 700 K, est un bon corps noir pour une source à 300 K. Cette propriété est rendue possible par le caractère disjoint des
étendues spectrales des rayonnements solaire (5 700 K, de 260 nm à 4, 2 µm) et des objets terrestres (environ 300 K, entre
5 µm et 80 µm).
38
Théories du rayonnement thermique
A LFRED K ASTLER (1902–1984)
38.1 Les modèles classiques du rayonnement
38.1.1 Éléments de description
Source de rayonnement thermique
On peut réaliser une bonne approximation d’un corps noir au moyen d’un four, dont les parois métalliques sont portées à la
température T .
Dans ces conditions, le rayonnement électromagnétique qui s’établit, à l’intérieur de cette cavité, sous forme d’ondes stationnaires, présente les caractéristiques spectrales de l’émission du corps noir.
Rayonnement
Four
F IG . 38.1 – Four, source de rayonnement thermique
288
Manuel de Physique
On peut s’en rendre compte, sur le plan expérimental, en ouvrant une petite cavité dans une des parois du four pour observer
le rayonnement qui en est issu (cf. fig 38.1).
Pression d’un gaz de photons
On a vu, par l’étude de la pression de radiation exercée par un flux de photons (ou par une onde électromagnétique plane)
qu’on peut considérer chaque photon comme une particule d’énergie individuelle ε = hν et de quantité de mouvement
ε hν
p= = .
c
c
Considérons alors un modèle thermodynamique élémentaire, décrivant le four comme un récipient de température T , en
équilibre thermique avec le gaz de photons qu’il contient.
Considérons aussi pour simplifier que le récipient est de forme parallélépipédique. Les photons ont tous la vitesse c, mais
celle-ci est répartie aléatoirement en direction.
En moyenne, un sixième du flux total de photons se dirige, à chaque instant, vers une des parois ; un élément d’aire dS de
celle-ci se verra, au cours de la durée dt, heurtée par un nombre de photons égal à :
dN =
1N
dS c dt
6V
si N est le nombre total de photons. Chacun d’entre ces photons fournira, au cours de son choc élastique avec la paroi 1, la
quantité de mouvement 2p à celle-ci. L’augmentation de quantité de mouvement de la paroi peut donc s’écrire :
dP =
1N
dS hν dt
3V
et la force par unité de surface correspondante, qui est la pression exercée par le gaz de photons, s’écrit :
P=
1 Nhν
3 V
ou, en fonction de l’énergie interne U du gaz de photons :
P=
1U
3V
Énergie interne d’un gaz de photons
Admettons provisoirement que l’énergie interne d’un gaz de photons à l’équilibre thermique puisse s’écrire sous la forme :
U = w(T )V
où la densité volumique d’énergie w(T ) ne dépend que de la température T .
L’écriture du premier principe de la Thermodynamique peut alors se faire selon :
dU = w(T )dV +V
dw
1
dT = δQ + δW = δQr − w(T )dV
dT
3
d’où le transfert thermique réversible :
dw
4
δQr = w(T )dV +V
dT
3
dT
et la variation correspondante de la fonction d’état entropie :
dS =
δQr
4
V dw
=
w(T )dV +
dT
T
3T
T dT
ce qui permet encore d’écrire les dérivées partielles :
1 L’hypothèse d’équilibre thermique impose bien sûr la conservation de l’énergie des photons, au moins en moyenne, au cours de ces chocs : l’énergie
du gaz de photons n’évolue pas.
Théories du rayonnement thermique
289
∂S
∂V
T
4
=
w(T )
3T
∂S
∂T
=
V
V dw
T dT
L’identité de Schwartz (égalité des dérivées secondes partielles croisées) permet alors d’écrire :
∂
4
∂ V dw
w(T ) =
∂T 3T
∂V T dT
soit encore :
4 dw 4 w(T ) dw
−
=
3 dT 3 T
dT
Après simplification et intégration, il vient la solution :
w(T ) = k T 4
qui évoque évidemment la loi de Stefan-Boltzmann... à condition de relier la densité volumique d’énergie w(T ) et la puissance surfacique émise je (T ).
Quel que soit le modèle utilisé (modèle classique de Rayleigh2 et Jeans, étudié ci-après en 38.1.2, ou modèle statistique de
Planck, décrit plus bas en 38.2), la description microscopique des échanges énergétiques entre le corps noir et le rayonnement mène à une expression de la densité volumique d’énergie électromagnétique spectrale.
Il reste donc à établir le lien entre densité spectrale d’énergie volumique et puissance électromagnétique émise par unité de
surface d’un tel émetteur en équilibre thermique.
Lien entre énergie volumique et puissance émise
Considérons un élément de surface de la paroi d’un corps en équilibre thermique à la température T avec le rayonnement
situé à côté de sa surface ; on notera ~n la normale extérieure à la surface et dS l’élément de surface étudié.
Si on note ~c la célérité de la propagation de ce rayonnement, se propageant vers la surface, l’énergie contenue dans le
cylindre de base dS~n et de génératrice ~cdt —qui arrivera donc sur dS pendant dt— peut être notée, en remarquant que ~c et
~n sont de sens contraire :
dE = −δ w dS~n ·~c dt
où δw est la densité volumique d’énergie incidente dans la direction définie par l’angle θ = (−~n,~c) à δθ près, soit, compte
tenu de l’isotropie du rayonnement :
δw = w
δΩ
sin θδθ
=w
4π
2
On remarque qu’on prend bien en compte tout l’angle solide 4π, ce qui prend en compte automatiquement le fait qu’une
partie seulement du rayonnement se dirige effectivement vers dS.
