6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 1 Biponews Information sur les troubles bipolaires “J’ai des troubles de l’humeur” N°01 •BIPONEWS N° 1 //>> 1 6482_BIPOnews 170x260 140306 Ce fascicule est le premier de la collection Biponews destinée aux patients souffrant de troubles bipolaires. Il apporte des informations sur ces troubles, leurs causes, leurs conséquences et leur prise en charge. Il peut être lu seul ou avec un proche auquel vous aimeriez expliquer vos troubles. Vous pouvez demander également des informations complémentaires, à votre médecin ou à un infirmier. 14/03/06 9:10 Page 2 “J’ai des troubles de l’humeur” « J’écris des poèmes et des chansons qui vont être publiés bientôt. D’ailleurs, je vais aussi ouvrir un cabinet de coaching. Vous allez chez quel coiffeur ? Je pourrais faire sa publicité. Vous savez que vous êtes très belle. J’ai changé d’assureur. Que je t’aime ! Que je t’aime ! Vous entendez cette voix. Il faut que j’enregistre ce CD ». Vous avez peut-être vécu des choses proches de ce que décrivent ces personnes qui souffrent de troubles bipolaires. « Personne ne peut rien pour moi. Mon médecin a testé trois antidépresseurs en vain. Je suis de plus en plus sombre. Il ne me reste qu’à mourir, qu’à en finir. De toute façon personne ne me regrettera ». Sachez avant tout que ces troubles touchent à peu près 1 % de la population générale parmi lesquels des hommes politiques, des artistes et des sportifs connus. La plupart d’entre eux, une fois la « Je suis nulle, archi-nulle. Je ne vaux rien et encore moins que ça. J’ai endetté ma famille. Ma mère a été obligée de demander une mesure de sauvegarde de justice. J’ai acheté une moto neuve alors que je n’ai même pas le permis moto. J’ai fait n’importe quoi. Je ne mérite pas de vivre. Jamais mes parents ne pourront me pardonner ça ». crise passée reprennent leur vie Auteurs : Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique, avec la collaboration d’un psychiatre hospitalier. sociale et leur activité. Vous n’êtes donc pas seul à vivre cette expérience. « Avec mon nouveau traitement, je me sens mieux. Je devrais maintenant avoir moins de variations de l’humeur. Même si je me sens mieux, ma vie est un peu grise. Certes je n’éprouve pas de grandes peines mais pas de grandes joies, non plus. Il paraît que ça va se modifier ça aussi ». Association d’aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires (maniaco-dépressif) et à leur entourage Maison des associations du 13ème arrondissement Association ARGOS 2001 - Boîte postale n° 30 11, rue Caillaux - 75013 Paris Téléphone-répondeur infos-actualités : 01 69 24 22 90 Email : [email protected] - Web : http//argos.2001.free.fr/ •BIPONEWS N° 1 //>> 3 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 4 Questionnaire “J’ai des troubles de l’humeur” Questionnaire Qu’entendez-vous par humeur ? Avez-vous repéré des fluctuations importantes dans votre humeur ? Si oui, comment se manifestent-elles ? Essayez d’abord de repérer ce que vous savez à propos des troubles de l’humeur dont font partie les troubles Comment gérez-vous habituellement ces variations ? bipolaires (que l’on nomme aussi psychose maniacodépressive). Ces variations vous semblent-elles liées à des événements de vie (heureux ou malheureux), si oui lesquels ? Que savez-vous à propos du traitement de ces troubles de l’humeur ? •BIPONEWS N° 1 //>> 5 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 6 Repérer Repérer Que savez-vous à propos des troubles de l’humeur ? P 04 Repérer Quand l’humeur est tout en haut ou tout en bas P 06 Comprendre Les causes multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P 14 Quand l’humeur est tout en haut ou tout en bas 1 Il est indispensable de reconnaître ce qui vous arrive Agir Pour retrouver un équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P 20 « Je n’avais plus besoin de dormir, je menais cinq projets à la fois, je prenais des cours de japonais sur Internet, j’avais acheté une voiture neuve et renouvelé entièrement ma garde-robe. J’avais un moral d’enfer jusqu’au moment où j’ai voulu distribuer tous mes biens aux pauvres. Mon mari a trouvé que ça suffisait et m’a emmené voir un