La pointe d’un microscope à effet tunnel (STM) balaye une surface atomique.
2.1 Voir les atomes 42
2.2 Atomes et éléments 44
2.3 Classer les éléments : le tableau
périodique 49
2.4 Masse atomique 54
2.5 Combiner les atomes : les liaisons
chimiques 56
2.6 Éléments et composés 60
2.7 Représenter les composés :
formuleschimiques et modèles
moléculaires 64
2.8 Formules et nomenclature
descomposés ioniques 67
2.9 Formules et nomenclature
descomposés moléculaires 74
CHAPITRE
2
Ces observations ont
conduit implicitement à la
conclusion, qui semble
universellement adoptée,
que tous les corps de
grandeur raisonnable […]
sont constitués d’un grand
nombre de particules
extrêmement petites, ou
atomes de matière […].
John Dalton
(-)
Atomes, éléments
etcomposés
42 CHAPITRE 2 Atomes, éléments etcomposés
S
i on coupait en fragments de plus en plus petits un morceau de graphite provenant de la
pointe d’un crayon, jusqu’où pourrait-on aller ? Pourrait-on le diviser à l’infini ? Finirait-on
par arriver à quelques particules fondamentales qu’il ne serait plus possible de dissocier,
non pas à cause de leur extrême petitesse, mais en raison de la nature de la matière ? Pendant
plus de deux millénaires, cette question fondamentale à propos de la matière a préoccupé les
penseurs. La réponse a varié selon l’époque. À l’échelle des objets quotidiens que nous
observons à l’œil nu, la matière apparaît continue (ou infiniment divisible). Jusqu’à il y a environ
200 ans, de nombreux scientifiques croyaient que la matière était effectivement continue – mais
ils avaient tort. En effet, si vous divisiez le graphite de la pointe de votre crayon en parties de
plus en plus petites (beaucoup plus petites que ce qui est visible à l’œil nu), vous finiriez par
arriver à des atomes de carbone. Le mot atome vient du grec atomos, qui signifie « indivisible ».
Si vous divisez un atome de carbone en morceaux plus petits, il perd alors son identité : ce n’est
plus du carbone. Les atomes sont à la base de toute matière ordinaire. Si vous voulez
comprendre la matière, vous devez commencer par comprendre les atomes.
2.1 Voir les atomes
Le 16 mars 1981, Gerd Binnig et Heinrich Rohrer ont travaillé tard durant la nuit dans les
laboratoires IBM de Zurich, en Suisse. Ils mesuraient la variation dun courant électrique
établi entre une fine pointe métallique et une surface métallique plane en fonction de
la distance entre la pointe et la surface. Les conclusions de lexpérience de cette nuit-là
ainsi que dautres résultats obtenus au cours des mois qui suivirent ont valu à Binnig et
Rohrer une part du prix Nobel de physique de 1986. Ces résultats sont à lorigine de l’in-
vention de la microscopie à effet tunnel (en anglais, scanning tunneling microscope, STM),
une technique qui permet de reconstituer la surface et les contours des molécules et des
atomes individuels, et même de les déplacer.
Le fonctionnement dun microscope à effet tunnel repose sur le déplacement dune
électrode ultrafine (un conducteur par lequel lélectricité peut entrer ou sortir) au-dessus
d’une surface et sur la mesure du courant tunnel résultant, c’est-à-dire le courant élec-
trique qui circule entre la pointe de lélectrode et la surface à étudier même si les deux
nentrent pas physiquement en contact (figure 2.1).
Le mouvement de la pointe permet
de créer une image avec
une résolution d’ordre atomique.
Le courant tunnel est extrêmement
sensible à la distance.
Rangées
d’atomes
Distance
maintenue
constante
La pointe est déplacée dans
un mouvement de balayage sur
la surface et montée et descendue
an de maintenir l’intensité
du courant de tunnel constante.