Finalement, prenant en compte la répartition spectrale du rayonnement, le flux énergétique unitaire j e , par unité d’aire et de
temps, incident sur la surface des parois du corps en équilibre avec le rayonnement, s’écrit, par exemple en fonction de la
répartition en fréquence :
1
dw
dδ je = c cos θ sin θ δθ dν
2
dν
ou, sommant sur toutes les directions pour un flux hémisphérique :
2 Le physicien anglais J OHN W ILLIAM S TRUTT, L ORD R AYLEIGH (1842-1919) succéda à Maxwell comme titulaire de la chaire de physique expérimentale de l’université de Cambridge, avant d’occuper divers autres postes. Ses études ont porté sur pratiquement tous les domaines de la Physique. Les
travaux cités ici (étude des modes de vibration stationnaires des ondes électromagnétiques contenues dans une enceinte vide) datent de 1900. Il obtient le
prix Nobel de physique et 1904 pour des travaux dans le domaine de l’Optique.
290
Manuel de Physique
d je =
Z
π
2
θ=0
dδ je =
c dw
dν
4 dν
Finalement, le lien cherché s’écrit :
d je
c dw
=
dν
4 dν
(38.1)
38.1.2 Le modèle classique de Rayleigh-Jeans
Champ électromagnétique dans le four
Nous étudierons un modèle classique décomptant le nombre de modes énergétiques pouvant s’établir dans le four, assimilé
à une cavité métallique parfaitement conductrice.
Une telle cavité cubique, vide, a pour longueur commune de ses côtés l ; ces côtés sont parallèles aux axes de coordonnées
Ox, Oy et Oz d’une base orthonormée directe.
Cherchons à quelles conditions peut se propager dans cette cavité un champ électrique monochromatique de pulsation ω :
~
E(x, y, z,t) = exp(iωt) [Ex (x, y, z)~ux + Ey (x, y, z)~uy + Ez (x, y, z)~uz ]
avec par hypothèse :
Ex (x, y, z) = Ex0 cos(kx x + φx ) sin(ky y + φy ) sin(kz z + φz )
Ey (x, y, z) = Ey0 sin(kx x + φx ) cos(ky y + φy ) sin(kz z + φz )
Ez (x, y, z) = Ez0 sin(kx x + φx ) sin(ky y + φy ) cos(kz z + φz )
Nous poserons encore :
~k = kx~ux + ky~uy + kz~uz
~
E0 = Ex0~ux + Ey0~uy + Ez0~uz
et le champ électrique ci-dessus ne vérifie l’équation de Maxwell-Gauss qu’à la condition :
~k · ~E0 = 0
Ondes stationnaires
La seule autre condition imposée au seul champ électrique par les équations de Maxwell, l’équation de d’Alembert, s’écrit
2
~k2 = ω . D’autre part, l’annulation des composantes tangentielles du champ électrique au voisinage immédiat des limites
c2
métalliques de la boîte impose les relations :
Ex (y = 0) = Ex (y = l) = 0 Ex (z = 0) = Ex (z = l) = 0
et toutes celles qu’on en déduit par permutation circulaire, ce qui impose :
φx = 0 k x =
nx π
l
où nx est un entier, qu’on choisira positif. Dans ces conditions, les fréquences possibles dans la boîte sont quantifiées avec
la relation :
Théories du rayonnement thermique
291
ω=
cπ q 2
nx + n2y + n2z
l
Ainsi, ω peut être considéré comme la longueur d’un rayon mené depuis d’origine d’un système de coordonnées arbitraire
vers un point de coordonnées :
cπ
[nx , ny , nz ]
l
c’est-à-dire un point appartenant à un réseau cubique.
Décompte des modes
Nous supposerons ici que la pulsation étudiée est assez élevée pour que le décompte du nombre de modes puisse se faire en
supposant pour ceux-ci une répartition quasiment continue.
nz
r
O
ny
nx
F IG . 38.2 – Décompte des modes
Le nombre dN de modes dont la fréquence est comprise entre ω et ω + dω est égal au volume compris entre les huitièmes
de sphères de rayons r et r + dr, avec :
r=
lω
πc
soit, chaque mode —triplet nx , ny , nz — occupant un volume unité, un nombre de modes égal à :
1
l3
dN = 4πr2 dr = 2 3 ω2 dω
8
2π c
ω
ou de la
Ce résultat peut encore être écrit sous diverses formes, en fonction de la pulsation ω, de la fréquence ν =
2π
c
longueur d’onde λ = ; cependant, on prendra en compte le fait que chaque mode peut correspondre à deux états de
ν
polarisation indépendants, soit enfin les expressions que nous retiendrons pour la suite :
dN
l 3 ω2
= 2 3
dω π c
dN
8πl 3 ν2
=
dν
c3
(38.2)
292
Manuel de Physique
Le modèle de Rayleigh-Jeans
Compte tenu de ce qui précède, nous chercherons une description d’un absorbeur intégral sous forme d’une cavité métallique
de volume V , dans laquelle un rayonnement électromagnétique stationnaire s’établit.