psychiatre ». Manon Cette sensation de ne pas avoir besoin de dormir, cette impossibilité à se concentrer sur une tâche, ce sentiment de toute puissance, ces dépenses inconsidérées, sont probablement les manifestations d’un trouble de l’humeur que l’on nomme accès maniaque. « Je me sentais nulle, responsable de toutes les catastrophes arrivées dans la famille. J’avais ruiné mes enfants, mon mari. Je ne méritais pas de vivre. Je n’avais qu’une idée : en finir, débarrasser la terre une fois pour toutes de l’être abject que j’étais ». Manon Ce sentiment de culpabilité, d’indignité, ces affects profondément dépressifs, cette volonté d’en finir avec la vie, sont des signes du même trouble de l’humeur, vécu sous sa forme dépressive. D •BIPONEWS N° 1 //>> 6 Accès maniaques et dépressifs constituent ce que l’on nomme aujourd’hui le trouble bipolaire. Cette notion de bipolarité traduit les deux versants symptomatiquement opposés de la maladie dont les patients peuvent souffrir. •BIPONEWS N° 1 //>> 7 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 8 Repérer L’humeur L’humeur Le psychiatre Jean Delay définit l’humeur comme une « disposition affective fondamentale riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur ». C’est un terme qui est utilisé couramment par les médecins et les équipes soignantes. Il n’est pas sûr que cette définition générique soit très éclairante mais les spécialistes, eux-mêmes, ont du mal à proposer une définition évidente de l’humeur. • Une augmentation de l’estime de soi et de ses capacités (sentiment de toute puissance, de grandeur, de pouvoir) L’humeur, au fond, c’est ce que vous nommez « le moral ». Lorsque vous vous sentez bien vous direz que vous avez un bon moral, que vous êtes de bonne humeur ; et un mauvais moral ou de mauvaise humeur quand vous vous sentez triste ou énervé. • Un débit accéléré de la parole, logorrhée (la parole coule ininterrompue comme un flux verbal) , un désir de parler constamment Si nous percevons bien l’infinie tristesse de Manon au cours de la phase dépressive, il est moins évident de rattacher son accès maniaque à de la bonne humeur. Nous voyons bien le côté forcé, excessif, morbide même de ce qu’elle exprime. La manie, ce n’est pas la joie… • Un ressenti des émotions (joie, colère, etc...) plus vif que d’habitude • Très peu de sommeil (la personne est convaincue de pouvoir s’en passer, ne ressent pas la fatigue) • Une accélération des pensées et des actions (la personne passe d’un sujet à l’autre sans pouvoir se fixer à un sujet de conversation), elle n’a pas de limite dans ses projets (rien ne lui semble impossible) • Une grande énergie, des activités inhabituelles, un comportement désinhibé • Des dépenses inconsidérées d'argent L’accès maniaque (selon le DSM IV-TR) Dans le langage courant, une personne maniaque est extrêmement attachée à ses habitudes, très méticuleuse et elle peut même avoir des idées fixes. En psychiatrie, la manie (qui signifie en grec « folie ») décrit tout autre chose. Elle constitue un état de surexcitation du psychisme qui se caractérise par : • Une hyperactivité sexuelle • Une distractabilité, une grande difficulté à maintenir son attention sur quelque chose • Une fuite des idées • Des troubles du jugement • Une irritabilité avec une tendance agressive • Une hyperactivité, une agitation • Parfois un délire et des hallucinations. • L’euphorie •BIPONEWS N° 1 //>> 8 D • Le ludisme (la personne donne l’impression de jouer de tout, avec tous) Ces différents symptômes doivent se maintenir plus d’une semaine et être en rupture avec le fonctionnement antérieur de la personne pour être considérés comme caractéristiques d’un épisode maniaque. •BIPONEWS N° 1 //>> 9 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 10 Repérer L’accès dépressif (selon le DSM IV-TR) Si le mot « manie » a deux sens selon que l’on se réfère au langage courant ou au langage médical, le mot dépression décrit toujours une humeur triste. • Ce sentiment constant s’accompagne de ruminations douloureuses dominées par le sentiment d’incapacité, d’inutilité, de culpabilité, d’incurabilité et de pessimisme. • La personne n’éprouve que désintérêt pour le monde qui l’entoure