◆ UROLOGIE DE LA FEMME Progrès en Urologie (2003), 13, 1351-1353 Place de la cystoscopie dans le bilan d’extension du cancer du col utérin Dominique BOIVIN, Mireille GREGOIRE Service d’Urologie, Centre Hospitalier Universitaire de Québec, Canada RESUME Objectif : Evaluer la pertinence de la cystoscopie dans le bilan d’extension du cancer du col utérin, alors que la TDM et l’échographie pelvienne sont utilisées de façon concomitante. Matériel et Méthode : 71 patientes investiguées et/ou traitées à l’Hôtel-Dieu-de-Québec entre le 1er juillet 2000 et 1er mai 2002 ont été incluses dans l’étude. Les résultats obtenus par échographie pelvienne ou par TDM ont été comparés avec ceux obtenus par cystoscopie. Résultats : 58 patientes (81,69%) présentaient un carcinome malpighien et 13 (18.31%) un adénocarcinome. 25 (35,21%) avaient un cancer de stade I, 22 (30,99%) de stade II, 18 (25,35%) de stade III et 6 (8,45%) de stade IV. Toutes les patientes ont eu une cystoscopie ; 28 (39,44%) seulement une TDM, 13 (18,31%) seulement une échographie pelvienne, et 30 (42,25%) les 2 examens. Pour les stades I, II et III, la VPN de la TDM et de l’échographie pelvienne étaient de 100%. La VPP de la TDM était de 25% pour les stades III. Pour le stade IV, la VPN de la TDM était de 100%, la VPP de la TDM et de l’échographie pelvienne étaient 100%. Conclusion : La cystoscopie s’avère inutile dans le bilan d’extension du cancer du col de stade I. Pour les stades II, III et IV, la cystoscopie n’est pas nécessaire devant un résultat négatif à la TDM ou à l’échographie pelvienne. Elle devient un outil diagnostique essentiel en présence d’un résultat positif ou douteux à la TDM ou à l’échographie pelvienne. Mots clés : Echographie, tomodensitométrie, cystoscopie, cancer col utérin, néoplasie col utérin. Dans notre conjoncture actuelle, les ressources humaines médicales se trouvent de plus en plus limitées et les listes d’attente ne cessent de croître dans plusieurs milieux. En conséquence, le nombre limité de spécialistes dans plusieurs domaines oblige à utiliser leurs services de la façon la plus judicieuse possible. Actuellement, la cystoscopie est l’examen recommandé par la Fédération Internationale des Gynécologues et Obstétriciens (FIGO) pour vérifier l’extension du cancer du col utérin au niveau vésical [2]. La tomodensitométrie axiale pelvienne (TDM) ainsi que l’échographie pelvienne ne font pas partie du bilan d’extension recommandé par la FIGO [2]. Ces moyens d’investigation sont pourtant de plus en plus utilisés dans divers milieux [12, 14]. Le but de la présente étude est d’évaluer si la TDM et/ou l’échographie pelvienne pourraient remplacer la cystoscopie dans le bilan d’extension du cancer du col utérin. mité aux critères pré-établis. La classification de la FIGO a été utilisée pour déterminer le stade du cancer du col [2]. Les données épidémiologiques, le type histologique de cancer, le stade clinique, les résultats de l’échographie pelvienne, de la TDM ainsi que de la cystoscopie ont été notés. Les appareils de tomodensitométrie axiale utilisés dans notre étude étaient tous de type hélicoïdal. Les interprétations de l’échographie pelvienne et de la TDM ont toutes été faites par des radiologues. Toutes les cystoscopies ont été effectuées par des urologues. Les résultats obtenus par la cystoscopie ont été comparés avec ceux obtenus par la TDM et/ou par l’échographie pelvienne. La sensibilité, la valeur prédictive positive (VPP), la spécificité, la valeur prédictive négative (VPN) et l’exactitude de la TDM et de l’échographie pelvienne ont été calculées. MATERIEL ET METHODE RESULTATS Tous les dossiers des patientes ayant reçu un diagnostic de cancer du