Université Paris-Sud Polytech Paris-Sud Spécialité photonique et systèmes optroniques Année 2015-2016 Introdution aux semi-conducteurs François Aguillon [email protected] Avant-propos Ce document est le support de cours du module « semiconducteurs » suivi par les étudiants de la 4ème année de la spécialité « Photonique et systèmes optroniques » de Polytech Paris-Sud, école d’ingénieur de l’université Paris-Sud, située à Orsay. Ce module est articulé en deux parties : la première, auquel ce document correspond, fournit aux étudiants les concepts de base de physique des semi-conducteurs qui leur sont nécessaires pour aborder les aspects plus spécifiquement photoniques, qu’ils traitent sous la forme d’une étude bibliographique dans la seconde partie du module. De ce fait, ce document ne correspond pas un cours de haut niveau en physique des semi-conducteurs, et la photonique y brille par son absence... Avant de rentrer dans le vif du sujet, une petite justification « physique » de la présence d’un cours de semi-conducteurs à destination de futurs ingénieurs en photonique. L’optique moderne serait très loin d’être ce qu’elle est sans un couplage très fort entre optique et électronique. Or dans les solides, qui sont de loin les matériaux les plus pratiques à mettre en œuvre, on distingue traditionnellement les isolants, verres par exemple, où le courant électrique ne se propage pas, et les conducteurs, où la lumière ne se propage pas. Le seul petit espoir de faire se rencontrer électrons et photons au cœur d’un solide réside donc dans les matériaux qui sont à la frontière entre ces deux domaines. Les semi-conduteurs ne sont ni des conducteurs aussi efficaces que les métaux, ni des milieux aussi transparents que le verre, mais ils permettent de façonner des dispositifs optiques d’une richesse et d’une diversité qui laisse souvent rêveur... iii Chapitre 1 Electrons dans les solides modèle du gaz d’électrons libres Introduction L’objet de ce chapitre est de fournir des descriptions raisonnablement simples mais aussi raisonnablement réalistes du mouvement des charges électriques dans un solide, et plus précisément dans les solides conducteurs. Pourquoi donner des descriptions, alors qu’on pourrait tout aussi bien viser à donner la description ? La raison en est la complexité du problème, elle même liée à deux points : – le très grand nombre de particules composant le solide, de l’ordre de grandeur du nombre d’Avogadro. – leur caractère quantique. Face à une telle difficulté la démarche habituelle du physicien consiste à définir des modèles, simplifications souvent très fortes de la réalité, et à confronter les prévisions de ces aux comportements expérimentaux observés. Dans ce chapitre nous aborderons le plus simple de ces modèles : le gaz l’électrons libres. 1.1 1.1.1 Gaz d’électrons libres classiques Le modèle de Drude Le modèle classique du gaz d’électrons libres permet de comprendre la plupart des propriétés des métaux. Il constitue la première théorie « sérieuse » de l’état métallique. Il est dû à un physicien anglais, Paul Drude, et constitue en une adaptation de la théorie cinétique des gaz. Charges mobiles et charges fixes En 1897, J.J Thomson, autre physicien anglais, avait montré que les électrons sont des particules chargées négativement, présents à l’intérieur des atomes, et caractérisée par un rapport charge / masse 1000 fois plus élevé que celui qu’on connaissait pour l’ion H + . Etre à la fois chargé et léger, donc mobile, fait de l’électron un excellent candidat pour être un vecteur efficace du courant électrique. D’autre part les chimistes savaient que les atomes métalliques cèdent assez facilement leurs électrons de valence, au nombre de 1 pour le sodium, 2 pour le magnésium, 3 pour l’aluminium, 1 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres etc ... Sur cette base, P. Drude décrit le métal comme ensemble de N ions métalliques fixes, ayant chacun perdu x électrons de valence, au milieu desquels évoluent N x électrons mobiles qui assurent la conductivité électrique du métal. Cette description est encore aujourd’hui la base de toute description des métaux. Interactions Même si on se limite à un niveau très sommaire, la description des interactions entre tous les ions métalliques et tous les électrons est un problème insurmontable. Drude contourne cette difficulté en faisant deux approximations très fortes : – l’action des ions est décrite globalement : les N ions positifs créent collectivement à l’intérieur du solide un potentiel constant – l’interaction entre électrons est négligée. Les électrons sont donc des particules libres piégées dans un puits de potentiel : V (r) = 0 à l’intérieur du solide = V0 > 0 à l’extérieur (1.1) duquel ils ne peuvent s’échapper. Leur situation est exactement analogue à celle d’un gaz enfermé dans une enceinte. C’est pourquoi on parle de gaz d’électrons libres. Le point central de cette théorie consiste donc à admettre que les électrons ressentent un potentiel constant, donc un champ nul. Ceci est paradoxal, puisque où les électrons « voient » des cœurs ioniques chargés positivement, et d’autres électrons chargés négativement. Le paradoxe ne peut être levé que lorsqueles champs créés par ces charges s’annulent. Ceci n’est possible qu’à deux condions : – que les ions et électrons soient répartis à peu près uniformément dans l’espace. Ceci est a priori vrai pour les ions, répartis sur un réseau. Pour les électrons, le modèle ne sera cohérent que s’il ne prédit pas leur accumulation dans une région donnée de l’espace ; – qu’on s’interdise de regarder - ou qu’on regarde avec des précautions particulières - ce qui se passe lorsqu’un électron s’approche trop près d’une autre charge. Description statistique du mouvement des électrons Dire que le potentiel est constant dans le solide revient à dire que les électrons ne subissent aucune force. On pourrait les décrire comme immobiles, mais ce n’est pas réaliste : sauf situation exceptionnelle, le solide est en équilibre thermodynamique avec son environnement, et toutes les particules qui le composent possèdent de l’énergie. Dans le modèle de Drude, Les électrons obéissent à la statistique classique de MaxwellBoltzmann, comme le font les atomes d’un gaz parfait. Ainsi, la distribution des vitesses des électrons est isotrope. Leur vecteur vitesse moyen est donc nul : < ~v >= ~0 (1.2) Cela ne signifie bien sûr pas que les électrons sont immobiles. Ainsi, la fraction d’électrons dont l’énergie cinétique est comprise entre E et E + dE est : dN N = F (E)dE = 2 √ πkB T r E exp − kB T E kB T dE (1.3) où T est la température absolue et kB la constante de Boltzmann, qui vaut 1, 3810−23 JK −1 . La fonction F (E) représente la distribution maxwellienne de l’énergie cinétique des électrons. A 2 1.1 Gaz d’électrons libres classiques Figure 1.1 – Distribution de Maxwell Boltzmann F (E). La valeur la plus probable de E est E = kB T /2, et sa valeur moyenne est E = 3/2kB T . T = 300K, soit kB T = 25, 9meV , la vitesse typique des électrons dans ce modèle classique est de 105 ms−1 . 1.1.2 En présence d’un champ électrique ~ chaque électron possédant une charge électrique −e En présence d’un champ électrique E, ~ qui l’entraîne dans le sens opposé à E. ~ Le modèle de Drude, tel est soumis à la force F~ = −eE qu’exposé plus haut, prédit que tous les électrons vont aller dans là où le potentiel est le plus faible (à l’énergie thermique près), ce qui n’est pas observé dans la vraie vie. Eappliqué Einduit Figure 1.2 – Répartition des électrons et des atomes en l’absence de champ (en haut) et en présence d’un champ appliqué (en bas). Les points noirs représentent les cœurs ioniques chargés positivement, et le rectangle grisé le nuage électronique, chargé négativement. L’hypothèse du modèle prise en défaut ici est celle qui consiste à négliger l’interaction entre électrons. En l’absence de champ, elle se justifiait a postériori par la nature statistique du mouvement des électrons : les électrons libres du métal se répartissent de manière équiprobable dans 3 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres l’espace. En moyenne, chaque petit élément de volume du solide compte donc autant de cœurs ioniques, régulièrement répartis et chargés positivement, que d’électrons, aléatoirement répartis et chargés négativement. Chaque électron voit donc un champ nul : il est libre. Mais si toutes les charges vont au même endroit, alors le modèle devient défaillant. En fait, dès qu’on applique un champ électrique, les électrons se déplacent un peu dans le sens opposé au champ. Ce petit déplacement fait apparaitre des charges surfaciques sur le solide (cf. figure 1.2), positives d’un côté, négatives de l’autre, qui créent un champ induit de sens contraire au champ appliqué. Ce déplacement du nuage électronique se poursuit tant que le champ induit n’annule pas exactement le champ appliqué. L’application d’un champ statique ne provoque donc que des effets de surface sur les métaux. Ce comportement explique les propriétés optiques des métaux : si les électrons sont assez mobiles pour suivre à chaque instant les variations du champ électromagnétique, le champ électromagnétique reste toujours nul dans le métal, ce qui signifie que les ondes électromagnétiques ~ = 0 imposée par la surface du métal fait que ne peuvent s’y propager. De plus, la condition E celle-ci est réfléchissante. 1.1.3 Conductivité électrique des métaux Le modèle des électrons piégés dans un volume fini ne permet pas non plus de décrire les courants électriques dans les métaux en régime électrodynamique. Il faut pour cela faire évoluer le modèle en n’empêchant plus les électrons de quitter le métal, mais en autorisant à chaque instant certains électrons à quitter le solide et d’autres, en nombre égal et aux propriétés identiques, à y pénétrer. Dans cette description, et contrairement au cas statique évoqué plus haut, le déplacement "collectif" des électrons ne détruit pas le caractère uniforme de leur répartition spatiale : on peut conserver l’hypothèse de non interaction entre électrons ~ à la date t = 0, la vitesse de Densité de courant infinie ? Si on applique le champ E l’électron à la date t s’exprime en fonction de sa vitesse initiale v~0 comme : ~v (t) = v~0 − et ~ E m (1.4) Comme hv~0 = 0i, la vitesse moyenne des électrons à la date t vaut : h~v (t)i = − et ~ E m (1.5) qui crée dans le métal une densité de courant liée à la densité volumique d’électron n 2 ~ ~j = −ne h~v (t)i = ne t E m (1.6) ~ ou, dit autrement, un courant électrique I à travers une section S de métal perpendiculaire à E donné par I= ne2 ESt m (1.7) Ce résultat est étrange : il fait apparaître que l’intensité du courant augmente linéairement avec le temps jusqu’à tendre vers l’infini, ce qui est contraire à l’observation. Ceci vient du fait que le modèle est par trop simple : il néglige tous les termes de dissipation susceptibles de limiter la vitesse des élections. 4 1.1 Gaz d’électrons libres classiques Processus de relaxation Pour s’affranchir de ce problème, Drude a émis une hypothèse supplémentaire : la vitesse est limitée par les collisions entre les électrons et les ions positifs. 1 Tout se passe comme si en parcourant le métal, l’électron subissait de temps en temps une collision avec un ion du métal et voyait son vecteur vitesse reprendre une valeur aléatoire vérifiant la loi de Maxwell-Boltzmann. En appelant t0 , t1 , t2 , etc les dates de ces collisions successives, la vitesse d’un électron est donnée par ~ eE (t − t0 ) ~v (t) = − v→ 00 − m ~ eE ~v (t) = − v→ (t − t1 ) 01 − m ~ eE ~v (t) = − v→ (t − t2 ) 02 − m pour t0 < t < t1 (1.8) pour t1 < t < t2 (1.9) pour t2 < t < t3 (1.10) où les v(t) = − v→ 0j sont les vecteurs vitesses aléatoires. Si on moyenne dans le temps la vitesse d’un seul électron, les composantes − v→ 0j disparaissent, puisque la distribution des vitesses juste après collision est aléatoire. Pour la partie liée à la vitesse d’entrainement par le champ, la vitesse vaut ~ ~ eE eE (t1 − t0 ) entre t0 et t1 , − 2m (t2 − t1 ) entre t1 et t2 , etc... En sommant sur tous en moyenne − 2m les intervalles de temps, on trouve que la vitesse moyenne d’un électron vaut ~ eE 1 ∆t2 h~v i = − τ avec τ = (1.11) m 2 h∆ti où τ , temps caractéristique de la relaxation, est une moyenne des intervalles de temps ∆t séparant deux collisions successives subies par un électron. De l’équation 1.11, on déduit que les collisions qui thermalisent les électrons avec les noyaux du réseau cristallin ont un effet analogue à celui d’une force de friction −m~v /τ . En effet, l’équation fondamentale de la dynamique en présence d’une telle force de friction s’écrit m d~v ~ − m~v = −eE dt τ (1.12) qui produit bien en régime stationnaire (d~v /dt = 0) la même expression du vecteur ~v que 1.11. Expression de la conductivité électrique L’effet de la relaxation est donc de limiter la densité de courant électrique dans un métal siège d’un champ électrique E à la valeur 2 ~ ~j = −ne h~v i = ne τ E m (1.13) Ce résultat cache l’équation sans doute la plus connue de toute l’électricité. Considérons un morceau de métal de longueur L et de section S, aux bornes duquel on applique une tension U . Cette tension génère un champ électrique U/L, responsable de l’apparition d’une densité de courant j donnée par l’équation 1.13, dont le flux à travers S donne l’intensité I qui parcourt le métal. I et U sont reliés par m L I (1.14) U= ne2 τ S On reconnaît la loi d’Ohm, et on voit que la résistance du métal dépend de paramètres macroscopiques (longueur, section), et d’un paramètre décrivant la nature du métal, que l’on appelle sa conductivité σ (ou son inverse qui est sa résistivité ρ) σ= ne2 τ m ρ = σ −1 = m ne2 τ (1.15) 1. Cette limitation constitue en fait un raffinement du modèle. Comme on l’a dit plus haut, considérer que le potentiel créé par les noyaux dans le métal est constant n’est plus justifié si un électron s’approche trop près d’un cœur ionique. Introduire la notion de collision électron-cœur est un moyen de traiter cette lacune du modèle. 5 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres Cette relation entre macroscopique et microscopique permet de déterminer τ à partir de la mesure de ρ. Par exemple, pour l’aluminium, on montre que τ est de l’ordre de 10−14 s. On définit la mobilité des électrons µe comme la constante de proportionnalité entre les modules de la vitesse de l’électron et du champ électrique qui le met en mouvement, soit : µe ≡ eτ v = E m (1.16) La mobilité des électrons dans les métaux à T = 300K est de l’ordre de 10−2 m2 V −1 s−1 . En présence d’un champ de module 1V cm−1 (ce qui n’est pas du tout petit dans un métal), la vitesse des électrons est de l’ordre de 1ms−1 , 105 fois plus faible que la vitesse thermique classique à 300K. Des deux dernières relations, on déduit que σ = neµe : la conductivité électrique est proportionnelle au nombre d’électrons et à leur aptitude à se déplacer sous l’influence d’un champ dans le métal considéré. 1.1.4 Succès et limites de la théorie classique Le succès de la théorie simple de Drude est remarquable. Elle rend compte de manière satisfaisante des propriétés de transport des métaux, électricité et chaleur. En revanche, elle conduit à une capacité calorifique Cv indépendante de la température, alors qu’expérimentalement la capacité calorifique des métaux décroît rapidement avec T et s’annule pour T = 0K. La théorie de Drude ne permet pas non plus de comprendre les propriétés magnétiques des métaux. Evidemment, le modèle de Drude ne s’applique pas aux isolants. Cela n’a rien de surprenant, vu que dans les hypothèses mêmes du modèle, il est dit que les électrons sont libres de se déplacer dans le solide. Plus embêtant dans le cadre de ce cours, le modèle de Drude ne permet pas non plus de décrire la physique des semi-conducteurs, qui ne peut se comprendre que dans un contexte quantique. Aussi, avant de traiter les semi-conduteurs eux-mêmes, allons nous examiner l’extension quantique du modèle de Drude que constitue le gaz d’électrons libres quantiques. 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques L’objectif de cette section est d’étudier le pendant quantique du modèle de Drude . Le modèle sous-jacent est très similaire : les noyaux créent un potentiel nul à l’intérieur du solide dans lequel évoluent les électrons dont on néglige l’interaction mutuelle. 1.2.1 Etats propres du hamiltonien Séparabilité On cherche la forme des états propres ψ d’énergie E du hamiltonien Ĥ, c’est à dire les fonctions et les énergies qui vérifient Ĥψ = Eψ (1.17) avec Ĥ = − ~2 ∂ 2 ~2 ∂ 2 ~2 ∂ 2 − − 2m ∂x2 2m ∂y 2 2m ∂z 2 6 (1.18) 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques Pour simplifier encore les choses, on supposera que le solide est un cube de côté L. On comprend bien que cette hypothèse n’aura pas une grande influence sur la portée des résultats : il serait très surprenant que les propriétés microscopiques d’un solide, telles que sa conductivité, dépendent de sa forme macroscopique... L’équation 1.17 doit donc être résolue avec des conditions aux limites en 6 plans x = 0, x = L, y = 0, y = L, z = 0, z = L. On voit que le problème est séparable selon les trois dimensions : il se ramène à rechercher (x) (x) les états propres {ψj (x)} d’énergie Ej du hamiltonien Ĥ (x) − ~2 ∂ 2 (x) (x) ψ (x) = Ej 2m ∂x2 j (x) avec ψj (x) = 0 en x = 0 et en x = L (1.19) et de leurs analogues pour les coordonnées y et z. Les états propres du hamiltonien 1.18 s’écriront (x) (y) (z) Ĥjkl (x, y, z) = ψj (x) ψk (y) ψl (z) (1.20) et correspondront à l’énergie propre (x) Ejkl = Ej (y) (z) + Ek + El (1.21) Puits infini à une dimension Dans cette sous section on cherche les propriétés des solutions de l’équation 1.19 pour un puits de potentiel infini. On simplifiera les notations en omettant partout les indices (x) . Le fait que le puits soit infini impose à la fonction d’onde d’être nulle en x = 0 et x = L (cf. paragraphe 10 page 82). L’équation 1.19 avec ces conditions aux limites est bien connue des physiciens : c’est l’équation d’une corde vibrante tenue à ses deux extrémités. La solution en est jπx avec j = 1, 2, 3, ... (1.22) ψj (x) = A sin L La constante A se détermine en imposant à ψj d’être réelle (c’est plus simple...) et normée (c’est aussi plus simple...) : Z L ψj∗ (x)ψj (x)dx = 1 (1.23) 0 p ce qui donne A = 2/L. En reportant l’expression 1.22 dans l’équation 1.19 on trouve la valeur de l’énergie propre de la fonction propre d’indice j 2 2 π ~ 2 Ej = j (1.24) 2mL2 Quelques ordres de grandeur : pour L = 1cm, soit 1, 9 108 U A, on trouve Ej = j 2 × 1, 4 10−16 U A = j 2 × 3, 8 10−15 eV . Une énergie de 10−15 eV est extraordinairement faible : le spectre d’énergie des électrons dans le métal est quasiment continu. Ce ne serait pas le cas si le puits était étroit. Ainsi, on L = 1nm, on a Ej = j 2 × 0, 38eV : l’écart entre le niveau le plus bas (j = 1) et le premier niveau excité (j = 2) vaut 1, 1eV , quarante fois supérieur à l’énergie thermique kB T à 300K. On retrouve un fait très général : les effets de quantification sont forts sur les objets de petite taille, mais très ténus sur les objets de taille macroscopique. Il est intéressant d’évaluer l’énergie Emax du plus haut niveau occupé par les électrons lorsqu’on remplit le puits de potentiel. Un métal typique compte 1022 atomes pas cm3 , soit une 7 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres Figure 1.3 – Carré de la norme des trois premières fonctions propres 1.22. Les fonctions sont représentées sur une ligne de base pointillée correspondant à leur énergie réduite Ej∗ = Ej /E1 , où E1 est l’énergie de l’état correspondant à j = 1. L’origine des énergies est le fonds du puits de potentiel. distance de a = 0, 46nm entre deux atomes, en supposant un empilement cubique. Si le métal compte un électron libre par atome, il faut introduire L/a électrons dans le puits. En se rappelant qu’à chaque niveau d’énergie caractérisé par le nombre j correspondent deux états de spin, le principe d’exclusion de Pauli prédit que le dernier état occupé correspond à j = jmax = L/2a. On a donc Emax = π 2 ~2 8ma2 (1.25) On voit que Emax est indépendant de L, ce qui est heureux, car nous parlons là d’une propriété microscopique. L’application numérique conduit à Emax = 0, 44eV , 17 fois supérieure à l’énergie thermique. Il s’agit là d’une différence colossale par rapport au modèle de Drude. Conditions aux limites périodiques à une dimension Comme dans le modèle classique, le fait de piéger les électrons à l’intérieur d’un puits de potentiel est incompatible avec l’ambition de décrire ce qui se passe dans le solide en régime de courant continu. Pour contourner ce problème, on a dans le modèle classique autorisé les électrons à quitter le solide d’un côté à condition qu’une population identique d’électrons pénètre dans le solide par la face opposée. Une façon simple de réaliser la même chose en mécanique quantique est d’imposer des conditions aux limites périodiques : ψ(x = L) = ψ(x = 0) (1.26) Cette approche est commue sous le nom de conditions de Born - Von Karman. Avec la condition 1.26, les solutions de l’équation 1.19 peuvent se mettre sous plusieurs formes. La plus simple est 2iπx 1 avec j = 0, ±1, ±2, ... (1.27) ψj (x) = √ exp j L L 8 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques √ où la constante 1/ L précédent la fonction exponentielle s’obtient en normalisant ψj sur l’intervalle [0, L] (cf. équation 1.23) Un point important à noter : la fonction propre ψj (x) de Ĥ est aussi une fonction propre de l’opérateur d’impulsion p̂ : 2π~ ~ ∂ψj ψj (1.28) =j p̂ψj ≡ i ∂x L Un électron dans l’état ψj se propage vers les x croissants si j > 0 et vers les x décroissants si j < 0, et ce d’autant plus grand que j est grand en valeur absolue. L’énergie propre associée à ψj vaut Ej = j 2 4π 2 ~2 2mL2 (1.29) On pourrait craindre en comparant les équations 1.24 et 1.29, qui diffèrent d’un facteur 4, que le modèle du puits infini et celui des conditions aux limites périodiques ne donnent des résultats différents. Ce n’est heureusement pas le cas. Il faut se souvenir que les propriétés microscopiques d’un solide macroscopique ne dépendent pas de sa taille. Il ne faut donc pas accorder d’importance absolue à touts les expressions qui contiennent le paramètre macroscopique L. Une comparaison plus physique sera celle du niveau d’énergie le plus haut Emax occupé par les électrons dans le solide. On reprend le même raisonnement que celui présenté à la page 7 pour le puits infini. Pour cela, on place les 2 électrons par niveau d’énergie en commençant par le plus bas j = 0, puis les deux niveaux suivant j = ±1, puis j = ±2, etc... Sachant qu’il faut ainsi placer L/a électrons, on voit que 1 L L jmax = −2 ≈ (1.30) 4 a 4a la dernière approximation étant tout à fait justifiée, puisque dans un solide de 1cm d’épaisseur, L/a est de l’ordre de 107 . En reportant cette valeur de jmax dans l’équation 1.29, on retrouve bien la même valeur de Emax que celle établie pour un puits de potentiel infini dans l’équation 1.25. Figure 1.4 – Relation de dispersion pour un gaz d’électrons libres. La relation de dispersion liant l’énergie Ej de la fonction d’onde à son nombre d’onde kj défini par kj = 2jπ p = L ~ (1.31) ~2 kj2 2m (1.32) est simplement Ej = 9 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres qui est aussi l’expression de l’énergie cinétique de l’électron p2 /2m. On peut dans cette expression oublier l’indice j, puisque dès que L a des dimensions macroscopiques, on a affaire à un quasicontinuum. La relation de dispersion s’écrit alors E(k) = ~2 k 2 2m (1.33) et est représentée graphiquement sur la figure 1.4 Dans la suite de ce chapitre, on se situera systématiquement dans le cadre des conditions aux limites périodiques. 1.2.2 Densité d’états électroniques On a vu, en évaluant l’énergie Emax de l’électron le plus énergétique lorsque tous les niveaux les plus bas sont remplis, l’importance du dénombrement des états en fonction de leur énergie. Le problème étant particulièrement simple, nous l’avons traité simplement en comptant ces états discrets. Ce n’est pas toujours le plus facile, et il est très intéressant de faire intervenir la densité d’états électroniques donnant le nombre d’états propres de Ĥ dont l’énergie est comprise entre E et E + E. Trois expressions seront établies, pour un solide à une dimension, pour un solide à deux dimensions, et pour un solide à trois dimensions. Compte tenue de la relation de dispersion 1.33, si l’énergie d’un état est compris entre E et E + dE, alors son nombre d’onde est en module compris entre k et k + dk avec √ r 2mE 1 m k(E) = et dk(E, dE) = dE (1.34) ~ ~ 2E Il est facile de dénombrer le nombre de valeurs différentes de vecteurs ~k, en se rappelant que les composantes de ces vecteurs vérifient la condition de quantification 1.31. Comme le représente la figure 1.5, il y dans l’espace des k – une valeur possible de ~k par unité de longueur 2π/L dans un espace à une dimension ; – une valeur possible de ~k par unité de surface 4π 2 /L2 dans un espace à deux dimensions ; – une valeur possible de ~k par unité de volume 8π 3 /L3 dans un espace à trois dimensions ; . y y 2π/L x x x z Figure 1.5 – Dans l’espace réciproque où chaque axe représente les composantes kx , ky , kz du vecteur veck, chaque point représenté sur cette figure représente une valeur possible de solution de l’équation 1.31. La vue de gauche décrit un solide à une dimension, celle du centre un solide à deux dimensions, celle de droite un solide à trois dimensions. Dans un espace à une dimension, comme il y a une valeur possible de kx tous les 2L/π, le nombre d’états dont l’énergie est comprise entre E et E + dE vaut dN (E, dE) = 4 dk(E, dE) 2π/L (1.35) Le facteur 4 est lié au fait que d’une part il faut compter les valeurs de kx positives ou négatives, et d’autre part qu’il y a deux états de spin de l’électron. En définissant la densité linéique d’états 10 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques gL (E) par gL (E) = 1 dN (E, dE) L dE (1.36) 1/2 (1.37) il vient gL (E) = 1 π 2m ~2 E −1/2 Dans un espace à deux dimensions, comme il y a une valeur possible de ~k tous les (2L/π)2 , le nombre dont l’énergie est comprise entre E et E + dE vaut 2πk(E)dk(E, dE) (2π/L)2 dN (E, dE) = 2 (1.38) Le facteur 2 est lié au fait qu’il y a deux états de spin de l’électron. En définissant la densité surfacique d’états gS (E) par gS (E) = 1 dN (E, dE) L2 dE (1.39) il vient 1 gS (E) = 2π 2m ~2 (1.40) Figure 1.6 – Densité d’état linéique (à gauche), surfacique(au centre), volumique (à droite) Dans un espace à trois dimensions, comme il y a une valeur possible de ~k tous les (2L/π)3 , le nombre dont l’énergie est comprise entre E et E + dE vaut dN (E, dE) = 2 4πk 2 (E)dk(E, dE) (2π/L)3 (1.41) Le facteur 2 est lié au fait qu’il y a deux états de spin de l’électron. En définissant la densité volumique d’états gV (E) par gV (E) = 1 dN (E, dE) L3 dE (1.42) il vient 1 gV (E) = 2π 2 2m ~2 11 3/2 E 1/2 (1.43) Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres 1.2.3 Occupation des états Statistique de Fermi-Dirac Pour les fermions, la probabilité d’occupation d’un état quantique d’énergie E à la température T est donnée par la fonction de Fermi-Dirac : F (E, T ) = 1 exp E−EF kB T +1 (1.44) où EF , l’énergie du niveau de Fermi, est caractéristique du système. L’allure de la fonction F (E, T ) est représentée sur la figure 1.7. On voit qu’à température nulle, les états d’énergie E < EF sont tous peuplés, alors que les états d’énergie E > EF sont tous vides. A température non nulle, la marche d’escalier que dessine F à T = 0 s’adoucit. La fonction F reste symétrique autour du point E = EF ermi où F (E) = 1/2. L’essentiel de la décroissance de F s’effectue sur un intervalle en énergie de l’ordre de 2kB T : à E = EF ermi − kB T , F vaut 0, 731 ; à E = EF ermi + kB T , F vaut 0, 269. Figure 1.7 – Statistique de Fermi-Dirac Pour déterminer l’énergie de Fermi, on regarde la population des états à T = 0 : tous les états d’énergie inférieure au niveau de Fermi sont occupés. Pour un système de N particules, l’énergie du niveau de Fermi est donc l’énergie du N ieme état. Pour un système comptant N électrons dans un "volume" 2 V , elle est donc donnée par : Z E=EF g(E)dE = n (1.45) E=0 où n = N/V est la densité d’électrons. Un calcul sans difficulté conduit aux expressions de l’énergie du niveau de Fermi à partir des 2. Volume est ici écrit entre guillemets car à prendre dans un sens large : ce peut être un vrai volume pour un système à 3 dimensions, mais cela peut être une surface ou une longueur pour un espace à 2 ou 1 dimension(s). 