FIGURE 2.1 Microscopie à effet tunnel Dans cette technique, une pointe extrêmement fine conduisant
un courant électrique (à l’échelle atomique) est déplacée avec un mouvement de balayage sur une surface.
Lapointe est maintenue à une distance fixe de la surface et se déplace vers le haut ou vers le bas de façon que
le courant de tunnel demeure constant. Le mouvement de la pointe est enregistré pour reconstituer une image
de la surface avec une résolution de lordre atomique.
2.1 Voir les atomes 43
Ce courant tunnel (comme lont découvert cette nuit-là Binnig et Rohrer dans leur
laboratoire chez IBM) est extrêmement sensible à la distance, ce qui permet de maintenir
une séparation précise entre la pointe de lélectrode et la surface en montant et en descen-
dant la pointe pour compenser les changements de courant. Quand la pointe passe au-
dessus dun atome, elle sélève donc pour séloigner de la surface afin de maintenir le
courant à une intensité constante. Lorsque la pointe passe au-dessus d’un espace entre
lesatomes, elle sabaisse vers la surface pour maintenir le courant constant. En mesurant
le mouvement vertical de la pointe à mesure quelle est déplacée horizontalement sur une
surface, il est possible de créer une image de cette surface révélant la position datomes
individuels, comme celle qui est illustrée à la figure 2.2(a).
Autrement dit, Binnig et Rohrer ont mis au point un type de microscope qui peut
« voir » les atomes. Dautres scientifiques ont démontré par des travaux ultérieurs que la
microscopie à effet tunnel peut également servir à capturer et à déplacer des molécules ou
des atomes individuels, permettant ainsi de créer des structures et des motifs construits
un atome à la fois, comme le montre la figure 2.2(b), qui représente le mot « atome » en
caractères Kanji écrits à l’aide datomes de fer individuels sur une surface de cuivre. Si
tous les mots contenus dans les livres de la Bibliothèque du Congrès (Washington, DC),
soit 29 millions de livres occupant environ 850 km de rayons, étaient écrits en lettres de
la taille de ces caractères Kanji, ils tiendraient sur une surface d’environ 5 mm2.
(a) (b)
FIGURE 2.2 Visualisation d’atomes (a) Une image datomes d’iode (en vert) sur une surface de platine
(en bleu) obtenue à l’aide d’un microscope à effet tunnel. (b) Les caracres Kanji japonais pour le mot « atome »
écrit avec des atomes.
Bien que les philosophes aient tenté dexpliquer la nature de la matière depuis lAnti-
quité, la théorie atomique, proposée par John Dalton, na pas plus de 200 ans. De nos
jours, les scientifiques peuvent non seulement représenter en images et déplacer des
atomes individuels, mais ils arrivent même à construire de minuscules structures ne
comptant que quelques douzaines d’atomes (un domaine de recherche appelé
nanotechnologie).
Ces structures atomiques et les atomes qui les composent sont si petits quil est
presque impensable de se les représenter mentalement. Afin d’avoir une idée de la taille
d’un atome, imaginez que vous ramassez un grain de sable sur la plage. Ce grain contient
plus d’atomes que vous ne pourriez en compter pendant toute votre vie. En fait, le nombre
d’atomes dans un grain de sable excède de beaucoup le nombre de grains sur toute la plage.
Malgré leur taille minuscule, les atomes sont la clé qui vous permettra de faire le lien
entre les mondes macroscopique et microscopique. Un atome est la plus petite unité iden-
tifiable dun élément. Il existe environ 91 éments naturels différents. En outre, les scien-
tifiques ont réussi à fabriquer plus de 20 éléments de synthèse (éléments qui ne se trouvent
pas dans la nature).
44 CHAPITRE 2 Atomes, éléments etcomposés
Dans le présent chapitre, nous présenterons les atomes : de quoi sont-ils faits,
comment peut-on les distinguer les uns des autres et comment sont-ils structurés ? Nous
apprendrons que les éléments peuvent être organisés de façon à révéler des tendances
dans leurs propriétés. Nous introduirons également la notion de composés, qui sont for-
més de ces différentes sortes datomes, et nous examinerons certaines de leurs caracté-
ristiques. À la fin de ce chapitre, vous étudierez comment représenter les composés, les
nommer et en distinguer les différents types.
