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Majalis vous propose un article, intitulé « Etudes Critiques sur le Mouridisme », figurant dans l’ouvrage « Vie
et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba » (Editions Al-Bouraq, 1998).
Didier Hamoneau, son auteur de nationalité française, est entré en Islam en 1987. Il a également écrit
d'autres ouvrages sur l’Islam comme "La Torah, l'Evangile, le Coran - Etude critique" ou "Islam contre
Terrorisme" (ouvrages en vente sur le web).
L’auteur a tenté de revisiter, à travers cette analyse, quelques tendances classiques de la critique
traditionnelle sur le Mouridisme, telle qu’elle s’est jusqu’à ce jour présentée dans les différentes études et
recherches menées surtout par des spécialistes des sciences humaines (sociologues, anthropologues,
économistes etc.), de la colonisation à nos jours, de même que leurs différentes évolutions.
Hamoneau se propose, dans cette intéressante contribution, de montrer les limites de ces critiques sur le
plan conceptuel, en leur opposant notamment un certain nombre de travaux et de résultats de
recherche à même de relativiser la base de leur démarche.
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Résumé de l’Ouvrage « Vie et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba, Fondateur de la Voie soufie
mouride »
(Editions Al-Bouraq, 1998),
Par sa vie exemplaire et par son oeuvre écrite édifiante, Cheikh Ahmadou Bamba nous a démontré
deux choses d'une importance vitale pour notre temps :
1) Que le mode de vie du Prophète Mohammed, sa Sounna, n'est pas caduque, contrairement à ce
que laissent entendre les réformateurs de l'Islam, qui font déteindre les valeurs - somme toute
décadentes - de l'Occident matérialiste, sur cette religion.
2) Que la non-violence n'est pas incompatible avec l'Islam, mais qu'elle en constitue l'essence première
ainsi que son expression la plus parfaite, à l'opposé des fanatismes qui tendent à réduire toute religion à
un simple outil temporel, voir uniquement politique.
Etudes Critiques sur le Mouridisme
(Condamnation et réhabilitation du Mouridisme dans la littérature française, africaine et autre)
[pp. 283-295 – les notes alphabétiques en gras sont de la Commission Scientifique IKHRA]
Extraits du réputé très sérieux dictionnaire géographique "Le Grand Livre du Monde"
(6ème édition, 1993, p. 606) :
"Les Mourides ont adapté l'Islam à la spécificité africaine (Ils disent la prière en se tournant vers la
tombe de leur grand marabout Amadou Bomba, et non vers la Mecque)."
Extraits de l'ouvrage de René Luc Moreau, Africains Musulmans (Ed. Présence Africaine / Inades
Editions, 1982, pp. 165-175), dans le chapitre dévolu à Cheikh A. Bamba :
"En réalité nous avons affaire à une personnalité complexe : la face visible est celle du maître et du
pasteur, la dimension profonde, peu et mal connue, celle de l'authentique mystique. C'est dans cette
mystique profonde que s'enracine la mission "pastorale" d'Amadou Bamba auprès des Wolof, et par elle
que s'explique en partie son succès. Il ne s'agit pas pour cet homme de prêcher des choses
extraordinaires, mais de faire accéder tous les gens, quelle que soit leur culture, à l'islam."
* * *
Beaucoup d'auteurs ont écrit sur la confrérie Mouride. Mais la plupart de leurs ouvrages ne traitent
que d'un aspect extérieur du Mouridisme, le plus souvent de son impact économique, sociologique ou
politique dans la société sénégalaise. L'épiphénomène a caché le phénomène, sans doute en raison du
poids déterminant du matérialisme dans la culture occidentale et "moderne" (j'utilise ce dernier terme
dans son acception guénonienne, c'est-à-dire désignant le courant anti-traditionnel qui a traversé et
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modelé toutes les idéologies occidentales, depuis la pseudo "Renaissance" et le siècle des "Lumières"
illusoires, jusqu'à nos jours). [1]
Tous les clichés des vielles lunes coloniales, fixés par P. Marty [A], ont ensuite é longtemps
reproduits en l'état par la plupart des auteurs [2]. Mais depuis quelques années, un renversement de ten-
dance s'est opé et ces préjugés infondés sont peu à peu abandonnés, un à un.
V. Monteil, M. Magassouba et tant d'autres, ont refait, sous diverses formes, et y compris en s’en
défendant, les mêmes sempiternels reproches, dont le plus constant sans doute est celui du
"maraboutisme féodal exploitant les talibés".