12 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques expressions 1.37, 1.40, et 1.43 des densités d’état. Il vient à 1D EF ermi = à 2D EF ermi = à 3D EF ermi = ~2 πn 2 2m 2 ~2 2πn 2m 2/3 ~2 3π 2 n 2m (1.46) Pour fixer un ordre de grandeur, si on suppose que le métal compte un électron par atome et que la distance entre atomes est a = 0, 5nm, la densité électronique vaut n = 1/a, 1/a2 et 1/a3 selon la dimensionnalité, et les énergies de niveau de Fermi valent 0, 46eV à 1D, 1, 18eV à 2D et 1, 80eV à 3D. Etats occupés A température nulle La distribution de la densité d’états occupés est le produit de la densité d’états g(E) par la probabilité F (E) d’occupation de chaque état. Goccupé (E, T ) = g(E)F (E, T ) (1.47) Comme on l’a déjà dit, tous les états jusqu’au niveau de Fermi sont occupés à T = 0. Cela conduit à une description quantique radicalement différente de la description classique : là où classiquement les électrons ont à T = 0 une énergie cinétique nulle, ils possèdent dans la description quantique une énergie qui se chiffre en eV . Figure 1.8 – Sphère de Fermi Si on se place dans l’espace des impulsions, l’ensemble des vecteurs d’onde ~k correspondant à l’ensemble des états occupés remplit uniformément ce qu’on appelle la sphère de Fermi dont le rayon vaut kF = √ 2mEF ~ (1.48) A une et deux dimensions, l’équivalent de la sphère de Fermi est un segment ou un disque de Fermi dont le rayon est aussi donné par l’équation ci-dessus. 13 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres A température non nulle A T = 300K, l’énergie du niveau de Fermi (de l’ordre de l’eV ) est typiquement 40 fois supérieure à kB T . Le modèle quantique fournit donc une description du mouvement des électrons qui est très différente de celle du modèle classique. La vitesse caractéristique des électrons dans le modèle quantique est plus élevée que dans le modèle classique, typiquement d’un ordre de grandeur. Une autre énorme différence entre les modèles classique et quantique est la description du chauffage du métal : dans le modèle classique de Drude, c’est à tous les électrons qu’il faut fournir une énergie de l’ordre de kB T , alors que dans le modèle quantique, seule une petite fraction, de l’ordre de 2kB T /EF ermi voit son énergie augmenter (cf. figure 1.9). Dans ces conditions, on comprend que le modèle classique de Drude peine à prédire la capacité thermique des métaux ou leur aptitude à conduire la chaleur. Figure 1.9 – Densité des états occupés à 1D à gauche, 2D au centre, et 3D à droite. Lignes tiretées : densité d’états propres. En trait fin : densité d’états occupé à T = 0. En traits gras : densité d’états occupés à T > 0. A T = 300K, et à l’échelle de ces figures, cette dernière courbe serait très raide, quasiment confondue avec la courbe à T = 0. 1.2.4 En présence d’un champ électrique Pas plus que le modèle classique, le modèle du gaz d’électrons libres ne peut sans une amélioration conséquente décrire l’action d’un champ électrique. En effet, if faudrait rajouter à l’expression du hamiltonien 1.18 un terme −eEz pour décrire l’énergie potentielle électrique d’un ~ pointant vers les z positifs. Avec un tel potentiel, les fonctions propres électron dans un champ E du nouvel hamiltonien, dont l’expression n’est d’ailleurs pas analytique, se localisent très préférentiellement sur le bord z < 0 du solide. La création de la charge d’espace inhomogène qui en résulte n’est pas cohérente avec le modèle des électrons indépendants. On ne peut pas non plus introduire aisément en mécanique quantique une force de friction telle que celle introduite dans l’équation 1.12 : l’opérateur hamiltonien qui régit l’équation d’évolution quantique ne peut rendre compte que de forces dérivant d’un potentiel, pas de forces non conservatives. A cause de cette complexité, la description que nous ferons du courant électrique ne sera que phénoménologique. On ne conservera de la discussion sur les états des électrons en l’absence de champ que l’expression 1.27 des états propres du hamiltonien en l’absence de champ. Même si ce ne sont ~ l’ensemble de ces fonctions plus les états propres du hamiltonien Ĥ en présence du champ E, constitue une base. La question se pose toutefois de savoir si c’est n’est qu’une base au sens 14 1.2 Gaz d’électrons libres quantiques mathématique du terme, dont le rôle se limite à pouvoir écrire des équations fussent-elles très compliquées, ou si elle permet encore de comprendre la physique de manière qualitative. Pour répondre à cette question, on peut se rappeler que dans le modèle classique, un champ électrique appliqué "typique", c’est-à-dire de l’ordre d’une centaine de V /m, conduit à ne vitesse d’entrainement des électrons de l’ordre de 1m/s, ce qui est extrêmement faible par rapport à la vitesse typique d’un électron dans le modèle du gaz libre quantique. On peut donc raisonnablement admettre qu’un champ extérieur appliqué ne perturbera que faiblement le gaz d’électrons. Un autre argument va dans le même sens : le champ électrique induit par les ions du cristal se mesure typiquement en 108 V /m. Un champ appliqué, un million de fois plus faible, ne peut donc que perturber faiblement le système, du moins tant qu’il n’est appliqué que pendant un temps court. Il n’a d’ailleurs d’effet que parce qu’il possède une propriété très différente du champ cristallin : il ne se moyenne pas à ~0 sur des domaines macroscopique. ~ la sphère de Fermi représentant les états Figure 1.10 – En présence d’un champ électrique appliqué E, ~ Les occupés à T = 0 se décale d’une quantité ∆kz dans la direction opposée à celle de E. pointillés représentent la position de la sphère de Fermi en l’absence de champ appliqué. Dans ces conditions, on s’attend à ce que la base 1.27 des états propres sans champ reste un bon outil pour décrire les électrons dans le cristal. Dans cette base, on rendra compte de l’effet de la perturbation apportée par le champ électrique en considérant qu’elle permet aux électrons d’effectuer des transitions entre états. Ainsi, un électron qui occupe un état caractérisé par kz tendra à passer dans un état caractérisé par un kz plus faible en valeur algébrique, le ∆kz lié à cette transition ne pouvant guère être très élevé. En partant de la sphère de Fermi en l’absence de champ, et en se rappelant qu’un fermion ne peut pas occuper un état qui l’est déjà, on voit que dans un premier temps seul les électrons qui sont à la surface de l’hémisphère z < 0 de la sphère peuvent changer de valeur de kz pour en adopter une plus négative. Ce faisant, ils laissent leur état de départ inoccupé. Un électron interne à la sphère peut à son tout se déplacer pour occuper l’état vacant, laisser lui-même une vacance dans la sphère de Fermi, susceptible d’être à son tour comblée. De proche en proche, on voit que la sphère de Fermi va se décaler en bloc vers les kz < 0 (cf figure 1.10) Ceci conduit à une description de la conductivité à T = 0 complètement différente en mécanique classique et en mécanique quantique. En mécanique classique, la distribution des vitesses vz le long de l’axe z et présence d’un champ induisant une vitesse d’entrainement < vz > est donnée par r 2 m m (vz − < vz >) Fcl (vz ) = exp − (1.49) 2πkB T 2kB T 15 Chapitre 1 : Electrons dans les solides - modèle du gaz d’électrons libres A température nulle, tous les électrons sont immobiles et l’absence de champ, et acquièrent tous une vitesse vz − < vz > en présence de champ. Dans la description quantique, tout se passe comme si les seuls électrons qui voyaient leur état changer du fait du champ appliqué était ceux compris dans la pellicule d’épaisseur ∆kz séparant la sphère de Fermi décalée et la sphère de Fermi en l’absence de champ (cf. Fig. 1.10). Très peu d’électrons sont concernés par ce changement, puisque le rayon de la sphère de Fermi correspond à une "vitesse de Fermi" vF = r 2EF m (1.50) de l’ordre de 106 m/s alors que la vitesse d’entrainement des électrons dans un champ de l’ordre de 1V /cm est de l’ordre de 1cm/s (cf. page 6). Conclusion Dans ce chapitre ont été présentées les déclinaisons classique et quantique du modèle du gaz d’électrons libres. L’idée de base de ce modèle est de supposer d’une part que les électrons se répartissent uniformément dans le solide et d’autre part que chaque électron ne perçoit que le champ moyen crée par tous les autres électrons. Dans ces conditions, la force exercée sur chaque électron par l’ensemble des autres se moyenne à ~0 à l’intérieur du solide. Ce modèle très simple permet déjà de comprendre énormément d’aspects du comportement des électrons dans les solides. On peut insister sur deux points : – la nature très quantique des électrons, dont le comportement, régi par le principe d’exclusion de Fermi, est absolument incompréhensible dans un cadre classique ; – le comportement des électrons lorsqu’on chauffe le solide ; – les ordres de grandeur des vitesses des électrons dans les solides. Toutefois, le modèle rencontre de sérieux problèmes lorsqu’on applique un champ électrique. Dans le modèle classique, il faut introduire l’idée de collisions électrons-ions cristallins pour expliquer que le courant électrique ne diverge pas. Cette idée n’est pas très cohérente avec la notion de potentiel uniforme crée par ces mêmes noyaux. Dans le modèle quantique, il faudrait introduire un couplage avec les phonons dont la complexité pulvérise les objectifs de ce cours. Mais le problème le plus sérieux du modèle reste son absolue incapacité à interpréter le comportament des isolants, ce qui n’est pas du tout son objectif, mais surtout dans le cadre de ce cours, celle des semi-conducteurs. Il faut pour cela entrer plus dans l’intimité de la strucutre du solide, ce qui sera l’objet du prochain chapitre. 16 Chapitre 2 Electrons dans les solides structure de bandes Introduction Dans le chapitre précédent l’hypothèse de base était que les électrons étaient parfaitement libres de se déplacer à l’intérieur du solide, c’est-à-dire qu’ils ne « voyaient » pas les cœurs ioniques. Malgré ces succès pour expliquer le comportement des métaux, ce modèle souffre d’un manque de réalisme : il est difficile d’admettre qu’un électron s’approchant très près d’un coeur ionique chargé ne ressente pas une force attractive... Dans ce chapitre nous allons donc lever cette hypothèse, et examiner les effets résultants de l’interaction entre deux entités périodiques dans l’espace : les fonctions d’onde, de longueur d’onde 2π/k quasiment continument variable dans un solide macroscopique, et le pas a du réseau cristallin. Comme souvent en physique dans ces situations comparables, on s’attend à ce que des effets nouveaux apparaissent lorsque ces deux périodes seront égales ou présenteront des rapports simples. 2.1 2.1.1 Modèle à une dimension Potentiel modèle Dans cette section nous étudierons le mouvement quantique des électrons toujours supposés indépendants, mais évoluant dans un potentiel qui n’est plus constant : le potentiel rendra compte du caractère attractif des cœurs ioniques à courte distance. Pour ne pas rendre le problème inutilement compliqué, nous n’étudierons d’abord qu’un système à une dimension, où les ions sont alignés sur l’axe x et distants entre eux de a. Le potentiel créé par les ions pourra être tel que celui indiqué dans la figure 2.1. 1 Évidemment, le potentiel présente la propriété d’être périodique de période a. On peut développer le potentiel en série de Fourier : ∞ X 2iπx Vl exp l V = (2.1) a l=−∞ 1. On pourrait penser que le potentiel devrait être en 1/x à courte portée. Il a été tronqué par souci de simplicité numérique d’une part, mais aussi parce qu’un modèle 1D avec en potentiel en 1/x produit des résultats peu réalistes. 17 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Figure 2.1 – Potentiel vu par un électron évoluant dans une structure cristalline à une dimension. Ce potentiel doit bien sûr être un nombre réel. En outre, on peut choisir l’origine des x sur un ion. Dans ces conditions, le potentiel est une somme de fonctions cos, ce qui signifie que V−l = Vl (2.2) Le terme constant V0 peut être choisi nul, puisque toutes les énergies peuvent être définies à une constante globale près. Pour fixer les idées, le potentiel modèle représenté sur la figure 2.1 est en − cos14 (x) et correspond aux coefficients V0 V−1 V−2 = 0 = V1 = V2 = 0, 65 V1 V−3 V−4 = V3 = 0, 35 V1 = V4 = 0, 15 V1 V−5 V−6 = V5 = 0, 05 V1 = V6 = 0, 01 V1 (2.3) En passant, on remarque que la convergence de la somme de Fourier 2.1 semble assez rapide sur l’exemple choisi. C’est la situation générale avec des potentiels plus physiques. 2.1.2 Calcul des états propres du hamiltonien Mise en équation : un calcul bien lourd... Attention ! Cette section présente un caractère calculatoire très marqué, et n’est incluse que pour les curieux qui veulent faire le lien entre les équations fondamentales et les résultats qui seront utilisés dans la suite du cours. Ceux qui sont moins curieux pourront passer à la section « résultats ». Les caractères k désignent dans cette section des entiers et non pas de nombres d’onde ! Le hamiltonien qui régit équation du mouvement des électrons est Ĥ = − ~2 ∂ 2 + V (x) 2m ∂x2 (2.4) Trouver une expression analytique de l’expression des fonctions propres ζj (x) du hamiltonien Ĥ, solutions de l’équation Ĥζj (x) = Ej ζj (x) (2.5) est sans espoir. Nous allons donc regarder comment obtenir les solutions numériques de cette équation. Pour cela, nous allons utiliser la base des états ψk définie dans l’équation 1.27 en la réécrivant de manière un peu différente : 2iπx 1 avec k = 0, ±1, ±2, ... (2.6) exp k ψk (x) = √ Na Na 18 2.1 Modèle à une dimension où N est le nombre de fois que la période a apparaît sur la longueur L choisie comme motif périodique représentant le solide. N est nécessairement un entier, et comme L est macroscopique alors que a est microscopique, c’est un entier très grand devant 1. L’étape suivante consiste à développer les fonctions propres ζj sur la base des ondes planes ψk : X ζj (x) = ψk (x)αkj (2.7) k L’équation 2.5 s’écrit alors X Ĥψk′ (x)αk′ j = Ej k′ X ψk′ (x)αk′ j (2.8) k′ On peut simplifier cette équation en la multipliant par ψk∗ (x) et en intégrant sur la longueur du solide. Il vient X X Hkk′ αk′ j = Ej Skk′ αk′ j (2.9) k′ k′ avec H kk′ ZN a ψk∗ (x)Ĥψk′ (x)dx = et S kk′ ZN a ψk∗ (x)ψk′ (x)dx = (2.10) 0 0 Compte tenue de l’expression 2.6 des fonctions de base ψ, on montre facilement que Skk′ = δk−k′ (2.11) où δk−k′ vaut 1 si k = k ′ , et 0 sinon. On peut alors réécrire 2.9 sous une forme matricielle, en faisant intervenir la matrice .. .. .. .. .. . . . . . ··· α0j H00 H01 ··· H= et le vecteur αj = (2.12) ··· α1j H10 H11 ··· .. .. .. . .. .. . . . . l’équation 2.9 devenant H αj = Ej αj (2.13) Trouver les valeurs propres et les fonctions propres de Ĥ se ramène donc à trouver les valeurs propres et des vecteurs propres de la matrice H. Pour cela, il faut calculer les éléments de matrice Hk′ k . En reportant l’équation 2.4 dans l’équation 2.10, il vient Hkk′ = Tkk′ + Vkk′ ZN a ZN a ∂ 2 ψk′ (x) ∗ ψk (x) = ψk∗ (x)V (x)ψk′ (x)dx dx + ∂x2 0 (2.14) 0 Compte tenu de l’expression 2.6 des fonctions de base ψ, la matrice T de l’opérateur d’énergie cinétique est diagonale : Tkk′ = 4~2 k 2 δk−k′ 2mN 2 a2 (2.15) On retrouve pour les éléments diagonaux de la matrice d’énergie cinétique les valeurs établies dans le chapitre précédent (équation 1.29). 19 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Les éléments de la matrice potentielle se calculent à l’aide du développement de V (x) en série de Fourier (équation 2.1). Il vient Vkk′ = ∞ X l=−∞ ZN a 2iπx ∗ Vl ψk (x) exp l ψk′ (x)dx a (2.16) 0 Compte tenu de l’équation 2.6, on a donc Na Vkk′ Z ∞ 1 X (N l + k − k ′ )2iπx dx = exp Vl Na Na l=−∞ (2.17) 0 L’intégrale dans cette équation est nulle sauf si N l + k − k ′ = 0, auquel cas elle vaut N a. Les éléments de la matrice potentielle valent donc Vkk′ = ∞ X l=−∞ Vl δ(N l + k − k ′ ) (2.18) Comme on a fixé V0 = 0, les seules valeurs de k ′ pour lesquelles Vkk′ est non nul sont k ± N , k ± 2N , k ± 3N , etc... Parmi toutes les valeurs de k ainsi couplées par un élément de matrice Vkk′ , il y en a une et une seule qui appartient à la première zone de Brillouin correspondant aux valeurs de k comprises entre −N/2 + 1 et N/2. Nous noterons k0 cette valeur. La matrice H peut être réécrite en ordonnant les vecteurs de base non pas par indice k croissant comme dans l’équation 2.12, mais en regroupant par bloc les valeurs de k couplées à un même k0 , valeur de k dans la première zone de Brillouin. La matrice devient alors bloc-diagonale, c’est-à-dire qu’elle possède la structure suivante : h(k0 = − N2 + 1) 0 0 0 N = − + 2) 0 0 0 h(k 0 2 (2.19) H= .. . 0 0 0 0 0 0 h(k0 = N2 ) Chaque sous-matrice h(k0 ) couple tous les états couplés par le potentiel à l’état ψk0 . La propriété intéressante de cette forme bloc-diagonale est que les valeurs propres de H sont les valeurs propres de toutes les sous-matrices h prises indépendamment. Trouver les valeurs propres et états propres de l’opérateur Ĥ se ramène donc à diagonaliser les matrices h(k0 ) qui, dans la base {..., ψk−2N , ψk−N , ψk , ψk+N , ψk+2N , ...}, s’écrivent .. .. .. .. .. . . . . . 2 ··· (κ − 2) v v v 1 2 3 v1 (κ − 1)2 v1 v2 2 ··· 4~ ··· v2 v1 κ2 v1 h(k0 ) = 2ma2 ··· v v v (κ + 1)2 3 2 1 ··· v4 v3 v2 v1 . . . .. . .. .. .. .. . où on a introduit .. . v4 v3 v2 v1 (κ + 2)2 .. . . .. ··· ··· ··· ··· ··· .. . (2.20) 2ma2 Vj (2.21) 4~2 Il n’est pas possible de diagonaliser cette matrice analytiquement. Il faut donc le faire numériquement. Mais comme elle est de taille infinie, cela semble sans espoir... Cependant, on peut tronquer cette matrice pour la ramener à une dimension finie, avec deux arguments : κ = k0 /N ∈ ]−1/2, 1/2] et 20 vj = 2.1 Modèle à une dimension – d’un point de vue physique, les termes diagonaux croissent quadratiquement lorsqu’on s’écarte du centre de la matrice. On comprend bien que des composante d’énergie très élevée, mettons au-delà de 1keV , ou de 1M eV si on veut être très prudent, n’auront pas de rôle dans la description du fonctionnement d’un semi-conducteur à température ordinaire ; – d’un point de vue mathématique, les couplages ne jouent un rôle important que lorsqu’ils sont commensurables avec l’écart entre les éléments diagonaux qu’ils couplent. Comme les éléments diagonaux sont de plus en plus distants au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre de la matrice, alors que les termes de couplage ne changent pas, l’effet des termes externes sur l’intérieur de la matrice peut être négligé. Les résultats présentés dans la suite du chapitre ont été obtenus en diagonalisant les matrices h ramenées à une taille de 7 × 7, ce qui est tout à fait accessible à ordinateur même de modeste puissance. Attention ! Les caractères k désignent à nouveau des nombres d’onde ! 2.1.3 Etats propres du hamiltonien : résultats et interprétation Energie Cherchons à représenter l’équivalent de la figure 1.4 qui donne l’énergie en fonction du nombre d’onde. Si on regarde les résultats du calcul, une difficulté se présente immédiatement : on ne peut plus maintenant parler du nombre d’onde d’un état propre, puisque chaque état propre obtenu résulte du « mélange » de toutes les ondes planes associées aux nombres d’onde k +2jπ/a, où j est un entier relatif. Le choix qui a été fait dans la figure 2.2 est de représenter pour chaque valeur de k l’ensemble de toutes les valeurs propres de Ĥ issues de la même sous-matrice h(k) définie par l’équation 2.20. La figure qui en résulte est périodique de période 2π/a. Figure 2.2 – Structure de bande à une dimension : relation entre k et E. En gris sont représentées les deux premières bandes d’énergie interdites, à l’intérieur desquelles on ne trouve aucun état propre du hamiltonien de l’électron. Les carrés correspondent aux composantes en k d’un état localisé au fond de chaque puits de potentiel et qui ne se propage pas. Les cercles correspondent aux composante en k d’un état ressemblant au premier état excité des puits de potentiel avec un mouvement de translation d’ensemble correspondant à k = 0, 2a/π. Il est nécessaire de comprendre « avec les mains » les résultats très importants représentés dans la figure 2.2. A cette fin, soulignons que dans le potentiel décrit par la figure 2.1, le système peut adopter -et adopte simultanément- deux classes de mouvements distincts : – des mouvements d’allers-retours à l’intérieur des puits. Dans ces régions de potentiel faible, l’énergie cintétique est élevée, et donc les nombres d’onde k sont grands (en module). Chaque puits supporte a priori plusieurs états ; – des mouvements de déplacement « longue distance » dans le sens des x croissants ou décroissants, qui se déroulent dans des régions où le potentiel est élevé. 21 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Dans ces conditions, on peut déjà comprendre que la figure 2.2 présente à la fois une structure présentant des niveaux d’énergie, similaire à ceux qui existent dans un puits de potentiel, et une dimension k qui, en variant continument, affecte l’énergie du système, comme dans le cas du gaz d’électrons libres quantiques. Pour aller plus loin, il faut admettre que la décomposition en série de Fourier du potentiel 2.1 se reflète dans les fonctions propres de Ĥ, qui se décomposent aussi en série de Fourier de même période a. Ce simple argument permet de comprendre que le spectre d’une fonction d’onde contient un ensemble de fréquences de la forme k, k ± 2π/a, k ± 4π/a, k ± 6π/a, etc... Ceci dit, on voit sur la figure 2.2 apparaître le résultat le plus important ce de chapitre : l’état propre d’un électron qui évolue dans une structure périodique ne peut pas prendre toutes les valeurs. Il existe des domaines d’énergie, appelées bandes interdites, qui ne supportent aucun état propre. Ces bandes interdites sont représentées en grisé sur la figure 2.2. Allure des fonctions d’onde pour k = 0 L’allure du module carré des fonctions d’onde est présentée sur la figure de gauche 2.3. Les fonctions représentées correspondent aux trois états les plus bas en énergie états propres de la sous matrice h(k = 0) (cf. équation 2.20), c’est-à-dire aux points A, B, et C de la figure de droite 2.3. Ces fonctions d’onde sont purement réelles ; elles sont de ce fait des ondes purement stationnaires. Figure 2.3 – Vue de gauche, en traits gras : potentiel périodique, de période a ; en traits fins : le module carré des trois premières fonctions propres correspondant aux points A, B, et C de la figure de droite, qui duplique la figure 2.2. On voit sans surprise que la fonction propre de plus basse énergie ζ0 se localise très préférentiellement dans les puits de potentiel, et que plus les fonctions sont hautes en énergie, moins elles sont localisées à l’intérieur du puits. Fonctions d’onde : dépendance en k Lorsqu’on s’éloigne de la condition k0 = 0 (ou de k = 2π/a), les fonctions d’onde ne sont plus réelles. La figure 2.4 montre la fonction propre de l’état fondamental ζ0 à fable valeur de k (k = π/10a), correspondant au point D de la figure de droite 2.3. On voit que cette fonction d’onde apparait comme une modulation d’une fonction périodique u(x), dont la période est le pas du réseau cristallin, par la fonction exp(ikx). Lorsqu’on regarde l’évolution temporelle de la fonction, d’onde, on voit que l’enveloppe exp(ikx) se déplace dans le sens x > 0 tout en restant modulée par la fonction u(x). La signification physique que l’on attribue à cette description est celle d’un électron qui oscille dans un puits de potentiel tout en passant progressivement d’un puits à son voisin de droite. 