services rendus. Le marché, dit-on, oriente naturellement les entrepreneurs lucratifs
vers cette efficacité à travers la recherche du profit et la concurrence. D’après Johnson
(2000), la situation des entrepreneurs sociaux s’en rapprocherait de plus en plus :
devenant de plus en plus nombreux et les subventions se faisant plus rares, ceux-ci
devraient adopter une approche plus productive et plus compétitive.
Pour Brunham (2002), l’entrepreneuriat social permet de réduire la dépendance des
organisations vis-à-vis de ressources restreintes tout en maintenant le focus sur la
mission. Pour cet auteur, l’argent nécessaire pour financer ces innovations doit venir
d’argent gagné. Pour Boschee (2001), concevoir, développer et implémenter un
nouveau programme est une chose, le maintenir sans dépendre de la philanthropie
et des subsides gouvernementaux en est une autre. L’entrepreneur social évite de
recourir aux subventions. Il privilégie les dons privés ou même mieux, il développe
une activité commerciale générant un véritable chiffre d’affaires, voire même des
profits. Cette approche intègre deux cas de figures. Le premier consiste à vendre
les biens et services produits afin d’assurer un équilibre financier indépendant de
toutes subventions. Le second consiste à dégager un bénéfice à partir d’une activité
commerciale afin d’en financer une autre, généralement plus caritative. C’est une
proposition, au départ rationnelle, qui invite les associations à dégager des moyens
supplémentaires pour la réalisation de leurs objectifs, tout en maintenant une
certaine indépendance. Cette démarche peut être reliée à la théorie des ressources
de Penrose (1959). Celle-ci conçoit l’organisation comme une structure destinée
à assurer l’acquisition des moyens nécessaires pour mener à bien ses projets. Ces
ressources doivent être sécurisées, spécifiques, et difficilement imitables, afin de
maintenir un avantage compétitif. Dans ce sens, les entrepreneurs sociaux cherchent
à diversifier leurs ressources en innovant dans les façons d’obtenir des dons privés,
mais également dans les possibilités de dégager un chiffre d’affaires ou un profit, à
partir de la vente de biens et services propres.
« L’entrepreneuriat émerge comme une approche commune visant à répondre aux
besoins sociaux. Toutefois les créateurs s’organisent tout aussi bien sous une forme
lucrative ou non lucrative afin de s’engager vers des activités relativement similaires. »
(Townsend et Hardt, 2008, p.685). Pour Johnson (2000), l’entrepreneuriat social fait
éclater les frontières traditionnelles entre le secteur public, le privé et le non-lucratif
et met en avant des modèles hybrides d’activités lucratives et non lucratives. De
façon presque systématique, les auteurs intègrent comme « entrepreneurs sociaux »
les responsables des organisations à but non lucratif, mais aussi des dirigeants
d’entreprises à vocation sociale. La littérature s’intéresse aussi particulièrement
aux entrepreneurs sociaux développant des organisations hybrides combinant non
lucratif et lucratif. Ainsi, l’entrepreneuriat social ne consiste pas simplement à
appliquer les sciences de l’entrepreneuriat aux organisations à but non lucratif. C’est
un mouvement beaucoup plus spécifique qui entend transcender les frontières entre
les secteurs marchand et non marchand, public et privé. Il emprunte au champ de
l’entrepreneuriat, de façon sélective. On y retrouve, par exemple, la « créativité »
et le « pragmatisme » utiles ou nécessaires pour saisir les opportunités (Shane et
Vankatamaran, 1997). Les différents auteurs anglophones cités dans cette partie
figurent parmi ceux qui ont initié le concept d’entrepreneuriat social. Même si la liste
n’est pas exhaustive, nous retrouvons à travers eux les principales propositions qui