C'est un jugement erroné, car la féodaliest un système imposé par les nobles et non pas choisi
par les serfs ; c'est une forme à peine évoluée d'esclavage. Rien de tel dans le Mouridisme : c'est le Talibé
qui choisit son Maître Spirituel et lui abandonne volontairement une partie de son travail (sous forme de
service dans les campagnes, ou d'argent chez les citadins). J. Copans, dans son ouvrage "Les Marabouts
de l'arachide", évalue cette contribution volontaire à une moyenne comprise entre 0,2 et I,8 heure de
travail par mois, et à un maximum de 5 % des revenus [B].
Une grande partie de cet argent (ou de ces dons en nature ou en service) est d'ailleurs utilisée
par les cadres maraboutiques mourides pour toutes sortes d'oeuvres, depuis l'entretien des pauvres, les
investissements productifs d'intérêt général (puits etc.) et jusqu'aux constructions de caractère religieux,
comme les travaux d'agrandissement de la grande mosquée de Touba, de sa bibliothèque etc., con-
formément au Coran et à la Sounna du Prophète :
"O vous qui croyez ! Lorsque vous avez un entretien confidentiel avec le Prophète, faites précéder cet
entretien d'une aumône. C'est préférable pour vous et plus pur [aussi]. A défaut de moyens, [sachez] que
Dieu est Tout-Clément et Tout-Compatissant. Craignez-vous [de tomber dans la misère] en faisant
précéder d'un acte de charité votre entretien privé [avec le Prophète] ? Lorsque vous ne le faites pas et
que Dieu accueille votre repentir, [du moins] accomplissez la prière, libérez-vous de l'aumône légale et
obéissez. à Dieu et à Son Envoyé. Dieu est bien Informé de ce que vous faites." (Coran 58,12-13)
Aucune organisation humaine ne peut subsister sans les dons (cotisations, impôts etc.) de ses
adhérents. Cela a existé dans toute religion (Cf. la Dîme chez les Juifs et les Chrétiens). Ce sujet a toujours
été une cause facile de polémique, l'argent étant objectivement le "dieu" de beaucoup d'hommes [C].
Le Coran dit à cet égard: "Il en est parmi eux qui te calomnient Prophète) au sujet de [la distribution]
des aumônes : s'Ils en reçoivent une part, ils sont satisfaits ; dans le cas contraire, ils s'irritent. Que ne sont-
ils plutôt satisfaits de ce que Dieu et Son Envoyé leur attribuent et disent : "Dieu nous suffit ! Il nous fera
profiter d'un effet de Sa grâce et Son Envoyé aussi ! Certes, c'est vers Dieu que vont nos désirs." Les
oeuvres de charité sont [destinées] aux besogneux, aux mendiants, ceux qui s'occupent [de ces
œuvres], aux sympathisants, aux esclaves, aux sinistrés, au [combat] pour la cause de Dieu, aux
voyageurs : [c'est Ià] un arrêt de Dieu qui est Omniscient et Plein de Sagesse." (Coran 9.5S à 60)
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Comme le reproche "économique" classique n'a pu serifier sérieusement à l'épreuve des
chiffres, les auteurs hostiles se sont alors tournés vers "l'idéologie" Mouride.
Beaucoup d'entre eux étant "marxisants", ou tout du moins influencés par une des nombreuses
tendances du funeste "modernisme" fossoyeur de la civilisation occidentale, et la religion n'étant, pour la
plupart d'entre eux, rien d'autre que "l’opium du peuple", le fond de leur pensée transparaît rapidement
dans leurs ouvrages.
Il faudra attendre Fernand Dumont [3] pour qu'enfin un auteur français réhabilite sensiblement le
Mouridisme, en récusant les trois principaux griefs émis contre la confrérie et son fondateur :
1 - Le reproche d'hétérodoxie religieuse (voire d'hérésie) : F. Dumont, après une étude taillée
de la doctrine du Cheikh, confirme sans ambiguïla parfaite orthodoxie de son Islam, tant sur le plan
exotérique ("Chariatique") qu'ésotérique (Soufi).