22 2.1 Modèle à une dimension Figure 2.4 – Cadres du haut : partie réelle (à gauche) et imaginaire (à droite) de la fonction ζ0 (k = π/10a) correspondant au point D de la figure de droite 2.4. On voit que la partie réelle (respectivement imaginaire) de la fonction d’onde est le produit d’une fonction périodique u(x) par la fonction cos(kx) (respectivement sin(kx)). Fonctions d’onde : une analogie classique S’il fallait à toute force conserver une représentation classique du mouvement décrit par les fonctions d’onde (ce qui est assez osé, pour un électron par nature très quantique), l’image qu’on pourrait en avoir est celle de la figure 2.5 : un électron oscille dans un puits avec un peu d’énergie pour la fonction ζ0 , et plus d’énergie pour la fonction ζ1 . Si k = 0, cette oscillation est pérenne. Si k 6= 0, l’électron effectue quelques oscillations dans le puits, puis saute vers son voisin, et ce de manière d’autant plus fréquente que k est grand. Dans la vraie vie, en clair dans la vie quantique, ce saut de puits est progressif : l’image classique utilise le même genre de raccourci que celui qu’on fait quand on dit qu’un photon dans une cavité laser fait un certain nombre d’allers-retours avant d’en être extrait. Figure 2.5 – Représentation "classique" du mouvement d’un électron. La vue de gauche prétend représenter les états ζ0 (k) de la première zone de Brillouin, dans lequel l’électron effectue des oscillations de faible amplitude autour d’un cœur ionique. Si k = 0 (trait fin), ces oscillations durent sans fin. Si k > 0 (trait gras), l’électron s’échappe au bout d’un certain nombre d’oscillations pour rejoindre le puits de potentiel voisin. Plus k sera grand, plus ces "sauts" de puits de potentiel seront fréquents. La vue de droite prétend représenter les états ζ1 (k) de la seconde zone de Brillouin : pour des k identiques, la dynamique du mouvement est la même, mais les oscillations dans le puits de potentiel correspondent à une énergie plus grande. Il convient de rester prudent : aux grands k, cette représentation simpliste montre vite ses limites. En effet, la séparation entre le mouvement de vibration à l’intérieur des puits de potentiel et le mouvement d’entrainement de l’électron correspondant à des "sauts" d’un puits à l’autre n’est pas toujours claire. C’était bien le cas sur la figure 2.4, car les longueurs d’onde liées à ces deux mouvements diffèrent d’un ordre de grandeur : elle est de l’ordre de 2a pour le mouvement 23 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes de vibration, et de l’ordre de 20a pour le mouvement d’entrainement de l’électron. Lorsque k s’approche de π/a, la longueur d’onde liée au mouvement d’entrainement s’approche de 2a, c’est -à-dire de la longueur d’onde du mouvement de vibration. Il devient alors impossible de parler d’une "porteuse" et d’une "modulation". Zones de Brillouin, spectre des fonctions propres Lorsque le potentiel ne présente pas d’oscillations (gaz d’électrons libres), la relation de dispersion E(k), illustrée sur la figure 1.4 est simple : – à chaque état propre correspond une et une seule valeur de k – à chaque valeur de k correspond une et une seule énergie E = ~2 k 2 /2m En revanche, si le potentiel est périodique : – chaque état propre correspond à un jeu de valeurs de k : k, k ± 2π/a , k ± 4π/a, etc. – à chaque valeur de k correspond un ensemble de valeurs de l’énergie Comment établir le lien entre ces deux images ? Il doit y en avoir un, puisqu’après tout un potentiel périodique dont les oscillations sont d’amplitude nulle est un potentiel plat !. La relation entre les deux images est cachée dans la valeur des amplitudes αk de chacune des composantes k distantes de 2π/a de chaque état propre. Si pour chaque valeur de l’énergie une seule valeur de αk est non nulle, le calcul montre qu’alors la figure 2.2 se ramène à la vue de gauche de la figure 2.6. Sur cette dernière figure est représenté en gras le lieu des point où αk est non nul. Les courbes autres que la courbe en gras sont de réels « fantômes », puisque tous les αk y sont nuls. On retrouve en oublaints ces « fantômes » la relation de dispersion du gaz d’électrons libres de la figure 1.4. Figure 2.6 – Représentation des niveaux d’énergie, où, en traits gras sont indiqués les portions des courbe d’énergie E où le poids de la composante k parmi l’ensemble infini de valeurs distantes de 2π/a est le plus grand. A gauche, situation où le potentiel est plat : tous les αk valent 1 sur la courbe en gras, et 0 sur les autres courbes. On est alors ramené à la situation du gaz d’électrons libres. A droite, la situation correspondant au potentiel modèle étudié dans ce chapitre. Lorsque le potentiel est réellement périodique, la situation est celle de la vue de droite de la figure 2.2. On voit que la composante dominante de k est comprise – entre −π/a et π/a pour l’état de plus basse énergie. Cette région de l’espace des k est appelée première zone de Brillouin ; – entre −2π/a et −π/a, ou entre π/a et 2π/a pour le premier état excité. Cette région de l’espace des k est appelée deuxième zone de Brillouin ; – entre −3π/a et −2π/a, ou entre 2π/a et 3π/a pour le deuxième état excité. Cette région de l’espace des k est appelée troisième zone de Brillouin ; 24 2.1 Modèle à une dimension Transition optique Une transition optique se produit dans un semi-conducteur de manière tout à fait similaire à une transition dans un atome ou une molécule. Elle se doit de respecter deux lois de conservations : – la conservation de l’énergie, qui relie la fréquence ν du photon à l’énergie ∆E gagnée ou perdue par l’électron : ∆E = hν (2.22) – la conservation de l’impulsion, ou quantité de mouvement. On ne parle que très rarement de cette seconde loi dans le cas des atomes ou des molécules, car elle n’est pas d’une grande utilité pratique. Dans un semi-conducteur en revanche, elle est extrêmement utile, car elle permet de prédire quelles sont les valeurs de k qui peuvent être reliées par une transition optique. Cette loi de conservation s’écrit ∆pe = phν (2.23) où pe est l’impulsion de l’électron et phν celle du photon, donnée par phν = 2π~ λ (2.24) Comme l’impulsion de l’électron est reliée à son nombre d’onde k par pe = ~k (2.25) on voit que sur la largeur 2π/a d’une zone de Brillouin, la variation de pe vaut 2π~/a. Or dans le domaine optique, λ est de l’ordre du micron, bien plus grand qua a, distance entre deux cœurs ioniques, qui est de l’ordre de nanomètre. Il s’ensuit que les transitions optiques sont verticales dans le diagramme de la figure 2.2. Les transitions non verticales existent cependant. Elles correspondent aux situations où l’électron, durant son interaction avec le photon, perd ou gagne de l’impulsion. Ce changement d’impulsion ne pouvant, comme on l’a vu, être due à l’interaction avec le photon, elle ne peut provenir que d’une interaction avec les cœurs ioniques se produisant durant l’interaction avec le photon. Il s’agit donc d’un processus à trois corps (électron - photon - cœur ionique), beaucoup moins probable que des interactions à deux corps. En règle générale ces processus sont négligeables. Repliement des zones de Brillouin Regardons quel usage on peut faire de la figure 2.2, sachant que – chaque état propre de l’électron possède une composante k et une seule dans chaque zone de Brillouin ; – les transitions optiques entre états sont verticales. A cause de ces deux points, on a intérêt à simplifier la figure en repliant les zones de Brillouin pour ne représenter que la première, tel que cela est représenté sur la figure 2.7. Ainsi, chaque état électronique ne correspondra qu’à un point, situé sur un des états et à une seule valeur de k. Ce schéma simplifié, qui se manipule pratiquement comme les schémas de niveau dans les atomes ou les molécules, est de loin le plus utilisé. 2.1.4 Métaux, isolants, semi-conducteurs La première zone de Brillouin correspond à k ∈]−π/a, π/a]. Si la chaine d’atomes qui compose la strucutre périodique compte N atomes, il y a aussi N valeurs distinctes de k dans une zone de Brillouin. Ceci a été montré dans la section 2.1.2, mais cela peut aussi se comprendre facilement : si on cherche à localiser un électron dans l’état fondamental d’un puits et d’un seul, il y a N façons de le faire, l’électron pouvant être placé dans le puits 1, dans le puits 2, ..., ou dans le 25 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes puits N . L’état fondamental, comme les états excités, supporte donc N états électroniques si on oublie le spin, et 22N si on en tient compte. Or chacun des N atomes du réseau, selon sa nature chimique compte un nombre Z d’électrons. Le nombre total d’électrons à répartir dans les états est donc de N Z. La suite du jeu consiste à regarder comment se remplissent les états électroniques, sachant que – chaque état ne peut être occupé que par un électron ; – la probabilité d’occupat d’un état est d’autant plus grande qu’il est bas en énergie, selon la loi statistique de Fermi-Dirac. Figure 2.7 – Schématisation dans un monde à une dimension de l’occupation des bandes d’énergie pour un cristal comptant N atomes de numéro atomique Z. Le diagramme des énergies correspond à celui de la figure 2.2, mais a été représenté sur la seule première zone de Brillouin, mettant à profit la périodicité en k de 2a/π. En traits fins : les états propres électroniques ; en trait gras : les états occupés. Vue de gauche : Z = 4 à T = 0. Vue du milieu : Z = 4 à T > 0, en supposant que la largeur énergétique de la zone interdite n’est pas trop grande devant kB T . Vue de droite : Z = 5. A température nulle. Plaçons nous à T = 0. La statistique de Fermi-Dirac nous dit qu’il faut remplir les états par ordre croissant d’énergie, en mettant un et un seul électron par état. Regardons ce qui se passe sur deux exemples : – si Z = 5 (cf. figure 2.7, vue de droite), les deux premières zones de Brillouin sont remplies avec 2N électrons chacune ; la troisième est à moitié remplie avec Z = N électrons. Les états d’énergie immédiatement supérieure au niveau de Fermi (plus haut niveau occupé à T = 0) sont accessibles au système à un coût énergétique quasi nul. Aussi, si on applique au solide un champ électrique dirigé vers les x < 0, les états de k juste supérieur au nombre d’onde de Fermi kF vont être peuplés, et les états de k juste inférieur à −kF vont se trouver dépeuplés. Il y aura donc un mouvement des électrons vers les x > 0 : le solide est conducteur. On serait arrivé plus rapidement à la même conclusion en remarquant que le diagramme d’occupation des états est analogue à celui obtenu dans le cadre du modèle de gaz d’électrons libres ; – si Z = 4 (cf. figure 2.7, vue de gauche), les deux premières bandes d’énergie sont aussi remplies avec 2N électrons chacune, mais la troisième est vide. Appliquer un champ électrique ne change pas le mouvement des électrons : il n’y a en effet aucun état énergétique accessible aux électrons. Un tel solide est donc un isolant, du moins à T = 0. Dans notre modèle, les électrons qui sont dans la troisième bande d’énergie sont responsables de la conductivité électrique. La troisième bande s’appelle de ce fait bande de conduction. Les électrons des bandes inférieures ne participent pas à la conductivité à T = 0. Il serait pourtant faux de croire qu’ils n’ont aucun rôle : ils assurent la stabilité chimique du solide. A cause de cela, ces bandes d’énergie sont appelées bandes de valence. A température non nulle. Que se passe-t-il lorsque T > 0 ? Dans le cas Z = 5, pas de grand changement : la bande de valence reste pleine, et la bande de conduction partiellement remplie. 26 2.1 Modèle à une dimension La seule petite différence est que certains des électrons de la bande de conduction peuvent peupler des états un peu plus élevés en énergie. Il convient en revanche d’être prudent avant de conclure sur la nature isolante ou conductrice du solide 1D correspondant à Z = 4 à T > 0. En effet, l’énergie thermique suffit, si le gap n’est pas trop élevé, à peuple un peu la bande de conduction au dépit de la bande de valence. On peut tenter de quantifier cet effet en cherchant à déterminer la probabilité que l’état d’énergie le plus bas de la bande de conduction soit peuplé. L’estimation de cette probabilité fera intervenir trois énergies : – Ev , énergie du haut de la bande de valence ; – Ec , énergie du bas de la bande de conduction – Egap = Ec − Ev , largeur du gap. La statistique de Fermi-Dirac prédit qu’un état d’énergie E possède une probabilité d’occupation donnée par l’équation P (E, T ) = 1 exp E−EF kB T +1 (2.26) Une difficulté dans l’application de cette formule est que l’énergie de Fermi EF est inconnue : la seule information qu’on ait est qu’à T = 0 la bande de conduction est vide alors que la bande de valence est remplie. Cela nous permet de dire que l’énergie du niveau de Fermi est située quelque part entre le haut de la bande de valence et le bas de la zone de conduction. Pour aller plus loin, on peut raisonnablement admettre que le niveau de Fermi doit être proche du milieu de la zone interdite en rapprochant deux arguments 2 : – la symétrie de la distribution de Dirac autour du point E = EF , P (E) = 1/2 (cf. fig. 1.7) ; – l’allure symétrique du bas de la bande de conduction et du haut de la bande de valence ; Dans ces conditions, la probabilité que l’état de plus faible énergie de la bande de conduction soit occupé s’écrit 1 Egap P (Ec ) = (2.27) ≃ exp − E 2kB T exp 2kgap + 1 BT L’approximation proposée, dite approximation de Boltzmann, est valable si Egap ≫ kB T , ce qui est le cas standard pour un semi-conducteur. La figure 2.8 illustre la relation 2.27. On voit que la Figure 2.8 – Probabilité d’occupation du plus bas état de la bande de conduction à T = 300K en fonction de la largeur du gap exprimée en eV. probabilité d’occupation de la bande de conduction est faible même pour un gap de 1eV . Cette faible probabilité est toutefois contrebalancée par le très grand nombre d’électrons dans le solide (typiquement 1021 cm−3 ). Pour fixer les ordres de grandeur on peut dire qu’au dessus de 2eV de gap, on a affaire à un isolant. A température non nulle, on distingue donc – les conducteurs, dont la bande de conduction est partiellement remplie ; – les isolants, dont la bande de conduction est vide (gap supérieur à typiquement 2eV ) ; – et les semi-conducteurs, dont la bande de conduction est faiblement peuplée du fait de l’énergie thermique (gap inférieur à typiquement 2eV ). 2. une vraie démonstration sera donnée plus loin 27 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes S’il existe une différence qualitative entre conducteurs et isolants (bande de conduction peuplée ou non à T = 0), la frontière n’est pas aussi nette entre les isolants et les semi-conducteurs. Ainsi, certains solides considérés comme isolants à T = 300K deviennent semi-conducteurs à haute température (1000K, par exemple). Il en va ainsi du diamant, par exemple. Réciproquement, un dispositif à semi-conducteur fonctionnant à 300K verra ses caractéristiques profondément modifiées si sa température baisse sensiblement. 2.2 Dans la vraie vie Passer de une à trois dimensions est très loin d’être aussi simple lorsqu’on prend en compte explicitement l’attraction des cœurs ioniques sur les électrons que pour un gaz d’électrons libres. Plusieurs raisons à cela : 1. techniquement, le potentiel crée par ce cœur n’est plus séparable : il ne se met pas sous la forme V = Vx (x) + Vy (y) + Vz (z). Les résultats à trois dimensions ne se déduisent pas directement des résultats à une dimension, comme c’était le cas dans le chapitre précédent ; 2. au niveau microscopique, le mouvement d’un électron attiré par un cœur ionique est très différent de celui d’une particule dans un puits à une dimension. En particulier, le mouvement des électrons présente un caractère orbital et non plus oscillatoire ; 3. et finalement, la structure cristalline est aussi une source de complication. Comme dans l’espace à une dimension, le cristal peut être décrit comme une suite de puits régulièrement espacés. Mais le potentiel vu par un électron qui se déplacerait en ligne droite dans un solide dépende fortement de l’orientation de l’axe de propagation par rapport au solide. Ceci a de fortes conséquences sur la forme des structures de bande 2.2.1 Brèves considérations cristallographiques Quelques structures cristallines simples La cristallographie et les outils qu’elle a développés constituent une discipline scientifique à part entière, qu’il est hors de question d’étudier ici. On se contentera de considérations extrêmement simples. Dans un cristal, les atomes sont régulièrement répartis dans l’espace selon un motif Figure 2.9 – Les trois réseaux cristallins les plus simples sont constitués d’empilement de cubes tels que ceux représentés ci-dessus. A gauche, réseau cubique, avec un atome à chaque somme du cube. Au milieu, le réseau cubique centré compte en plus un atome au centre du cube. A droit, le réseau cubique à faces centrés compte un atome à chaque sommet du cube et un atome au centre de chacune de ses faces. Pour aider à visualiser, las atomes sont représentés d’autant plus gros et plus foncés qu’ils sont au premier plan. qui se répète identique à lui même. Il y a de nombreux types de motifs différents, les trois plus simples étant représentés sur la figure 2.9. Quand on regarde dans certaines directions privilégiées, 28 2.2 Dans la vraie vie Figure 2.10 – Répartition des atomes dans des plans perpendiculaires aux axes cristallographiques d’un cristal cubique centré. Rangée du dessus : dans la direction (1,0,0) ; rangée du milieu : dans la direction (1,1,0) ; rangée du dessous : dans la direction (1,1,1) la description du cristal ressemble à celle qu’on en a faite en une dimension. Ainsi, pour le cristal cubique centré (vue du milieu de la figure 2.9), en appelant x, y, et z les trois axes du cube et a la longueur de son arrête : – dans la direction des vecteurs (1,0,0), (0,1,0), ou (0,0,1), le cristal est constitué d’une suite d’atomes distants de a ; – dans la direction des vecteurs (0,1,1), (1,0,1), ou (1,1,0), le cristal est constitué d’une suite √ d’atomes distants de 2 a ; – dans la direction des vecteurs √ (1,1,1), (-1,1,1), (1,-1,1), (1,1,-1), le cristal est constitué d’une suite d’atomes distants de 3 a Si on étudie la propagation d’un électron le long d’un de ces axes de symétries, on s’attend à retrouver des résultats similaires à ceux établis sur le modèle à une dimension. En effet, l’ingrédient principal dans l’établissement des résultats en 1D est que le potentiel est périodique, ce qui reste vrai pour ces directions de haute symétrie. Toutefois, il faut s’attendre à des subtilités, liées aux faits suivants : 1. la période n’a pas la même valeur en fonction des axes de symétrie. Par exemple, pour un √ cristal √ cubique centré, elle vaut a dans la direction (1,0,0), 2a dans la direction (1,1,0), et 3a dans la direction (1,1,1) ; 2. les perturbations imposées par les atomes sur un front d’onde donné ne sont pas identiques qualitativement, car la répartition des atomes sur les plans constituant des fronts d’onde dépendent de l’axe cristallographique (cf. figure 2.10). Zone de Brillouin A 1D, la première zone de Brillouin correspond à l’intervale de valeurs de k compris entre π/a et −π/a, a étant la distance entre puits où le potentiel se répète de manière périodique. A 3D, comme on vient de le voir, la distance entre plans où le potentiel se répète de mainère périodique dépend de l’axe cristallograpique. De ce fait, même pour ces cristaux de structure relativement simple, la première zone de Brillouin, qui à 3D est un volume, prend des formes assez compliquées (voir figure 2.11). Des fonctions d’onde électroniques qui se propagent selon des axes cristallographiques distincts ne "voient" pas le même milieu. Il n’est donc pas étonnant que les structures de bandes dépendent de la direction de propagation. Bien qu’elles conservent les principales caractéristiques du modèle 1D, les structures de bandes deviennent plus complexes. On les représente habituellement en deux demi-vues. Au milieu de ces demi-vues, on place le point k = 0, noté Γ dans les conventions cristallographiques habituelles ; de part et d’autre de ce point, la structure des bandes correspondant des directions bien choisies du vecteur ~k (sur la figure 2.12, les directions ∆ et Λ). 29 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Figure 2.11 – Première zone de Brillouin correspondant à un cristal cubique centré. Il est de tradition de repérer certaines directions de haute symétrie et certains points particuliers dans le repère (~kx , ~ky , ~kz ) : – ∆ : direction (1,0,0) et équivalentes ; – Σ : direction (1,1,0) et équivalentes ; – Λ : direction (1,1,1) et équivalentes ; – Γ : point (0,0,0) ; – X : points aux bords de la zone dans les directions ∆ ; – K : points aux bords de la zone dans les directions Σ ; – L : points aux bords de la zone dans les directions Λ ; Représentation des états d’énergie Dans le monde à trois dimension, la distribution des états d’énergie est bien plus riche que le cas vu en 1D illustré sur la figure 2.7. En effet, les propriétés des états propres électroniques dépendent de la direction de propagation de l’onde électronique. On représente habituellement la relation de dispersion E(k) le long de quelques axes cristallographiques bien choisis. Ainsi, sur la figure 2.12, le point Γ correspond à k = 0, commun à tous les axes imaginables. A gauche de ce point est sont représentées les énergies des états correspondant à des valeurs croissantes de k pour des ondes se propageant dans la direction Λ (cf. figure 2.11) ; à droite, les énergies des états correspondant à des valeurs croissantes de k pour des ondes se propageant dans la direction ∆. Figure 2.12 – Structure de bande de l’arséniure de Gallium et du Silicium. Gap direct, gap indirect Un effet très important se manifeste dans l’espace à trois dimensions : le maximum de la bande de valence n’est pas toujours à la verticale du minimum de la bande de conduction. On distingue ainsi les semi-conducteurs à gap direct et ceux à gap indirect. Un gap direct correspond à une situation où le maximum de la bande de valence se trouve au même ~k que le minimum de la bande de conduction. C’est par exemple le cas de l’AsGA. A 30 2.2 Dans la vraie vie contrario, le gap est dit indirect si le maximum de la bande de valence ne se trouve au même ~k que le minimum de la bande de conduction. C’est le cas du Silicium. L’émission d’un photon se produit lorsqu’un électron de la bande de conduction retombe dans la bande de valence. A cause du principe d’exclusion de Pauli, l’électron ne peut retomber que dans un état non occupé de cette bande de valence. Or – les électrons de la bande de conduction se localisent au voisinage du minimum de cette bande (cf. fig. 2.7) ; – les états non occupés de la bande de valence se localisent au voisinage du maximum de la bande de valence (cf. fig. 2.7) ; – les transitions optiques sont verticales La conjonction de ces trois facteurs impose que, pour qu’une transition optique ait lieu, le maximum de la bande de valence se situe à la même valeur de k que le minimum de la bande de conduction. On en déduit que les émission optiques n’ont lieu que dans les semi-conducteurs à gap direct. Il n’est n’est pas de même pour l’absorption d’un photon. En effet, à moins d’aller jusqu’à une inversion totale de population (ce qu’on ne sait pas faire...), il existe toujours un état non occupé de la bande de conduction à la verticale du maximum de la bande de valence. La différence qui apparaît entre un semi-conducteur à gap direct et un semi-conducteur à gap indirect est que dans le premier cas, l’énergie des photons qui peuvent être absorbés se situe juste au-dessus du gap entre bande de valence et bande de conduction, alors qu’il est bien plus important pour un semi-conducteur indirect. 2.2.2 Un peu de chimie dans un monde de brutes Une autre complexité liée au passage à 3 dimensions, jusqu’ici glissée sous le tapis, est que le mouvement des électrons autour des atomes se déroule lui aussi dans l’espace. Heureusement, il existe une science qui s’est donné pour objet d’étudier les mouvements des électrons autour des atomes : il s’agit de la chimie. Dans ce paragraphe, nous allons sinon établir du moins justifier les comportements des semi-conducteurs sur la base de considérations issues de la chimie. Les électrons dans les atomes Dans la vraie vie, le mouvement des électrons ne s’assimile pas à une oscillation dans un puits, mais à un mouvement orbital autour des noyaux. En physique atomique, il est établi depuis longtemps que les états stationnaires des électrons autour d’un atome s’organisent en couches caractérisées par le nombre quantique n, et en sous-couches caractérisées par le nombre quantique l. Ainsi, – la couche n = 1 ne comprend qu’une sous-couche l = 0. Cette sous-couche ne contient à son tour qu’une seule orbitale, et peut accueillir 2 électrons, si on tient compte du spin. L’orbitale est appelée orbitale 1s. L’atome H, qui ne compte qu’un électron, est dans son état fondamental dans la configuration 1s. L’atome d’hélium Z = 2 est à l’état fondamental dans la configuration notée 1s2 , qui signifie 2 électrons dans l’orbitale 1s ; – la couche n = 2 compte deux sous-couches, l = 0 et l = 1. Il y a une seule orbitale n = 2, l = 0, appelée orbitale 2s. En revanche, il y a trois orbitales n = 2, l = 1, appelées orbitales 2p. L’énergie de l’orbitale 2s est supérieure à celle ce l’orbitale 1s ; celle des orbitales 2p est un peu supérieure à celle de l’orbitale 2s. – la couche n = 3 compte trois sous-couches, l = 0, l = 1, et l = 2, correspondant à l’unique orbitale 3s, aux trois orbitales 3p, et aux 5 orbitales 3d. Mais après l’orbitale 3p, l’ordre de remplissage des couches devient plus compliqué, car la l’orbitale 4s a une énergie plus basse que les orbitales 3d. Comme l’objectif de ce cours n’est par de détailler l’ensemble de la physique atomique, on s’arrêtera donc dans cette description aux orbitales à la 3p. 31 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes De l’atome à la molécule Pour comprendre comment se forme une liaison chimique, on peut réaliser une expérience de pensée : prenons deux noyaux H, que nous appellerons Ha et Hb , et plaçons les à l’infini l’un de l’autre. Ensuite, ajoutons au système ainsi constitué un électron dans son état d’énergie le plus bas, c’est à dire l’état 1s centré sur l’un ou l’autre noyau. En termes mathématiques -à ce stade inutilement compliqué-, on dira que l’électron peut prendre deux états |ai et |bi tels que = E0 |ai = E0 |bi Ĥ|ai Ĥ|bi (2.28) où Ĥ est le hamiltonien de l’électron plongé dans le champ d’un seul noyau, qui est aussi celui du hamiltonien de l’électron plongé dans le champ des deux noyaux si ceux-ci sont à l’infini l’un de l’autre. Regardons ce qui se passe si on place les deux noyaux d’hydrogène à une distance R finie l’un de l’autre, en faisant l’hypothèse raisonnable, au moins tant que les distance internucléaires ne deviennent pas trop petites, que l’on peut continuer à se contenter pour décrire le système des seuls états |ai et |bi centrés sur les noyaux. Bien sûr, l’état |ai va être perturbé par la présence du noyau Hb , exactement de la même façon que l’état |bi va être perturbé par la présence du noyau Ha . En terme mathématiques, les équations 2.28 deviennent 3 Ĥ|ai Ĥ|bi = = (E0 − e)|ai − v|bi (E0 − e)|bi − v|ai (2.29) où e et v, tous deux positifs, dépendent de R. On voit que les orbitales atomiques |ai et |bi ne sont plus des fonctions propres du hamiltonien moléculaire. Il se trouve que ces états propres se mettent sous la forme |+i = A+ (|ai + |bi) |−i = A− (|ai − |bi) (2.30) (2.31) où A+ et A− sont des constantes de normalisation dont la valeur nous importe peu ici. Un calcul élémentaire qui s’appuie sur le caractère linéaire de l’opérateur hatH conduit en effet à Ĥ|+i = E+ |+i Ĥ|−i = E− |−i avec avec E+ = (E0 − e − v) E+ = (E0 − e + v) (2.32) On peut montrer que dans ces équations le terme e est bien plus petit que v 4 , et peut être négligé. Quand R diminue, on s’attend à ce que le hamiltonien 2.28, qui décrit ce qui se passe à R infini, soit de plus en plus perturbé, ce qui veut dire que le terme v, principal responsable de la modification de ce hamiltonien asymptotique, devient de plus en plus grand. Tout ceci est synthétisé dans la figure 2.13. On voit que les deux orbitales atomiques 1s, états propres de même valeur à R infini, se séparent lorsque R diminue. L’énergie de l’orbitale 3. Dans l’équation 2.29 on a mis un signe - devant e et v parce que l’interaction qui crée la perturbation a un signe -, résultant du signe opposé de la charge de l’électron et du noyau. 