Comme on peut s’y attendre, les fréquences possibles dans un tel système stationnaire sont quantifiées ; nous établirons le
nombre dN de solutions linéairement indépendantes des équations de Maxwell (ou nombre de modes) correspondant à un
intervalle donné [ν; ν + dν] de valeurs de la fréquence.
Ce nombre augmente fortement avec la valeur de la fréquence ν :
dN
8πV ν2
=
dν
c3
La catastrophe ultraviolette
Avant l’introduction de la description de Planck, on pensait que le théorème d’équipartition de l’énergie devait s’appliquer
directement au résultat précédent, donnant la valeur kB T à l’énergie de chacun des modes ci-dessus.
L’expression de la densité volumique d’énergie électromagnétique qui en résulte (ou expression de Rayleigh-Jeans) :
d dE
du 8πkB T ν2
=
=
dν dτ
dν
c3
est évidemment absurde, puisqu’elle prévoir une augmentation indéfinie de la densité volumique d’énergie vers les hautes
fréquences (on parle de catastrophe ultraviolette).
Par contre, cette expression donne, pour tous les émetteurs thermiques, à basse température, une bonne approximation de la
densité volumique d’énergie.
Le modèle statistique de Planck a donc pour but d’améliorer l’expression du théorème d’équipartition de l’énergie, c’est-àdire de déterminer l’énergie moyenne associée à un mode électromagnétique de fréquence ν.
La loi de Rayleigh-Jeans
Compte tenu de ce qui précède, on montre immédiatement la loi du rayonnement qui découle des hypothèses de RayleighJeans sous la forme :
d je
2πkBT ν2
=
(38.3)
dν
c2
dont on vérifie immédiatement qu’elle constitue une bonne approximation de la loi de Planck, à basse fréquence ou à haute
température (cf. fig. 38.3) :
kB T hν ⇒
c3
2πhν3
2πhν3 2πkB T ν2
'
=
c2
c3 khν
exp khν
−
1
T
B
BT
Le modèle de Planck évite la divergence à haute fréquence (catastrophe ultraviolette) en rendant compte de la moindre
prévalence des modes de haute fréquence du fait d’un modèle statistique faisant intervenir un facteur de Boltzmann :
hν
ν → ∞ ⇒ exp −
→0
kB T
38.2 Le modèle statistique de Planck
38.2.1 Statistique de Planck-Boltzmann
Échanges d’énergie avec le rayonnement
Planck a supposé que les échanges d’énergie entre les parois de l’émetteur (à la température T ) et un rayonnement électromagnétique monochromatique ne peuvent se faire que par quanta, multiples de la plus petite énergie portée par un
rayonnement de pulsation donnée.
Théories du rayonnement thermique
293
d je
dν
catastrophe ultraviolette
Modèle de Rayleigh-Jeans
Modèle de Planck
ν
F IG . 38.3 – Comparaison des modèles de Planck et Rayleigh-Jeans
Ainsi les valeurs de l’énergie échangée avec le rayonnement électromagnétique sont nécessairement égales, à chaque
échange3, à hν = ¯hω.
Après les travaux d’Einstein, cette affirmation a été relue ainsi : les parois de l’émetteur ne peuvent émettre ou recevoir que
des photons individuels, d’énergie hν.
Énergie du rayonnement
A tout instant, le rayonnement électromagnétique (toujours supposé monochromatique) contenu dans la cavité d’un émetteur
thermique est constitué d’un certain nombre n de photons ; le nombre n fluctue avec les échanges paroi–rayonnement.
Les valeurs de n faibles correspondent à une faible énergie, et sont donc très probables. Au contraire, les valeurs de n élevées
correspondent à une énergie élevée, et sont donc peu probables. Globalement, il existe une valeur moyenne de n pour chaque
température T , ce qui correspond à une énergie moyenne d’un tel mode, fonction de ν et T .
Cette énergie moyenne n’est pas exactement égale à kB T , ce qui constitue la modification souhaitée au théorème d’équipartition de l’énergie.
La statistique de Planck-Boltzmann
Chaque état d’oscillation, de fréquence ν est, dans le modèle de Planck, associé à l’énergie :
En = nhν
Les différentes valeurs de n ∈ N sont alors réparties selon la loi statistique de Boltzmann, la probabilité d’observer un
nombre n de photons émis simultanément étant :
nhν
P(n) = K exp −
kB T
∞
où la constante de normalisation K est donnée 1 =
∑ P(n), d’où on déduit immédiatement :
n=0
nhν
P(n) = exp −
kB T
hν
1 − exp −
kB T
Enfin, l’énergie moyenne de chacun des oscillateurs si la fréquence est ν peut s’écrire :
3 La
h
constante de Planck rationnalisée ¯h est égale à 3π
.