col utérin et ayant été investiguées et/ou traitées pour celui-ci à l’Hôtel-Dieu-de-Québec entre le 1er juillet 2000 et le 1er mai 2002 ont été inclus dans notre étude. Au total, 151 dossiers ont été révisés. Les critères suivants ont été retenus pour l’inclusion dans cette étude : présence d’un adénocarcinome ou d’un cancer malpighien invasif du col utérin, avoir subi une cystoscopie et une étude d’imagerie par TDM ou par échographie pelvienne. Aucune des patientes retenues n’avait subi d’échographie endo-vaginale. De ces 151 dossiers, 80 ont été retirés de l’étude pour cause de non-confor- Soixante et onze dossiers ont été retenus. Toutes les patientes étaient caucasiennes, âgées entre 23 et 89 ans et l’âge médian était de 46 ans. Un diagnostic de carcinome malpighien a été porté chez Manuscrit reçu : mai 2003, accepté : octobre 2003 Adresse pour correspondance : Dr. M. Grégoire, 11, Côte du Palais, Québec, Québec, G1R 2J6 Canada e-mail : [email protected] Ref : BOIVIN D., GREGOIRE M., Prog. Urol., 2003, 13, 1351-1353 1351 Dominique Boivin, Mireille Grégoire, Progrès en Urologie (2003), 13, 1351-1353 58 patientes (81,69%) et il s’agissait d’un adénocarcinome chez les 13 autres (18,31%). Selon la classification FIGO, on comptait 25 patientes (35,21%) de stade I, 22 (30,99%) de stade II, 18 (25,35%) de stade III et 6 (8,45%) de stade IV. Toutes avaient subi une cystoscopie. Parmi celles-ci, 28 (39,44%) avaient eu une TDM seulement, 13 avaient eu une échographie pelvienne uniquement, et 30 (42,25%) avaient eu les deux examens. Chez les 25 patientes (35,21%) de stade I, la cystoscopie, l’échographie pelvienne [18] et la TDM [16] se sont avérées négatives dans tous les cas. Chez les 22 patientes (30,99%) de stade II, la cystoscopie, l’échographie pelvienne [12] et la TDM [19] se sont avérées négatives dans tous les cas. Chez les 18 patientes (25,35%) de stade III, la cystoscopie s’est avérée douteuse dans 1 cas et négative dans 17 cas. La TDM [18] s’est avérée positive dans 1 cas, douteuse dans 3 cas et négative dans 14 cas. L’échographie pelvienne a été faite chez 10 patientes et s’est avérée négative dans tous les cas. Chez les 6 patientes (8,45%) de stade IV, la cystoscopie s’est avérée positive dans 4 cas et négative dans 2 cas. La TDM [5] s’est avérée positive dans 2 cas, négative dans 2 cas et douteuse dans 1 cas. L’échographie pelvienne [3] s’est avérée positive dans les 3 cas. Les tableaux I et II comparent les résultats obtenus par la TDM ou l’échographie pelvienne avec ceux obtenus par la cystoscopie. Les résultats douteux ont été considérés comme positifs pour les calculs. DISCUSSION La FIGO propose une démarche pour établir le stade clinique du cancer du col utérin. Celle-ci prévoit pour y arriver l’utilisation de diverses techniques, soit la cystoscopie, la rectoscopie, la radiographie pulmonaire et squelettique, l’urographie intra-veineuse et l’examen sous anesthésie générale [2]. Bien que quelques études aient déjà démontré que la probabilité d’avoir un envahissement vésical en présence d’un stade 1b était quasi nulle, la cystoscopie continue toujours d’être la norme officielle pour vérifier l’extension tumorale au niveau vésical [11]. Par contre, dans plusieurs départements de gynéco-oncologie, la cystoscopie est de moins en moins utilisée et l’usage de la TDM est de plus en plus fréquent [12, 14]. Une revue de la littérature montre que plusieurs auteurs en sont venus à la conclusion que l’usage de routine de la cystoscopie dans le bilan d’extension du cancer du col utérin n’était pas justifié [1, 3, 6, 8-13, 15, 16]. En présence d’une néoplasie de stade Ib ou moindre, la probabilité pré-test d’envahissement vésical est