4. En effet, de l’équation 2.29, on tire que e = ha| −1 |ai rB et v = hb| −1 |ai rB où rB est la distance entre l’électron et le noyau Hb . Ces quantités ne prennent de valeur significative que là où −1 est grand, c’est-à-dire près du noyau de l’atome Hb . C’est précisément dans cette région que la fonction rB d’onde associée à l’état |bi est grande, alors que celle associé à l’état |ai y est faible si Ha est éloignée de Hb . On a donc v > e. 32 2.2 Dans la vraie vie moléculaire |+i devient de plus en plus faible, alors que celle de l’orbitale moléculaire |−i devient de plus en plus grande. Sous l’effet d’un électron placé dans l’orbitale moléculaire |+i, et qui va avoir tendance à minimiser son énergie, la distance R va diminuer jusqu’à ce que la répulsion électrostatique entre noyaux prenne le dessus : la molécule, sous l’effet de l’occupation de cette orbitale, est liée, et l’orbitale associée est dite liante. Au contraire, l’effet d’un électron placé dans l’orbitale moléculaire |−i est d’écarter les noyaux : la molécule, sous l’effet de l’occupation de cette orbitale, a tendance à se dissocier. L’orbitale associée est dite antiliante. Pour aller au-delà Figure 2.13 – A gauche, représentation qualitative de l’énergie des orbitales moléculaires de H2 en fonction de l’inverse de la distance internucléaire R. A droite, même chose dans un cristal constitué d’atomes de la deuxième ligne du tableau périodique, a étant cette fois le paramètre de la maille. Ces diagrammes ne tiennent pas compte de la répulsion électrostatique des noyaux. de la molécule H2+ , on procède en remplissant les orbitales comme on l’a fait pour les semiconducteurs : par ordre d’énergie croissante des orbitales, et en appliquant bien sûr le principe de Pauli, soit, compte tenu du spin, deux électrons par orbitale. Ainsi, la molécule H2 est obtenue en plaçant deux électrons dans l’orbitale liante. Pour former la molécule He2 comptant quatre électrons, il faudrait placer les deux premiers dans l’orbitale liante et deux restant dans l’orbitale antiliante : le résultat n’est pas stable, la répulsion des orbitales antiliantes l’emportant sur l’attraction des orbitales liantes. De la molécule au cristal monoatomique Généralisons à un cristal ce qui vient d’être fait pour une molécule. Qu’est-ce qui va changer ? D’abord, si on veut traiter d’un cristal réaliste, il va falloir aller vers des atomes plus lourds que H ou He, par exemple ceux de la deuxième ou troisième ligne du tableau périodique, c’est à dire dont les couches électroniques externes correspondent aux nombre quantiques n = 2 ou n = 3. Ensuite, on va regarder ce que se passe quand on change par homothétie toutes les distances interatomiques dans le cristal. Pour fixer les idées, imaginons qu’on regarde un cristal formé de N atomes d’un même élément de la deuxième ligne du tableau périodique 5 qui seraient empilés selon un arrangement cubique, chaque atome se trouvant au sommet d’un cube d’arête a 6 . Disons tout de suite que les électrons de cœur, c’est-à-dire ceux correspondant au nombre quantique n = 1, sont et restent tellement près de leur noyau "d’origine" qu’ils ne ressentent guère la présence des autres noyaux, toujours bien plus éloignés. Du coup, ils ne sont pas concernés par la formation du cristal, et on ne fera entrer dans la discussion que les états de nombre quantique n = 2. Lorsque a est infini, placer un électron dans le "cristal" revient à choisir – sur lequel des N atomes on va le placer ; – et dans quelle orbitale atomique on va le placer 5. tout ce qui sera écrit s’appliquerait strictement de la même façon à des atomes de la troisième ligne du tableau périodique. 6. la discussion ne serait absolument pas changée si on prenait une autre structure cristalline, mais un empilement cubique est plus facile à visualiser. 33 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Chaque atome compte une orbitale 2s, et trois orbitales 2p. Comte tenu du spin, il y a donc 2N états électroniques dans le "cristal" possédant l’énergie du niveau 2s, et 6N états possédant l’énergie du niveau 2p. Lorsque a diminue, les 2N états électroniques corrélés à l’état 2s tendent à se répartir en N états liants et N états antiliants ; de la même façon les 6N états électroniques corrélés aux états 2p tendent à se répartir en 3N états liants et 3N états antiliants. Les états électroniques ressemblent à la vue de droite de la figure 2.13. Regardons comment se placent les électrons dans 1 H 3 Li 11 Na 19 K 37 Rb 55 Cs 4 Be 12 Mg 20 Ca 38 Sr 56 Ba 21 Sc 39 Y 57 La 22 Ti 40 Zr 72 Hf 23 V 41 Nb 72 Ta 24 Cr 42 Mo 74 W 25 Mn 43 Tc 75 Re 26 Fe 44 Ru 76 Os 27 Co 45 Rh 77 Ir 28 Ni 46 Pd 78 Pt 29 Cu 47 Ag 79 Au II III IV V VI 30 Zn 48 Cd 80 Hg 5 B 13 Al 31 Ga 49 In 81 Tl 6 C 14 Si 32 Ge 50 Sn 82 Pb 7 N 15 P 33 As 51 Sb 83 Bi 8 O 17 S 34 Se 52 Te 84 Po 9 F 17 Cl 35 Br 53 I 85 At 2 He 10 N 18 Ar 36 Kr 54 Xe 86 Rn Table 2.1 – Tableau périodique des éléments. Ni les Lanthanides (58 ≤ Z ≤ 71), ni les éléments plus lourds que le Radon (Z > 86) ne sont représentés. ce système pour les éléments de la deuxième ligne du tableau périodique pour par ordre de Z décroissant : – Z=10 : le Néon reste sous forme de gaz monoatomique et ne forme pas de cristal. La description proposée n’est pas pertinente ; – Z=7 à 9 : l’Azote(Z=7), l’Oxygène (Z=8) le Fluor (Z=9) ne forment pas non plus de cristal 7 , mais des molécules diatomiques. La question n’est pas non plus pertinente. – Z=6 : le Carbone forme un cristal : le diamant. Selon la distance C-C, la répartition des 4N électrons de la deuxième couche s’effectue différemment – si a était très grand, le cristal se situerait dans la zone 1 de la figure 2.13. La première bande serait complète avec N électrons, la seconde complète avec N électrons, et la troisième aux deux tiers remplie avec 2N électrons. Le cristal serait conducteur. – si a faisait tomber le cristal dans la zone 2, la première bande serait complète avec N ; la seconde, résultant du mélange de la bande antiliante corrélée à l’état 2s et de la bande liante corrélée aux états 2p compterait 3N électrons pour 4N états : le cristal serait encore conducteur ; – en réalité, a est tel que le diamant se situe dans la zone 3. Les deux premières bandes sont donc complètes et la troisième est vide. Une telle occupation des bandes correspond soit à un semi-conducteur, si le gap est faible, soit à un isolant, s’il est important. – Z=3 à 5 : le Bore (Z=5) doit répartir 3 électrons les diverses bandes d’énergie. Sur le diagramme 2.13, on voit que quelle que soit à, la dernière bande sera incomplète : le Bore est un conducteur. Il en va de même pour le Lithium (Z=3) et le Béryllium (Z=4), même si pour le premier de ces éléments, cela ne se voit pas sur le diagramme 2.13, qui, trop grossier, ne rend pas compte du chevauchement des bandes dans les métaux. Il ressort de cette discussion que seuls les éléments qui composent la colonne IV du tableau périodique sont susceptibles de constituer à eux-seuls de semi-conducteurs. De fait, ils ne le sont pas tous. Leur nature est déterminée par le paramètre a du cristal, de plus en plus grand au fur et à mesure que les atomes qui le constituent sont plus gros (cf. figure 2.14). Ainsi, – le gap du Carbone gap est de l’ordre de 5, 5eV : le diamant est isolant à 300K ; – le Silicium et le Germanium ont un gap de 1, 11eV et 0, 67eV respectivement. Ce sont des semi-conducteurs ; – l’étain et le plomb sont eux situé dans la zone où la bande de valence recouvre la bande de conduction, ces deux bandes n’étant collectivement pas remplies : ce sont des conducteurs. Une description alternative de la structure électronique des semi-conducteurs est présentée sur la figure 2.15. Cette représentation n’a pas vocation à décrire la géométrie du cristal, qui est un objet à trois dimensions. En revanche, elle décrit parfaitement deux choses importantes : 7. du moins dans des conditions habituelles de température et de pression 34 2.2 Dans la vraie vie Figure 2.14 – Représentation schématique des bandes d’énergie en fonction de 1/a, où a est le paramètre de maille du cristal. Les traits pointillés repèrent qualitativement les positions des atomes de la colonne IV. Un cercle à l’intérieur de chaque bande représente N états électroniques du cristal, soit 1 état par atome. Les cercles en noir représentent les états occupés, ceux en blanc les états non occupés. – chaque atome est lié à 4 atomes voisins, ce qui signifie qu’il y a quatre électrons dans la bande de valence ; – chaque liaison chimique implique 2 électrons. Figure 2.15 – Représentation schématique d’un cristal de Silicium (à gauche), de carbure de Silicium (au centre), ou d’arséniure de Gallium (à droite), à T = 0. Du cristal monoatomique au cristal polyatomique La figure 2.15 illustre un fait très simple : pour obtenir un semi-conducteur, il "suffit" de construire un réseau d’atomes liés à 4 voisins par 4 liaisons covalentes. Ceci laisse la porte ouverte à de nombreuses possibilités. Ainsi, on peut mélanger des atomes de la colonne IV, tous tétravalents. On obtient ainsi, par exemple, le carbure de silicium, mélange à parts égales de "gros" atomes Si et de "petits" atomes C, chaque atome C étant lié à 4 atomes Si, et chaque atome Si étant lié à 4 atomes C (cf. figure 2.15). Une autre façon de faire est de mélanger des atomes trivalents et des atomes pentavalents en quantité égale. Le plus répandu des semi-conducteurs de ce type est l’arséniure de Gallium (GaAs). L’Arsenic appartient à la colonne V de la classification périodique (cf tableau 2.1). Il se comporte comme tous les éléments de la colonne V, dont le plus simple, l’Azote, de configuration électronique 1s2 2s2 2p3 possède 5 électrons sur sa dernière couche. Le Gallium est lui un élément de la colonne III, dont le plus simple, le Bore, de configuration électronique 1s2 2s2 2p possède 3 électrons sur sa dernière couche. La structure du cristal est représentée sur la figure 2.15, où on a représenté en noir les cœurs ioniques du Gallium et ses électrons externes, et en blanc les cœurs ioniques de l’Arsenic et ses électrons externes. La structure obtenue ressemble beaucoup à celle du Germanium. Pour parler schématiquement, le GaAs est un cristal de Germanium dont un atome sur deux aurait un proton et un neutron en trop, et l’autre atome un proton ou un électron en moins. La similitude de comportement vient de ce que quel que soit l’atome considéré (Ga, Ge, As), il possède des états électroniques qualitativement très similaires, qui ne différent qu’à la marge du fait de l’attractivité différente des cœurs ioniques. Les semi-conducteurs du type de l’AsGa, qui combinent des éléments de la colonne III et de la colonne V, s’appellent des composés III-V. On obtient aussi des semi-conducteurs composés II-VI, mélange à parts égales d’atomes de la colonne II, bivalents, et d’atomes de la colonne VI, 35 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes Elémentaires Groupe IV Composites Alliages binaires Groupe III-V Alliages ternaires Alliages binaires Groupe II-VI Alliages ternaires Diamant (C) Silicium (Si) Germanium (Ge) Carbure de silicium (SiC) Silicium-germanium (SiGe) Nitrure de bore (BN) Phosphure de bore (BP) Arséniure de bore (BAs) Nitrure d’aluminium (AlN) Phosphure d’aluminium (AlP) Arséniure d’aluminium (AlAs) Antimoniure d’aluminium (AlSb) Nitrure de gallium (GaN) Phosphure de gallium (GaP) Arséniure de gallium (GaAs) Antimoniure de gallium (GaSb) Nitrure d’indium (InN) Phosphure d’indium (InP) Arséniure d’indium (InAs) Antimoniure d’indium (InSb) Arséniure de gallium-aluminium (AlGaAs) Arséniure de gallium-indium (InGaAs) Phosphure de gallium-indium (InGaP) Arséniure d’aluminium-indium (AlInAs) Antimoniure d’aluminium-indium (AlInSb) Arséniure-nitrure de gallium (GaAsN) Arséniure-phosphure de gallium (GaAsP) Nitrure de gallium-aluminium (AlGaN) Phosphure de gallium-aluminium (AlGaP) Nitrure de gallium-indium (InGaN) Arséniure-antimoniure d’indium (InAsSb) Antimoniure de gallium-indium (InGaSb) Sulfure de cadmium (CdS) Séléniure de cadmium (CdSe) Tellurure de cadmium (CdTe) Sulfure de mercure (HgS) Oxyde de zinc (ZnO) Sulfure de zinc (ZnS) Séléniure de zinc (ZnSe) Tellurure de zinc (ZnTe) Tellurure de zinc-cadmium (CdZnTe) Tellurure de mercure-cadmium (HgCdTe) Tellurure de zinc-mercure (HgZnTe) Séléniure de zinc-mercure (HgZnSe) Table 2.2 – Classification des semi-conducteurs. 36 2.3 Les porteurs de charge dans un semi-conducteur hexavalents. Enfin, de la même façon qu’on peut pour un semi-conducteur du groupe IV mêler dans un même cristal atomes C et atomes Si (ou Ge et Si), on peut dans un semi-conducteur du groupe III-V mêler deux composer du groupe III et un composer du groupe V pour faire alliage ternaire comme AlGaAs, soit en mixant à parts égales Al et Ga, soit en introduisant une fraction x d’Al pour une fraction 1 − x de Ga. On peut sur le même modèle fabriquer des alliages quaternaires, voire quinquénaires, comme l’Arséniure-antimoniure-phosphure de gallium-indium (GaInAsSbP) formé de deux éléments de la colonne III et de trois éléments de la colonne V. Sans aller jusqu’à des composés si complexes, la table 2.2 fournit une liste de semi-conducteurs classés par famille. On peut légitimement se demander s’il est utile d’avoir tant de semi-conducteurs. En fait, les critères de choix d’un semi-conducteur pour une application donnée sont multiples. D’un point de vue très fondamental, on comprend déjà que l’amplitude du gap et sa nature directe ou indirecte vont affecter les propriétés physiques du matériau. Il en va de même pour la densité et la mobilité des porteurs. Dans un contexte optoélectronique, les propriétés optiques du milieu dont tout aussi importantes : indices, coefficient d’absorption... Finalement, des facteurs indirects peuvent jouer un rôle important dans le choix d’un matériau : toxicité, stabilité chimique, impact environnemental, coût. Dans ce contexte, le fait de disposer de nombreux semi-conducteur est une richesse. 2.3 2.3.1 Les porteurs de charge dans un semi-conducteur Vie et mort des paires électrons-trous Création de paires électrons-trous Un semi-conducteur est isolant à T = 0. Il y a deux façons équivalentes d’expliquer ceci : – dans une description des électrons en termes d’ondes, tous les états de la bande de valence sont occupés et la bande de conduction est vide ; – dans une description des électrons en termes de particules, chaque atome du cristal est entouré de 4 doublets d’électrons le liant à ses quatre voisins immédiats. Lorsqu’on chauffe le cristal, la probabilité pour qu’un électron passe dans la bande de conduction n’est plus nulle (cf. figure 2.8). Lorsque cela se produit, il laisse libre l’état qu’il occupait dans la bande de valence. Il se crée donc une paire électron-trou. Une autre façon de décrire le même phénomène est présenté sur la figure 2.16. Sous l’effet des fluctuations de la répartition de l’énergie thermique, un électron acquiert de temps à autre une énergie suffisante pour rompre la liaison chimique dans laquelle il est impliqué, et s’éloigner assez du cœur ionique auquel il était pour ne pratiquement plus en ressentir l’attraction, laissant derrière lui une charge positive, un trou, qui n’est autre qu’un défaut d’électron. La création d’une paire électron-trou peut aussi Figure 2.16 – Création d’une paire électron-trou. résulter de l’interaction avec un photon. Cette interaction doit conserver d’une part l’énergie du système photon-électron, mais aussi sa quantité de mouvement 8 ~~k. Sur un diagramme de 8. En fait, l’électron n’est pas isolé du reste du cristal. C’est donc en toute rigueur l’énergie et l’impulsion du système photon - semi-conducteur qui doit être conservée. Cependant, si on regarde les échelles de temps des processus d’échange d’énergie, on observe que la durée de l’interaction électron - photon est bien plus brève que 37 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes bandes d’énergie 2.12, la transition qui s’effectue à ~k constant est dite verticale. Déplacement des charges Une fois la paire électron-trou créée, l’électron est quasiment libre de se déplacer dans le cristal. Le trou peu lui aussi se déplacer. Physiquement, ce ne sont pourtant pas vraiment les trous qui se déplacent : pour qu’un trou se déplace du cœur ionique A à un cœur ionique voisin B, il faut qu’un des électrons attachés à B se déplace sur A : le déplacement d’un trou dans un sens est dû au déplacement physique d’un électron dans le sens opposé. Le déplacement des charges dans un semi-conducteur peut avoir deux causes totalement différents : ~ les – le plus simple est le mécanisme d’entrainement. Sous l’effet d’un champ électrique E, électrons tendent à se déplacent dans le sens opposé à celui du champ. Les électrons libres ~ et donc les trous vont dans le même sens que E. ~ On voit là vont dans le sens opposé à E, que les trous ont toutes les caractéristique d’une charge + : ils apparaissent effectivement comme tels, parce que la lacune d’électron ne parvient plus à neutraliser le cœur ionique, ~; et ils se déplacent dans le même sens que E – le second mécanisme est le mécanisme de diffusion, sous l’effet des transferts aléatoires d’énergie et de quantité de mouvement liés à l’agitation thermique dans le cristal. Pour se donner une image concrète, des mouvements d’entraînement et de diffusion s’observent aussi si on fait tomber une goutte de colorant dans un fleuve. L’entrainement va être responsable du fait que le colorant est entraîné vers la mer par le fleuve. La diffusion fait que la goutte, en même temps qu’elle se déplace vers l’aval, s’étale dans le fleuve. Le mouvement d’entrainement est déterministe : si on inverse le sens du courant (dans un fleuve, c’est difficile, mais dans un semi-conducteur, il suffit d’inverser le sens du champ appliqué), les charges refont en sens inverse le chemin parcouru sous l’effet de leur mouvement d’entrainement. En revanche, le mouvement de diffusion continue à disperser aléatoirement les porteurs de charge. La diffusion tend donc à uniformiser la densité de porteurs de charge dans le cristal, de la même façon que les mouvements aléatoire des molécules d’un gaz en homogénéisent la densité. A l’équilibre, les porteurs de charges ont une densité uniforme dans le semi-conducteur, et la diffusion n’est responsable d’aucun courant macroscopique. Pour autant, les porteurs de charge continuent de se déplacer, mais dans le désordre. Annihilation de paires électron-trou Les paires électron-trou ont une durée de vie limitée, très différente d’un matériau à l’autre. La nanoseconde peut en être prise comme une valeur typique. Elles s’annihilent lorsque, du fait de leur marche au hasard, un électron et un trou viennent à se rencontrer 9 . L’annihilation est le mécanisme inverse de la création. Mais si pour la création de paire la problématique est de trouver l’énergie, pour l’annihilation, elle est de dissiper l’énergie correspondant à la transition d’un électron de la bande de valence vers la bande de conduction. Deux mécanismes sont possibles, parallèles à ceux intervenant dans la création de paire : – le premier mécanisme est l’émission d’un photon. Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour l’absorption d’un photon, la transition doit être verticale. Une condition nécessaire est que l’état d’arrivée, à la verticale de l’état de départ, ne soit pas occupé. Cela exclut de fait toute recombinaison radiative pour les semi-conducteurs à gap indirect. En effet, l’état de départ, pour peu que l’électron libre ait eu le temps de relaxer vers le fond de la bande de conduction, est situé à la verticale d’un état profond de la bande de valence qui a une probabilité d’être occupé très proche de l’unité. En revanche, pour un semi-conducteur à gap direct, le bas de la bande de conduction est à la verticale du haut de la bande de valence, là où il a a le plus de trous. On peut noter en passant que cette condition de non occupation du niveau d’arrivée existe aussi, mais est pratiquement toujours réalisée en la durée de l’interaction de l’électron avec le reste du cristal. 9. pas nécessairement un électron et un trou ayant été créés simultanément... 38 2.3 Les porteurs de charge dans un semi-conducteur absorption ; – le second mécanisme est le transfert d’énergie sous forme thermique au cristal : l’énergie est transférée sous forme de vibration des cœurs ioniques 10 . 2.3.2 Evaluation du nombre de porteurs de charges Bien évidemment, les propriétés des semi-conducteurs sont liées au nombre des porteurs de charge. Ces porteurs sont soit des électrons, soit des trous, mais du fait qu’ils sont créés et détruits par paire, ils sont en nombre égal. Par la suite, on appellera ne la densité volumique d’électrons libres, et nh la densité volumique de trous (hole en anglais). On a donc ne = nh (2.33) Les électrons libres sont dans la bande de conduction. Pour les compter, il suffit de connaitre la densité d’états gC (E) dans la bande de conduction et la probabilité P (E) qu’a chaque état de cette bande de conduction d’être occupé : Z ne = gC (E) P (E)dE (2.34) EC La borne supérieure de l’intégrale n’a pas été précisée. On devrait la prendre égale à l’énergie maximale de la bande de conduction, mais en fait pour toutes les situations réelles, P (E) va devenir nul à des énergies bien inférieures. Dans le calcul, il sera plus simple de considérer que cette borne supérieure est infinie Dans l’équation ci-dessus, P (E) est donné par la statistique de Fermi-Dirac (cf. équation 2.26). Pour établir l’expression de gC (E), nous allons nous appuyer fortement sur un calcul similaire mené dans le chapitre précédent, en particulier sur le fait qu’avec une relation de dispersion de la forme (équation 1.32) E= ~2 k 2 2m (2.35) la densité volumique d’états vaut (équation 1.43) 1 g(E) = 2π 2 2m ~2 3/2 E 1/2 (2.36) Dans le cas d’un semi-conducteur le relation de dispersion n’est pas donnée par la relation 2.35, et n’a d’ailleurs même pas d’expression analytique. Elle résulte de calculs numériques très lourds et/ou de mesures expérimentales, synthétisées dans des représentations telles que les figures 2.12. On peut toutefois se ramener à une forme proche de 2.35 en adoptant la démarche suivante – il faut supposer a priori que les états électroniques qui seront occupés dans la bande de conduction seront tous proches du minimum de cette bande. Ceci permet de remplacer la forme exacte de la bande par une approximation quadratique, remplaçant la vraie relation de dispersion dans la bande de conduction par la parabole qui lui est tangente au voisinage de son minimum ; – on placera (provisoirement) l’origine des énergies au bas de la bande de conduction, c’est à dire qu’on prendra EC = 0 Dans ces conditions, l’équation donnant la forme de la bande de conduction relie E à k 2 . Il n’y a toutefois aucune raison que le coefficient reliant ces deux quantités s’écrive ~2 /2m, comme pour un gaz d’électrons libres. On l’écrira en remplaçant la masse réelle de l’électron m par sa masse 10. Ces modes présente un caractère d’oscillation collective des ions. On les appelle des phonons en mécanique quantique. 39 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes effective m∗e . Tout ceci conduit à une expression analytique de la relation de dispersion dans la bande de conduction : E= ~2 k 2 2m∗e (2.37) On obtiendra donc l’expression de gC (E) sous un forme analogue à g(E) (équation 2.36) en remplaçant m par m∗e . Il suffit maintenant pour calculer ne d’introduire l’expression de gC (E) ainsi obtenue, et l’expression 2.26 de P (E) dans l’équation 2.34, en tenant compte du changement d’origine de l’énergie. Il vient ∗ 3/2 Z ∞ 1 E 1/2 2me ne = dE (2.38) 2 2 2π ~ F 0 exp E−E + 1 kB T Le calcul se simplifie beaucoup si on fait l’approximation de Maxwell déjà évoquée, qui consiste F à négliger 1 devant exp E−E . Ceci est justifié dès lors que le niveau de Fermi est significakB T tivement éloigné du bas de la bande de conduction, soit, dit autrement, Egap ≫ kB T . On fait ensuite le changement de variable u= E kB T et on utilise la relation Z ∞ u 1/2 −u e 0 pour arriver à ne = 2 m∗e kB T 2π~2 (2.39) √ π du = 2 3/2 exp EF kB T (2.40) (2.41) Finalement, on rend l’expression ci-dessus plus robuste en remplaçant EF par EF − EC , ce qui la rend indépendante du choix d’origine des énergies EC = 0 qui a été fait plus haut. L’expression finale de ne est alors ∗ 3/2 me kB T EC − EF ne = 2 (2.42) exp − 2π~2 kB T On peut calculer de la même façon le nombre de trous par unité de volume. La démarche est tout à fait identique, mais il faut remplacer EC et l’énergie du haut de la bande de valence EV , la masse effective de l’électron par la masse effective du trou mh , obtenue en approximant le haut de la bande de valence par une parabole, et faire attention au fait que la probabilité d’existence d’un trou à l’énergie E dans la bande de valence vaut 1 moins la probabilité d’occupation de l’état d’énergie E dans cette bande par un électron. Moyennant cela, il vient ∗ 3/2 mh kB T EF − E V nh = 2 (2.43) exp − 2π~2 kB T Le problème dans les équations 2.42 et 2.43 est qu’on ne connaît pas la valeur de l’énergie du niveau de Fermi EF , même si on a écrit plus haut, sur la base d’arguments qualitatifs, qu’elle devait être proche du milieu du gap. Pour s’affranchir de ce point, on commence par multiplier l’équation 2.42 par l’équation 2.43, pour obtenir la très importante loi d’action de masse 11 3 kB T Egap 3/2 (2.44) ne nh = 4 (m∗e m∗h ) exp − 2π~2 kB T Pour obtenir la densité de charge, il suffit maintenant d’introduire dans l’équation ci-dessus la 11. Cette relation a été établie sans que n’ait été utilisée la condition ne = nh , qui n’est vraie que dans les semi-conducteurs intrinsèques. Elle reste donc vraie dans les semi-conducteurs dopés. 40 2.3 Les porteurs de charge dans un semi-conducteur Figure 2.17 – En trait plein : modélisation de la relation de dispersion dans la bande de conduction. En trait tireté : son approximation parabolique. La parabole obtenue n’a aucune raison d’être identique à celle représentée en trait pointillé qui correspond au gaz d’électrons libres Figure 2.18 – Nombre d’électrons libres (ou de trous) dans un semi-conducteur intrinsèque en fonction de son gap à T = 300K. On a supposé que la masse effective des tours et des électrons était égale à la masse réelle des électrons. 41 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes relation ne = nh , qui conduit à 3/4 2 (m∗e m∗h ) ne = nh = kB T 2π~2 3/2 exp − Egap 2kB T (2.45) qui, numériquement, devient 19 ne = nh = 2, 51 × 10 m∗e m∗h m2 3/4 T 300K 3/2 exp − Egap 2kB T cm−3 (2.46) On verra dans la section suivante qu’en général les masses effectives ne varient pas sur plus d’une décade. Ceci permet d’illustrer graphiquement la relation 2.18, en prenant m∗e = m∗h = m, approximation justifiée par le fait que c’est le terme exponentiel qui domine l’équation 2.18. On voit que pour un gap autour de 1eV , la densité de porteurs de charges est dans la gamme des 1011 cm−3 , soit environ 1010 fois moins que dans un métal. Finalement, en rapprochant l’équation 2.45 de l’équation 2.42, on détermine la valeur de l’énergie du niveau de Fermi EF . Un calcul simple conduit à ∗ EV + EC 3kB T me EF = (2.47) − ln 2 4 m∗h Comme il a été dit plus haut, les masses effectives ne varient pas sur plus d’une décade ; le terme kB T vaut 25, 8meV à 300K ; le gap est typiquement d’un eV : le second terme de la somme de l’équation 2.47 peut presque toujours être négligé. L’hypothèse faite plus haut consistant à situer le niveau de Fermi au milieu du gap se trouve justifiée. 