Geométrie du design
Étude des proportions et de la composition
Kimberly Elam
© Groupe Eyrolles, 2006 pour l’édition française,
ISBN : 2-212-11721-3
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L’affiche conçue en 1925 pour L’Intransigeant par Adolphe
Mouron, plus connu sous le nom de Cassandre, est à la
Affiche L’Intransigeant, A. M. Cassandre, 1925
Analyse
L’affiche est construite à partir d’une grille d’élements
carrés répartis en six rangées de huit colonnes pour un
total de 48 modules. Tous les éléments de l’affiche entrent
dans cette grille, que ce soit en terme d’emplacement ou
de proportions. Le centre de l’oreille et le centre de la
bouche se trouvent à des intersections de ces modules.
L’angle du « L » occupe le centre géométrique exact de
l’affiche. Le menton du personnage occupe un module
complet en largeur, comme le poteau télégraphique. La
ligne oblique du cou correspond à la diagonale d’un car
de 4 x 4 modules. Les fils télégraphiques partent du centre
de l’oreille et sont placés chacun à 15° d’intervalle,
formant au final deux angles de 45° au-dessus et en
dessous de l’horizontale.
fois un triomphe de par sa conception et un cas d’école
sur la composition géométrique. Cette affiche pour un quo-
tidien parisien est un triomphe en matière de conception,
car elle est la traduction d’un profil de femme stylisé en
un symbole visuel, celui de Marianne, la voix de la France.
Cassandre a reçu une formation d’artiste et a étudié la
peinture dans divers ateliers parisiens. En fait, il avait pris
le pseudonyme de Cassandre pour les travaux
commerciaux, dans l’espoir de revenir à la peinture sous
son véritable nom : Adolphe Mouron. Pourtant, il allait être
rapidement fasciné par l’art de l’affiche, dans lequel, il
voyait un plus grand potentiel d’expérimentation dyna-
mique que dans la peinture. L’idée de communication de
masse était séduisante, comme l’était celle d’un art tra-
versant les frontières traditionnelles et solidement éta-
blies de la distinction en fonction de la classe sociale.
En raison de son intérêt pour la peinture et de ses études,
Cassandre a été profondément influencé par le cubisme.
« Le module exprimé mathématiquement peut seule-
ment servir à confirmer une idée spontanée. Le nombre
d’or ne fait que définir la proportion idéale ressentie
intuitivement par l’artiste au préalable, c’est un moyen
de vérification, pas un système (il serait condamné si
c’en était un), comme tout système. »
Adolphe Mouron (A. M. Cassandre), Journal, 1960.
Dans une interview de 1926, il décrit le cubisme en ces
termes : « […] sa logique incessante ainsi que les efforts
de l’artiste pour construire géométriquement son œuvre
font ressortir l’élément éternel, l’élément impersonnel
au-delà de toutes les contraintes et de toutes les com-
plexités individuelles. » Il admettait que son œuvre était
« essentiellement géométrique et monumentale », et
que l’on pouvait trouver des éléments de construction
géométrique pratiquement dans toutes ses affiches.
Cassandre était particulièrement conscient de l’impact
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Angles et racine de 2
Le format de l’affiche correspond à celui d’un rectangle
de rapport racine de 2. L’œil est situé exactement sur la
diagonale du rectangle racine de 2 (représentée ici en
pointillé). Cette diagonale passe également par le centre
du rectangle, exactement au coin inférieur gauche du
«L».
Rapports entre les cercles
cercle de la tête = 4 x le cercle de la bouche
cercle de la bouche = cercle du contour de l’oreille
cercle de la bouche = 2,5 x le cercle de l’oreille
cercle de l’oreille = cercle de l’oeil
cercle de l’oreille = cercle des isolants
cercle de l’oreille = cercle du lobe
Proportions des cercles
Les cercles correspondant au contour de l’oreille et à la
bouche ont un diamètre égal à un module. Les cercles
plus petits représentant l’œil, l’oreille, le lobe de l’oreille
et les isolants de porcelaine ont un diamètre égal aux
2/5ed’un module. Le plus grand cercle, formant la tête,
a un diamètre égal à quatre modules.
Les cercles sont placés de telle manière que leurs
centres sont alignés sur des diagonales à 45°.
Les cercles formant la partie supérieure des isolants
sont placés sur des diagonales séparées par des inter-
valles d’environ 15°, trois de ces intervalles formant
un module de 45°.
45º
45º
45º
45º
45º
45º
45º
visuel du cercle, forme géométrique qu’il utilise consciem-
ment dans cette affiche comme dans beaucoup d’autres
afin de capter et de diriger l’attention du spectateur.
Outre le cubisme, qui s’affirmait dans les beaux-arts,
l’œuvre de Cassandre porte également la marque du
mouvement Sach Plakat, l’« affiche-objet ». Ce mouve-
ment, qui voit le jour en Allemagne en 1905 sous le pin-
ceau de Lucien Bernhard, s’écarte du style expressif et
enjolivé de l’époque en affirmant comme objectifs pre-
miers de l’affiche le caractère descriptif et la fonction.
Cette philosophie, reprise et développée par le Bauhaus
dans les années 1920, transparaît fréquemment dans les
affiches de Cassandre. Dans L’Intransigeant, le nom même
du journal est réduit à un simple fragment recouvrant un
symbole plus évocateur, celui de Marianne, la voix de la
France.
La ligne de base sur laquelle vient prendre appui le titre
«L’Intrans » est une diagonale à 45° tracée depuis le
centre géométrique du rectangle. Les fils télégraphiques
sont espacés de 15° chacun, la somme des angles formés
par ces fils étant égale à deux fois 45°, valeur d’angle que
l’on retrouve dans les lignes formant le nez et le cou.
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