Air Pur N° 76 - 2009 - 31
I – INTRODUCTION
Parmi les facteurs environnementaux, l’air, élément
avec lequel l’organisme est le plus directement
en contact, suscite l’intérêt de la communauté
scientifique et de la population depuis le début du
XIXème siècle (Barillon, 2006). La relation entre la
santé et la pollution atmosphérique est complexe,
mais de mieux en mieux identifiée comme le
prouve la construction actuelle de la notion de santé
environnementale qui insiste sur l’importance de
l’environnement en tant que déterminant de santé.
Le lien entre la pollution de l’air et l’occurrence de
pathologies est établi. Deux types d’effets sont ainsi
distingués : les effets à court terme (augmentation des
hospitalisations et des visites médicales en urgence
pour causes respiratoire et cardio-vasculaire) et
les effets à long terme (diminution de la fonction
respiratoire, de l’espérance de vie…) (Quénel et
al., 2003). Si les risques relatifs liés à la pollution
atmosphérique ne sont pas très élevés au niveau
individuel, en revanche, en raison du caractère
ubiquitaire de l’exposition à l’air ambiant et de la
prévalence élevée des affections cardio-vasculaires
et respiratoires, ils se traduisent par des impacts
sanitaires importants au niveau populationnel. Les
études montrent également qu’il existe une grande
variabilité interindividuelle dans la susceptibilité
aux polluants atmosphériques, certaines populations
étant plus sensibles que d’autres aux altérations
de la qualité de l’air extérieur (jeunes enfants,
personnes âgées ….) (Heinrich et Slama, 2007 ;
Teissier et Bartaire, 2005).
Les phénomènes de pollution atmosphérique se
caractérisent par une grande diversité spatiale, de
la proximité d’installations ou d’activités polluantes
jusqu’au niveau planétaire (Roy, 2006). La pollution
atmosphérique est ainsi considérée comme un
déterminant de santé fort mais très inégalitaire en
raison de la variabilité des expositions aux différents
contaminants (Charles et al., 2007). Les populations
urbaines les plus modestes sont aussi fréquemment
celles qui vivent dans des environnements
dégradés et souffrent le plus des problèmes
d’environnement (Theys, 2002). Les recherches
en cours sur la qualité de l’air ou les risques
accidentels liés à l’industrie montrent notamment
que les populations défavorisées sont en proportion
deux fois plus nombreuses à vivre à proximité
d’une industrie polluante que les autres. En France,
plus de 40 % des personnes qui vivent en Zones
Urbaines Sensibles (ZUS) sont exposées aux risques
industriels, soit deux fois plus que dans d’autres
quartiers (Champion et al., 2004). Ces inégalités se
cumulent à d’autres expositions (habitat insalubre,
exposition professionnelle…) et s’accompagnent
de comportements à risque (défaut d’aération d’un
logement mal isolé du froid, chauffage d’appoint
à combustion entraînant une dégradation de la
qualité de l’air intérieur et éventuellement des
intoxications…). A ces inégalités face aux nuisances
et aux risques s’ajoutent des différences concernant
l’accès à l’information sur les risques encourus et
l’identification des acteurs impliqués. En outre, les
enquêtes d’opinion montrent que les populations les
plus exposées ont également des perceptions et des
appréciations de ces nuisances (bruit, pollutions…)
différentes (Roy, 2006).
Dans ce contexte, le « Baromètre santé
environnement » de l’Institut National de Prévention
et d’Education pour la Santé (INPES) permet
d’étudier les disparités dans la représentation de la
pollution atmosphérique au sein de la population.
Il permet, notamment, d’identifier l’influence de
variables pouvant refléter des inégalités sociales
(catégorie socioprofessionnelle, niveaux de
diplôme et de revenu), et territoriales (taille de
l’agglomération de résidence). Ces constatations,
en considérant le point de vue de la population,
interrogent les politiques de prévention de la
pollution et les difficultés qu’elles rencontrent
quand il s’agit de sortir de la sphère technique
pour associer les habitants à la construction d’un
environnement plus salubre.
II – MATÉRIEL/MÉTHODES
L’enquête « Baromètre santé environnement » de
l’INPES est une enquête transversale, réalisée au
moyen d’un questionnaire téléphonique auprès
d’un échantillon de 6 007 individus, âgés de 18
à 75 ans, représentatif de la population française.
Cette enquête permet de décrire les opinions de
la population en matière d’environnement et de
santé (sentiment d’information sur les différents
thèmes proposés, perception des risques sanitaires,
ressenti des effets sur sa propre santé, opinions à
l’égard des acteurs, des mesures de lutte… (Ménard
et al., 2008).
Afin d’évaluer l’effet de variables sociodémogra-
phiques (âge, sexe, catégorie socioprofession-
nelle, niveaux de revenu, de diplôme et taille de
l’agglomération) sur les réponses aux différentes
questions posées sur la pollution atmosphérique,
des tests de comparaison de proportions ont été
réalisés (tests du khî-deux d’indépendance). Des
analyses multivariées ont été mises en œuvre
afin d’examiner l’influence de variables pouvant
refléter des inégalités sociales (catégorie sociopro-
fessionnelle, niveaux de diplôme et de revenu), et
territoriales (taille de l’agglomération de résidence).
Ces méthodes consistent à déterminer des modèles
mathématiques permettant d’expliquer une variable
qualitative à partir d’une série d’autres variables (le
sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, les
niveaux de revenu, de diplôme…). L’influence de
chaque variable du modèle sur la variable à expliquer
est estimée après ajustement sur les autres variables,
« toutes choses égales par ailleurs». Cette méthode
n’est pas utilisée ici à des fins prédictives mais
pour quantifier la force du lien entre la variable à
expliquer et la variable explicative, indépendamment
des autres variables (Beck et al., 2008).