294
Manuel de Physique
∞
hEi =
∑ nhνP(n)
n=0
ou, après des calculs élémentaires :
hEi(ν, T ) =
hν
exp
On vérifie aisément que :
hν
kB T
(38.4)
−1
lim hEi(ν, T ) = kB T
T →∞
Loi de Planck
L’énergie disponible dans la boîte cubique, de côté l, par unité de pulsation et de volume s’écrit :
du
1 dN
= hEi 3
dν
l dν
soit, en admettant que ces expressions sont indépendantes de la forme de la boîte et de la nature des modes d’oscillation
électromagnétique stationnaires dans la boîte :
du
8πhν3
= dν c3 exp hν − 1
kB T
Finalement, on en déduit, compte tenu des relations cinématiques écrites plus haut :
d je
2πhν3
= dν
c3 exp khν
−
1
BT
(38.5)
qui constitue la loi de Planck.
On verra au chapitre suivant une interprétation différente de la même loi, basée sur la notion d’émission induite proposée
par Einstein.
38.2.2 Généralisation : oscillateurs quantiques
Position du problème
Le modèle statistique de Planck constitue la première apparition de la quantification de l’énergie associée à une onde, de
pulsation ω.
Nous allons montrer que le lien entre pulsation propre de l’oscillateur et niveaux d’énergie ne constitue pas un cas isolé,
mais bien une solution générale de l’équation de Schrödinger.
Considérons pour cela une particule de masse m, astreinte à se déplacer sur un axe (on parle d’oscillateur unidimensionnel)
Ox sous l’action de forces dérivant d’une énergie potentielle élastique, qu’on écrira :
1
E p (x) = mω2 x2
2
où ω est la pulsation de l’oscillateur associé dans le cadre de la mécanique classique.
On cherche donc à résoudre l’équation de Schrödinger indépendante du temps :
−
¯h2 d 2 ϕ(x) 1
+ mω2 x2 ϕ(x) = Eϕ(x)
2m dx2
2
Théories du rayonnement thermique
295
Une solution particulière
Cherchons d’abord une solution particulière de cette équation linéaire sous la forme d’une solution gaussienne 4 qu’on
écrira :
ϕ0 (x) = A0 exp −ax2
ce qui impose nécessairement :
dϕ0
= −2Aax exp −ax2
dx
dϕ0
= −2Aa exp −ax2 1 − 2ax2
dx
et on obtient une solution de l’équation de Schrödinger sous réserve que :
1
¯h2
2a − 4a2x2 + mω2 x2 = E
2m
2
pour tout x, donc encore :
1
¯h2 a2
mω2 = 2
2
m
E=
et la solution trouvée a pour expression5, et pour énergie :
mωx2
ϕ0 (x) = A0 exp −
2¯h
¯h2 a
m
E0 =
1
¯hω
2
Niveaux d’énergie
On cherche les autres solutions de l’équation de Schrödinger par une méthode variationnelle sous la forme :
mωx2
ϕ(x) = An exp −
f (x)
2¯h
ce qui mène à l’équation différentielle :
E
2mω 0 mω
xf −
f 1−2
=0
f −
¯h
¯h
¯hω
00
Cherchant une solution sous forme polynômiale, on écrira seulement la condition d’annulation du terme de plus haut degré
an xn dans l’équation différentielle :
E
2n + 1 − 2
=0
¯hω
Les solutions de cette équation différentielle sont connues sous le nom de polynômes d’Hermite f n (x) ; la solution de degré
n a pour énergie :
1
¯hω
En = n +
2
On reconnaît la suite des énergies définies, à la constante E0 près6 , par :
En − E0 = n¯hω = nhν
(38.6)
comme dans le modèle de Planck ci-dessus.
4 On peut donner une justification simple de la recherche d’une solution de cette forme dans le cadre de méthodes basées sur la transformation de
Fourier.
r
Z
mω
5 Il reste, dans cette expression, à déterminer le facteur de normalisation A en imposant
|ϕ0 (x)|2 dx = 1 ce qui mène à A0 =
.
0
π¯h
R
6 Dans le modèle statistique classique, le choix de l’origine des énergies est dépourvu de signification physique, et de signification quant à l’étagement
des probabilités. Il n’en va pas de même en mécanique classique, où on peut donner à la valeur E 0 une signification physique : même dans son état
fondamental, il subsiste une énergie non nulle pour tout oscillateur harmonique. Cette valeur minimale de l’énergie est égale, pour chaque degré de liberté,
1
à hν.
2
296
Manuel de Physique
38.3 Émission et absorption des photons par la matière
Le but de ce qui suit est la présentation, dans un autre cadre que le modèle statistique de Planck, les interactions de la matière
et du rayonnement électromagnétique ; nous utiliserons l’aspect corpusculaire —les photons— du rayonnement pour décrire
sont interaction (absorption, émission) avec un matériau qui n’est plus nécessairement parfaitement réfléchissant.
Les modèles présentés ici ont été développés par Albert Einstein7 en 1917. Il existe naturellement un développement bien
plus rigoureux, dans le cadre de la théorie quantique, qui permet de retrouver la plupart des résultats présentés ici ; nous
nous contenterons de présenter les relations d’Einstein et leurs propriétés.
On profitera de ces développements pour présenter certaines applications de l’émission induite qui est présentée plus bas.
On insistera sur les dispositifs connus sous le nom de masers8 et lasers9 .
38.3.1 Absorption de photons par la matière
Règle de sélection de Bohr
Considérons un faisceau de photons, transportant un certain nombre de photons par unité de section droite et de temps, se
dirigeant vers une cible plane, d’épaisseur et de surface données, comportant un nombre de particules (cibles) connu.