2 - Le reproche d'exploitation du Talibé par son Marabout : là aussi, F. Dumont souligne au
contraire l'orthodoxie soufie du principe d'obéissance due par l'élève à son maître (le disciple à son
Cheikh, le Talibé à son Serigne). Ce qui semble parfois distinguer le Mouridisme des formes antérieures du
Soufisme est essentiellement aux réalités économiques et sociales particulières du Sénégal, qui ont
conduit les marabouts, en tant que positaires sociaux de la tradition, à dépasser parfois le simple rôle
d'éducateurs cultuels, spirituels et moraux, pour se préoccuper également de la vie quotidienne de leurs
Talibés, souvent démunis dans un pays économiquement fragilisé et sociologiquement stabilisé par
une colonisation encore récente. Et cela introduit l'énoncé du troisième grief:
3 - Le reproche d'aliénation idéologique ou politique (par l'utilisation de la confrérie comme force
de pression) : F. Dumont démontre au contraire que l'impact social du Mouridisme découle
naturellement de l'obligation morale qu'ont les cadres religieux de prendre en considération les besoins
des fidèles, à la demande de ces derniers d'ailleurs, dans les divers aspects de la vie, y compris
politiques. Ceci est conforme également à l'orthodoxie musulmane et la Sounna du Prophète, car la vie
d'un croyant ne se réduit pas seulement à l'aspect "religieux" (pris dans le sens restrictif qui le confine à "la
sphère privée" tel qu'on le conçoit en France notamment), mais sa religion touche à tous les aspects de
l'existence, dans un tout appelé le Dîn, dont le sens est plus large que celui de "religion" mais s'applique
aussi au mode de vie, voire à la notion même de "civilisation". [4]
L'influence souvent bénéfique qu'exercent les Serigne (Chouyoukh en arabe) sur les Talibés n'a
donc rien à voir, ni avec "l'aliénation" dont les marxistes taxent ordinairement les libéraux, ni avec "le la-
vage de cerveau" dont les libéraux accusent les marxistes. Les uns et les autres veulent enfermer le
Mouridisme dans leurs catégories, mais la religion - par na!ure - fait éclater toute idéologie de facture
humaine. Toutes les idéologies ont cessairement "du vrai" qui leur confère une certaine cohérence,
mais elles s'opposent finalement entre elles (c'est même au fond une de leur raison d'être) car elles sont
toujours partielles, donc partiales ; elles n'appréhendent qu'un aspect de la réalité et tirent de ce qui est
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particulier (et parfois juste) des règles générales forcément inadéquates.
Seule la religion possède cette universalité qui transcende toute dialectique humaine, du seul fait
de son origine Divine.
La spécificiapparente du Mouridisme ne relève en fait que de l'adéquation réussie de l'Islam
traditionnel à l'espace-temps où il a été appelé à agir, au Sénégal, et maintenant aussi ailleurs,
P. Pelissier, dans son ouvrage Les Paysans du Sénégal, distingue trois principes fondamentaux du
Mouridisme :
- le mysticisme,
- l'exaltation du travail,
- l'obéissance au Cheikh.
Ces trois aspects sont constitutifs de la Voie Soufie, qui exige l'obéissance au Cheikh et la
valorisation du travail. L'obéissance au Cheikh est une obligation Coranique [5], et une cessité
évidente, d'une part pour réduire l'ego qui est un obstacle à la progression spirituelle, et d'autre part pour
s'ouvrir de la meilleure façon possible à la réception de l'enseignement du Cheikh. Quant au travail, il est
un moyen de demption pour tous les enfants d'Adam [6], en même temps qu'un moyen de
subsistance et de développement économique.
Dans l'ensemble, et c'est un constat exempt d'esprit polémique, il convient de remarquer que la
plupart des études publiées à ce jour sur le Mouridisme ont surtout permis à leurs auteurs d'étayer des
théories personnelles dans leur domaine d'activi propre (anthropologie, ethnologie, sociologie,
économie ou politique). A travers leurs lignes divergentes, le Mouridisme devient un "phénomène"
impalpable que chacun qualifie au gré de son optique,
P. Couty a bien exprimé la perplexité qui peut résulter de leur abondant - mais discutable et très
discuté travail : "L'étude du mouridisme soulève une difficulté : quelle importance accorder dans la
naissance et le développement de la confrérie, à la dynamique des structures d'une part, à l'expérience
religieuse individuelle d'autre part ?" [7]
Le problème, étant ainsi posé, élude cependant la problématique de base : sans l'expérience
religieuse du Cheikh Ahmadou Bamba, et à sa suite, de ses disciples, aurait-on pu seulement parler de
"dynamique des structures"?
Mais seul un chercheur de vérité sans préjugé (qui se trouve de ce fait au stade préliminaire de la
Foi) peut évidemment se poser cette question...
Les autres n'ont fait que ramasser une pépite, sans voir la mine d'or qui était sous leurs pas…[8].
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