Design_FR001-043 16/01/06 15:30 Page 1 Geométrie du design Étude des proportions et de la composition Kimberly Elam © Groupe Eyrolles, 2006 pour l’édition française, ISBN : 2-212-11721-3 Design_FR044-075 16/01/06 15:38 Page 50 Affiche L’Intransigeant, A. M. Cassandre, 1925 « Le module exprimé mathématiquement peut seulement servir à confirmer une idée spontanée. Le nombre d’or ne fait que définir la proportion idéale ressentie intuitivement par l’artiste au préalable, c’est un moyen de vérification, pas un système (il serait condamné si c’en était un), comme tout système. » Adolphe Mouron (A. M. Cassandre), Journal, 1960. L’affiche conçue en 1925 pour L’Intransigeant par Adolphe Mouron, plus connu sous le nom de Cassandre, est à la fois un triomphe de par sa conception et un cas d’école sur la composition géométrique. Cette affiche pour un quotidien parisien est un triomphe en matière de conception, car elle est la traduction d’un profil de femme stylisé en un symbole visuel, celui de Marianne, la voix de la France. Cassandre a reçu une formation d’artiste et a étudié la peinture dans divers ateliers parisiens. En fait, il avait pris le pseudonyme de Cassandre pour les travaux commerciaux, dans l’espoir de revenir à la peinture sous son véritable nom : Adolphe Mouron. Pourtant, il allait être rapidement fasciné par l’art de l’affiche, dans lequel, il voyait un plus grand potentiel d’expérimentation dynamique que dans la peinture. L’idée de communication de masse était séduisante, comme l’était celle d’un art traversant les frontières traditionnelles et solidement établies de la distinction en fonction de la classe sociale. En raison de son intérêt pour la peinture et de ses études, Cassandre a été profondément influencé par le cubisme. Dans une interview de 1926, il décrit le cubisme en ces termes : « […] sa logique incessante ainsi que les efforts de l’artiste pour construire géométriquement son œuvre font ressortir l’élément éternel, l’élément impersonnel au-delà de toutes les contraintes et de toutes les complexités individuelles. » Il admettait que son œuvre était « essentiellement géométrique et monumentale », et que l’on pouvait trouver des éléments de construction géométrique pratiquement dans toutes ses affiches. Cassandre était particulièrement conscient de l’impact 50 51 Analyse L’affiche est construite à partir d’une grille d’élements carrés répartis en six rangées de huit colonnes pour un total de 48 modules. Tous les éléments de l’affiche entrent dans cette grille, que ce soit en terme d’emplacement ou de proportions. Le centre de l’oreille et le centre de la bouche se trouvent à des intersections de ces modules. L’angle du « L » occupe le centre géométrique exact de l’affiche. Le menton du personnage occupe un module complet en largeur, comme le poteau télégraphique. La ligne oblique du cou correspond à la diagonale d’un carré de 4 x 4 modules. Les fils télégraphiques partent du centre de l’oreille et sont placés chacun à 15° d’intervalle, formant au final deux angles de 45° au-dessus et en dessous de l’horizontale. Design_FR044-075 16/01/06 15:38 Page 52 visuel du cercle, forme géométrique qu’il utilise consciemment dans cette affiche comme dans beaucoup d’autres afin de capter et de diriger l’attention du spectateur. Outre le cubisme, qui s’affirmait dans les beaux-arts, l’œuvre de Cassandre porte également la marque du mouvement Sach Plakat, l’« affiche-objet ». Ce mouvement, qui voit le jour en Allemagne en 1905 sous le pinceau de Lucien Bernhard, s’écarte du style expressif et enjolivé de l’époque en affirmant comme objectifs premiers de l’affiche le caractère descriptif et la fonction. Cette philosophie, reprise et développée par le Bauhaus dans les années 1920, transparaît fréquemment dans les affiches de Cassandre. Dans L’Intransigeant, le nom même du journal est réduit à un simple fragment recouvrant un symbole plus évocateur, celui de Marianne, la voix de la France. Rapports entre les cercles cercle de la tête = 4 x le cercle de la bouche cercle de la bouche = cercle du contour de l’oreille cercle de la bouche = 2,5 x le cercle de l’oreille cercle de l’oreille = cercle de l’oeil cercle de l’oreille = cercle des isolants cercle de l’oreille = cercle du lobe 45º 45º 45º 45º 45º 45º 52 53 45º Angles et racine de 2 Le format de l’affiche correspond à celui d’un rectangle de rapport racine de 2. L’œil est situé exactement sur la diagonale du rectangle racine de 2 (représentée ici en pointillé). Cette diagonale passe également par le centre du rectangle, exactement au coin inférieur gauche du « L ». La ligne de base sur laquelle vient prendre appui le titre « L’Intrans » est une diagonale à 45° tracée depuis le centre géométrique du rectangle. Les fils télégraphiques sont espacés de 15° chacun, la somme des angles formés par ces fils étant égale à deux fois 45°, valeur d’angle que l’on retrouve dans les lignes formant le nez et le cou. Proportions des cercles Les cercles correspondant au contour de l’oreille et à la bouche ont un diamètre égal à un module. Les cercles plus petits représentant l’œil, l’oreille, le lobe de l’oreille et les isolants de porcelaine ont un diamètre égal aux 2/5e d’un module. Le plus grand cercle, formant la tête, a un diamètre égal à quatre modules. Les cercles sont placés de telle manière que leurs centres sont alignés sur des diagonales à 45°. Les cercles formant la partie supérieure des isolants sont placés sur des diagonales séparées par des intervalles d’environ 15°, trois de ces intervalles formant un module de 45°.