et une incapacité absolue à ressentir du plaisir. On parle de douleur morale, d’anesthésie affective. • Elle se met généralement en retrait de toute vie sociale. • La pensée est ralentie, les idées sont pauvres. • La personne ressent une fatigue, une perte d’énergie. • Elle éprouve des difficultés à se concentrer, des trous de mémoires et les prises de décision sont difficiles. Tout cela contribue à alimenter la diminution de l’estime de soi. • On constate un ralentissement des gestes et une pauvreté de la mimique (qui donne à la personne un air figé). Tous les actes de la vie quotidienne exigent des efforts démesurés. La personne préfère rester au fond de son lit (la fatigue est déjà là au réveil). • Troubles de l'appétit (peu ou trop d’appétit) avec changement secondaires de poids (le plus souvent amaigrissement ou parfois prise de poids). • Une anxiété, une inquiétude exagérée. • Sommeil perturbé (insomnies ou besoin de dormir plus qu’habituellement). • Troubles physiques (douleurs corporelles, troubles digestifs, oppressions respiratoires, problèmes cutanés). • Perte du plaisir et, plus généralement, perte d'intérêt (notamment pour les activités agréables). • Idées noires, idées de mort ou de suicide. D •BIPONEWS N° 1 //>> 10 Ces différents symptômes doivent être présents pratiquement toute la journée durant au moins deux semaines et être en rupture avec le fonctionnement antérieur de la personne pour être considérés comme caractéristiques d’un épisode dépressif que l’on appelle majeur ou caractérisé. •BIPONEWS N° 1 //>> 11 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 12 Repérer Les troubles bipolaires (selon le DSM IV-TR) 2 Quelles sont les conséquences de ces troubles ? Le trouble bipolaire est une maladie anciennement appelée psychose maniaco-dépressive (PMD). Elle se caractérise par une exagération des variations normales de l'humeur qui vont affecter mentalement et physiquement le patient. L’évolution est chronique et cyclique et oscille entre trois états : Ces troubles de l’humeur peuvent entraîner des comportements à risque et plus particulièrement, une désinsertion socioprofessionnelle et familiale. • L’état maniaque avec exaltation de l’humeur Parmi ces conséquences, on note : • L’état dépressif caractérisé en opposition avec le précédent • Les conséquences professionnelles qui sont caractérisées par le licenciement (dû au comportement étrange et agité), la démission hâtive et irréfléchie, les rapports conflictuels avec les collègues et/ou la hiérarchie, l’instabilité professionnelle (plus de la moitié des patients perdent leur emploi) (Romans SE, McPherson HM,1992). • Une humeur normale ou parfois quasiment normale entre les phases de survenue de ces deux états pathologiques. Les symptômes de la maladie sont très variables d'un patient à l'autre (caractéristiques des phases, intensités, durées, fréquences, concomitances...). Si, comme Manon, vous souffrez de ce trouble, vous avez du connaître des phases dépressives et des phases d'exaltation (dites maniaques) qui ont entraîné des troubles importants de votre pensée, de vos actes, de vos sentiments, de votre comportement et de votre état physique. •BIPONEWS N° 1 //>> 12 • Les conséquences familiales et sociales sont illustrées par les conflits conjugaux (en particulier si la maladie est mal expliquée), la séparation ou le divorce, une mauvaise entente familiale (pouvant aussi avoir aussi des conséquences sur les enfants), la perte de ses ami(e)s, etc… (Coryel W et al. 1993, Perlick D et coll. 1999). • D’autres conséquences sont liées à la prise de risque inconsidérée : abus de toxiques, rapports sexuels non protégés, conduite automobile à vitesse excessive, défis dangereux, actes médico-légaux (atteintes aux biens et aux personnes), violence. La consommation d’alcool est également fréquemment retrouvée au cours des troubles bipolaires : les études scientifiques retrouvent cette association dans 35 à 45% des cas (Rouillon F. 1997, Goodwin 1990). • Le risque de suicide est majeur particulièrement dans la phase dépressive mais aussi maniaque. Parmi les patients souffrant de troubles bipolaires, environ 1/3 fait une tentative de suicide et 1/3 présente des