Contribution aux réflexions sur la mise en œuvre du Plan d`action

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Contribution aux réflexions
sur la mise en œuvre du Plan d’action pour la
restauration de la continuité écologique des cours d’eau
Guy PUSTELNIK, Directeur d’EPIDOR - EPTB Dordogne, le 30 avril 2013
Le concept de continuité écologique comporte deux volets : la continuité piscicole et la continuité
sédimentaire.
Concernant la continuité piscicole
Il est difficile, voire impossible de parler continuité écologique si l’on n’intègre pas le débat sur la
biodiversité. Le débat sur la biodiversité sous-entend une approche naturaliste de l’environnement,
c’est-à-dire la prise en compte de peuplements considérés comme naturels.
Cette notion de naturalité des peuplements pose évidemment le problème de la référence historique
puisque très souvent, les peuplements piscicoles ont été modifiés et artificialisés par des pratiques
d’alevinages. A partir de quand peut-on considérer qu’un cours d’eau présente un peuplement
naturel, avec une population de poissons historiquement implantée, capable (au moins
historiquement) d’assurer tous les besoins vitaux de ses différentes écophases, c'est-à-dire se
nourrir, s’abriter et se reproduire ?
Les pratiques de déversement de poissons dans les cours d’eau sont anciennes. Elles étaient déjà
utilisées au Moyen-Âge par les moines à des fins de nourriture. Elles ont continué d’être employées
par la pêche professionnelle. Elles se sont également développées avec la pêche de loisir, avec des
conceptions variées, et se sont orientées dans deux directions :
1) la pêche pour tous : il s’est alors agit de s’assurer que les cours d’eau pourraient fournir
suffisamment de poissons pour une population de pêcheurs qui était en constante
augmentation ;
2) priorité aux poissons nobles : afin que les pêcheurs puissent trouver les espèces qui les
intéressent, par exemple la truite ou les carnassiers plus prisés que les poissons dit
« blancs ».
Dans les faits, pour ces raisons, il est apparu pour les pêcheurs des nécessités de surproduction par
rapport aux capacités naturelles des cours d’eau. En effet, un cours d’eau ne peut pas
systématiquement produire autant de poissons qu’il y a de pêcheurs alors même que ses zones de
reproductions sont naturellement limitées et que son potentiel nutritif est lui aussi limité. Dans bien
des cas, les AAPPMA et les fédérations de pêche, gestionnaires de la pêche, ont donc développé des
pratiques d’alevinages supérieures aux possibilités d’accueil offertes par le milieu. Dans certains pays
le nombre de captures autorisées dépend uniquement de la capacité de production du milieu, mais
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ce n’est pas le cas en France, même si certaines pratiques comme le « no kill » voudraient se
rapprocher de cette idée. La volonté d’accroissement du nombre de pêcheurs a donc conduit à la
disparition de peuplements naturels et sauvages pour lesquels l’exploitation possible ne pourrait
concerner que le surplus d’une production naturelle.
Est également apparue la nécessité d’apporter des espèces non initialement présentes mais prisées
par les pêcheurs : la truite, le sandre, l’ombre, la carpe, le silure…, bon nombre d’entre elles étant
des espèces exotiques. Certaines espèces ont donc été répandues là elles n’existaient pas.
Certaines espèces ont aussi été régulièrement déversées dans des secteurs où elles ne peuvent
naturellement pas se maintenir, l’environnement étant inadapté à certaines phases de leur cycle de
vie.
En conséquence, la grande majorité des cours d’eau n’ont aujourd’hui plus de peuplement naturel.
De nombreuses espèces exotiques ont été introduites ; pour les espèces initialement présentes, des
implantations génétiques d’origines multiples ont largement modifié les populations ; enfin, pour
certaines espèces, les apports réguliers et surdensitaires de poissons d’élevage ont considérablement
et durablement modifié le fonctionnement des populations. Au final, la plupart des peuplements
piscicoles n’ont évidemment plus grand-chose à voir avec des peuplements naturels.