2.2 Atomes et éléments
Particules subatomiques
Tous les atomes sont formés des mêmes particules subatomiques : les protons, les neutrons
et les électrons. Voici un bref rappel de leurs propriétés.
Les protons et les neutrons ont des masses à peu près identiques. Dans les unités SI,
la masse du proton est de 1,672 62 3 10227 kg, et celle du neutron est de 1,674 93 3
10227kg. Ces nombres étant extrêmement petits, on exprime la masse atomique à laide
d’une unité plus courante et plus simple : l’unité de masse atomique (u). L’Union inter-
nationale de chimie pure et appliquée (UICPA) a défini cette unité comme le 1/12 de la
masse d’un atome de carbone-12 contenant six protons et six neutrons. La masse dun
proton ou dun neutron est donc approximativement 1 u. Par contre, les électrons pos-
sèdent une masse presque négligeable de 0,000 91 3 10227 kg ou 0,000 55 u. Si le proton
avait une masse égale à celle dune balle de baseball, un électron aurait la masse d’un
grain de riz. On ne les considère donc pas dans le calcul de la masse des atomes.
Le proton et lélectron ont tous les deux une charge électrique. En 1909, Robert
Millikan (1868-1953), un physicien américain, qui travaillait à l’Université de Chicago, a
effectué sa célèbre expérience de la gouttelette d’huile au cours de laquelle il a déduit la
charge d’un seul électron. Lappareil pour cette expérience est illustré à la figure 2.3.
Microscope
Radiations
ionisantes
Source
lumineuse
Atomiseur
Plaque chargée
positivement
Plaque chargée
gativement
Gouttes d’huile
électriquement chargées
en suspension dans
le champ électrique
Au cours de son expérience, Millikan a vaporisé de l’huile en fines gouttelettes à
laide d’un atomiseur. Introduites par un petit trou, les gouttelettes tombaient en chute
libre dans la partie inférieure de lappareil où elles pouvaient être observées à laide dune
source lumineuse et d’un microscope. Durant leur chute, les gouttes captaient des élec-
trons qui avaient été produits quand des rayons X bombardaient lair environnant. Ces
gouttes d’huile chargées négativement interagissaient alors avec la plaque négative placée
sur le fond de lappareil. (Rappelez-vous que des charges identiques se repoussent mutuel-
lement.) La variation de lintensité de la charge à laquelle les plaques étaient soumises
permettait de ralentir, d’arrêter ou même d’inverser la chute de la gouttelette.
En mesurant le voltage requis pour arrêter la chute des gouttelettes et en calculant les
masses des gouttelettes elles-mêmes (déterminées d’après leurs rayons et leur masse
FIGURE 2.3 Mesure par Millikan
dela charge d’un électron. Millikan
acalculé la charge sur une gouttelette
d’huile en chute dans un champ électrique.
Il a constaté qu’il obtenait toujours un
multiple entier de 21,60 3 10219 C,
lacharge d’un seul électron.
2.2 Atomes et éléments 45
volumique), Millikan a calculé la charge de chaque gouttelette. Selon son raisonnement,
étant donné que chaque gouttelette doit contenir un multiple entier délectrons, la charge
de chaque gouttelette doit être un multiple entier de la charge dun électron. De fait,
Millikan avait raison ; la charge mesurée sur une gouttelette était toujours un multiple
entier de 21,60 3 10219 C, la charge fondamentale d’un seul électron.
Dans les unités atomiques ou relatives, pour faciliter l’écriture, on assigne une charge
de 21 à l’électron et une charge de 11 au proton. La charge du proton et celle de l’électron
sont de grandeur équivalente, mais de signes contraires, de sorte que lorsque les deux
particules sont appariées, la charge sélève à zéro. Le neutron na aucune charge. Le
tableau 2.1 résume les propriétés des protons, des neutrons et des électrons.