idées suicidaires (Suppes T et coll. 2001). C’est probablement la pathologie où le risque suicidaire est le plus important. •BIPONEWS N° 1 //>> 13 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 14 Comprendre Comprendre Les causes multiples Comprendre Les causes multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P 14 Agir Pour retrouver un équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P 20 1 Quelle sont les causes de cette maladie ? « Pourquoi ça m’arrive à moi ? On avait tout pour être heureux. J’avais un bon travail, des collègues qui m’appréciaient. Avec ma femme, on était un couple uni, les enfants poussaient bien. Non, je ne comprends pas ». Jacques « Pourquoi moi ? », « Pourquoi cette maladie ? », « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? ». Lorsque l’on souffre, il est naturel de rechercher l’origine du mal. De la même façon que l’on veut connaître le virus à l’origine de la grippe, ou quel organe est atteint lorsqu’une douleur apparaît, on cherche à comprendre ce qui peut être à l’origine d’un trouble psychique. On n’est pas plus responsable d’un trouble bipolaire que de la grippe. Les croyances personnelles voire familiales ou collectives sont pourtant souvent à l’origine d’idées fausses qui peuvent provoquer différentes réactions : • « Il faut le cadrer pour que son esprit cesse de battre la campagne », « Il faut lui éviter toute émotion trop forte » (on veut corriger) ; • « C’est de ma faute… Je ne suis pas assez… Elle est trop… » (on accuse) ; • « Il n’y a rien à faire. C’est mon destin… » (on se résigne) ; • « On ne sait plus quoi faire quand il est comme ça » (on ne comprend pas). D •BIPONEWS N° 1 //>> 14 Ces réactions bien compréhensibles lorsque l’on est confronté à une maladie bipolaire sont souvent préjudiciables pour celui qui souffre. Il est donc important pour vous et votre entourage d’essayer de comprendre que les troubles dont vous souffrez s’inscrivent dans une maladie. •BIPONEWS N° 1 //>> 15 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 16 Comprendre Il n’existe pas une seule explication au trouble bipolaire de l’humeur, mais plusieurs causes intriquées qui sont autant de pistes, de voie de recherche, et surtout de domaines où l’action thérapeutique pourra s’exprimer. 2 Quelles sont les hypothèses scientifiques actuelles ? Les L’humeur facteurs biologiques « Pour être malade de la sorte, il faut bien que quelque chose se soit déréglé dans mon cerveau ». Jean-Pierre Le cerveau est composé d’un très grand nombre de neurones qui communiquent entre eux au niveau de jonctions appelées synapses. La transmission de l’information au niveau de ces synapses s’effectue par le biais de petites molécules sécrétées par les neurones. Ces « messagers biologiques » sont appelés neurotransmetteurs. Le trouble bipolaire de l’humeur pourrait être lié à une perturbation de la transmission de l’information au niveau de ces synapses. La recherche a fait de nombreux progrès dans ce domaine au cours des dernières années et les découvertes ont permis d’améliorer les traitements disponibles. Les facteurs génétiques « Mon grand-père paternel était maniaco-dépressif. Un de mes oncles s’est suicidé. Chez nous, la dépression, c’est dans les gènes ». Brigitte Des études auprès des familles de patients bipolaires ont montré l’implication de facteurs génétiques dans le risque de survenue de la maladie. Plusieurs gènes pourraient être impliqué. Les troubles bipolaires appartiennent au groupe des maladies à hérédité complexe, caractérisées par l’interaction de nombreux facteurs génétiques et de facteurs liés à l’environnement pour arriver à l’éclosion de la maladie. Autrement dit, même si l’implication des •BIPONEWS N° 1 //>> 16 facteurs génétiques est indéniable, un parent ne transmet pas de façon automatique sa pathologie à son enfant à la fois parce qu’il y a beaucoup de gènes en jeu et aussi parce qu’il y a probablement une interaction entre le terrain génétique et des facteurs environnementaux qui peuvent être très précoces (durant la grossesse). Certaines personnes pourraient ainsi naître avec une « vulnérabilité », une sensibilité particulière aux évènements de vie stressants. Nous