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une ethnographie plus anthropologique qui s’intéresse à tous les phénomènes culturels, en
particulier la construction interactive de la réalité sociale par les différents acteurs ou groupes
sociaux.
L’influence du courant français d’analyse institutionnelle a entraîné une centration sur le
concept d’implication, qui fait que pour nous l’OP consiste aujourd’hui non pas à se tenir à
mi-distance entre observation et participation, comme on le voit parfois selon la version
traditionnelle, mais plutôt à faire des allers et retours, dans un mouvement d’immersion et de
distanciation, qui nous amène à parler d’une extériorité méthodologique5. L’observation
participante fait donc partie d’une dialectique entre théorie et action.
Car il existe un danger à épouser totalement le point de vue des acteurs (“going native”).
On décrirait alors le monde social dans le langage profane, sans le travail d’interprétation
nécessaire à la production de connaissance.
On distingue classiquement plusieurs degrés de participation6 : l’observation participante
périphérique (OPP), l’observation participante active (OPA), et l’observation participante
(OPC). Mais il n’y a pas uniquement des différences de degrés.
Il existe aussi des différences de situation, qui produiront des différences d’attitudes : on parle
d’ observation participante externe et d’ observation participante interne. C’est le cas des
acteurs sociaux qui décident de faire l’analyse de leur lieu de travail (souvent les maîtres dans
leur classe ou leur école) ou de leur lieu de vie (analyse de son quartier, voire de sa famille).
On peut aussi évoquer les travailleurs sociaux qui s’inscrivent à l’université, travaillent sur
leur pratique, et deviennent ainsi des chercheurs spécialistes de leur propre terrain.
On peut alors faire la différence également entre une observation participante découverte, ce
qui est le plus souvent le cas dans l’ observation participante externe, et une observation
participante cachée, souvent rendue nécessaire en cas de travail à l’interne. Peter Woods a
décrit le premier cette distinction avec la formule : « overt observer », opposé à « covert
observer » (recherche à visage découvert, versus recherche masquée ou clandestine).
c. Le rapport micro-macro
Cette distinction est introduite par l’auteur américain E.Goffman, qui nous permet de parler de
micro-sociologie7 dans notre conception ethnographique des phénomènes sociaux. Il s’agit de
ne pas aborder les objets centraux de la sociologie, l’organisation sociale et la structure
sociale, mais de s’intéresser et d’explorer la structure de l’expérience individuelle de la vie
sociale. Goffman, qui aime bien les formules frappantes, dit qu’il ne veut pas « lutter contre
l’aliénation et éveiller les gens », comme font les penseurs officiels du savoir et des media. Ce
qui intéresse Goffman par rapport aux gens ordinaires, c’est : « ne pas leur chanter une
berceuse, mais seulement entrer sur la pointe des pieds et observer comment ils ronflent »8.
C’est ici qu’intervient également une notion qui est pour nous très importante, et qui plaît
beaucoup à Don Fernando : la Multiréférentialité, analysée et développée en France surtout
par J.Ardoino. La multiréférentialité signifie qu’il y a plusieurs légitimités pour comprendre
un objet ou une situation, et qu’on ne peut pas s’enfermer dans une seule approche (la
psychologie individuelle, ou le social en général par exemple), mais qu’il faut, comme le dit
J.Ardoino, « être polyglotte » devant la réalité.
5 Boumard P., Les savants de l’intérieur, A.Colin, 1989
6 Adler & Adler, Membership roles in field Research, 1987
7 Lapassade G., Les microsociologies, 1996
8 Goffman E., Les cadres de l’expérience