On notera encore ν la fréquence de l’onde associée à ces photons, et donc hν leur énergie individuelle.
Les atomes de la cible peuvent absorber ces photons seulement si la fréquence ν vérifie la règle de sélection de Bohr :
ε = hν = E2 − E1
et l’atome effectue alors une transition quantique entre un niveau d’énergie initial inférieur (noté E 1 dans la suite) et un
niveau d’énergie final supérieur (noté E2 ). On parle alors d’absorption résonante à la fréquence ν.
Probabilité de transition
La réalisation de la règle de sélection n’est, en pratique, pas suffisante pour que la transition ait effectivement lieu ; seuls
certains photons sont absorbés, d’une manière qui n’est pas prévisible individuellement mais qui peut faire l’objet d’un
traitement statistique.
Ainsi, on appellera probabilité d’absorption par unité de temps le nombre P 12 tel que le nombre de photons interagissant
effectivement avec la matière est égal au nombre de photons disponibles multiplié par P 12 .
Le nombre de photons disponibles pour l’interaction est lui-même proportionnel au nombre de photons présents dans le
faisceau incident, donc à la densité volumique d’énergie w du faisceau incident ; on notera donc :
P12 = β12 w
Ainsi, si on note n1 et n2 les populations10 des niveaux 1 et 2, par unité de volume, l’absorption résonante se traduit par une
variation de la population n1 par absorption de photons, donnée par :
dn1 = −β12 w dt
n 1 a
avec évidemment dans le même temps une augmentation de la population n 2 ; on écrira enfin :
dn2 dn1 =
−
= β12 n1 w
dt a
dt a
7 L’œuvre du physicien américain, d’origine allemande A LBERT E INSTEIN (1879-1955) couvre tous les domaines de la physique théorique : théorie de
la relativité restreinte (dont il est le fondateur, et qui assure la cohérence du système électromagnétique de Maxwell et de la Mécanique), théorie quantique
du rayonnement (avec les développements présentés ici, mais aussi ses travaux sur l’effet photoélectrique, au nom desquels il reçut le prix Nobel de
Physique en 1905), physique statistique avec l’étude du mouvement brownien, cosmologie avec la théorie de la relativité générale.
8 Maser = microwave amplification by stimulated emission of radiation.
9
Laser = light amplification by stimulated emission of radiation.
10 On appelle population d’un niveau d’énergie le nombre d’atomes qui sont, à un instant donné, dans un état quantique caractérisé par cette valeur
particulière de l’énergie.
Théories du rayonnement thermique
297
qui fait apparaître une analogie formelle stricte avec une loi cinétique du second ordre, pour une interaction du type :
γ +C1 → C2
où on note γ un photon, C1 et C2 un atome cible respectivement dans un état d’énergie E1 ou E2 .
Coefficient d’Einstein pour l’absorption
Le phénomène d’absorption résonante ne se produit pas seulement pour des photons incidents ayant une fréquence exacteE2 − E 1
, mais aussi pour des fréquences voisines ; naturellement, le
ment donnée par la règle de sélection de Bohr ν12 =
h
phénomène est d’autant plus sensible que ν reste voisine de la fréquence de Bohr.
On peut alors montrer, dans certaines conditions, que l’expression ci-dessus pour les variations de population par absorption
résonante se généralisent sous la forme :
1 dn1 = wν B12
−
n1 dt a
(38.7)
où on a introduit le coefficient d’Einstein B12 pour l’absorption résonante, ainsi que la densité spectrale d’énergie volumique
du faisceau incident :
wν =
dw
dν
Dans l’expression ci-dessus, B12 est caractéristique du type d’atome étudié et de la transition 1 → 2 concernée, mais ne
dépend pas de la population initiale du niveau 1 ; il s’agit donc bien d’un coefficient intensif, caractéristique de la seule
absorption résonante.
38.3.2 Émission spontanée de photons
Le phénomène d’émission spontanée
A l’exception de l’état fondamental, les états électroniques stationnaires 11 ne sont en général que métastables ; lors de tout
phénomène d’excitation (par absorption d’un photon par exemple), les électrons atteignent pour une durée finie un niveau
excité, avant de le quitter en émettant, spontanément, un photon ; celui-ci emporte avec lui l’excédent énergétique, avec
donc une fréquence fixée selon la règle de Bohr :
ν=
E2 − E 1
h
où la désexcitation par émission spontanée refait passer l’atome du niveau E 2 au niveau E1 .
Coefficient d’Einstein pour l’émission spontanée
Par analogie avec le coefficient B12 décrivant l’absorption d’électrons par les atomes, nous définirons le coefficient d’Einstein
pour l’émission spontanée par la relation :
dn2 = −A21n2
dt es
qui donne la variation de la population du niveau 2 pendant la durée dt, due à l’émission spontanée. Le coefficient d’Einstein
ainsi introduit peut être qualifié de probabilité d’émission spontanée par unité de temps et par atome excité, pour un type
d’atome donné et une transition 2 → 1 donnée.
On fait apparaître ainsi une analogie formelle stricte avec une loi cinétique du premier ordre, pour une interaction du type :
C2 → γ +C1
avec les mêmes notations que précédemment.
11 C’est-à-dire,
les solutions de l’équation de Schrödinger indépendante du temps.