reviendrons sur cette hypothèse liant stress et vulnérabilité. Les facteurs psychologiques « J’ai eu une enfance traumatisante. Mon père a quitté ma mère après ma naissance. Elle nous a élevé seule, mes sœurs et moi puis a connu un homme qui s’est installé avec nous. Il buvait, frappait ma mère. Dès que j’ai eu 18 ans, j’ai quitté la maison. Je pense que cela peut expliquer ma maladie ». Myriam Les causes du trouble bipolaire semblent être une combinaison : • de facteurs innés : génétiques existant indépendamment de l’environnement et de la vie de la personne, • et de facteurs acquis : dépendant de l’environnement, de la qualité de la vie affective, des stress et des traumatismes importants et répétés vécus depuis la naissance. L’explication psychologique essaie de comprendre comment la personnalité du patient s’est construite et de quelle manière le trouble bipolaire pourrait répondre à des traumatismes psychiques plus ou moins précoces. •BIPONEWS N° 1 //>> 17 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 18 Comprendre Plusieurs approches peuvent s’avérer utiles dans la compréhension de soi : - L’approche psychodynamique, d’inspiration pschychanalytique Cette approche propose de rechercher l’origine des troubles dans la construction initiale de la personnalité du sujet et notamment lors de sa toute petite enfance (traumatismes, difficultés dans la relation aux proches, en particulier les parents). Ces difficultés pourraient avoir un impact sur la construction de la personnalité et expliquer en partie la souffrance actuelle du sujet. - L’approche comportementale et cognitive Elle consiste à préciser le fonctionnement de la pensée, les liens entre pensées et émotions, et ceux entre pensées et comportements. Le vécu émotionnel, ainsi que les pensées associées détermineraient le comportement d’un individu dans une situation donnée. Ce modèle permet d’expliquer en partie les pensées et les comportements problématiques rencontrés dans le trouble bipolaire, secondaires à un éventuel emballement émotionnel. psychologique entraînerait des difficultés à surmonter de tels changements sans « passer » par l’expression de troubles de l’humeur. Les personnes atteintes de troubles bipolaires deviendraient ainsi, au cours de leur vie, hypersensibles et hyper-réactives aux situations de stress. Il est évident que la vie moderne avec ses contraintes économiques, affectives, sociales et culturelles nourrit abondamment cette hypersensibilité aux stress. Les facteurs environnementaux Gérard Les patients qui souffrent de troubles bipolaires seraient particulièrement vulnérables aux évènements de vie stressants : - « douloureux » : perte d’un proche, perte d’emploi, déménagement dans une région inconnue, séparation d’avec un conjoint, etc… - mais également « heureux » : promotion professionnelle, mariage, naissance, etc... D « C’est normal que je sois tombé malade. Mon travail est stressant, les cadences sont infernales, mon patron me harcèle : c’est intenable ». En conclusion, le risque de développer un trouble bipolaire serait constitué par une vulnérabilité neuropsychologique liée à des interactions entre de nombreux gènes et des facteurs environnementaux pouvant être très précoces. Ensuite, le contexte éducatif et affectif de l’enfance, à l’origine de « traumatismes » importants ou mineurs, pourrait aggraver cette fragilité initiale. Pour qu’un trouble bipolaire se déclenche, il faudrait que l’ensemble de ces facteurs soient présents. Enfin, la sensibilité particulière aux événements de vie stressants positifs et négatifs pourrait être à l’origine des épisodes eux-mêmes. Ces théories soutiennent les différentes approches thérapeutiques qui sont proposées aux personnes souffrant de troubles bipolaires. On nomme « événements de vie stressants » toute modification de votre environnement qui implique une remise en cause des mécanismes psychiques que vous utilisez habituellement pour vous adapter à une nouvelle situation. Votre éventuelle fragilité génétique, biologique ou •BIPONEWS N° 1 //>> 18 •BIPONEWS N° 1 //>> 19 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 20 Agir Agir pour retrouver un équilibre 1 Comment vous repérer dans la