2.3.3 Retour sur la notion de masse effective La masse effective est une quantité ad hoc, qui permet de continuer à utiliser les formules simples établies pour un gaz d’électrons libres, alors que la dynamique des porteurs de charge dans un semi-conducteur est tout à fait différente de la dynamique d’un gaz d’électrons libres. Pour prendre une analogie macroscopique, la dynamique d’un écureuil sautant d’arbre en arbre est tout à fait différente de celle de la même bestiole courant sur le sol. Si on établit une formule afin de calculer par exemple l’énergie dépensée par l’écureuil pour parcourir 100 mètres au sol à vitesse donnée, et qu’on voulait appliquer cette formule pour calculer la dépense énergétique pour un même déplacement à même vitesse dans les arbres, alors il faudrait aussi changer la masse réelle de l’écureuil par une masse effective qui serait sans doute sensiblement plus élevée. C’est le prix que paye l’écureuil pour sa sécurité... Continuons l’analogie zoologique : il est probable que la masse effective de l’écureuil diffèrera selon la typologie des arbres dans lesquels il se déplace. Le déplacement s’effectue sur de fortes ramures, il est probable que la masse effective sera plus faible que si le déplacement s’effectue sur de frêles branchettes qui ne ploient sur son passage. En fait, il en va de même pour les électrons. On a vu plus haut que le "paysage" vu par une fonction d’onde au cours de sa propagation diffère sensiblement d’une direction cristallographique à l’autre. On s’attend donc à ce qu’il en soit de même pour la masse effective. Techniquement, on peut retrouver tout ceci en regardant comment on calcule la masse effective. L’idée est d’approximer autour d’un extremum la relation de dispersion E(k) pour la bande de valence dans le calcul de la masse effective des trous, et pour la bande de conduction pour le calcul de la masse effective des électrons. Le développement limité de E(k) autour d’une valeur k0 quelconque E(k) = E(k0 ) + 1 ∂2E ∂E (k − k0 )2 + O (k − k0 )3 (k − k0 ) + 2 ∂k 2 ∂k 42 (2.48) 2.3 Les porteurs de charge dans un semi-conducteur 1/2 cond. C (diamant) Si Ge SiC GaAs GaSb InP InAs InSb CdTe gap (eV) 5,5 1,1 0,66 3,3 1,43 0,68 1,27 0,36 0,17 1,44 nature indirect indirect indirect indirect direct direct direct direct direct direct m∗el m∗et 1,4 0,36 0,92 0,19 1,59 0,082 0,3 0,4 0,067 0,043 0,073 0,023 0,012 0,090 m∗hh 2,18 0,53 0,35 0,84 0,62 0,49 0,85 0,60 0,47 1,38 m∗hl 0,7 0,16 0,043 0,79 0,074 0,046 0,0089 0,027 0,015 0,010 Table 2.3 – Caractéristiques de quelques semi-conducteurs. m∗hh coorespond à la masse effective des trous lourds (heavy holes) ; m∗hl coorespond à la masse effective des trous légers (light holes) ; m∗el correspond à la masse effective longitudinale de l’électron, lorsque l’électron se déplace dans la direction (100) ; m∗et correspond à la masse effective transverse de l’électron, lorsque l’électron se déplace dans une direction perpendiculaire. s’écrit autour d’un extrémum E(k) = E(k0 ) + 1 ∂2E (k − k0 )2 + O (k − k0 )3 2 2 ∂k (2.49) En comparant cette équation à la forme désirée 2.37, où k0 et E(k0 ) ont été fixés à 0, il vient m =~ ∗ 2 ∂2E ∂k 2 −1 (2.50) La figure 2.12 montre que les relations de dispersion dans la bande de conduction ne sont pas les mêmes selon l’axe cristallographique de propagation des électrons. Dans la bande de valence, pour des raisons qui nous importent peu dans le cadre de ce cours, coexistent des états électroniques avec des relations de dispersion différentes, donc des trous de masse différente. Pour un même semi-conducteur, on pourra ainsi parler d’une masse effective longitudinale ou transverse pour l’électron, et de trous lourds ou de trous légers. Le tableau 2.3 donne quelques caractéristiques de semi-conducteurs. Conclusion L’interaction des électrons avec le potentiel périodique créé par le cristal donne lieu à l’apparition d’une structure de bande, qui sépare clairement les métaux des autres solides. Les matériaux qui présentent une bande interdite entre une bande de valence pleine et une bande de conduction vide à T = 0 sont isolants ou semi-conducteurs. Formellement, la distinction entre les deux familles n’est pas aussi tranchée que ce qu’elle peut l’être avec les métaux. En réalité, le nombre de porteurs libres dépendant exponentiellement du gap, la distinction se fait bien entre une foule de matériaux isolants et quelques matériaux semi-conducteurs. Ceux-ci présentent tous la même structure électronique que les semi-conducteurs issus d’éléments de la colonne IV. La chimie permet de fabriquer une foule de semi-conducteurs composé : III-V, II-VI, binaires, ternaires, etc., différant par leur gap (largeur et nature directe ou indirecte), et par la masse effective de leurs électrons et de leur trous. Pour autant, nous n’avons pas encore parlé d’application. Ce n’est pas uniquement une question de paresse : il se trouve que la plupart des applications viendront lorsque les semi-conducteurs subiront deux manipulations supplémentaires : le dopage, qui consiste à y introduire des impuretés de manière très contrôlée dans les semi-conducteurs, et la réalisation de jonctions, qui 43 Chapitre 2 : Electrons dans les solides - structure de bandes comme leur nom l’indique, consistent le plus souvent à mettre en contact deux semi-conducteurs différents par leur dopage. Ces deux points seront examinés dans le chapitre suivant. 44 Chapitre 3 Dopage Introduction Dans le chapitre précédent nous avons vu comment la chimie permettait de fabriquer une foule de matériaux semi-conducteurs doués de propriétés variés. Malgré tout, dans les semiconducteurs décrits jusqu’ici, qualifiés d’intrinsèques, reste une contrainte forte qui est que le nombre d’électrons libres est toujours égal au nombre de trous. Dans ce chapitre, nous allons voir que le dopage permet de casser cette contrainte, ce qui multiplie encore la variété des propriétés des matériaux. En outre, nous verrons qu’introduire des dopants permet littéralement de jouer avec les niveaux de Fermi des composants, et ouvre la porte à des dispositifs appelés jonction doués de propriétés remarquable très largement utilisées dans toute l’électronique, c’est-à-dire pratiquement dans tout objet technologique... Doper un semi-conducteur, c’est y introduire des impuretés. En français, le mot "impureté" possède une connotation très négative, synonyme de souillure 1 . Il ne faudrait pas croire que les impuretés qui dopent un semi-conducteur consistent en n’importe quelle poussière ou tâche de graisse qui passe par là. Bien au contraire, le dopage est une opération techniquement élaborée, qui consiste à introduire dans le matériau des atomes exogènes sélectionnés et en concentration soigneusement contrôlée. 3.1 Exemple de dopage n : Silicium dopé à l’Arsenic Dans un semi-conducteur de la colonne IV, le dopage n constitue à introduire dans le semiconducteur une impureté pentavalente. Par exemple on introduira un atome d’Arsenic dans un cristal de Silicium. La représentation schématique en est donnée sur la figure 3.1. A T = 0, l’électron surnuméraire introduit avec l’atome d’Arsenic est localisé sur le l’Arsenic. En effet, cet atome, l’ion As+ est plus attractif pour un électron que l’atome de Silicium, qui est neutre. Cette localisation va correspondre sur un diagramme énergétique à ce qui sera appelé le niveau du dopant, et qui sera plus bas que la bande de conduction, qui, elle, est vide à T = 0. Si on chauffe assez le cristal, on va commencer à libérer des électrons. Il y a deux façons de le faire : – en créant un paire électron-trou comme dans le semi-conducteur intrinsèque. Coût énergétique : 1, 1eV ; – en détachant le 5ème électron d’un atome As. Coût énergétique : 49meV . 1. au sens matériel comme au sens moral... 45 Chapitre 3 : Dopage Figure 3.1 – Représentation schématique d’un cristal de Silicium dopé à l’Arsenic. A gauche, distribution des électrons sur les cœurs ioniques à T = 0. A droite, l’électron surnuméraire introduit par l’Arsenic a migré dans le semi-conducteur. La seconde solution est très favorisée énergétiquement. La raison en est qu’elle ne nécessite pas de casser une liaison chimique, puisque le cinquième électron de L’Arsenic n’est pas engagé dans une liaison. L’impureté introduite va donc donner très facilement un électron libre au semiconducteur ; on dit que l’Arsenic est un donneur d’électrons. Dire que détacher le 5ème électron de l’Arsenic est facile signifie que le niveau du dopant est proche de la bande de conduction. Le schéma énergétique du Silicium dopé à l’Arsenic correspond à la figure 3.2. Le niveau du dopant y est représenté par quelques états discrets pour se souvenir qu’il y a beaucoup moins d’états du dopant que d’états du semi-conducteur intrinsèque. L’évolution de l’occupation des états avec la température sera donc la suivante : Figure 3.2 – Représentation schématique de l’occupation des bandes dans un cristal dopé n. De gauche à droite, la température va croissant. Les électrons sont représentés en noir, les trous en blanc. Les carrés correspondent aux états du dopant : les trous qui occupent ces états ne sont pas mobiles et ne participent pas à la conduction. – figure 3.2, vue (a) : à T = 0, tous les états de la bande de valence, tous les états du dopant sont occupés, et la bande de valence est vide ; – figure 3.2, vue (b) : lorsque T augmente (typiquement quelques dizaines de K suffisent), quelques électrons qui occupait le niveau du dopant passent dans la bande de conduction. Les électrons qui quittent les états du dopant laissent derrière eux un ion positif : on est dans le régime d’ionisation. Cela ressemble à un trou, mais un trou fixe. En effet, il s’agit d’une charge + portée par un cœur ionique d’Arsenic qui reste impliqué dans quatre liaisons covalentes. De ce fait, cet ion n’attire pratiquement pas les électrons de ses voisins, comme le ferait un ion qui ne compterait que trois électrons périphériques. En effet, ainsi qu’on l’a vu plus haut, il faudrait 1, 1eV pour ioniser un voisin neutre tétravalant, et on ne récupèrerait que 49meV en neutralisant l’ion dopant. La charge + que constitue l’ion dopant dépouillé d’un électron ne peut donc pas migrer ; – figure 3.2, vue (c) : lorsque T augmente encore (autour de 300 K), tous les électrons qui occupaient le niveau de dopage sont passés dans la bande de conduction. Pour des concentrations de dopage usuelles (1016 cm−3 ), cela représente bien plus d’électrons libres que ceux qui sont résultent à même température de la création de paires électrons-trous. On est là dans le régime extrinsèque ; – figure 3.2, vue (d) : si T augmente encore, on commence à observer de manière significative la génération de paires électron-trou comme dans un semi-conducteur intrinsèque. En fait, ces porteurs de charge sont déjà générés dans le régime extrinsèque, mais de manière très minoritaire ; 46 3.2 Exemple de dopage p : Silicium dopé au Bore – figure 3.2, vue (d) : si T devient très grand, la majorité des charges sont dues à la création de paires électron-trou : on est dans le régime intrinsèque, parce que le dopage n’a plus guère d’effet. Dans le régime extrinsèque, la densité de porteurs de charges ne dépend pas de la température, alors que dans tous les autres régimes elle en dépend exponentiellement. On peut d’ailleurs se demander comment il peut se faire que le niveau du dopant soit complètement vide et que tous les électrons qu’elle contenait soient passés dans la bande de conduction, pourtant située plus haut en énergie : cela semble contredire la statisitque de Fermi-Dirac ! La raison en est que la densité d’état dans la bande de conduction est de beaucoup supérieure à ce qu’elle est dans le niveau du dopant, puisque les atomes du dopant sont en concentration faible devant les atomes du semi-conducteur. Ainsi, un électron qui "choisit" l’état qu’il va occuper se voit offrir nd états du dopant avec une probabilité Pd , et nc états de la bande de conduction avec une probabilité Pc ; il choisira de manière quasi certaine d’occuper la bande de conduction si nc Pc ≫ nd Pd . 3.2 Exemple de dopage p : Silicium dopé au Bore Dans un semi-conducteur de la colonne IV, le dopage n constitue à introduire dans le semiconducteur une impureté trivalente. Par exemple on introduira un atome de Bore dans un cristal de Silicium. La représentation schématique en est donnée sur la figure 3.3. A T = 0, le trou introduit avec l’atome de Bore est localisé sur le Bore. En effet, il faudrait dépenser plus d’énergie pour ioniser un atome de Silicium que ce qu’on en gagnerait à céder un 4ème électron à un atome de Bore neutre. Le Bore reste donc avec un état électronique non rempli situé plus haut que la bande de valence, qui, elle, est complète à T = 0. Si on chauffe assez le cristal, on va commencer à exciter des électrons. Il y a deux façons de le faire : – en créant une paire électron-trou comme dans le semi-conducteur intrinsèque. Coût énergétique : au moins 1, 1eV ; – en faisant migrer un électron du Silicium vers l’état non occupé de l’atome de Bore. Coût énergétique : 46meV . La seconde solution est très favorisée énergétiquement. La raison en est que si elle ne nécessite de fragiliser une liaison chimique entre deux atomes de Silicium, elle permet aussi de renforcer une liaison Si-B. L’impureté introduite va donc accepter très facilement un électron issu de la bande de valence du semi-conducteur ; on dit que le Bore est un accepteur d’électrons. La figure Figure 3.3 – Représentation schématique d’un cristal de Silicium dopé au Bore. A gauche, distribution des électrons sur les cœurs ioniques à T = 0. A droite, le trou introduit par le Bore a migré dans le semi-conducteur. 3.4 illustre l’occupation des différents états électroniques en fonction de la température pour un semi-conducteur dopé p. La symétrie avec la figure 3.2, qui illustre la même chose pour les semi-conducteurs dopés p, est frappante. Cette symétrie est aussi très générale : la discussion concernant les semi-conducteurs dopés p est analogue à celle sur les semi-conducteurs n, en inversant électrons et trous. Ce faisant, on doit aussi remplacer la probabilité d’occupation d’un état par un électron Pe (E) par celle de l’occuper par un trou Ph (E). Tout se passe comme si cela 47 Chapitre 3 : Dopage entrainait un changement de sens de l’axe des énergies ; en effet, Ph (E) + Pe (E) = Pe (E) = Ph (E) = 1 1 exp E−EF kB T exp − 1 E−EF kB T +1 +1 (3.1) Il est donc inutile de refaire les raisonnements de la section précédente pour les semi-conducteur dopés p. Figure 3.4 – Représentation schématique de l’occupation des bandes dans un cristal dopé p. De gauche à droite, la température va croissant. Les électrons sont représentés en noir, les trous en blanc. Les carrés correspondent aux états du dopant : les électrons qui occupent ces états ne sont pas mobiles et ne participent pas à la conduction. 3.3 Généralisation aux autres semi-conducteurs On a jusqu’ici parlé de dopage du Silicium par l’Arsenic, mais le principe du dopage n se généralise au semi-conducteurs homogènes de la colonne IV, qui peuvent être dopés par des éléments de la colonne V. Le tableau 3.1 donne la différence d’énergie entre le niveau du donneur Ed et le bas de la bande de conduction Ec . Les semi-conducteurs III-V peuvent aussi être dopés Si Ge B 46 10 Accepteurs Al Ga In 57 65 160 10 11 11 P 44 12 Donneurs As Sb Bi 49 39 69 13 9,6 Table 3.1 – Dopants des semi-conducteurs de la colonne IV. Le tableau indique des valeurs de Ec − Ed pour les donneurs, et de Ea − Ev pour les accepteurs. Ces énergies sont en meV n, et les possibilités sont plus nombreuses. On peut en effet soit remplacer un atome de la colonne III par un atome de la colonne IV, soit remplacer un atome de la colonne V par un atome de la colonne VI. Les possibilités pour le GaAs sont présentées dans le tableau 3.2. On peut noter que les éléments de la colonne IV sont donneurs ou accepteurs, selon qu’ils prennent la place d’un atome de la colonne III ou de la colonne V. Substitué Ga As Accepteurs Be Si Ge 28 5,8 6,1 Si 35 - Donneurs Ge S Se 40 6,1 5,9 Table 3.2 – Dopants de l’Arséniure de Gallium. Le tableau indique des valeurs de Ec − Ed pour les donneurs, et de Ea − Ev pour les accepteurs. Ces énergies sont en meV 48 3.4 Nombre de porteurs 3.4 Nombre de porteurs Appelons comme dans le chapitre précédent ne la densité volumique d’électrons libres et nh celle des trous libres. Les électrons libres proviennent soit de la bande de valence, par le biais de la création d’une paire électron-trou, soit de l’ionisation d’un atome donneur. Les trous libres proviennent soit de la bande de valence, par le biais de la création d’une paire électron-trou, soit de l’ionisation d’un atome accepteur. En appelant npaires la densité des charges libres issus d’une transition entre bande de valence et bandes de conduction, Nd+ la densité des atomes donneurs ionisés positivement, et Na− la densité des atomes accepteurs ionisés négativement, la description des densités de charges dans les semi-conducteurs dopés p ou n est telle que décrite dans le tableau 3.3. Le nombre de porteurs libres, ne pour les électrons, et nh pour les trous, vaut donc Intrinsèques Mobiles dues au dopage Fixes dues au dopage Dopage n Chrg - Chrg + npaires npaires Nd+ Nd+ Intrinsèque Chrg - Chrg + npaires npaires Dopage p Chrg - Chrg + npaires npaires Na− Na− Table 3.3 – Densité volumique de charges dans les semi-conducteurs pour les semi-conducteurs dopés n ne nh = Nd+ + npaires = npaires (3.2) et pour pour les semi-conducteurs dopés p ne nh = npaires = Na− + npaires (3.3) Le calcul exact de la densité de charges est très compliqué. Dans le cadre de ce cours, nous nous intéresserons exclusivement au fonctionnement typique des semi-conducteurs dopés, où – on se trouve dans le régime extrinsèque, ce qui signifie que Nd+ est égal à Nd , concentration de donneurs, ou que Na− est égal à Na , concentration d’accepteurs ; – cette concentration de dopant, Nd ou Na , est très supérieure à Npaires . Tous les semiconducteurs usuels, avec des taux de dopage dépassant les 1015 cm−3 et des gaps de l’ordre de l’eV , sont dans cette situation. Dans ces conditions, pour le semi-conducteur n, il est légitime de faire l’approximation ne = Nd . On en déduit la valeur de nh en utilisant la loi d’action de masse 2 établie au chapitre précédent (équation 2.44), qui dit que 3 Egap kB T 3/2 (3.4) exp − ne nh = 4 (m∗e m∗h ) 2π~2 kB T En reportant la valeur ne = Nd dans cette équation, il vient pour les semi-conducteurs n 3 4 kB T Egap ∗ ∗ 3/2 ne = Nd nh = (3.5) (me mh ) exp − Nd 2π~2 kB T De la même façon, pour un semi-conducteur dopé p, il vient 3 4 kB T Egap 3/2 nh = Na ne = (m∗e m∗h ) exp − Na 2π~2 kB T (3.6) 2. On pourrait objecter que cette loi a été établie dans le contexte d’un semi-conducteur intrinsèque. Mais dans ce contexte, elle a répondu à la question « comment placer le niveau de Fermi pour répartir ne électrons et nh trous entre bande de valence et bande de conduction ? », sans mettre aucune contrainte sur ne et nh , et en particulier pas la contrainte ne = nh . Or dans la description du régime extrinsèque faite ici, nous affirmons que les niveaux du dopant sont vides, et qu’électrons et trous sont à répartir uniquement entre bande de valence et bande de conduction. Nous sommes donc bien dans le cadre où la loi d’action de masse a été établie. 49 Chapitre 3 : Dopage Regardons les ordres de grandeur typiques. En prenant me = mh = m, Egap = 1eV et T = 300K, l’équation 3.5 donne ne = Nd nh = 1, 05 1022 cm−6 Nd (3.7) ne = 1, 05 1022 cm−6 Nd (3.8) ou son pendant en dopage p : nh = Na La relation numérique 3.7 est illustrée par la figure 3.5. On voit que le rapport du nombre de trous au nombre d’électrons, sur toute la gamme des dopages usuels (de 1015 cm−3 à 1020 cm−3 ), atteint au mieux 10−8 . C’est l’origine de la terminologie usuelle pour désigner les porteurs de charge indépendamment de la nature du dopage : on parlera de porteurs minoritaires (trous en dopage n et électrons en dopage p), et de porteurs majoritaires (électrons en dopage n et trous en dopage p). Dans le semi-conducteur modèle utilisé pour tracer la figure 3.5 (caractérise par Figure 3.5 – Rapport du nombre de porteurs minoritaires n au nombre de porteurs majoritaires N . me = mh = m, Egap = 1eV et T = 300K), et en l’absence de dopage, la densité d’électrons libres ne et la densité de trous nh valent toutes deux 1011 cm−3 . Avec un dopage même faible (Nd = 10−15 cm−3 ), le nombre de trous chute à 107 cm−3 , soit 10000 fois moins. Cette baisse du nombre de trous est liée au caractère dynamique de l’équilibre des charges libres. Il ne faudrait pas croire que les trous d’un semi-conducteur n sont quelques rares entités survivant ad æternam dans le matériau. Au contraire, ils naissent au gré des fluctuations thermiques, diffusent aléatoirement dans le cristal, rencontrent par hasard sur un électron libre, ce qui signe leur mort à tous les deux. Dans un cristal dopé, le taux de création reste le même. En revanche, un trou qui se promène au hasard a de bien plus fortes probabilités de tomber sur un électron libre. Sa durée de vie, et de ce fait la population globale des trous, diminuent fortement. La situation n’est pas identique pour les électrons, porteurs majoritaires. Certes, à cause de la neutralité électrique du cristal, ils rencontrent aussi souvent des trous que ce que les trous rencontrent des électrons. Mais l’énorme majorité de ces trous sont des trous fixes, qui ne font pas disparaître les électrons libres : ils leurs sont tellement peu liés (cf. tableaux 3.1 et 3.2) qu’ils les quittent très rapidement. La disparition des électrons libres ne peut résulter que d’une rencontre avec l’un des rares trous mobiles. Les électrons libres ont donc une grande durée de vie dans un semi-conducteur n. En généralisant ce résultat, qui n’est autre qu’une paraphrase littérale de la loi d’action de masse, on peut dire que la durée de vue des porteurs majoritaires est grande, alors que celle des porteurs minoritaires est brève. 50 3.5 Niveau de Fermi 3.5 Niveau de Fermi Dans cette section nous allons établir l’expression du niveau de Fermi en régime extrinsèque, c’est à dire lorsque ne = Nd . Or dans ce régime, l’expression 2.42 rappelée ici 3/2 ∗ EC − EF me kB T (3.9) exp − ne = 2 2π~2 kB T reste valable. On peut décliner cette équation pour le cas intrinsèque d’une part et en dopage n d’autre part ! ∗ 3/2 (i) EC − E F me kB T (i) ne = 2 exp − 2π~2 kB T ! 3/2 ∗ (n) EC − E F me kB T (3.10) exp − Nd = 2 2π~2 kB T où les labels (i) et (f ) renvoient respectivement au régime intrinsèque et au dopage n. En divisant la première égalité par la seconde, il vient Nd (n) (i) EF = EF + kB T ln (3.11) (i) ne et, de la même façon pour le dopage p : Na (p) (i) (3.12) EF = EF − kB T ln (i) ne Rappelons que le niveau de Fermi en régime intrinsèque est sensiblement au milieu de la bande interdite (cf. équation 2.47), et que les concentrations en dopant Nd ou Na sont très grandes (i) devant ne , concentration en électrons libres dans un semi-conducteur intrinsèque. Le niveau de Fermi se déplace donc fortement vers la bande de conduction dans un semi-conducteur n, et vers la bande de valence dans un semi-conducteur p. Figure 3.6 – Niveaux de Fermi dans un semi-conducteur dopé n (à gauche), intrinsèque (au centre), ou dopé p (à droite). En passant, on voit que le niveau de Fermi peut tout à fait passer à l’intérieur de la bande de valence ou de la bande de conduction à taux de dopage très élevé. On parle alors de semiconducteur dégénéré. 3.6 Courant électrique, mobilité, résistivité Nous allons dans cette section repartir des résultats établis dans le modèle de Drude (paragraphe) du gaz d’électrons libres classiques, et modifier les résultats pour correspondre à la description plus élaborée que nous venons de donner des porteurs de charge. 51 Chapitre 3 : Dopage Rappelons d’abord les expressions la mobilité des électrons µe , de la conductivité électronique σe , de la densité de courant électronique j~e établis dans le modèle classique du gaz d’électrons libres (équations 1.13 à 1.16), où les seuls porteurs de charge sont les électrons de masse m en concentration ne : µe = eτ m σe = ne eµe ~ ~je = σe E (3.13) Rappelons que pour établir ces équations, on a introduit phénoménologiquement la durée τ , définie comme un temps caractéristique de la relaxation des électrons, qu’on avait interprété comme une moyenne de la durée qui s’écoule entre deux collisions de l’électron avec les cœurs ioniques. Dans un semi-conducteurs, ces équations doivent être modifiées de la manière suivante : – il faut tenir compte du fait qu’il existe deux types de porteurs de charge, les électrons de charge −e et les trous, de charge e ; – la concentration volumique de ces porteurs de charge dépend du dopage du semi-conducteur et de sa température (surtout dans le cas d’un semi-conducteur intrinsèque) ; – ces électrons et ces trous n’ont pas la même masse m que l’électron libre, mais une masse effective 3 m∗e et m∗h , paramètre introduit pour rendre compte d’une dynamique de déplacement des porteurs de charge en milieu cristallin. On obtient ainsi l’expression de la densité de courant, somme d’une contribution des trous ~jh , et d’une contribution des électrons ~je ~ + σe E ~ = σE ~ ~j = ~jh + ~je = σh E (3.14) La conductivité des trous et des électrons est reliée à la concentration et à la mobilité de chacun de ces porteurs σh = nh eµh σe = ne eµe (3.15) la mobilité des porteurs étant elle-même donnée par µh = eτh m∗h µe = eτe m∗e (3.16) On s’attend à une forte dépendance de la conductivité vis-à-vis du dopage, puisque, comme on l’a vu plus haut, le nombre de porteurs de charges augmente de plusieurs ordres de grandeurs lorsqu’on dope un semi-conducteur. C’est bien ce qui est observé, par exemple pour le Silicium à 300K : – pour le matériau intrinsèque, σ = 2, 6 10−4 Ω−1 m−1 ; – pour le matériau dopé à Nd = 1017 cm−3 , σ = 3 103 Ω−1 m−1 La conductivité est augmentée d’un facteur 107 par le dopage. Notons toutefois qu’elle reste très loin de celle d’un métal : pour le Cuivre, σ = 6, 5 107 Ω−1 m−1 . Le tableau 3.4 donne les valeurs des mobilités pour des semi-conducteurs courants. On voit que la mobilité des électrons est bien plus grande que celle des trous, d’un facteur pouvant aller jusqu’à 70 dans le cas de l’InSb. Ceci est à rapprocher du fait qu’un électron libre est sur une orbitale antiliante (cf. figure 2.14), ce qui veut dire qu’il ne demande qu’à se séparer du cœur ionique auprès duquel il est situé. En revanche, le déplacement d’un trou d’un site A à un site B, qui physiquement correspond au déplacement d’un électron du site B au site A, est initié par le départ d’un électron liant du site B, opération plus couteuse énergétiquement. Un autre facteur important influe sur la mobilité, caché dans le terme τ . Ce terme est lié aux collisions que subit la charge au cours de son déplacement. Dans la représentation classique, ces collisions peuvent avoir lieu soit avec des atomes du semi-conducteur, soit avec des atomes du dopant. La description quantique est un peu plus subtile : l’expression des ondes progressives 3. pour ne pas alourdir le propos, on oubliera provisoirement l’existence de plusieurs masses effectives pour chaque porteur de charge. 52 3.6 Courant électrique, mobilité, résistivité µe µh Si 1900 480 Ge 3800 1800 GaP 80 17 GaAs 8500 400 GaSb 4000 650 InP 4600 700 InAs 30000 240 InSb 70000 1000 Table 3.4 – Mobilité typique en cm2 V −1 s−1 des électrons et des trous dans quelques semi-conducteurs décrivant le mouvement des électrons dans le champ périodique des cœurs ioniques décrivant semi-conducteur intrinsèque intègre par construction l’interaction des électrons avec les noyaux immobiles d’une strcuture strictement périodique. Il n’y a donc pas lieu de limiter la mobilité des charges par des phénomènes dissipatifs qui n’existent pas dans un cristal parfait à température nulle, puisque, en quelques sortent, les états propres électroniques savent dans ces conditions « éviter » les collisions. Ces collisions n’ont donc lieu que si on prend en compte tout ce qui diffère des conditions idéales évoquées ci-dessus : – lorsque les atomes du semi-conducteur bougent : le vocabulaire quantique dit alors que les porteurs échangent de l’énergie avec les phonons, qui sont les modes (collectifs) de déplacement des cœurs ioniques ; – lorsque les porteurs de charge passent au voisinage d’impuretés. Une façon simple de comprendre cela est qu’une impureté est toujours chargée, et donc diffuse les porteurs (cf. figure 3.7) Figure 3.7 – Diffusion élastique d’un électron par une charge positive ou négative. Les trajectoires sont des hyperboles, d’autant plus repliées, toutes choses égales par ailleurs, que la vitesse de l’électron est faible. La dépendance en température des deux types de relaxation est très différente. Une règle générale est qu’un porteur de charge de haute énergie, qui passe vite devant les centres perturbateurs, s’en trouve moins affecté que s’il passe lentement. On s’attendrait donc à une relaxation moins rapide, donc une mobilité plus grande, lorsque la température augmente, et c’est bien ce qui est observé avec les phénomènes de diffusion par les impuretés. Figure 3.8 – Mobilité des électrons dans le Silicium en fonction de la température. Différents taux de dopage sont représentés, indiquée en cm−3 sur la figure. 