298
Manuel de Physique
Durée de vie des états excités
Si le phénomène d’émission spontanée se présentait seul, il se traduirait par une diminution de la population de tout niveau
excité selon la loi :
n2 (t) = n20 exp − ∑ A2 f t
f
!
et la durée de vie moyenne de l’état excité pourrait être définie comme une somme portant sur les divers états finals possibles :
Z ∞
t · n2 (t)
1
t¯= Zt=0∞
=
∑ f A2 f
n2 (t)
t=0
On appelle aussi cette valeur t¯durée de vie du niveau excité E2 .
Mesure du coefficient d’émission spontanée
La mesure du ou des coefficients d’Einstein A21 se fait en général par l’intermédiaire de mesure de durées de vie moyennes
d’états excités ; en effet, la puissance électromagnétique émise lors des désexcitations est proportionnelle aux nombre
d’atomes présents dans l’état excité, d’où la relation12 :
P(t) = P0 exp(− f ract t¯)
L’étude de ce type de phénomène de désexcitation suppose donc qu’on réalise une excitation brève d’un grand nombre
d’atomes d’un état de bas niveau vers un état de niveau élevé 13 , avant d’observer la relaxation du système.
On peut aussi réaliser un étalement spatial du phénomène en réalisant l’excitation sur un jet d’atomes en mouvement ;
la puissance émise par désexcitation sera donc lentement décroissante le long du trajet du faisceau atomique, tandis que
l’excitation de ces atomes a pu être imposée au point de départ du faisceau, c’est-à-dire à un instant unique.
38.4 Émission induite et loi de Planck
38.4.1 Le phénomène d’émission induite
Présentation
On peut décrire l’interaction d’un atome et du rayonnement qui l’éclaire, dans le cadre classique, dans divers modèles ; dans
ceux-ci, le champ électromagnétique impose un déplacement des électrons de l’atome éclairé ; le courant qui en résulte est,
à son tour, source d’un champ électromagnétique rayonné.
Dans ce type de modèle, le champ électromagnétique peut être émis par l’électron oscillant —et par conséquent emporter
une partie de son énergie— ou au contraire agir sur celui-ci et contribuer à augmenter son énergie ; tout ne dépend finalement
que de la phase relative du champ électromagnétique et de la vitesse de l’électron.
Einstein a postulé, en s’appuyant notamment sur cette analogie, l’existence d’un troisième phénomène décrivant, en plus
de l’absorption et de l’émission spontanée, l’interaction de la matière et du rayonnement : il s’agit de l’émission induite ou
émission stimulée.
Dans le cadre de l’émission induite, un atome soumis à un champ électromagnétique incident, à une fréquence ν voisine
E2 − E 1
pourra, s’il se trouve initialement déjà dans l’état 2 excité, réaliser une désexd’une des fréquences de Bohr ν12 =
h
citation plus importante en présence de ce rayonnement que la seule émission spontanée.
12 On ne manquera pas de remarquer l’analogie formelle avec la radioactivité, la somme
∑ f A2 f des coefficients d’Einstein jouant le rôle de la constante
radioactive λ et la puissance électromagnétique émise celui de l’activité de l’échantillon radioactif. Dans le cas particulier de la radioactivité γ, l’analogie
est complète puisque les rayonnements ionisants émis sont précisément constitués de photons. Cependant, s’agissant de désexcitations nucléaires et non
atomiques, l’ordre de grandeur des énergies mises en jeu est bien supérieur et l’émission se fait dans le domaine X ou γ, et non pas dans les domaines
visible ou radio, comme pour ce qui nous concerne ici.
13 On peut par exemple proposer d’illuminer la population atomique avec un flash de très courte durée, en utilisant comme interrupteur de faisceau
lumineux une cellule de Kerr alimentée par une tension en impulsion brève.
Théories du rayonnement thermique
299
Le coefficient d’Einstein pour l’émission induite
On a vu que les variations des populations n1 et n2 peuvent s’écrire, pour l’absorption résonante :
et, pour l’émission spontanée :
dn2 dn1 =
−
= n1 wν B12
dt a
dt a
dn2 dn1 =−
= −n2 A21
dt es
dt es
Par analogie, Einstein proposa pour le phénomène d’émission induite la relation, que l’on peut établir par d’autres voies
dans le cadre de la physique quantique :
dn2 dn1 =
−
= −n2 wν B21
dt ei
dt ei
Le phénomène d’émission induite fait apparaître une analogie formelle avec une loi cinétique du second ordre, pour une
interaction du type :
C1 → γ +C2
catalysée par les photons γ du rayonnement incident.
Bilans d’interaction matière-rayonnement
Prenant en compte les trois phénomènes simultanément, tels qu’ils se produisent effectivement, les variations de population
peuvent s’écrire :
dn1
dn2
=−
= wν B12 n1 − (wν B21 + A21 ) n2
dt
dt
(38.8)
38.4.2 Liens entre les coefficients d’Einstein
Relations entre absorption et émission induite
Considérons une situation d’équilibre du rayonnement et de la matière, donc tel que les populations des différents n’évoluent
pas. On peut alors, simultanément, écrire les relations suivantes :
A21 = wν
n1
B12 − B21
n2
du fait des équilibres entre phénomènes radiatifs, et :
n1
E1 − E 2
= exp −
n2
kB T
du fait de la distribution statistique de Boltzmann entre les niveaux à la température T 14 .