Dans ce contexte, une question peut donc se poser : en l’état actuel des peuplements piscicoles, quel
intérêt y a-t-il à restaurer la continuité piscicole ? Remonter oui mais pour aller ? Et pourquoi
faire ? Doit-on favoriser la dispersion de poissons qui n’ont plus rien avoir avec une naturalité : des
poissons d’origines génétiques multiples et des poissons exotiques ? Doit-on également favoriser le
déplacement de poissons surdensitaires, d’un secteur du cours d’eau vers une autre zone de
toute manière le potentiel est déjà saturé par les alevinages et les équilibres perturbés par les
introductions.
C’est un choix véritablement politique : la continuité piscicole doit réellement être mise en débat en
rapport avec ces notions de biodiversité spécifique, de génétique et de capacité d’accueil des
rivières. Un vrai débat doit s’installer avec une rigueur scientifique affirmée intégrant toutes les
notions d’écophases, d’habitat et de gestion halieutique, incluant les pratiques historiques, actuelles
et futures.
Concernant les autres aspects de la biodiversité aquatique
La notion de continuité écologique n’intègre peu ou pas d’autre aspects de la biodiversité c’est-à-dire
les invertébrés et tous les autres compartiments de l’écosystème. Les ouvrages hydrauliques
implantés sur les cours d’eau peuvent en effet engendrer d’importants changements en matière
d’habitats ou de régime thermique qui sont susceptibles de créer de véritables problèmes de
continuité. Une réflexion tout à fait importante devrait s’engager sur ces aspects.
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Concernant la continuité sédimentaire.
Ce volet de la continuité écologique est plus compliqué à appréhender et dans les débats locaux, on
constate que les aspects sédimentaires sont souvent moins mis en avant, parce qu’on ne sait pas
bien comment les aborder.
Les déséquilibres hydro morphologiques des cours d’eau sont souvent anciens mais encore
différents paramètres d’évolution récente devraient être mieux pris en compte avec notamment
l’évolution des régimes de débit. Sous l’effet du climat ou de certains usages, les régimes de débits
peuvent en effet avoir évolué diminuant fortement la capacité érosive des cours d’eau, ce qui n’est
que très rarement pris en compte dans les débats actuels.
Un autre élément important concerne l’évolution des apports sédimentaires liés à l’anthropisation
des vallées et des bassins versants. Dans certains bassins, les quantités de matériaux sédimentaires
mobilisables ont considérablement augmenté. Le développement des surfaces de sols nus,
l’imperméabilisation et le drainage génèrent une plus grande érosion des sols. Si l’on ajoute
l’intensification des curages, voire des recalibrages opérés au cours des récentes décennies, il en
résulte une accélération du transit de certains sédiments et une modification importante des
dynamiques naturelles qui devraient être observées sur les cours d’eau.
La gestion des ouvrages doit-elle être le seul angle d’approche de ces problèmes ? Doit-on seulement
considérer que les sédiments accumulés dans les retenues doivent transiter vers l’aval ? Et ce même
s’il s’agit d’apports anthropiques, issus majoritairement des terrains agricoles de l’amont ? Mais pour
aller où ? Ne devrait-on aussi pas travailler, en lien avec les problèmes sédimentaires constatés sur
chaque cours d’eau, à implanter des zones tampons significatives et efficaces en bordure de cours
d’eau et à établir des précaution dans les pratiques de labour et le travail du sol.
Conclusion :
Le débat sur la continuité écologique devrait intégrer :
1) des éléments sur la biodiversité et notamment sur les pratiques de gestion piscicole susceptibles
d’affecter les peuplements naturels ;
2) des éléments sur les dynamiques sédimentaires des bassins versants et notamment sur les
pratiques d’usage et de travail du sol susceptibles de modifier le transit sédimentaire.
Ces éléments ne font actuellement pas partie des débats. En les ignorant, les plans de restauration
de la continuité écologique, dont la vocation est de restaurer un bon état écologique, donc un certain
niveau de biodiversité et naturalité, perdent aujourd’hui une partie de leur sens.
La communauté scientifique devrait s’intéresser de façon plus claire et affirmée à ces sujets. Ils
devraient aussi être plus systématiquement intégrés aux réflexions menées localement autour de
chaque projet de restauration de la continuité écologique.
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