de 0% [10, 11, 15, 17], et certains auteurs vont même jusqu’à dire qu’il en est de même pour le stade IIa [8, 9, 17]. La présente étude corrobore ces résultats en ce qui concerne le stade I (Ia et Ib), toutes les cystoscopies s’étant avérées négatives pour ce stade. Pour les autres stades, la littérature indique qu’un résultat négatif à la TDM rend la cystoscopie inutile, puisque la VPN de la TDM est de 100% [3, 13, 16]. Par contre, en présence d’un résultat douteux ou positif à la TDM, la cystoscopie devient essentielle au diagnostic d’envahissement vésical [3, 12, 13, 16]. Quelques auteurs suggèrent l’usage de la cystoscopie de routine pour les stades III et IV [6, 11], peu importe le résultat à la TDM, ainsi que pour toutes les patientes symptomatiques [1, 6, 11]. A la lumière de nos résultats, il ne nous apparaît pas indiqué de faire de cystoscopie pour les patientes de stade II, III et IV ayant une absence d’envahissement vésical à la TDM, puisque la VPN de cet examen est de 100%. La cystoscopie devient par contre un outil essentiel en présence d’un résultat douteux ou positif à la TDM, afin de déterminer avec le plus de certitude possible le stade de la maladie, et de faire, le cas échant, des biopsies. Il est à noter cependant que nous disposions d’un groupe restreint de patientes de stade IV dans notre étude. Nous devons donc être prudents devant ces résultats, même s’ils vont dans le même sens que ceux obtenus pour les stades moins avancés. Pour ce qui est de l’échographie pelvienne, la littérature est beaucoup moins exhaustive qu’elle ne l’est pour la TDM. DEO [5] a publié une étude dans laquelle la sensibilité, la spécificité et l’exactitude de l’échographie pelvienne étaient respectivement de 65%, 94% et 75%. Selon cette étude, l’exactitude de l’échographie pelvienne était comparable à celle de la TDM (exactitude de 85% dans la même étude). Une autre étude comprenant 110 patientes rapporte une VPN de 100% pour l’échographie pelvienne lorsque comparée à la cystoscopie [4]. La recommandation de ces auteurs est de ne pas faire de cystoscopie lorsque l’échographie pelvienne ne montre pas d’envahissement vésical, mais d’en effectuer une d’emblée si l’échographie pelvienne s’avère douteuse ou positive, ceci peu importe le stade [4]. Nos résultats vont dans le même sens que ceux présentés dans ces 2 études. En effet, pour les stades I, II et III, nous avons obtenu des VPN de 100%. Il nous est impossible de calculer la VPN pour le stade IV. Nous pouvons donc conclure que la probabilité d’avoir une cystoscopie anormale est quasi nulle en présence d’une échographie pelvienne ne montrant pas d’envahissement vésical, et que la cystoscopie s’avère inutile dans cette situation. Elle devient par contre essentielle en présence d’un résultat douteux ou positif à l’échographie pelvienne, afin d’établir avec le plus de certitude possible l’envahissement et son extension. Une étude mentionne l’utilité de l’échographie trans-vaginale dans l’évaluation du stade du cancer du col utérin, et affirme qu’elle est supérieure aux autres méthodes d’imagerie pour détecter l’envahissement vésical [7]. Cette technique semble prometteuse, en raison du mode d’envahissement du cancer du col utérin au niveau vésical qui se fait de proche en proche [6, 7]. En effet, une cystoscopie négative n’élimine pas un envahissement de la paroi musculaire de la vessie [8, 17]. L’échographie trans-vaginale pourrait être une alternative intéressante aux techniques utilisées actuellement. Les résultats de la présente étude sont limités en regard du petit nombre de patientes dans chacun des groupes, et également du fait de sa nature rétrospective. Une étude prospective, avec