
Phares 12
Actes du colloque étudiant de philosophie pratique « Normes, action et institutions »
élaborer la solution adéquate. Néanmoins, le caractère des principes
servant à déterminer cette solution est essentiellement politique, du
fait qu’ils dénissent l’usage légitime du pouvoir.
L’opposition entre ces deux approches nous est familière.
Parfois, les philosophes sont portés à adopter l’une d’entre elle
et à décrier l’autre, mais leurs professions de foi sont rarement
accompagnées d’une argumentation sufsante ou d’une quelconque
tentative d’analyser les supposées erreurs de la position contraire.
Deux récentes exceptions sont G.A. Cohen et Bernard Williams,
défenseurs de positions rivales sur la question, qui ont exposé assez
longuement leurs points de vue (mais sans faire référence l’un à l’autre,
malheureusement). « We do not learn what justice fundamentally is,
écrit Cohen, by focusing on what it is permissible to coerce […]
Justice is justice, whether or not it is possible to achieve it2. » Pour
Williams, en contrepartie, « political philosophy is not just applied
moral philosophy, which is what in our culture it is often taken to be
[…] Political philosophy must use distinctively political concepts,
such as power, and its normative relative, legitimation3. » Comment
la philosophie politique devrait-elle aborder la notion de justice :
suivant Cohen, comme un idéal moral indépendant des questions
concernant la coercition légitime, ou suivant Williams, comme un
idéal politique inséparable de ces questions ?
J’examinerai en détail les positions de ces philosophes, toujours
en cherchant à répondre à la question à laquelle nous faisons face ;
mais avant cela, je tiens à souligner le fait que tant pour Cohen
que pour Williams, et que pour plusieurs autres, le choix entre
ces deux conceptions semble tout à fait inévitable. La philosophie
politique, tel qu’ils le supposent, ne peut pas éviter, au nal, de
décider laquelle des voies opposées elle empruntera. Cela est une
erreur ; les deux points de vue en opposition que j’ai esquissés – le
« moralisme » et le « réalisme », tels que Williams les a nommés à
son propres avantage – ne sont pas les seules options. Chacun d’eux
comporte une importante part de vérité, bien que chacun soit aussi
insatisfaisant ; et pour pallier leurs défauts, la philosophie politique
se doit d’aller au delà de cette opposition habituelle. Son objet doit
certes être les problèmes caractéristiques de la vie politique, incluant