diversité des soins Afin de vous aider à dépasser la situation de crise, les soignants peuvent vous proposer d’associer plusieurs types de prise en charge. En psychiatrie, les soins sont multiples et doivent prendre en compte : • le stade d’évolution de votre maladie ; • vos symptômes prédominants ; • la qualité de votre environnement ; • votre milieu familial et social ; • vos ressources matérielles, psychologiques et culturelles. Concrètement vous pouvez bénéficier : • de professionnels et de lieux d’accueil et de soins proches : quel que soit l’endroit où vous habitez, il existe près de chez vous un lieu de soins, une équipe prête à répondre à vos questions, à vous recevoir ; • de traitements médicamenteux qui visent à réduire vos symptômes les plus aigus et à vous proposer un traitement de fond pour réguler votre humeur et prévenir la survenue de nouveaux épisodes ; • d’accompagnements soignants autour du quotidien, autour des difficultés qu’il entraîne et des émotions qu’il suscite en vous : visite à domicile, entretiens infirmiers, etc…; •BIPONEWS N° 1 //>> 20 •BIPONEWS N° 1 //>> 21 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 22 Agir • d’activités psychosociothérapiques dont l’objectif est de vous offrir des techniques et un environnement adapté à votre état psychique afin que vous puissiez progressivement retrouver vos compétences et vous réadapter à une vie sociale et professionnelle ; • de psychothérapies qui ont pour but d’atténuer vos conflits internes, de favoriser un retour sur vous-même dans le but de mieux comprendre vos difficultés psychiques et leur retentissement sur votre humeur ; • sans oublier vos propres ressources, vos initiatives et tout ce que vous pourrez mobiliser par et pour vous-même. Le traitement comporte classiquement deux phases correspondant au moment que vous traversez : • le traitement de l’épisode aigu (de l’accès dépressif ou maniaque) ; • le traitement de fond, dont le but est de stabiliser votre humeur, puis de prévenir les récidives. Les lieux de soins « L’hôpital me terrifiait, j’étais pétrifiée à l’idée de me retrouver enfermée, d’être privée de ma liberté, pour des semaines». Brigitte L’hôpital psychiatrique n’est plus le seul lieu de soin existant. Aujourd’hui de petites structures, souvent mieux adaptées, permettent de vous soigner près de chez vous. On peut citer : • Le Centre Médico-Psychologique (CMP), véritable pilier de la prise en charge et du suivi en dehors des crises, vous pouvez y rencontrer votre psychiatre, vos infirmiers référents, une assistante sociale, ceux-ci peuvent même parfois aller vous voir chez vous. • Les Centres d’Accueil et de Crise (CAC), des lieux d’écoute ouverts 24 heures sur 24. Ce dispositif extrêmement souple et adapté n’existe cependant pas partout en France. Le traitement médicamenteux « Au début, j’étais très réticente à prendre des médicaments. Je me sentais très bien, je ne comprenais pas l’intérêt de me « shooter » avec des pilules ». Brigitte Dans le traitement des troubles bipolaires, plusieurs classes de psychotropes peuvent s’avérer utiles. Chaque classe à un intérêt thérapeutique particulier. C’est votre médecin qui adaptera votre traitement en fonction de votre cas. • Les Hôpitaux de jour, pour des soins en ville, aux horaires de bureau, vous y pratiquerez différents types d’activités à vocation psychothérapique. • Les Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP), pour des soins ponctuels dans la journée ou dans la semaine. Généralement, il s’agit d’activités en ateliers hebdomadaires. • Les Urgences de l’hôpital général. • Le Centre Hospitalier Spécialisé (CHS). D Les médicaments sont indispensables au traitement du trouble bipolaire. Il est strictement déconseillé d’arrêter brusquement votre traitement sans l’avis d’un médecin. •BIPONEWS N° 1 //>> 22 •BIPONEWS N° 1 //>> 23 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 24 Agir Il est possible de fréquenter certains de ces lieux de soins à différents moments de votre parcours, chacun d’eux correspondant à une période particulière de votre trajectoire. Votre psychiatre, responsable de votre suivi, est susceptible d’intervenir dans chacun de ces lieux. Il est