des standards pour la lecture des TDM et pour l’interprétation des cystoscopies clairement établis, serait utile pour corroborer les résultats présentés ici. CONCLUSION La cystoscopie s’avère tout à fait inutile pour les néoplasies du col utérin de stade I, puisque la probabilité d’envahissement vésical est de 0%. Pour les stade II, III, et IV, un résultat négatif à la TDM ou à l’échographie pelvienne rend très peu probable l’envahissement vésical. La cystoscopie peut donc être évitée dans ces situations. Par contre, en présence d’un résultat positif ou douteux à la TDM ou à l’échographie pelvienne, la cystoscopie devient un outil diagnostique essentiel. Cette nouvelle approche du bilan d’extension du cancer du col utérin, comparativement à l’approche traditionnelle, a l’avantage d’utiliser plus judicieusement les ressources spécialisées. 1352 Dominique Boivin, Mireille Grégoire, Progrès en Urologie (2003), 13, 1351-1353 Tableau I. TDM : Sensibilité, VPP, spécificité, VPN et exactitude. Stades 1 (16 ptes) 2 (19 ptes) 3 (18 ptes) 4 (5 ptes) 58 ptes Sensibilité VPP Spécificité VPN Exactitude 100% 100% 100% 25% 100% 57.14% 100% 100% 82,35% 100% 94,44% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 83,33% 100% 94,83% Tableau II. Échographie pelvienne : Sensibilité, VPP, spécificité, VPN et exactitude. Stades 1 (18 ptes) 2 (12 ptes) 3 (10 ptes) 4 (3 ptes) 43 ptes Sensibilité VPP Spécificité VPN Exactitude 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% REFERENCES 1. ABAYOMI O., DRITSCHILO A., EMAMI B., WATRING W.G. AND PIRO A.J. : The value of “routine tests” in the staging evaluation of gynecologic malignancies: a cost effectiveness analysis. Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys., 1982 ; 241-244. 2. BENEDET J.L., ODICINO F., MAISONNEUVE P., BELLER U., CREASMAN W.T., HEINTZ A.P., NGAN H.Y., SIDERI M. AND PECORELLI S.: Carcinoma of the cervix uteri. J. Epidemiol. Biostat., 2001 ; 7-43. 3. 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Material and Method: Seventy one patients investigated and/or treated at Hôtel Dieu hospital in Quebec between 1st July 2000 and 1st May 2002 were included in the study. The results obtained by pelvic ultrasound or CT were compared with those obtained by cystoscopy. 7. FARGHALY S. : Transvaginal ultrasonographic diagnosis of bladder-wall invasion in patients with cervical cancer. Obstet. Gynecol., 1994 ; 160-161. 8. GENOLET P.M., HANGGI W. AND DREHER E. : Evaluation of tumor extension in invasive cancer of the uterine cervix. Diagnostic evaluation of cervix cancer. Gynakol. Geburtshilfliche Rundsch., 1993 ; 180-184. 9. GRIFFIN T.W., PARKER R.G. AND TAYLOR W.J. : An evaluation of procedures used in staging carcinoma of the cervix. Am. J. Roentgenol., 1976 ; 825-827. 10. HRICAK H., POWELL C.B., YU K.K., WASHINGTON E., SUBAK L.L., STERN J.L., CISTERNAS M.G. 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All patients were investigated by cystoscopy; 28 (39.44%) only had CT, 13 (18.3 1%) only had pelvic ultrasound, and 30 (42.25%) were investigated by both examinations. For stage I, II and III cervical cancer, CT and pelvic ultrasound had a NPV of 100%, while CT had a PPV of 25% for stage III cancer. For stage IV, CT had an NPV of 100%, and CT and pelvic ultrasound had a PPV of 100%. Conclusion: Cystoscopy is not useful in the staging of stage I cervical cancer. For stages II, III and IV, cystoscopy is unnecessary in the case of negative CT or pelvic ultrasound. It becomes an essential diagnostic tool in the presence of a doubtful or positive result on CT or pelvic ultrasound. Key-Words: ultrasound, computed tomography, cystoscopy, cervical cancer, neoplasm, cervix 1353