On peut donc encore écrire :
E1 − E 2
A21 = wν B12 exp −
− B21
kB T
14 Dans cette expression, on néglige les éventuelles dégénérescences des niveaux d’énergie, c’est-à-dire le nombre d’états discernables mais de même
énergie E1 ou E2 .
300
Manuel de Physique
où les coefficients d’Einstein sont indépendants de la température. La limite de cette expression à température infinie s’écrit
donc :
A21
= (B12 − B21) → 0
wν
On en déduit donc la relation entre coefficients d’Einstein pour l’émission induite et l’absorption de rayonnement :
B12 = B21
(38.9)
On interprète cette relation comme suit : si la densité volumique d’énergie électromagnétique devient assez élevée, les
phénomènes induits (émission induite et absorption) deviennent prépondérants et l’émission spontanée négligeable ; ce sont
donc les phénomènes induits qui doivent se compenser.
Relations avec la loi de Planck
Reprenant l’expression établie plus haut à l’équilibre thermique, on peut encore écrire :
wν =
1
A21
B21 exp − E1 −E2 − 1
kB T
qu’on écrira encore :
wν =
A21
1
B21 exp hν − 1
kB T
Ceci permet, par identification avec la loi de Planck, d’établir le lien entre les coefficients d’Einstein de l’émission spontanée
et de l’émission induite :
A21 = B21
8πh
λ3
38.5 Applications
Le phénomène nouveau, prédit sur la base d’une analogie par Einstein, est l’émission induite. Nous proposons ici l’étude
très simplifiée de deux phénomènes physiques basés sur l’existence des phénomènes d’absorption, d’émission spontanée et
d’émission induite.
38.5.1 Largeur des raies de résonance
Toutes les raies spectrales ont une certaine largeur, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas rigoureusement monochromatiques.
Cette largeur est liée à deux phénomènes : l’effet Doppler qui réalise un élargissement symétrique, et les collisions dans les
sources à haute pression, qui réalisent un élargissement dissymétrique, plus important aux hautes fréquences.
Cependant, le phénomène d’absorption peut se traduire, pour des valeurs élevées des densités volumiques d’énergie w ν et
d’atomes dans l’état 1, par l’absorption sur les bords de la source, du rayonnement émis en son centre.
Cette auto-absorption des raies de résonance se traduit par une diminution de leur hauteur, donc par un élargissement apparent de la raie de résonance. Le phénomène peut même être complètement inversé, avec une raie de résonance présentant,
au voisinage de son maximum attendu ν12 , un minimum local.
Théories du rayonnement thermique
301
38.5.2 Effets Maser et Laser
Principe simplifié
Nous décrirons le principe général commun des masers et lasers dans le cas des masers —historiquement, le premier réalisé15 — ; nous considérerons dans la suite une population de systèmes quantiques à deux niveaux non dégénérés, d’énergies
E1 et E2 avec E2 > E1 .
Le mot “maser” signifie amplification de micro-ondes par émission induite de rayonnement. Dans un maser, la densité
volumique d’énergie électromagnétique est très élevée et nous négligerons donc le phénomène d’émission spontanée devant
celui d’émission induite, ce qui permet d’écrire la variation de population du niveau inférieur sous la forme :
dn1 = B21 (n2 − n1 )dt
Ce terme est également le nombre de photons de fréquence ν 12 absorbés pendant le même temps dt, d’où la variation
de l’énergie de l’onde électromagnétique stationnaire16 dans le maser ; ainsi, la puissance de cette onde varie, lors de la
traversée de la cavité maser, de :
∆P = hν12
dn1
= hν12 B21 (n2 − n1 )
dt
Dans le cas général, ce terme est négatif à l’équilibre thermique (n 2 < n1 ) et il y a globalement absorption de l’onde
électromagnétique par le milieu contenu dans la cavité. L’effet maser —ou laser—, d’amplification de l’onde lors des allers
et retours dans la cavité, ne peut donc être obtenu qu’au prix d’une inversion de population, donc en réalisant n 2 > n1 .
Inversion de population
Nous ne décrirons ici que le seul principe du pompage optique pour lasers, indiqué en 1949 par Alfred Kastler.
Dans ce premier modèle de laser, dit à trois niveaux, le milieu utile est un cristal de rubis 17 rose. Sa couleur, lorsqu’il
est éclairé en lumière blanche, résulte d’une absorption de radiations vertes qui fait passer les ions de l’état fondamental
d’énergie E1 à l’un des états d’énergie E2 d’un ensemble de niveaux excités très voisins ; la présence de cet ensemble,
remplaçant un niveau unique, permet d’augmenter l’énergie emmagasinée. Au lieu de retourner très vite au niveau E 1 par
émission spontanée, cette énergie se trouve en grande partie cédée, du fait de chocs non radiatifs, à un niveau intermédiaire
Ei (E1 < Ei < E2 ), dont les possibilités d’absorption directe, mais aussi d’émission spontanée E i → E1 , sont beaucoup plus
faibles que pour E2 → E1 18 .
Le stockage ainsi réalisé sur le niveau d’énergie Ei permet une émission stimulée avec amplification de la lumière dans la
cavité laser, pour la transition Ei → E1 .