53 Chapitre 3 : Dopage Pour le couplage aux phonons, c’est à dire aux vibrations du réseau cristallin, la situation est plus compliquée, car l’existence et l’importance de ces vibrations sont elles-mêmes liées à la température. Quand T augmente, les porteurs de charge sont moins sensibles à une vibration du réseau d’amplitude donnée, mais en même temps l’amplitude des vibrations augmente. Il se trouve que le second effet l’emporte sur le premier et que, in fine, la mobilité des porteurs décroit avec l’énergie. Pour les semi-conducteurs intrinsèques la mobilité est donc une fonction décroissante de la température. En revanche, pour les semi-conducteurs dopés, la conductivité est dominée à basse température pare la diffusion sur les impuretés, et est donc d’autant plus faible que le dopage est élevé. Elle croît avec la température jusqu’au point où la relaxation est dominée par les couplages avec les phonons, où elle devient décroissante (cf. figure 3.8). L’ensemble des résultats est qualitativement résumé dans le tableau suivant : Dopage Semi-conducteur intrinsèque Nombre de porteurs Très faible, augmente vite avec T Dopage faible Grand, quasiment indépendant de la température en régime extrinsèque Très grand, quasiment indépendant de la température en régime extrinsèque Dopage fort 54 Mobilité Forte. Diminue avec T à cause des vibrations du réseau Moyenne, diminue avec T à cause des vibrations du réseau Conductivité Faible, croissante avec T Faible à basse température à cause de la diffusion sur les impuretés, et à haute température à cause des vibrations du réseau. Passe par un maximun aux températures usuelles Grande Moyenne, avec T diminue Chapitre 4 Jonctions Introduction On a vu jusqu’ici que les semi-conducteurs étaient des matériaux aux propriétés électriques originales, mais on n’en a encore évoqué aucune utilisation pratique. La grosse majorité de ces applications viennent d’un dispositif que l’on va décrire dans ce chapitre, au premier rang desquels la jonction pn, mais aussi d’autres types de jonctions. 4.1 La jonction pn Comme son nom l’indique, une jonction pn peut être imaginée comme le résultat de la mise en contact d’un semi-conducteur dopé p et d’un semi-conducteur dopé n. Une telle opération permet de fabriquer par la pensée une jonction dite abrupte car présentant une discontinuité dans la distribution des impuretés. 1 4.1.1 La jonction pn à l’équilibre Dans cette section, nous allons regarder les propriétés de la jonction pn à l’équilibre thermodynamique lorsqu’aucun champ électrique ne lui est appliqué. Approche qualitative On imagine les deux semi-conducteurs de même substrat mais dopés différemment, sont soudainement mis en contact à la date t = 0. Dans un premier temps on va complètement oublier les porteurs minoritaires, et regarder l’évolution des porteurs majoritaires. Ces porteurs sont animés de mouvements erratiques dus à la diffusion. Pour prendre une image guerrière, cette diffusion va conduire quelques électrons libres à tenter d’envahir la région p. Du côté p de la frontière, ces électrons envahisseurs ont une forte probabilité de rencontrer des trous libres, qui vont se sacrifier pour les détruire. Bien évidemment, le scénario symétrique de déroule du côté n de la frontière, ou quelques électrons libres se sacrifient pour détruire les trous envahisseurs issus de la zone p. Il se crée donc une zone dite de déplétion, d’où les charges libres ont disparu. L’histoire pourrait ne cesser que faute de combattants. Ce n’est pas le cas, car le phénomène s’autolimite : en effet, dans la zone de déplétion, si les charges libres ont disparu, il reste les charges fixes, qui, 1. Cette mise en contact devant être réalisée en maintenant la continuité de la structure cristalline, il est clair que du point de vue technologique une jonction ne s’obtient pas en collant deux morceaux de semi-conducteurs... 55 Chapitre 4 : Jonctions Figure 4.1 – Scénario de mise en équilibre d’une jonction pn. Les charges sont repérées par un + ou un -. Les charges fixes sont encerclées. En haut, avant relaxation de la distribution de porteurs. En bas, après relaxation. La zone grisée est la zone de déplétion. comme leur nom l’indique, n’ont pas bougé. Pour cette raison, la zone de déplétion est souvent appelée zone de charge d’espace, pour bien marquer le fait que contrairement à un métal, où des charges éventuelle ne peuvent exister qu’en surface, cette zone chargée possède dans le semiconducteur une extension spatiale. Au voisinage de la frontière, le semi-conducteur se trouve de ce fait chargé positivement dans la zone n, et négativement dans la zone p. La migration des premiers envahisseurs a eu pour effet de créer un champ électrique dirigé de la zone p vers la zone n, qui s’oppose au mouvement des électrons vers la zone p et des trous vers la zone n. En première approximation, on peut imaginer que ce champ va croitre jusqu’à bloquer tout transfert. La réalité est plus subtile que cela, et fait intervenir les porteurs minoritaires. A ceuxlà, l’existence du champ dans la zone de déplétion facilite énormément le passage dans le camp adverse : 1. dans la zone de déplétion, un porteur minoritaire ne court plus le risque d’une rencontre mortelle avec un porteur majoritaire ; 2. le champ électrique l’entraine vers le camp opposé, où il acquiert le statut de porteur majoritaire. Pour compléter l’image de guerre et de frontière, un porteur minoritaire qui traverse la frontière doit avoir l’impression de rentrer au pays... On pourrait en venir à croire que tous les porteurs minoritaires vont traverser la frontière. Mais cela violerait la loi d’action de masse ! En fait, pour éviter d’en arriver à cette contradiction, il faut admettre que le champ dans la zone de déplétion ne croît pas jusqu’à bloquer complètement le transfert des porteurs majoritaires. Il suffit qu’il le rende suffisamment difficile pour que le flux des porteurs majoritaires dans un sens (envahissement du territoire opposé) diminue jusqu’à compenser exactement le flux porteurs minoritaires qui traversent la frontière dans l’autre sens (retour au pays). En d’autre termes un équilibre s’établit entre le courant des porteurs majoritaires, très nombreux mais se porduisant pour chaque porteur très difficilement, et cleui des porteurs minoritaires, très rares mais pour lesquels la diffusion est facile. Avec un registre de langage plus scientifique, on dit qu’à l’équilibre le courant de diffusion des porteurs majoritaires compense le courant d’entrainement des porteurs minoritaires. Mise en équation Les équations régissant la jonction pn seront établies dans le cadre d’un modèle basé sur deux hypothèses : 56 4.1 La jonction pn 1. les transitions sont abruptes, non seulement entre les parties dopées n et p, mais, pour chacune de ces parties, entre la zone de déplétion, où ne subsiste aucune charge libre, et le reste du matériau ; 2. la surface de la jonction sera traitée comme un plan infini. Toutes les propriétés du matériau ne dépendent donc que de la coordonnée x le long d’un axe perpendiculaire à la jonction. On choisira l’origine de cet axe sur la jonction, et on placera arbitrairement la zone p du côté x < 0 et la zone n du côté x > 0. En revanche, on considèrera que les dopages dans la zone n et dans la zone p ne sont pas identiques, mais caractérisés par des concentrations de donneurs Nd et d’accepteurs Na différents. Cette configuration dissymétrique est la plus utilisée dans les jonctions. La zone de déplétion p s’étend de x = xa (xa est négatif !) à x = 0, et la zone dopée n s’étend de x = 0 à x = xd . Dans cette zone, les charges fixes positives du côté p de la jonction compensent exactement les charges fixes négatives du côté n. On a donc Na xa + Nd xd = 0 (4.1) La première étape du calcul consiste à calculer le champ électrique dans le semi-conducteur. Pour cela, on s’appuie sur un résultat bien connu en électrostatique 2 : le champ créé par un plan possédant une charge surfacique σ dans un milieu de permittivité ǫ vaut E= σ 2ǫ (4.2) Le module du champ ne dépend pas de la distance au plan. Le champ est orienté vers la surface, si σ < 0, et vers le matériau dans le cas contraire. A partir de l’équation précédente, on établit très facilement qu’un volume limité par deux plans d’abscisse x et x + dx, portant un charge volumique ρ crée un champ de module dE = ρ dx 2ǫ (4.3) En intégrant cette équation, ce qui est trivial, on voit que le champ créé par une tranche infinie limitée par deux plans d’abscisse x et x + ∆x, portant un charge volumique ρ a pour module E= ρ ∆x 2ǫ (4.4) Ces résultats s’appliquent directement au champ dans le semi-conducteur en appliquant les re- Figure 4.2 – Champ électrique crée par un plan infini chargé en surface (à gauche) et par une tranche infinie d’épaisseur ∆x chargée en volume. lations 4.1, 4.4, et bien sûr en veillant à orienter correctement les vecteurs champs électriques : – pour x < xa , le champ total résulte de la superposition 1. du champ créé par une boite située à droite, d’épaisseur −xa , et portant une densité de charge −eNa 2. C’est l’un des exemples-types d’application du théorème de Gauss 57 Chapitre 4 : Jonctions 2. et du champ créé par une boite elle aussi située à droite, d’épaisseur xd , et portant une densité de charge eNd ; – pour xa < x < 0, le champ total résulte de la superposition 1. du champ créé par une boite située à gauche, d’épaisseur x−xa , et portant une densité de charge −eNa 2. du champ créé par une boite située à droite, d’épaisseur −x, et portant une densité de charge −eNa 3. et du champ créé par une boite elle aussi située à droite, d’épaisseur xd , et portant une densité de charge eNd ; – pour 0 < x < xd , le champ total résulte de la superposition 1. du champ créé par une boite située à gauche, d’épaisseur −xa , et portant une densité de charge −eNa 2. du champ créé par une boite elle aussi située à gauche, d’épaisseur x, et portant une densité de charge eNd 3. et du champ créé par une boite elle aussi située à droite, d’épaisseur xd − x, et portant une densité de charge eNd ; – pour x > xd , le champ total résulte de la superposition 1. du champ créé par une boite située à gauche, d’épaisseur −xa portant une densité de charge −eNa 2. et du champ créé par une boite elle aussi située à gauche, d’épaisseur xd portant une densité de charge eNd . Un calcul très élémentaire conduit à E=0 −eNa (x − xa ) E= ǫ eNd (x − xd ) E= ǫ E=0 pour x < xa pour xa < x < 0 pour 0 < x < xd pour x > xd (4.5) ~ V ), celui-ci s’obtient en intégrant par rapport à x. ~ = −grad Le champ dérivant du potentiel (E Chaque intégration fait apparaître une constante. Fixer l’origine des potentiel en x = 0 détermine cette constante pour les deux parties de la zone de déplétion. Hors de la zone de déplétion (x < xa ou x > xd ), la constante se détermine en imposant que le potentiel soit continu, puisqu’aucune densité de charge infinie n’existe. Il vient : −eNa x2a 2ǫ eNa (x − 2xa )x V = 2ǫ eNd (2xd − x)x V = 2ǫ eNd x2d V = 2ǫ V = pour x < xa pour xa < x < 0 pour 0 < x < xd pour x > xd (4.6) Cette variation du potentiel en fonction de x se traduit par une déformation des bandes de valence et de conduction à la traversée de la jonction. En effet, ce potentiel électrique correspond à une énergie potentielle −eV , qui se rajoute au potentiel crée par le cristal. Tous ces résultats sont synthétisés sur la figure 4.3. A ce stade cependant, nous n’avons encore que des résultats partiels, parce que toutes les grandeurs calculées s’expriment en fonction de xa et de xd . Or ce n’est pas l’expérimentateur qui fixe la largeur de la zone de déplétion. Comme on l’a vu dans la section précédente, c’est le 58 4.1 La jonction pn Figure 4.3 – Description d’une jonction à l’équilibre en l’absence de courant appliqué en fonction de la distance x à la jonction. De haut en bas, densité totale de charge ρ, composante x du champ électrique, potentiel V , énergie des bandes de valence (BV) et de conduction (BC) système qui réagit en formant une zone de déplétion possédant les caractéristiques nécessaires à l’annulation de tout courant dans la jonction à l’équilibre. Pour déterminer xa et de xd , on va évaluer d’une autre façon la différence de potentiel qui apparaît entre la zone p et la zone n. On s’appuie pour cela sur une propriété très importante : à l’équilibre, le niveau de Fermi est le même pour le semi-conducteur entier 3 . Lorsqu’on met les deux sous-systèmes en contact, il convient donc de faire coincider les énergies de leur niveau de Fermi. Les équations 3.11 et 3.12) que lorsqu’ils sont disjoints, les niveaux de Fermi des régions n et p sont décalés de Na Nd Na Nd (n) (p) EF − EF = kB T ln + k T ln = k T ln (4.7) B B (i) (i) (i)2 ne ne ne Enles ramenant à la même valeur, on décale le niveau du haut de la bande de valence (ou du bas (n) (p) de la zone de conduction) de EF − EF . Cette différence d’énergie correspond à une différence de potentiel aux bornes de la jonction donnée par Na Nd kB T (4.8) ln V0 = (i)2 e ne Cette quantité se calcule à partir de caractéristiques connues de la jonction : nature du semiconducteur, taux de dopage. On peut donc l’utiliser pour calculer toutes les autres caractéris3. Cette propriété est liée aux fondements mêmes de la physique statistique, qui dit que la probabilité d’occupation d’un état ne dépend que de son énergie, et non d’autres grandeurs telles que de sa situation dans l’espace. Supposons que les niveaux de Fermi diffèrent dans la zone n et dans la zone p, et, pour fixer les idées, que le F ermi soit supérieur au niveau de Fermi dans la zone p, E F ermi . A ce moment, niveau de Fermi dans la zone n, En p F ermi serait supérieure à 1/2 dans la la probabilité d’occupation d’un état d’énergie E telle que EpF ermi <E< En zone n, et inférieure à 1/2 dans la zone p (cf. figure 1.7), ce qui n’est pas admissible. Le niveau de Fermi prend donc la même valeur dans tout le semi-conducteur en équilibre. 59 Chapitre 4 : Jonctions tiques de la jonction, via l’équation 4.6 : V0 = V (x > xd ) − V (x < x − a) = qui conduit, à l’aide de la relation 4.1, à s Nd 2ǫ V0 |xa | = e Na (Na + Nd ) et e (Na x2a + Nd x2d ) 2ǫ |xd | = s Na 2ǫ V0 e Nd (Na + Nd ) et à la valeur maximale du champ électrique en x = 0 s 2e Na Nd Emax = V0 ǫ (Na + Nd ) (4.9) (4.10) (4.11) Applications numériques, avec du Silicium. Le nombre d’électrons du semi-conducteur intrinsèque (i) se calcule à partir de la formule 2.46 : ne = 2 1010 cm−3 – dopage faible et symétrique (Na = Nd = 1015 cm−3 ) : V0 = 0, 56eV . |xa | = |xd | = 0, 61µm. Emax = 9, 2kV /cm – dopage fort et asymétrique (Na = 1018 cm−3 et Nd = 1017 cm−3 ) : V0 = 0, 86eV . |xa | = 10nm et |xd | = 102nm. Emax = 150kV /cm La zone de déplétion se mesure en micron ou fraction de micron. Elle est d’autant plus grande que le dopage est faible. En cas d’asymétrie de dopage, elle s’étend plus dans la zone la moins dopée. Les valeurs caractéristiques du champ électrique dans cette zone sont énormes. Pour terminer cette partie, un retour critique sur une approximation faite dans au cours du calcul en considérant la surface de contact entre zones n et p comme un plan infini. Pour que cette approximation soit justifiée, il suffit que les dimensions transverses de la jonction soient très grandes devant l’épaisseur de la zone de déplétion. Vu la largeur très réduite de la jonction, qui se mesure au plus en microns, c’est toujours le cas. 4.1.2 Jonction pn hors équilibre en régime stationnaire Regardons maintenant ce qui se passe lorsqu’on applique une différence de potentiel Va au composant qui contient la jonction, la diode. On s’attend a priori à ce qu’un courant y circule, ce qui veut dire qu’il n’est plus à l’équilibre. Cela ne l’empêche bien sûr pas d’atteindre un état stationnaire, où les courants sont constants. C’est cet état stationnaire que l’on cherche à décrire ici. Pour cela, on réalise le montage (simpliste) de la figure 4.4 : une source de tension, un fil métallique. Mais avant d’appliquer une tension Va à l’aide du générateur, on peut se demander si le composant ne présente pas même à l’équilibre une tension entre ses bornes. La figure 4.3 pourrait le laisser croire : la tension V0 aux bornes de la jonction semble se retrouver aux bornes du composant. Cette assertion présente un caractère choquant. En effet, si on accepte l’idée d’une tension permanente aux bornes de la diode, on prédit qu’il circulera un courant électrique permanent en l’absence de générateur, donc la génération d’une puissance électrique par un composant passif en régime permanent ! La clé du paradoxe est la suivante : de la même façon qu’il apparaît une tension aux bornes de la jonction pn, il apparaît une tension aux bornes de chacune des deux jonctions entre semi-conducteur et le métal (cf. paragraphe 4.2.5). La tension aux bornes du composant n’est donc pas la tension aux bornes de la jonction. L’étude détaillée de ces jonctions, que nous ne mènerons pas ici, montre que si Va = 0, alors il n’y a pas de tension aux bornes du composant. Ouf... Lorsqu’on applique une tension Va non nulle aux bornes du composant, cette tension appliquée va se répartir entre 5 domaines : 1. la jonction métal - zone dopée p ; 60 4.1 La jonction pn Figure 4.4 – Polariser une diode : à gauche, le montage le plus simple. Au centre, tensions aux points (a) à (d) lorsque Va = 0. A droite, idem lorsque Va > 0. 2. la zone dopée p ; 3. la zone de déplétion que constitue la jonction pn ; 4. la zone dopée n ; 5. la jonction zone dopée n - métal. Si on fait bien les choses, c’est-à-dire si on soigne les jonctions métal semi-conducteur de façon à ce qu’elles conduisent bien le courant, la zone de déplétion, qui compte une très faible densité de porteurs, sera de loin la zone de plus grande résistance. Elle "encaissera" donc pratiquement l’intégralité de la tension appliquée. Autrement dit, si on appelle V0 la tension aux bornes de la jonction à l’équilibre, la tension V aux bornes de la jonction est liée à la tension Va appliquée au composant par la relation V = V0 − Va (4.12) relation sujette à la convention de signe suivante : Va = Vp − Vn , différence de tension entre la face p et la face n du composant. Description qualitative On a vu dans la section précédente que la situation d’équilibre pour une jonction pn résultait d’un équilibre entre quatre courants électriques pris deux à deux. Les électrons majoritaires de la zone n tentent d’envahir la zone p. La probabilité qu’a chacun de ces électrons de franchir la barrière de potentiel eV0 est très faible. Les électrons minoritaires de la zone p sont au contraire aidés par la marche de potentiel à regagner la zone n. Les deux courants d’électrons s’équilibrent. Une description tout à fait symétrique peut être donnée pour les courants de trous. Pour comprendre ce qui se passe dans une jonction polarisée, il est important de voir d’où vient la limitation de ces courants. Pour les courants minoritaires, elle réside dans le nombre faible de porteurs, qui ne doivent leur existence qu’à création de paires électrons-trous par des processus thermiques reliés uniquement à la température 4 . Les courants majoritaires sont eux limités par la difficulté à franchir la barrière de potentiel que constitue la jonction. Quand on applique au bornes du composant une tension Va > 0, la barrière V0 − Va devient plus facile à franchir pour les porteurs majoritaires. Un grand nombre de trous majoritaires envahit la région n, où ils de font annihiler par les électrons majoritaires. En même temps, un grand nombre d’électrons majoritaires envahit la région p, où ils se font annihiler par des trous majoritaires. Le courant dû aux porteurs majoritaires augmente donc, et potentiellement de beaucoup, alors que de son côté, le courant dû aux porteurs minoritaires ne varie pas. Le bilan des courants dans la jonction conduit à une diminution des porteurs majoritaires par annihilation de paires électron-trou. En régime stationnaire, cette diminution est compensée par l’injection de courant dans le composant ; ce courant circule dans le sens direct (de la région p vers la région n). 4. sauf si on met de la lumière là dedans.. 61 Chapitre 4 : Jonctions Figure 4.5 – Equilibre des courants dans une jonction pn. A gauche, jonction à l’équilibre. Au centre, jonction polarisée dans le sens direct. A droite, jonction polarisée dans le sens inverse. Au contraire, quand on applique une tension Va < 0, la barrière V0 −Va devient plus difficile à franchir pour les porteurs majoritaires. Le courant dû à ces porteurs diminue, alors que courant dû aux porteurs minoritaires ne varie toujours pas. Il y a plus de porteurs minoritaires que de porteur majoritaires qui traversent la jonction. Or en traversant la jonction, un porteur minoritaire change de statut, et se retrouve majoritaire. Il a donc une probabilité très faible de subir une annihilation. Le bilan des courants dans la jonction se traduit donc par une croissance des porteurs majoritaires de part et d’autres de la jonction. En régime stationnaire, le nombre de porteurs est maintenu constant en extrayant des porteurs minoritaires des deux faces, c’est-à-dire en faisant circuler un courant de la région n vers la région p. Courants direct et inverse ne sont pas du même ordre de grandeur. Rappelons qu’à l’équilibre, l’absence de courant dans la jonction s’explique par un équilibre entre le courant d’une diffusion (difficile) des porteurs majoritaires dans un sens et d’une diffusion (facile) des porteurs minoritaires dans l’autre, et que les tensions appliquées ne changent pas notablement le courant des porteurs minoritaires. Appliquer une tension revient a perturber cet équilibre, essentiellement en bloquant le transfert des majoritaires, qui de toute façon était déjà difficile à l’équilibre, ou au contraire en le débloquant tout à fait, ce qui constitue un changement qualitatif dans le comportement des charges. En schématisant à l’extrême, la diode ne laisse passer le courant que dans le sens direct. Mise en équation La mise en équation de ce qui précède va être menée dans le cadre d’un modèle très simple, basée sur les hypothèses suivantes : 1. on considèrera comme on l’a déjà fait plus haut que dans la jonction, les courants dus aux porteurs minoritaires ne dépendent pas de la tension appliquée. 2. on considèrera que même si la jonction n’est plus à l’équilibre thermodynamique, l’écart par rapport aux conditions d’équilibre ne se manifeste de manière sensible que dans la zone de déplétion. Le semi conducteur comprend donc une zone de déplétion encadrée de deux régions dopées p ou n. Dans ces deux régions, la statistique de Fermi-Dirac détermine la probabilité d’occupation par un électron d’un état d’énergie E, en fonction de son écart à l’énergie du niveau de Fermi EF qui est celle du semi-conducteur massif à la température T 5. On cherchera à établir la dépendance du courant dans la diode en fonction de la tension appliquée. L’idée du calcul est de dire que les porteurs majoritaires qui traversent la jonction sont ceux qui entrent dans la zone de déplétion avec une énergie cinétique suffisante pour franchir la barrière. Ce sont donc ceux qui possèdent en entrant dans la zone de déplétion une composante de vitesse 5. On parle souvent de quasi-niveau de Fermi. 62 4.1 La jonction pn perpendiculaire à la jonction vx = ~kx /m∗e (4.13) assez grande pour que l’énergie cinétique correspondante ~2 kx2 /2m∗e leur permette de passer la barrière de potentiel de hauteur e (V0 − eVa ), soit p 2m∗e e (V0 − Va ) (4.14) kx > kmin = ~ Pour ramener l’évaluation à une durée dt, il faut aussi considérer que les électrons qui entrent dans la jonction avec une vitesse vx sont aussi ceux qui à t = 0 sont dans le volume dV (kx ) = vx dt = S ~kx dt m∗e (4.15) où S est la surface de la jonction Juste à droite de la zone de déplétion, du côté n de la diode, un grand nombre d’électrons se trouvent dans la bande de conduction. La répartition de leurs impulsions ~~k est aléatoire, avec toutefois la contrainte de respecter la statistique de Fermi-Dirac : la probabilité P (E) d’occupation d’un état d’énergie E qui s’écrit comme E = EC + ~2 (k 2 + ky2 + kz2 ) 2m∗e x (4.16) vaut (n) 1 P (E) = exp (n) E−EF kB T +1 ≈ exp − E − EF kB T (4.17) Dans l’équation ci-dessus, l’approximation de Boltzmann permet de négliger le terme +1 du (n) dénominateur. Elle se justifie par le fait que Ec , donc E, est situé au-dessus de EF , énergie du niveau de Fermi dans la région dopée n. Dans l’espace des impulsions, chaque état électronique d’un semi conducteur de volume V occupe un « volume » ∆kx ∆ky ∆kz égal à 8π 3 /V (cf. figure 1.5). Le nombre d’électrons dans la partie n de la diode animés de l’impulsion kx à dkx près, ky à dky près, et kz à dkz près, et situés dans le volume dV (kx ) donné par l’équation 4.15 vaut d4 Ne ~kx P (E) dkx dky dkz dt 8π 3 m∗e ! ! (n) ~2 (kx2 + ky2 + kz2 ) EC − EF ~kx dkx dky dkz dt (4.18) exp − = S 3 ∗ exp − 8π me kB T 2m∗e kB T = S Le nombre de ceux d’entre eux qui sont dotés de l’impulsion kx à dkx près, indépendamment ky et R∞ 2 kz , s’obtient en intégrant sur toutes les valeurs de ky et kz . En utilisant la relation −∞ e−u du = √ π, il vient sans difficulté ! (n) E − E k T ~2 kx2 C B 2 F d N =S dkx dt (4.19) exp − kx exp − ∗ 4π 2 ~ kB T 2me kB T Il ne reste qu’à intégrer sur toutes les valeurs de kx vérifiant la relation 4.14 pour obtenir le nombre d’électrons majoritaires qui franchissent la jonction pendant le temps dt : Z ∞ d2 Ne (kx ) dkx dt dN = kmin ! (n) EC − EF + eV0 m∗e (kB T )2 eVa = S exp dt (4.20) exp − 4π 2 ~3 kB T kB T 63 Chapitre 4 : Jonctions La densité de courant dans la jonction due aux électrons majoritaires transitant de la région n vers la région p dépend donc de la tension Va appliquée à la diode comme eVa e dN (maj) (maj) (4.21) = j0 exp je = S dt kB T (maj) L’expression exacte de j0 nous importe peu ici. On peut toutefois remarquer que c’est une quantité qui dépend fortement de la température, mais pas de la tension appliquée Va . Par ailleurs, sa signification physique est simple ; on l’obtient en remarquant qu’à l’équilibre thermodynamique, c’est-à-dire lorsque Va = 0, le courant de diffusion des électrons majoritaires, (maj) de densité égale à j0 , est exactement compensé par le courant d’entrainement des électrons (min) minoritaires, dont on notera la densité −je pour marquer le fait qu’elle est de signe opposé. On a donc (maj) j0 = je(min) (4.22) Comme le courant minoritaire ne dépend pas de Va , la densité du courant lié au seul mouvement (maj) (min) des électrons, soit je + je , s’écrit eVa je = je(min) exp −1 (4.23) kB T Jusqu’ci, on a complètement omis de regarder la situation des trous. En reprenant exactement les même calculs pour le côté p de la jonction. on aboutirait à l’analogue de l’équation ci-dessus simplement en remplaçant l’indice e par l’indice h. Finalement, la densité de courant totale dans la jonction, égale à la somme des deux densités de courant, vaut eVa j = j0 exp −1 (4.24) kB T Figure 4.6 – Caractéristique courant tension d’une diode. Dans la vraie vie Les résultats établis dans le cadre du modèle très simple qui a été utilisé sont étonnamment bons tant qu’on se limite à des courants et des tensions raisonnables. Lorsqu’on prend en compte l’ensemble des phénomènes que nous avons négligés (transition non abrupte, génération ou destruction de paires électrons-trous dans la zone de déplétion, etc...), on est amené à définir un facteur d’idéalité α qui modifie l’équation 4.24 eVa j = j0 exp −1 (4.25) αkB T 64 4.2 Autres jonctions Dans les diodes réelles en régime de faibles courants, ce facteur varie entre 1 et 2. Il ne change pas qualitativement les résultats établis. Aussi peut-on se montrer surpris du succès d’une notion qui n’apparaît nulle part dans ce qu’on a vu, celle de seuil d’une diode. Par exemple, pour une diode au Silicium, on parle souvent d’un seuil de 0, 6eV . Or ce seuil n’apparaît nulle part dans les équations... L’explication se trouve dans l’utilisation au quotidien des composants usuels et dans la forte croissance de l’exponentielle. UNe diodie au Silicium typique fait passer un courant I de quelques centaines de mA en pleine charge lorsqu’on lui applique une tension de 700mV . Si on baisse la tension de 60mV seulement, l’équation 4.25 montre que l’intensité du courant se trouve divisée par 10 ; si on la baisse à nouveau de 60meV , elle se trouvera à nouveau divisée par 100. Sur la paillasse, on observe donc que lorsque la tension est aux alentours de 0, 6V , la dioide ne laisse pratiquement plus passer le courant (1% de sa pleine charge). Ceci est perçu comme un seuil, dont la cause réelle tient essentiellement au désintérêt pour les très faibles courants. Lorsque les courants et/ou les tensions appliquées deviennent plus forts, des phénomènes qualitativement nouveaux peuvent se produire : – un l’effet Zener survient lorsqu’une forte tension inverse est appliquée. A ce moment, les porteurs majoritaires peuvent s’annihiler en traversant la barrière de potentiel par effet tunnel. Ceci est possible si la zone de déplétion est étroite, ce qui est atteint avec de forts taux de dopages ; – une avalanche se produit lorsqu’un porteur accéléré par le champ intense qui règne dans la zone de déplétion crée des paires électrons trous au cours de collisions avec des cœurs ioniques. Pour que ceci se produise, il faut que la zone de déplétion soit suffisamment large. Ces phénomènes sont mis à profit dans certains composants : les diodes Zener, qui deviennent brutalement passantes à une valeur élevée d’une tension appliquée en inverse ; les photodiodes à avalanche, qui ont un temps de réponse très court. 