Doc. 3 : Les approches physiques, chimiques, biologiques et sociétales des milieux océaniques et
côtiers : le contexte et les enjeux des milieux océaniques.
Agence Nationale de la Recherche, 2013 : Environnement et changements globaux : des aléas à la vulnérabilité des sociétés,
Les cahiers de l’ANR, avril. http://www.agence-nationale-recherche.fr/fileadmin/documents/2013/Cahier-ANR-7-
changements-globaux.pdf
L’Océan joue un rôle primordial au sein de la grande « machine climatique » qui contrôle les
conditions environnementales dans lesquelles se développent nos sociétés. Il est en effet un
formidable réservoir de chaleur que les courants transportent des régions équatoriales vers les plus
hautes latitudes. Le fameux Gulf Stream en est l’exemple le plus célèbre en Europe de l’Ouest où il
adoucit nos hivers en apportant des eaux tièdes jusqu’à nos côtes. Mais qu’on ne s’y trompe pas :
même si ces courants peuvent sembler bien connus à une époque où les satellites scrutent en
permanence la surface de la Terre, leur dynamique propre, leurs méandres et tourbillons ainsi que
leur variabilité d’année en année sont autant de questions scientifiques encore mal contraintes.
L’Océan est aussi un gigantesque réservoir de carbone qui stocke près de la moitié du gaz carbonique
(CO2) émis par les activités humaines et qui est à l’origine du changement climatique en cours. Une
partie du CO2 de l’atmosphère se dissout en effet dans l’Océan selon les lois de la thermodynamique.
Une fois dans l’eau, ce CO2 est emporté par les courants marins vers les profondeurs ou il va résider
pendant quelques siècles loin de l’atmosphère, mais il peut aussi être utilisé dans les eaux de surface
par les micro-algues (le phytoplancton) pour fabriquer de la matière organique au travers du
processus de photosynthèse, exactement comme les plantes sur Terre. En mourant, les squelettes de
phytoplancton, riches en carbone, tombent au fond de l’Océan pour former des millions de tonnes
de sédiment, stockant ainsi le carbone venant de l’atmosphère pour des millions d’années. Là
encore, la compréhension de l’ensemble des processus qui contrôlent ces cycles dits
biogéochimiques dans l’Océan est un domaine scientifique très ouvert.
On comprend donc que l’Océan, malgré les défis scientifiques qui se posent encore, est un élément
indispensable à intégrer dans les modèles numériques utilisés pour prévoir l’ampleur et la vitesse du
changement climatique au cours du 21eme siècle. Ces modèles, qui ne sont que des représentations
informatisées de notre planète, doivent donc résoudre des phénomènes aussi différents que la
quantité de chaleur totale transportée dans l’Océan Atlantique par des tourbillons dont la taille varie
de 100 km ou la quantité de carbone fixée par des micro-algues dont les caractéristiques dépendent
autant de leur espèce que de la composition chimique de l’eau.
Depuis les années 1980, la qualité et la complexité de ces modèles numériques n’ont fait que croitre,
bénéficiant de l’augmentation fulgurante de la puissance des supercalculateurs et de l’accroissement
des connaissances scientifiques. Parmi les grands défis actuels de la modélisation numérique de
l’Océan, les deux principaux sont sans doute notre capacité à mieux représenter et comprendre le
rôle des tourbillons de petite échelle (de 1 a 10 km) et le rôle des processus biogéochimiques qui
régissent la vie des micro-algues et donc le cycle du carbone. En dehors de l’amélioration des moyens
de calcul, ces défis ne peuvent être relevés qu’en allant sur et dans l’Océan pour observer ces
phénomènes.
Observer l’Océan pour en comprendre les mouvements, les oscillations et les cycles biogéochimiques
reste aujourd’hui un défi humain et technologique qui n’a pas grand-chose à envier à l’exploration
spatiale. Il s’agit d’organiser des campagnes longues et lointaines sur des navires océanographiques
embarquant souvent plusieurs dizaines de scientifiques, de se confronter à des éléments souvent
hostiles, de mettre en œuvre des technologies de pointe dans un environnement agressif pour à la
fin recueillir des observations, certes précieuses, mais qui ne représentent qu’une infime partie de
l’immensité océanique. Observer l’Océan est donc une activité couteuse, rare et risquée qui
nécessite un investissement fort des chercheurs et des ingénieurs comme des Organismes et
Agences de recherche, ainsi que des avancées technologiques constantes.