Tableau 2.1 Particules subatomiques
Masse (kg) Masse (u) Charge (relative) Charge (C)
Proton 1,672 62 3 10227 kg 1,007 27 1111,602 18 3 10219
Neutron 1,674 93 3 10227 kg 1,008 66 0 0
Électron 0,000 91 3 10227 kg 0,000 55 2121,602 18 3 10219
La matière est habituellement neutre (il ny a pas de charge globale) parce que les
protons et les électrons sont normalement présents en nombre égal. Lorsque des déséqui-
libres de charges se créent dans la matière, léquilibre se rétablit en général rapidement,
souvent de façon spectaculaire. Par exemple, le picotement que vous ressentez quand vous
touchez une poignée de porte par temps sec est dû au mouvement des électrons qui se sont
accumulés sur votre corps lorsque vous avez marché sur un tapis. Le contact avec la poi-
gnée permet aux électrons de séchapper, rétablissant ainsi la charge globale de votre
corps. Les éclairs résultent dun phénomène similaire : des charges négatives s’accumulent
dans les nuages ; lorsque laccumulation des charges devient suffisamment importante et
le champ électrique résultant suffisamment puissant, il se produit une décharge entre les
nuages et le sol, ce qui rétablit léquilibre.
Si un fragment de matière comme un grain de sable, aussi minuscule soit-il, était
composé seulement de protons ou d’électrons, les forces répulsives inhérentes à cette
matière seraient extraordinaires, et celle-ci serait très instable. Heureusement, la matière
ne se comporte pas de cette manière.
Les éléments : définis par le nombre de protons
Si tous les atomes sont composés des mêmes particules subatomiques, comment les atomes
d’un élément se distinguent-ils de ceux dun autre ? La réponse est le nombre de ces parti-
cules. Le nombre le plus important pour déterminer l’identité d’un atome est le nombre de
protons dans son noyau. En fait, cest le nombre de protons qui définit un élément. Par
exemple, latome dont le noyau comporte deux protons est latome d’lium ; l’atome qui a
six protons dans son noyau est latome de carbone ; et celui qui en a 92 est latome d’ura-
nium (figure 2.4). Le nombre de protons dans le noyau dun atome est le numéro atomique
et on lui attribue le symbole Z. Les numéros atomiques des éléments connus varient de
1à117 (mais il est possible que dautres éléments soient encore découverts).
À chaque élément, identifié par un numéro atomique unique, est associé un symbole
chimique unique, cest-à-dire une abréviation dune ou deux lettres présentée directement
sous son numéro atomique dans le tableau périodique (figure 2.5). Ainsi, le symbole de
l’hélium est He ; celui du carbone est C ; et celui de luranium est U. Le symbole chimique
et le numéro atomique vont toujours de pair. Si le numéro atomique est 2, le symbole
chimique doit être He. Si le numéro atomique est 6, le symbole chimique doit être C. Ce
nest quune autre façon de dire que le nombre de protons définit lélément.
La plupart des symboles sont basés sur le nom de lélément. Par exemple, le symbole
pour le soufre est S ; pour loxygène, O ; et pour le chlore, Cl. Plusieurs des plus vieux
éléments connus, cependant, ont des symboles basés sur leurs noms latins. Ainsi, le sym-
bole pour le sodium est Na daprès le latin natrium, et le symbole pour l’étain est Sn, du
Une charge négative s’accumule
dans les nuages.
Une charge positive s’accumule au sol.
Une décharge électrique
rétablit l’équilibre des charges.
▲ Lorsque l’équilibre normal des charges
dans la matière est perturbé, comme cela
se produit au cours d’un orage, il se rétablit
rapidement, souvent de façon
spectaculaire.
Le terme élément désigne l’ensemble
des atomes possédant un nombre
identique de protons.
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