4.2 Autres jonctions Le but de cette section n’est certes pas de mener une étude de toutes les jonctions au même niveau que celle qui vient d’être menée pour la jonction pn. On évoquera rapidement quelques types de jonctions répandues. Pour classer les jonctions, il est d’usage d’utiliser deux termes : – une double jonction est un composant qui, comme son nom l’indique, comporte deux jonctions suffisamment rapprochées pour interagir. On peut citer par exemple les transistors ou des diodes pin – une hétérojonction est une jonction entre matériaux de composition chimique différente : un métal ou un semi conducteur, avec un autre métal ou un autre semi-conducteur Evidemment, il existe aussi des doubles hétérojonctions. 4.2.1 Jonction pin La jonction pin est une jonction pn à l’intérieur de laquelle, entre la zone p et la zone n, on introduit une zone sans dopage : le i de l’acronyme signifie intrinsèque. A gros traits, une diode pin se comporte comme une diode pn dont la zone de déplétion se trouve élargie de la partie intrinsèque du semi-conducteur séparant les zones p et n. Ce type de jonction est intéressant lorsqu’on veut avoir une zone de déplétion large même avec un dopage conséquent. 65 Chapitre 4 : Jonctions Figure 4.7 – De gauche à droite diode pin, et transistors pnp et npn. Les lettres b, e, et c repèrent la base, l’émetteur et le collecteur. 4.2.2 Jonctions pnp et npn Il s’agir de deux jonctions pn et np accolées, mais, contrairement à la diode, on peut injecter du courant dans la zone intermédiaire, ou en extraire. Le composant obtenu n’est plus une diode (étymologiquement un dipôle), mais ce qu’on appelait autrefois une triode et qui s’appelle depuis 60 ans un transistor. Les transistors ne sont pas symétriques dans leur construction : la base est fortement dopée, l’émetteur est faiblement dopée, et le collecteur est moyennement dopé. Pour faire très court, on peut dire qu’un fort courant est susceptible de passer de la base au collecteur, vu que ces deux régions sont dopées à des taux moyen ou fort. Pour ce faire, le courant doit cependant traverser l’émetteur, dont les propriétés sont modulées par le courant qu’on y injecte. On comprend donc qu’une des fonctions privilégiées du transistor est la fonction d’amplification du signal émis par... l’émetteur. 4.2.3 Hétérojonctions : généralités Pour comprendre le fonctionnement des hétérojonctions, on procède de la même façon que pour la jonction pn : on rapproche par la pensée les deux matériaux et on regarde les déplacements de charges induits par la jonction à l’équilibre. On se trouve toutefois confronté à un problème qui n’apparaissait pas dans le cas des homojonctions : comment situer les niveaux d’énergie à l’intérieur d’un matériau A par rapport aux niveaux d’énergie d’un matériau B ? Pour cela, on prend une référence commune qui est le niveau d’énergie du vide, énergie d’un électron qui est immobile, hors du matériau, et suffisamment éloigné de celui-ci pour n’être plus en interaction avec lui. Dans le cas d’un métal, le plus haut niveau d’énergie occupé à T = 0 est le niveau de Figure 4.8 – La mesure du travail W nécessaire pour extraire un électron d’un métal ou d’un semi conducteur permet de situer dans l’absolu les positions relatives des niveaux d’énergie des deux matériaux. Fermi. L’énergie minimale qu’il faut dépenser pour arracher un électron, quantité que l’on peut mesurer, est la différence entre l’énergie du vide et le niveau de Fermi. Pour un semi conducteur, la mesure de l’énergie suffisante pour arracher un électron à température non nulle ne permet pas de déterminer le niveau de Fermi, qui n’est pas occupé, mais celle du bas de la bande de 66 4.2 Autres jonctions conduction. De cette manière, on sait placer les niveaux de deux matériaux différents les uns par rapport aux autres. 4.2.4 Hétérojonction métal-métal Les phénomènes apparaissant à la jonction de deux métaux sont représentés sur la figure 4.9. On peut les comprendre en réalisant l’expérience de pensée suivante : à la date t = 0, on met brutalement en contact deux métaux d’énergie de Fermi différentes E1 > E2 . Du côté du métal 1, il y a des électrons qui vont pouvoir passer dans la bande de conduction du métal 2. Ce faisant, ils vont laisser derrière eux des ions du réseau métallique, chargés positivement, alors que dans le métal 2 ils vont devenir des charges excédentaires. Il y a donc apparition de charges d’espaces, qui créent un potentiel, lui même responsable d’un décalage de l’énergie des électrons dans les deux métaux lié à l’apparition d’énergie potentielle électrique : l’énergie des électrons du métal 1 est abaissée en bloc, et celle des électrons du métal 2 est augmentée en bloc. Le phénomène se poursuit jusqu’à ce que les niveaux de Fermi des deux métaux se raccordent : l’équilibre est atteint, au prix de l’apparition d’une tension à la jonction métal-métal, la marche de tension se produisant sur une distance bien plus petite que dans les semi-conducteurs. Figure 4.9 – Schéma des niveaux d’énergie dans une jonction métal-métal. A gauche, avant relaxation. A droite, après relaxation. Figure 4.10 – Principe du thermocouple : deux soudures de métaux différents A et B maintenues à deux températures différentes T1 et T2 créent une différence de potentiel. A l’équilibre thermique, l’apparition de cette tension ne donne pas lieu à des effets notables, puisque tout circuit fermé est constitué de plusieurs jonctions dont les effets se compensent mutuellement, comme dans le cas de la figure 4.4. En dehors de l’équilibre thermique en revanche, il peut se passer des choses intéressantes, même si elles n’entrent pas du tout dans le cadre de ce cours. Ainsi, si on réalise un circuit avec 67 Chapitre 4 : Jonctions un brin de métal A soudé à ses deux extrémités à deux brins d’un métal B, et que l’on maintient les deux soudures AB à des températures différentes, apparaît entre les deux brins B une tension qui dépend de la différence de température entre les deux soudures (cf. figure 4.10) : c’est l’effet Seebeck, exploité dans les thermocouples afin de mesurer une température inconnue à partir d’une température de référence. L’effet inverse s’appelle l’effet Peltier : si l’on fait passer un courant pour maintenir une différence de potentiel entre les deux soudures, l’une se réchauffe et l’autre se refroidit. Cet effet est souvent utilisé pour évacuer la chaleur d’un composant électronique. 4.2.5 Hétérojonction métal - semi-conducteur Lorsqu’on réalise une telle jonction, les phénomènes sont très différents en fonction des positions respectives des niveaux de Fermi des deux composants. La première situation est celle où le niveau de Fermi du métal tombe dans la plage d’énergie de la bande de conduction du semi conducteur. Cette situation, illustrée sur la figure 4.11, est très similaire à celle décrite dans le paragraphe précédent : les électrons du métal peuvent « couler » dans la bande de conduction du semi-conducteur. Il y a alors apparition d’une charge d’espace, qui courbe les frontières des bandes au voisinage de la jonction. Cette distorsion des bande est très raide dans le métal, progressive dans le semi-conducteur, puisque les porteurs de charge dont très peu nombreux dans le second. Si au contraire le niveau de Fermi du métal tombe Figure 4.11 – Schéma des niveaux d’énergie dans une jonction métal - semi-conducteur, lorsque le niveau de Fermi du métal tombe dans la bande de conduction. A gauche, avant relaxation. A droite, après relaxation. sous la bande de conduction, la description des phénomènes est symétrique (cf. figure 4.12. La description est symétrique : ce sont les électrons de la bande de conduction du semi-conducteur qui « coulent » dans le métal, provoquant l’apparition d’une charge d’espace qui courbe les limites de bande vers le haut. Même si la description des phénomènes est quasiment identique, leur effet sur la conductivité est contrasté. Dans le premier cas, les électrons passent facilement et dans les deux sens du métal au semi-conducteur : c’est clair dans le sens semi-conducteur vers métal. Dans l’autre sens, la petite marche de potentiel interdit aux électrons situés dans le métal juste au-dessus du niveau de Fermi de pénétrer dans le semi-conducteur. Ce n’est pas un réel problème, car si la température est suffisante pour qu’il y ait des électrons dans la bande de conduction, alors elle l’est aussi pour qu’il y en ait au même niveau d’énergie dans le métal. Dans le second cas, au contraire, il existe à l’équilibre une barrière qui s’oppose au passage des électrons. Si on applique une tension aux bornes du dispositif, la chute de tension va se produire essentiellement au voisinage immédiat de la jonction, qui constitue une zone de déplétion. L’effet de la tension appliquée va donc revenir, selon sa polarisation, soit à faire encore plus descendre le niveau de Fermi du métal loin de la bande de conduction, ce qui bloquera encore plus le courant, soit de se ramener au cas précédent en faisant passer le niveau de Fermi du métal au-dessus de la limite inférieure de la bande de conduction. La jonction est donc une diode, appelée diode 68 4.2 Autres jonctions Figure 4.12 – Schéma des niveaux d’énergie dans une jonction métal - semi-conducteur, lorsque le niveau de Fermi du métal tombe sous la bande de conduction. A gauche, avant relaxation. A droite, après relaxation. Schottky. Technologiquement, ces considérations sont importantes lorsqu’on doit injecter du courant amené par une patte métallique dans un semi-conducteur : il faut veiller à ce que la jonction métal - semi-conducteur ne soit pas bloquante. Pour cela, si on n’a pas la possibilité de se placer dans les conditions d’un contact ohmique, on peut mettre au niveau de la jonction une très mince couche de semi conducteur très fortement dopé (101 9cm3 ). Dans ces conditions, la largeur de la zone de déplétion est si faible que les électrons peuvent la traverser par effet tunnel. 4.2.6 Hétérojonction semi-conducteur - semi-conducteur On peut imaginer une foule de situations différentes sous ce seul titre. Chaque semi-conducteur est caractérisé par de nombreux paramètres – une largeur de gap, indépendante du dopage ; – une position donnée de ses bandes d’énergie par rapport au niveau du vide, elle aussi indépendante du dopage ; – et enfin, une position du niveau de Fermi à l’intérieur du gap déterminée essentiellement par le taux de dopage. D’un point de vue très pragmatique, il convient de considérer que pour réaliser une jonction au niveau cristallographique, il faut que les deux matériaux possèdent des paramètres de maille compatibles. C’est le cas de la jonction que nous allons examiner à titre d’exemple, mais aussi à cause de son intérêt technologique : une jonction entre un cristal binaire GaAs dopé p et un cristal ternaire Alx Ga1−x As dopé n, dont les niveaux d’énergie sont représentés sur la figure 4.13. En procédant comme précédemment, on imagine qu’on crée brutalement la jonction à la date t = 0, et on s’intéresse au mouvement des porteurs majoritaires. Les trous qui sont dans la zone p ne sont pas directement concernés par la jonction : dire que les électrons cherchent à occuper les bas niveaux d’énergie revient à dire que les trous cherchent à occuper les hauts niveaux d’énergie. Or les trous de la zone p sont à une énergie supérieure à ceux de la zone n : il faudrait qu’ils baissent en énergie pour passer dans la zone n ! Ils restent donc sagement dans la zone p. C’est un comportement très différent de celui d’une homojonction pn. Les électrons de la bande de conduction de la zone n sont au contraire attirés par la bande de conduction de la zone p, plus basse en énergie. Ils envahissent donc la zone p, laissant derrière eux une charge d’espace constituée d’ions donneurs positivement ionisés. Une fois dans la zone 69 Chapitre 4 : Jonctions Figure 4.13 – Schéma des niveaux d’énergie dans une hétérojonction GaAs dopé p - Alx Ga1−x As dopé n. A gauche, avant relaxation. A droite, après relaxation. E1 , E2 et EF sont les niveaux de Fermi. p, ces électrons se trouvent au contact de trous majoritaires et sont annihilés en même temps que ceux-ci. Il apparaît donc un déficit de trous dans la zone p, donc une charge positive. Si on compare à une homojonction pn, où existent un mouvement symétrique de diffusion des porteurs majoritaires de la zone p vers la zone n et de la zone n vers la zone p, on voit que, pour cette hétérojonction, seuls les électrons majoritaires diffusent dans la zone p. Lorsqu’on ajoute une tension de polarisation en sens direct dans une homojonction, on force un courant permanent et symétrique des porteurs majoritaires qui diffusent bien plus qu’à l’équilibre. Le phénomène se produit aussi dans l’hétérojonction considérée, à ceci près que seuls les électrons majoritaires de la zone n sont concernés. 4.2.7 Double hétérojonction semi-conducteur - semi-conducteur, nanostructures Le champ des possibles ouvert par la perspective d’une double hétérojonction est d’une amplitude formidable. Là encore, on se contentera d’examiner un cas particulier d’intérêt, celui d’une jonction ppn d’un matériau à petit gap (GaAs, Egap = 1, 42eV ) pris en sandwich par un matériau à grand gap (Alx Ga1−x As, Egap = 1, 42eV à 2, 16eV selon la valeur de x). Le diagramme énergétique correspondant est présenté sur la figure 4.14. Obtenir la forme qualitative des bandes d’énergie se fait par le raisonnement déjà exposé plusieurs pois : on fabrique les jonctions sans relaxation, on en déduit la forme du potentiel qui permet de raccorder les niveaux de Fermi en en adoucissant les angles pour tenir compte de l’effet des charges d’espace. On rajoute de potentiel à celui obtenu en alignant tous les niveaux de Fermi. Finalement, le quand on polarise la jonction, on déplace collectivement les bandes de la région n par rapport à celles de la région p. Dans le cas qui nous intéresse ici on voit que si la structure est bien polarisée, il apparaît dans la zone intermédiaire un puits de potentiel à la fois pour les trous et pour les électrons. Lorsque l’épaisseur de cette structure est faible (< 50nm), on parle de puits quantiques. Puits quantiques Le schéma d’un dispositif à puits quantique est présenté sur la figure 4.15. Ces puits permettent 70 4.2 Autres jonctions Figure 4.14 – Schéma des niveaux d’énergie dans une double hétérojonction p - Alx Ga1−x As dopé n GaAs dopé n - Alx Ga1−x As dopé p. De haut en bas, avant relaxation ; potentiel lié aux charges d’espace permettant la relaxation vers l’équilibre ; structure de bandes à l’équilibre ; structure de bande avec une polarisation directe, où toute la partie dopée n et, dans une moindre mesure, la partie centrale, sont remontées par rapport la partie gauche dopée p. aux électrons des mouvements qualitativement différent de ceux qu’on à vus jusqu’ici. En effet, pour un électron piégé dans le puits, les mouvements dans la direction z se font sur une distance très réduite, où l’on peut observer la quantification des états. En effet, ainsi qu’on l’a vu au chapitre 1, les niveaux d’énergie d’une particule de masse m∗ piégée dans un puits supposé de profondeur infinie de largeur d sont donnés par l’équation 1.24, que l’on réécrit avec les notations propres au contexte : 2 2 π ~ (4.26) Ezn = n2 2m∗e d2 l’indice z rappelant que les puits se développent dans la direction z. L’application de cette formule, qui donne une assez bonne idée de ce qui se passe même si la profondeur du puits n’est pas infinie, donne pour m∗e = 0, 1 masse de l’électron et d = 10nm les valeurs d’énergie suivante pour le mouvement dans la direction z : Ez1 = 37, 6meV , Ez2 = 71 Chapitre 4 : Jonctions Figure 4.15 – Double hétérojonction permettant d’obtenir un puits quantique. Le semi-conducteur central est représenté en grisé. A gauche le diagramme énergétique permettant de voir les deux puits au sein du semi conducteur central : l’un pour les trous dans la bande de valence, l’autre pour les électrons dans la bande de conduction. A droite, représentation physique du composant. 150meV , et Ez1 = 338meV . Il n’est pas nécessaire de calculer plus loin car la profondeur des puits que l’on sait fabriquer n’excède pas quelques centaines de meV . Il n’y a donc dans le puits que quelques états excités, très distants en énergie. La situation est qualitativement différents pour les dimensions x et y, où les distances se chiffrent usuellement en centaines de microns : il existe un rapport allant de 1 à 108 entre Ex1 et Ez1 . Dit autrement, le mouvement en x ou en y est classique, en ce sens que toutes les énergies sont accessibles à l’électron, alors qu’il est quantifié pour le mouvement en z. Cette différence d’ordre de grandeur induit un découplage entre les mouvements en x ou y, dits parallèles car se déroulant dans des plans parallèles à la jonction, et le mouvement en z qui lui est perpendiculaire. Dans l’approximation des bandes paraboliques, l’énergie du mouvement parallèle est donnée par E// = 2 ~2 k// 2m∗e (4.27) alors que l’énergie dans la direction z est donnée par l’équation 4.26. L’énergie des états électroniques s’exprime donc comme 2 2 2 ~2 k// π ~ 2 E(n, k// ) = Ec + n + (4.28) 2m∗e d2 2m∗e où Ec est l’énergie du bas de la bande de valence. Pour les trous, la relation s’écrit 2 2 2 ~2 k// π ~ − E(n, k// ) = Ev − n2 2m∗h d2 2m∗h (4.29) où Ev est le sommet de la bande de valence. Ces relations sont représentées sur la figure 4.16. On voit que la bande de valence comme la bande de conduction se structurent en sous-bandes caractérisées par une valeur du nombre quantique n repérant l’état dans lequel est le porteur en ce qui concerne son mouvement dans la direction z. L’intérêt de ces structures est grand en optique, car elles ouvrent la voie à de nouvelles transitions : – les transitions inter-sous-bandes correspondent à des transitions entre deux sous bandes de la même bande (conduction ou valence). Ces transitions sont soumise à des règles de transitions : elles sont très intenses si ∆n = 1, et sont interdites dans les autres cas. – les transitions inter-bandes correspondent à des transitions entre une sous-bande de la bande de valence et une sous-bande de la bande de conduction. Ces transitions sont soumise à la règle de sélection ∆n = 0. 72 4.2 Autres jonctions Figure 4.16 – Energies dans un puits quantique. Les paraboles du haut correspondent à la bande de conduction, celles du bas à la bande de valence. Dans chacune de ces bandes apparaissent des sous-bandes caractérisées par l’indice n porté sur les courbes. Pour la figure, on a pris m∗h = m∗e L’avantage fort de ces nanostructures est qu’en en contrôlant la dimension, on agit directement sur l’énergie de ces transitions. Figure 4.17 – Transition dans un puits quantique. En haut et en bas, sous-bande de la bande de valence et de conduction. A gauche, les transitions inter-sous-bandes. A droite, les transitions inter-bandes. Quelques autres considérations pour terminer sur les nanostructures. Les puits n’en constituent que la modalité la plus simple, et la première réalisée historiquement. Les états électroniques n’y sont confinés que dans la direction z. Les fils quantiques les confinent dans deux directions x et z. Quant aux boîtes quantiques, elles les confinent dans les trois directions. Chaque nouvelle géométrie de confinement apporte de plus en plus de contrôle sur les transitions. L’intérêt est aussi qu’elles permettent de faire de la physique en dimensionnalité réduite, ce qui change qualitativement certains comportements. Par exemple, un puits quantique qui ne contient qu’une seule sous-bande constitue un vrai gaz d’électrons libres à deux dimensions, et un fil quantique un gaz d’électrons libres à une dimension. Cela modifie par exemple la densité d’états électroniques (cf. chapitre 1). Quant aux boîtes quantiques, elles sont exactement l’analogue d’atomes... cubiques ! 4.2.8 Structures MOS Cette double hétérostructure est constituée d’une couche d’oxyde, prise en sandwich entre un métal et un semi-conducteur. L’emploi du terme jonction est quelque peu abusif, puisque l’oxyde étant un très bon isolant, aucun courant ne circule à l’intérieur. La seule interaction entre le 73 Chapitre 4 : Jonctions métal et le semi-conducteur est liée au champ électrique que peut créer le métal dans le semi conducteur. Figure 4.18 – Niveaux d’énergie dans une structure MOS. A gauche, avant relaxation. Au centre, à l’équilibre. A droite, avec une tension appliquée entre le métal et le semi conducteur. Les lignes en pointillés représentent le niveau de Fermi. Sur la vue de droite, qui correspond à une situation hors équilibre, il s’agit d’un pseudo niveau de Fermi tracé en considérant que dans sa masse le semi-conducteur est à l’équilibre. La figure 4.18 représente la structure des bandes d’énergie d’une capacité MOS. La partie isolante est symbolisée par un trait épais. Avant relaxation, les niveaux de Fermi sont dans le cas général différents. Après relaxation, la structure se met à un équilibre caractérisé par un niveau de Fermi commun. Dans le cas représenté sur la figure, cela se traduit par une distorsion des bandes. Il convient de noter que cette mise à l’équilibre peut-être très longue : la barrière isolantes non seulement empêche les charges de passer, mais constitue aussi un isolant thermique. Une façon d’accélérer le processus de retour à l’équilibre est de relier entre elles les bornes de la capacité. Appliquer une tension à une telle structure a le même effet que de déplacer le niveau de Fermi du métal. Si dans la situation de la figure 4.18 la tension appliquée abaisse le potentiel du métal par rapport à celui du semi-conducteur, alors, au voisinage de la couche isolante, les bandes peuvent se distordre jusqu’à ce que le niveau de Fermi soit plus proche de la bande de conduction que de la bande de valence. On est alors en régime d’inversion : le semi-conducteur, bien que dopé p, ce comporte près de la couche isolante comme un semi conducteur dopé n : un grand nombre d’états électronique de la bande de valence ont en régime permanent (ou de quasi-équilibre) une probabilité d’être occupés. De ce fait, Un tel dispositif s’appelle une capacité MOS : sous tension, deux distributions de charges opposées se font face, séparées par un isolant. La question se pose de savoir d’où peuvent venir les électrons qui vont occuper ces états. Ils ne peuvent bien sûr provenir de l’isolant. Dans une capacité MOS, ils ne peuvent venir que de la région p. Mais dans cette région, les électrons sont minoritaires, et il faut les trouver en grand nombre pour amener à une équilibre local cette région qui se comporte comme une semiconducteur n. Le temps que s’établisse le régime permanent est donc très long : dans le silicium très pur, il peut atteindre la seconde, voire la minute. Une façon d’accélérer l’établissement du régime permanent est de forcer la création de paires électron-trou dans la zone d’inversion en l’illuminant. C’est le principe qui est appliqué dans les détecteurs MOS. Une autre façon est de les amener via deux jonctions n, comme illustré sur la figure 4.19. On obtient alors un transistor à effet de champ appelé MOSFET (Metal Oxyde Semiconductor Fiels Effect Transistor). Conclusion Ce chapitre a permis d’aborder un grand nombre de types de jonctions. La variété des dispositifs qui peuvent en résulter est étonnante : on peut avoir l’impression d’avoir visité un genre de zoo où on aurait rencontré une foule d’animaux très différents... Quand on explore le domaine de manière moins superficielle que ne le fait ce document, l’impression est encore renforcée. Il fait voir là la conjonction de deux facteurs : la nature profonde des semi-conducteurs. Ces matériaux 74 4.2 Autres jonctions Figure 4.19 – Principe du MOSFET. Une structure MOS est établie avec un semi-conducteur p. Cette zone p est prise en sandwich entre deux zones n. En l’absence de polarisation sur la grille g, une zone de déplétion sépare les régions n de la région p (vue de gauche). Si la grille est porté à un potentiel élevé, une zone d’inversion se crée, et la partie p au voisinage de l’oxyde adopte le comportement d’un semi-conducteur n. Il se crée donc un canal n continu entre la source s et le drain d (vue de droite). finalement assez peu nombreux comblent à eux seuls le fossé qui sépare les isolants des conducteurs. Il ne faut donc pas s’étonner qu’ils offrent une vaste palette de propriétés ; et un facteur plus sociétal : le formidable développement de l’industrie électronique, qui d’une part réalise des prouesses technologiques pour traduire en dispositifs fonctionnels les schémas de principe présentés ici, et d’autre part, élabore à l’aide des composants obtenus des objets qui nous sont devenus indispensables dans notre vie quotidienne. 