Les photons induits ont même direction et sens de propagation que ceux qui stimulent leur émission ; c’est de cette propriété
qu’il est tiré parti dans les masers et lasers.
Réalisation du faisceau laser
Pour obtenir un nombre suffisant de rencontres avec des atomes excités, il faut que le parcours des photons dans le milieu
utile soit assez long, ce qu’on peut obtenir par des réflexions successives. On utilise à cet effet deux miroirs plans parallèles
(ou un dispositif équivalent), comme dans l’interféromètre de Pérot et Fabry 19.
15 Le maser à ammoniac, réalisé par Charles H. Townes et ses collaborateurs en 1954, a constitué la première preuve expérimentale de l’émission induite
ou stimulée. Il a ensuite été possible à Charles H. Townes et Arthur L. Schawlow de prévoir la possibilité d’amplifier des ondes lumineuses et donc de
réaliser les lasers. Les masers amplificateurs ont contribué au développement de la radioastronomie, de la radiométrie et des liaisons par satellites, à une
époque où peu d’amplificateurs présentaient la très grande sensibilité requise. Les masers peuvent en effet fonctionner soit en oscillateurs hyperfréquences
doués d’une très grande pureté spectrale —facteur de qualité très élevé—, soit en amplificateurs hyperfréquences dont l’extrême sensibilité n’est limitée
que par des phénomènes fondamentaux de fluctuation quantique. Le maser à hydrogène a permis de réaliser l’horloge atomique qui présente la meilleure
stabilité de fréquence à court et à moyen terme. Il subsiste quelques masers amplificateurs associés aux plus grandes antennes de réception de signaux en
provenance de radiosources naturelles ou artificielles. Ils tendent à être supplantés par des dispositifs plus simples, utilisant, par exemple, des transistors à
effet de champ.
16 Le caractère stationnaire de l’onde est nécessaire au mode de fonctionnement décrit ici ; il impose, comme on le verra, la géométrie de la cavité maser
ou laser.
17 Le rubis est un cristal d’alumine Al O contenant des traces d’ions chrome Cr 3+ .
2 3
18 Il s’agit de transitions interdites. L’existence de telles transitions, permises ou interdites, est une conséquence de la théorie quantique du rayonnement.
19 Pour des raisons de stabilité, on remplace éventuellement les cavités à miroirs plans par des cavités à miroirs sphériques, confocales par exemple.
302
Manuel de Physique
L’un de ces miroirs est aussi parfaitement réfléchissant que possible, l’autre légèrement transparent, pour laisser sortir
le faisceau qu’on veut utiliser. Des ondes stationnaires s’établissent entre les deux miroirs, dont la distance doit être un
λ
multiple entier k avec k ∈ N de la demi-longueur d’onde associée à la transition pour laquelle on sait réaliser l’inversion
2
de population.
Propriétés du faisceau laser
Si λ est de l’ordre du micromètre, l’entier k atteint 105 ou 106 , et les ondes qui se stabilisent suivant la normale au miroir
peuvent correspondre à un certain nombre de modes (valeurs diverses de k) à l’intérieur de la largeur spectrale ∆λ de la
lumière de longueur d’onde λ. Cette largeur ∆λ qui caractérise l’émission spontanée correspond, pour un gaz, à la largeur
Doppler due à l’agitation thermique des atomes, et, pour les liquides ou solides, à une largeur déterminée par les actions
intermoléculaires.
Lorsque l’émission stimulée a lieu, la largeur δλ des raies laser est beaucoup plus petite que celle d’une source de lumière
naturelle ; la monochromaticité d’une raie laser —-surtout d’un laser à gaz–– est d’un degré de finesse que n’atteignait
aucune des sources de lumière monochromatique précédemment connues. La cause en réside dans le phénomène d’interférences multiples, et la finesse de la raie dépend de celle de la cavité utilisée.
La largeur spectrale δλ n’est jamais nulle, car les niveaux d’énergie mis en jeu dans la transition subissent des fluctuations,
mais elle est très petite : alors qu’il n’y a aucune relation de phase permanente entre les ondes émises spontanément par des
atomes excités, l’émission induite se trouve en accord de phase avec celle qui la stimule. Elle se fait donc par trains d’ondes
beaucoup plus longs que ceux des autres sources de lumière.
Un laser donné peut être multimodes. Il émet alors simultanément sur plusieurs modes voisins, correspondant chacun à un
ordre d’interférence entier k, ces différents ordres étant situés à l’intérieur de la largeur d’émission spontanée ∆λ. Il peut,
dans certaines conditions, être monomode et ne donner lieu qu’à une raie laser unique située alors au voisinage du centre de
la raie d’émission spontanée.
Enfin, les faisceaux laser présentent une très grande cohérence spatiale, ce qui signifie que des points situés normalement à
la direction de propagation, à une certaine distance l’un de l’autre (plusieurs millimètres ou même davantage), sont encore
en accord de phase et peuvent donner lieu à des interférences, contrairement à ce qui se passe pour les autres sources. Il
sort ainsi d’un laser à miroirs plans dans la direction normale à ceux-ci une onde plane cohérente, l’ouverture du faisceau
étant parfois réduite au minimum qu’imposent les phénomènes de diffraction. Cette directivité favorise une transmission de
la lumière à grande distance.
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