75 Chapitre 4 : Jonctions 76 Rappels de mécanique quantique La mécanique quantique est un formalisme déroutant qui décrit un monde microscopique échappant à toute notre "intuition" acquise dans le monde macroscopique. Elle fait appel à un attirail mathématique un peu complexe, qui fait vite oublier que tout ne se justifie pas et ne s’obtient pas par le calcul : les pères fondateurs de la mécanique quantique ont fait un certain nombre de postulats qui n’ont absolument aucune autre justification que celle de rendre compte d’un très grand nombre d’expériences (jusqu’à ce jour, de toutes...) Le but des quelques paragraphes qui suivent est de rappeler très brièvement ce que sont ces postulats et quelles propriétés importantes ils induisent pour la physique des semi-conducteurs. 1 Fonction d’onde Là où la mécanique classique voit les objets comme des particules, la mécanique quantique les décrit par une fonction d’onde. Cette fonction d’onde, que nous noterons généralement ψ, est une fonction des trois coordonnées d’espace x, y, z, de carré sommable, et à valeur dans C. Le 2 carré de sa norme |ψ(x, y, z)| est la densité de probabilité de présence de la particule autour du point x, y, z. La transformée de Fourier de ψ, notée ψ̃(kx , ky , kz ) représente dans l’espace des impulsions la densité de probabilité qu’a la particule de posséder l’impulsion ~kx , ~ky , ~kz , où ~ est liée à la constante de Planck h par ~ = h/2π = 1, 0510−34 J.s. 2 Principe d’incertitude Les fonctions d’onde ont de manière très générale une extension spatiale non nulle, ce qui laisse penser qu’en mécanique quantique les particules ne peuvent pas être localisées. Les choses sont légèrement plus subtiles que cela. Sur le papier au moins, on peut attribuer à une particule une fonction d’onde arbitrairement localisée dans l’espace réel x, y, z. Les propriétés de la transformation de Fourier des fonctions de carré sommable montrent qu’alors l’espace occupé par sa transformée de Fourier dans l’espace des kx , ky , kz devient simultanément arbitrairement grand. Cette propriété mathématique est connue en physique sous le nom de principe d’incertitude de Heisenberg, qui lie la largeur ∆x de la distribution de la particule sur la coordonnée x à celle ∆px de la distribution de son impulsion : ∆x∆px > ~ 77 (30) Rappels de mécanique quantique 3 Maths : produit scalaire, norme, bases orthonormées Le produit scalaire de deux fonctions φ et ψ, noté hφ|ψi, est défini par hφ|ψi = ZZZ φ∗ (x, y, z) ψ(x, y, z) dxdydz (31) V On note que hφ|ψi et hψ|φi ne sont pas égaux, mais complexes conjugués l’un de l’autre. Le produit scalaire d’une fonction par elle même constitue sa norme. On peut construire des bases de l’espace des fonctions de carré sommable, {ζ0 , ζ1 , ...} qui vérifient hζj |ζk i = = 1 0 si j = k sinon (32) On peut développer toute fonction ψ sur une telle base : ψ= X αj ζj (33) αj = hζj |ψi (34) j où coefficients αj sont donnés par 4 Observable, opérateurs linéaires Une observable est comme son nom l’indique une quantité physique que l’on peut mesurer. A chaque observable est associé un opérateur linéaire qui agit sur la fonction d’onde. Les deux observables les plus simples sont la position x et l’impulsion px (et leurs homologues sur y et z). Leurs sont associés les opérateurs x̂ et p̂x définis par leur action sur la fonction d’onde : x̂ ψ(x, y, z) p̂x ψ(x, y, z) = x ψ(x, y, z) ~ ∂ ψ(x, y, z) = i ∂x (35) (36) Un autre opérateur très important est celui qui décrit l’énergie d’une particule de masse m évoluant dans une région où le potentiel est V (x, y, z). Cet opérateur est Ĥ et son expression est Ĥψ(x, y, z) p̂2 = + V̂ ψ(x, y, z) 2m ~2 ∂ 2 ψ ~2 ∂ 2 ψ ~2 ∂ 2 ψ − − + V (x, y, z) ψ(x, y, z) = − 2m ∂x2 2m ∂y 2 2m ∂z 2 (37) L’épithète linéaire apposé au mot opérateur renvoie à la propriété mathématique de linéarité que possèdent tous les opérateurs associés à des observables. Pour le hamiltonien, cette propriété s’écrit : Ĥ (αψ + βφ) = αĤψ + β Ĥφ où ψ et φ sont des fonctions d’onde, et α et β des nombres complexes quelconques. 78 (38) 5 Fonctions propres, valeurs propres 5 Fonctions propres, valeurs propres Les valeurs propres et fonctions propres d’un opérateur jouent un rôle important dans la description du monde quantique. Si on prend l’exemple de l’opérateur Ĥ (les choses sont identiques pour les autres observables), ψj est une fonction propre et Ej une valeur propre de Ĥ si ces deux quantités vérifient Ĥψj = Ej ψj (39) La signification physique des fonctions propres est la suivante : un système qui est dans un état propre ψj de Ĥ possède une énergie parfaitement définie de valeur Ej . L’ensemble de ses valeurs propres {E0 , E1 , ...} constitue ce qu’on appelle le spectre de l’opérateur. Selon les situations, le spectre d’un opérateur peut être discret ou continu. Plus les systèmes sont confinés dans l’espace, plus leur spectre le caractère discret du spectre de leurs opérateurs se manifeste. 6 Maths : hermiticité La valeur propre d’une observable est une quantité physique, donc nécessairement réelle. Or les fonctions sur lesquelles agissent les opérateurs sont à valeur dans C. On sent bien que tout opérateur agissant sur des fonctions à valeur C n’aura pas ses valeurs propres dans R. Cette contrainte ne se vérifie que si l’opérateur est hermitique, ce qui veut dire que pour toute fonction d’onde ψ, il vérifie la propriété suivante (encore une fois illustrée sur l’opérateur Ĥ) : ZZZ ZZZ ∗ ψ ∗ Ĥψ dxdydz = (40) Ĥψ ψ dxdydz V V Cette quantité est souvent notée hψ|Ĥ|ψi. L’ensemble des fonctions propres d’un opérateur hermitique, {ψ0 , ψ1 , ...}, possède une propriété mathématique remarquable : elle constitue une base orthogonale de l’espace des fonctions d’onde, et même orthonormée si on suit la pratique très usuelle d’imposer aux fonctions propres d’être normés (l’équation 39 laisse en effet toute latitude pour fixer la norme des fonctions propres). 7 Mesure Intéressons nous à une observable donnée, mettons Ĥ pour fixer les idées. Une particule quantique n’a a priori aucune raison de se trouver dans un état propre de cet opérateur. Puisque les états propres de l’observable constituent une base orthonormé, elle se met sous la forme d’une superposition d’états propres : X ψ= αj ψj (41) j Son énergie n’est donc pas définie sans ambiguïté. Toutefois, on peut mesurer cette énergie, par une interaction avec un système macroscopique, et le résultat de la mesure donnera une valeur, et une seule. Mais laquelle ? L’expérience montre que : 79 Rappels de mécanique quantique 1. le résultat d’une mesure est toujours une des valeurs propres de l’observable, ici de l’énergie 2. le résultat de la mesure est de nature probabiliste : la probabilité que l’énergie vaille Ej , valeur propre de la fonction propre ψj , est | αj |2 Si on ne peut parler de la valeur de l’énergie de ψ, sa valeur moyenne est donc parfaitement définie. Elle vaut : X hEi = | αj |2 Ej (42) j Il existe une façon plus générale d’écrire l’équation 42. On montre facilement que hEi = hψ|Ĥ|ψi (43) Encore une prédiction étrange de la mécanique quantique : si la mesure de l’énergie d’une particule dont la fonction d’onde est décrite par l’équation 41 fournit le résultat Ej correspondant à une fonction propre ψj , alors la fonction d’onde décrivant le système après la mesure n’est plus 41, mais ψj . Autrement dit, la mesure de l’état du système change cet état, sauf s’il était initialement dans un état propre de l’observable mesurée. Cette propriété, appelée réduction du paquet d’onde, a fait l’objet de nombreuses études expérimentales, qui ont en particulier value à S. Haroche le prix Nobel de Physique en 2012. En règle très générale, un état propre de l’opérateur correspondant à une observable donnée n’est pas un état propre de l’opérateur correspondant à une autre observable. Par exemple, un état propre de Ĥ associé à l’énergie de la particule n’est pas un état propre de l’opérateur x̂ associé à sa position x. Il s’ensuit que l’énergie E et la position x d’une particule ne peuvent être mesurées en même temps, chacune des deux mesures changeant l’état de la particule. Il s’agit là d’une règle générale très déroutante : en mécanique quantique, toutes les observables ne peuvent être déterminées simultanément. 8 Equation de Schrödinger Jusqu’ici nous avons parlé de fonctions d’onde, d’opérateur, de mesure, mais nous n’avons pas encore fait de mécanique au sens vrai du terme. La mécanique cherche à réponde à la question : connaissant l’état du système à la date t0 , et les interactions auxquelles il est soumis, quel est l’état du système à la date t1 > t0 ? C’est l’équation de Schrödinger qui fournit la réponse : i~ dψ = Ĥψ dt (44) Cette équation est le pendant quantique de la relation fondamentale de la dynamique en mécanique classique. Toutefois, tout comme les équations de Maxwell en électromagnétisme, il s’agit d’une équation aux dérivées partielles souvent trop compliquée à résoudre pour être manipulée telle quelle. On passe le plus souvent par l’utilisation de bases de fonctions. La plus simple de ces bases est la base des états propres de Ĥ lui même, dont les fonctions vérifie l’équation 39. Pour un état propre d’énergie Ej , l’équation 44 s’écrit i~ dψj = Ej ψ j dt (45) dont la solution triviale est iEj t ψj (t) = exp − ψj (t = 0) ~ 80 (46) 9 Représentation matricielle On voit donc que l’évolution dans le temps d’une fonction propre de Ĥ se ramène à sa multiplication par un facteur de phase global. Ce facteur n’a strictement aucun effet sur les prévisions que l’on peut faire, car toutes les mesures passent par le calcul du carré de la norme de coefficients qui efface la phase de ces coefficients. Un état propre de Ĥ est donc dit stationnaire. Dès lors qu’on connaît une base {ψj } des états propres du hamiltonien, la prédiction de l’évolution de toute fonction d’onde ψ devient un problème trivial, qui se ramène à deux étapes : 1. décomposer la fonction d’onde initiale ψ(t = 0) sur la base propre de Ĥ en utilisant l’équation 41 2. propager en temps chaque valeur propre en utilisant l’équation 46 Il vient ainsi X iEj t ψj (47) ψ(t) = αj exp − ~ j avec αj ZZZ = V ψj∗ ψ(t = 0) dxdydz (48) Ces étapes sont numériquement simples, mais il faut garder à l’esprit que pour les appliquer, il faut avoir trouvé les solutions de l’équation aux valeurs propres 39, ce qui, hormis quelques cas particuliers, est très difficile. 9 Représentation matricielle Une solution pour traiter l’équation de Schrödinger est de développer la fonction d’onde sur une base des fonctions de carré sommable autre que celle des valeurs propres de Ĥ, difficile à calculer. En appelant {ζj } une telle base, et en introduisant le développement 33 dans l’équation de Schrödinger 44, il vient directement X X (49) i~ α̇k ζk = αk Ĥζk k k où α̇ est la dérivée de α par rapport au temps. En multipliant à gauche et à droite par ζj∗ et en intégrant sur tout l’espace, il vient Z Z Z X Z Z Z X ∗ ∗ (50) i~α̇k ζj ζk dxdydz = αk ζj Ĥζk dxdydz k V V k L’intégrale qui figure à gauche de l’égalité vaut 1 si k = j et 0 dans le cas contraire (cf. équation 32). Celle qui figure à droite peut s’écrire, en reprenant la convention utilisée pour l’équation 40, hζj∗ |Ĥ|ζk i. L’équation de Schrödinger se ramène à un système d’équations différentielles couplées reliant entre eux les scalaires αj : α̇j = 1 X Hjk αk i~ (51) k où Hjk = hζj∗ |Ĥ|ζk i (52) est l’élément de la matrice représentant l’opérateur linéaire Ĥ dans la base {ζj }. La difficulté de cette approche réside dans le choix de la base. Si formellement toutes sont équivalentes, dans la vraie vie, il faut veiller à ce que la taille de la base soit limitée à un nombre raisonnable de fonctions sous peine de ne pouvoir mener aucun calcul. 81 Rappels de mécanique quantique 10 Energie finie d’une particule : quelle conséquence sur la fonction d’onde ? Les physiciens n’aiment pas trop que l’énergie d’une particule devienne infinie : une description correcte de la réalité expérimentale ne s’accommode pas d’une telle divergence. Cet « interdit » a deux conséquences sur les fonctions d’onde exprimées en fonction des coordonnées d’espace : – une fonction d’onde ne peut pas pénétrer dans une région de l’espace 6 où le potentiel est infini. Sinon, la valeur moyenne de l’énergie potentielle du système qu’elle décrit devient infinie ; – une fonction d’onde est nécessairement continue. En effet, une discontinuité dans la fonction d’onde se traduirait par l’apparition de nombres d’onde k infinis dans sa transformée de Fourier, c’est à dire à des impulsions ~k infinies, et donc une divergence de l’énergie cinétique du système décrit. 11 Particules indiscernables Le traitement des particules indiscernables est l’un des aspects les plus déroutants de la mécanique quantique. Plaçons-nous dans la situation où nous étudions l’évolution de deux particules identiques au point de n’être pas discernables, par exemple deux électrons ou deux atomes d’hydrogène. En mécanique classique, l’indiscernabilité n’a guère de conséquence. Au moins par la pensée, si on veut savoir qui est qui, il suffit de suivre le mouvement de chaque particule. En mécanique quantique, les particules ne sont plus localisées dans l’espace, mais ont une extension spatiale finie. Si deux particules se croisent, les fonctions d’onde vont occuper la même région de l’espace. Pour prendre une analogie simple, prétendre savoir « qui est qui ? » reviendrait dans le monde macroscopique à prétendre savoir d’où vient le lait d’une bouteille a et d’une bouteille b versé dans un seul verre... Imaginons un système de deux particules indiscernables a et b dans un monde à un seul degré de liberté 7 . La fonction d’onde d’un tel système s’écrit φ(x1 , x2 ). Le premier argument de φ correspond à la position de la particule a, et le second à celle de b. Autrement dit, la probabilité 2 de trouver la particule a en x1 à dx1 près et la particule b en x2 à dx2 près vaut |φ(x1 , x2 )| dx1 dx2 . Imaginons maintenant une collision entre ces deux particules : initialement, la particule a est localisée autour d’une valeur X1 < 0 de sa coordonnée x1 et se dirige vers les x1 positifs. Symétriquement, la particule b est localisée autour d’une valeur X2 > 0 et se propage vers les x2 négatifs. En termes de fonction d’onde, φt=t0 (x1 , x2 ) n’a de valeur significative qu’autour de x1 = X1 et x2 = X2 , et sa transformée de Fourier φ̃t=t0 (kx1 , kx2 ) est localisée dans une région où kx1 > 0 et kx2 < 0. Si l’on introduit une telle fonction d’onde dans le moteur de propagation que constitue l’équation de Schrödinger, la mécanique du calcul produira une fonction d’onde aux temps grands (t = t1 ) qui s’écrira encore sous la forme φt=t1 (x1 , x2 ). Selon toute probabilité, cette fonction d’onde sera localisée dans deux régions : une région X1 < 0 et X2 > 0 décrivant une diffusion vers l’arrière (chaque particule retourne d’où elle vient), et une région X1 > 0 et X2 < 0 correspondant à une diffusion vers l’avant. 6. pour être plus précis, d’une région de l’espace de mesure non nulle 7. Dans la vraie vie les particules possèdent trois coordonnées d’espace, mais les écrire toutes les trois ne ferait qu’alourdir la présentation... 82 11 Particules indiscernables Le simple fait d’écrire qu’on sait distinguer diffusion vers l’avant et diffusion vers l’arrière sous entend que les particules sont discernables. En termes laitiers, cela reviendrait à écrire qu’après avoir mélangé le lait issu de deux bouteilles dans un seul verre, puis avoir à nouveau réparti le lait entre les deux bouteilles, on est capable de distinguer ce qui retourne dans sa bouteille d’origine (diffusion vers l’arrière) et ce qui a changé de bouteille. Dans le monde microscopique, sait-on faire le distinguo ? La réponse, qui est issue de l’expérience est : non. Pour rendre compte correctement des faits expérimentaux, il faut admettre que la fonction d’onde s’écrit sous une forme qui est soit symétrique 1 ψS (x1 , x2 ) = √ (φ(x1 , x2 ) + φ(x2 , x1 )) 2 (53) 1 ψAS (x1 , x2 ) = √ (φ(x1 , x2 ) − φ(x2 , x1 )) 2 (54) soit antisymétrique Le sens de ces équations se comprend lorsqu’on regarde la situation initiale de la collision. Pour cela on calcule le module carré de ψ |ψ(x1 , x2 )| 2 2 2 |φ(x1 , x2 )| + |φ(x2 , x1 )| 2 φ∗ (x1 , x2 )φ(x2 , x1 ) + φ∗ (x2 , x1 )φ(x1 , x2 ) + ǫ 2 = (55) ǫ valant 1 ou -1 selon qu’on est dans le cas symétrique ou antisymétrique. En se rappelant que φ est localisée autour de x1 = X1 et x2 = X2 très différents, on voit que ψ ne prend de valeur appréciable qu’en deux régions : – autour de x1 = X1 et x2 = X2 , où φ(x1 , x2 ) est grand et φ(x2 , x1 ) est négligeable, on a |ψ(x1 , x2 )| 2 = |φ(x1 , x2 )| 2 2 (56) – autour de x1 = X2 et x2 = X1 , où φ(x2 , x1 ) est grand et φ(x1 , x2 ) est négligeable, on a 2 |φ(x2 , x1 )| (57) 2 La différence par rapport à la situation précédente, avant (anti)symétrisation, est qu’on ne sait pas où étaient les particules a et b avant la collision : chacune des deux est à la fois autour de X1 et de X2 . Il ne fait donc plus de sens de distinguer diffusion vers l’avant ou vers l’arrière. |ψ(x1 , x2 )| 2 = A ce stade il reste une zone d’ombre importante : quand faut-il prendre une fonction d’onde antisymétrique (Eq. 53) ou antisymétrique (Eq. 54) ? Là encore, la réponse vient de l’expérience. Les particules se divisent en deux classes – les bosons, qui sont de spin entier, ont une fonction d’onde symétrique ; – les fermions, qui sont de spin demi-entier, ont une fonction d’onde antisymétrique. Rappelons que le spin est un moment cinétique "interne" à la particule, que l’électron, qui nous intéresse tout particulièrement dans le cadre de ce cours, possède un spin 1/2. C’est donc un fermion, et il possède deux états de spin, selon que le moment cinétique associé pointe vers le haut (spin up) ou vers le bas (spin down). 8 8. en mécanique quantique, les trois composantes d’un vecteur moment cinétique ne sont pas simultanément mesurables. On ne connaît en même temps que la norme du vecteur moment cinétique, qui pour l’électron vaut ~/2, et sa projection sur un axe fixe, qui ne prend que les valeurs ~/2 et −~/2 83 Rappels de mécanique quantique 12 Principe d’exclusion de Pauli Une propriété purement quantique s’applique aux fermions, appelé principe d’exclusion de Pauli. Elle se déduit très simplement de la forme de la fonction d’onde d’un système de deux fermions, et s’applique aussi à tout système de N fermions. Revenons à la fonction d’onde φ non antisymétrisée du système de deux particules, et plaçons les deux électrons dans le même état individuel. Dans cette situation, la fonction φ devient insensible à une permutation des deux électrons, puisque leur état est strictement identique. On a donc φ(x1 , x2 ) = φ(x2 , x1 ) (58) Si l’on porte cette équation dans l’expression 54 de la fonction d’onde dûment antisymétrisée, on trouve simplement ψ = 0, ce qui constitue une forme lapidaire du principe d’exclusion de Pauli : deux fermions ne peuvent pas occuper le même état. Ce principe très simple, purement quantique, a des conséquences énormes. C’est son "oubli" par Drude 9 qui rend principalement le modèles du gaz classique d’électrons libre déficient. C’est aussi ce qui explique le modèle en couche de l’atome, lui-même à la base de toute la chimie. Dans un atome, le hamiltonien électronique conduit définit les états propres des électrons : deux états propres de basse énergie (un de spin up et un de spin down) constituent la première couche électronique, puis un deuxième groupe de huit états propres d’énergie plus élevée (quatre de spin up et quatre de spin down) qui constitue la seconde couche, etc... Lorsqu’on habille un noyau atomique avec des électrons, il se produit des sauts qualitatifs chaque fois qu’on commence le remplissage d’une couche à cause des énergies différentes mises en jeu. Si les électrons étaient des bosons, ils se trouveraient tous sur la couche la plus basse... et il ne resterait rien de la chimie, et sans doute pas grand chose de la Science ! Dit autrement, parmi les observations expérimentales qui justifient l’équation 54, figure toute la chimie. 9. enfin, Drude a construit son modèle l’année où Pauli est né. Ce n’est pas exactement un oubli... 84 Bibliographie Livres Physique des semi-conducteurs. Christian et Hélène Ngô, Dunod (2012 pour la 4ème édition), 231 pages. Petit ouvrage, très accessible, niveau master / écoles d’ingénieurs, explications claires, propose des exercices. Physique des semi-conducteurs et des composants électroniques. Henry Mathieu, Dunod (2004 pour la 5ème édition), 810 pages. Nettement plus complet, ouvrage de référence dans le domaine, aborde de très nombreux points, mais l’optique n’y est pas très développée. Optoélectronique. Borge Vinter et Emmanuel Rosencher, Masson (1998), 588 pages. Ouvrage de référence dans le domaine de l’optoélectronique. Niveau élevé. Physique de l’état solide. Charle Kittel, Masson (1998), 610 pages. La référence de tous les étudiants du monde dans le domaine de la physique du solide. Le champ et bien plus vaste que celui le l’optélectronique. Cet ouvrage a été publié originellement en anglais, sous le titre Introduction to Solid State Physics (John Wiley and Sons ed.) Polycopiés Cours de Semi-conducteurs. Henri Dubost, polycopié à l’usage des étudiant du département optronique de Polytech Paris-Sud (à l’époque IFIPS), 2007. Articles de revue Les LED blanches, l’éclairage de demain. vembre 2012), page 32. 85 Nicolas Grandjean, Pour la Science 412 (no- Chapitre : Bibliographie Sur le net Cours en ligne De nombreux cours en ligne peuvent être trouvé sur la toile. En faire une liste exhaustive serait fastidieux. On peut se limiter aux cours écrits par les enseignants des écoles Polytech et/ou de l’université Paris-Sud. Cours de physique des composants Cédric Koeniguer, Polytech Paris-Sud http ://cedric.koeniguer.free.fr/polytech/polytech.u-psud.php ?page=phc Cours de physique des semi conducteurs. Alain Chovet et Pascal Masson, Polytech Nice (2004) Polycopié disponible (en 2012...) à l’URL : users.polytech.unice.fr/ pmasson/Enseignement/Cours de physique des SC - Poly - BAC+3.pdf On pourra aussi se référer aux transparents de cours, plus richement illustrés, à l’URL : users.polytech.unice.fr/ pmasson/Enseignement/Cours de physique des SC - SLIDES - BAC+3.pdf De l’atome au circuit intégré. Bernard Boittiaux (2005), Polytech Lille URL : www.polytech-lille.fr/cours-atome-circuit-integre/ Un vrai cours en ligne souvent très fouillé. Electrons dans les solides. Marc Mézard, LPTMS, Université Paris-Sud URL : lptms.u-psud.fr/membres/Mezard/Xamphis/a10print.pdf Il s’agit des transparents d’un des chapitres du cours de physique statistique donné à l’école Polytechnique. De tout un peu Wikipedia. Autant il convient d’être prudent avec cette encyclopédie ouverte sur les sujets très polémiques, autant dans le domaine très apaisé que constitue la physique du solide on peut être assez confiant. Institu Ioffe. Cet institut rattaché à l’Académie des Sciences Russe, publie sur son site des fiches très complètes sur les semi-conducteurs. une mine de renseignements... URL : www.ioffe.ru/SVA/NSM/Semicond/ 86 Constantes, unités, ordres de grandeur Unités Unités du système international Unités pratiques pour chiffrer des quantités à échelle humaine – longueur : mètre (m), historiquement défini de telle sorte que la distance pôle-équateur vaut 10 000km – masse : kg (kg), historiquement définie comme la masse de 1dm3 d’eau pure – temps : seconde (s), historiquement définie de telle sorte que le jour dure 86 400s – intensité du courant électrique : Ampère (A). Sa définition historique est plus complexe : c’est l’intensité d’un courant constant qui, s’il est maintenu dans deux conducteurs linéaires et parallèles, de longueurs infinies, de sections négligeables, et distants d’un mètre dans le vide, produit entre ces deux conducteurs, une force linéaire égale à 2 10−7 N m−1 , le Newton (N) étant l’unité du sytème international de force dérivée des unités de longueur, de masse et de temps. Mis à part l’Ampère, de définition plus tardive, les définitions historiques datent du siècle des lumières. Elles avaient pour objectif de fournir des unités « universelles », en ce qu’elle peuvent être reliées à des grandeurs communes à toute l’humanité : le globe terrestre, l’eau, la durée du jour. Elles ne sont pas liées à tel ou tel étalon défini par tel ou tel potentat local, comme c’était le cas avant l’instauration de ce système d’unités. Ces définitions historiques sont aujoud’hui par trop imprécises : on sait mesurer le ralentissement de la rotation de la terre, ou la différence entre la distance pôle-équateur selon le point de l’équateur atteint. Les unités du système international ont donc été redéfinies avec une précision bien supérieure. Ainsi : – la seconde est « la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l’état fondamental 6 S1/2 de l’atome de césium 133. » – le mètre est « la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1/299 792 458 seconde ». En passant, cette définition signifie que la vitesse de la lumière vaut exactement 299 792 458ms−1 et n’a donc plus à être mesurée ! – la définition du kg a évolué vers ce qui semble être un archaïsme : c’est la masse du kilogramme-étalon conservé au Bureau International des Poids et Mesures, dans une cave profonde du pavillon de Breteuil, à Sévres (92), sous trois cloches de verre scéllées, ellesmêmes placées dans un coffre-fort à l’environnement contrôlé. Le kilogramme-étalon n’a été extrait que trois fois de cet « emballage » depuis 1889 ! Cette définition n’a plus rien d’universel... Unités atomiques Unités pratiques pour chiffrer des quantités à l’échelle atomique. Les unités atomiques sont définies de telle sorte que – la masse de l’électron est me = 1 ; – la constante de Planck est ~ = 1 ; – le rayon de l’atome hydrogène dans son état fondamental est a0 = 1 ; – la charge −e de l’électron est telle que e2 /4πǫ0 = 1 ; 87 Chapitre : Bibliographie Autre unité On utilise aussi l’électron-Volt comme unité d’énergie : c’est l’énergie cinétique d’un électron qui a été accéléré par une tension de 1V. Ceete unité présente l’avantage d’établir un pont entre une grandeur « à taille humaine » (le V), et une grandeur microscopique (la charge de l’électron). Conversion d’unités Le facteurs de conversion entre systèmes d’unités sont les suivants : – unités de longueur : 1 unité atomique = a0 = 0,0529 nm – unités de masse : 1 unité atomique = me = 9,11 10−31 kg – unités d’énergie : – 1 unité atomique = 27,2eV = 4,36 10−18 J – 1eV = 1,6 10−19 J – unités de temps : 1 unité atomique = 2,42 10−17 s – unités de température : 1 unité atomique = 3,16 105 K – unités de vitesse : 1 unité atomique = 2,19 106 ms−1 – unités d’intensité du courant électrique : 1 unité atomique = 6,62 mA Constantes – constante de Boltzmann : kB = 1,38 10−23 JK −1 = 8,62 10−5 eV.K −1 – constante de Planck réduite ~ = h/2π = 1,05 10−34 Js = 1 unité atomique – masse de l’électron me = 9,11 10−31 kg = 1 unité atomique Quelques valeurs numériques et ordres de grandeurs – – – – énergie d’agitation thermique à T = 300K : 25,9 meV densité d’électrons libres dans le cuivre : n = 8,44 1022 cm−3 gap du Silicium : Egap = 1,12 eV , de l’AsGA : Egap = 1,42 eV densité de paires électrons-trous dans un semi-conducteur intrinsèque à température usuelle : 1010 cm−3 – densité de porteurs majoritaires (respectivement minoritaires) dans un semi-conducteur faiblement dopé : 1015 cm−3 (respectivement 105 cm−3 ) – densité de porteurs majoritaires (respectivement minoritaires) dans un semi-conducteur fortement dopé : 1018 cm−3 (respectivement 102 cm−3 ) 88