la plupart du temps en lien avec les différents soignants qui y travaillent. Des professionnels libéraux et non rattachés à ces structures de soins peuvent également prendre en charge votre maladie : médecins généralistes, psychiatres libéraux, psychologues, psychothérapeutes, etc… d’une amélioration compatible avec la poursuite des soins à l’extérieur. La règle est que plus les troubles sont pris tôt en charge, plus la durée d’hospitalisation peut être brève. Il est même possible de traiter la crise à domicile pour peu qu’un certain nombre de précautions soient prises et que l’entourage soit présent et informé des risques et de la maladie. La place de l’hospitalisation La protection du patient « J’avais besoin de rentrer à l’hôpital : seule chez moi, j’aurais fini par faire une bêtise ». Myriam L’hospitalisation peut être utile, voire nécessaire, pour traiter un épisode maniaque ou dépressif majeur. Elle permet : • de vous protéger de votre maladie et des comportements qu’elle peut engendrer (geste suicidaire, excès provoqués par une débauche d’énergie, comportements à risque). Dans ces moments-là, c’est un « refuge », un endroit où comme Myriam vous pouvez vous sentir protégé. • une prise en charge « intensive » : adaptation rapide des traitements à l’évolution de vos symptômes, entretiens fréquents avec médecins et infirmiers, possibilité de faire le point sur vos difficultés sociales. L’hospitalisation n’est pas synonyme d’enfermement. La grande majorité des patients hospitalisés le sont de leur propre volonté. La durée d’hospitalisation se limite au temps nécessaire à l’obtention •BIPONEWS N° 1 //>> 24 Nous avons vu précédemment que l’état maniaque pouvait conduire à des excès, notamment des dépenses inconsidérées. Il peut alors s’avérer nécessaire de mettre en œuvre des procédures pour protéger vos ressources, notamment par la mise en place d’une mesure transitoire, la sauvegarde de justice, qui permet de contrôler les dépenses. • La sauvegarde de justice médicale à la demande du médecin traitant est une mesure de protection immédiate, souple et en général, de courte durée. Elle peut notamment s’appliquer en urgence, sur décision médicale. Elle est régie par le Code civil, des articles 491 à 491-6. Toute personne majeure chez laquelle il est constaté une altération des facultés mentales et / ou corporelles peut être placée sous sauvegarde de justice Le majeur protégé conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, les engagements passés, tels que des prêts peuvent être annulés ou réduits s’ils s’avèrent excessifs. Une sauvegarde est limitée dans le temps. Elle cesse automatiquement de produire ses effets 2 mois après son ouverture. Des renouvellements sont possibles si l'état du majeur le nécessite. Chaque renouvellement dure 6 mois. • Tutelle et curatelle sont les deux autres mesures de protection. Elles limitent davantage l’autonomie de décision de la personne protégée. Elles s’appliquent sur décision du juge des tutelles et ne sont pas des mesures d’urgence. •BIPONEWS N° 1 //>> 25 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 26 Agir 2 Comment éviter une rechute ? « Grâce aux informations que l’on m’a données au cours des groupes de psychoéducation, je sais repérer les variations de ma réactivité émotionnelle. Dès que je sens une hyperréactivité émotionnelle inhabituelle, je sais que je risque de débuter un accès maniaque. Je contacte le plus rapidement possible mon psychiatre ». Simon Parmi les stratégies efficaces pour prévenir les rechutes il faut souligner : La prise régulière des médicaments respecter la posologie et signaler les effets indésirables éventuels au médecin ou à l’infirmière. L’apport de la psychothérapie elle ne constitue pas à elle seule une prise en charge suffisante, mais elle permet de mieux vivre avec sa maladie, de mieux la comprendre et de mieux se comprendre. C’est un soutien important. •BIPONEWS N° 1 //>> 26 Plusieurs types de psychothérapies sont proposés : • La thérapie de type psychanalytique (cure par la parole), fondée sur l’exploration de l’inconscient, à travers le transfert et un travail sur sa vie personnelle (notamment comment la petite enfance résonne aujourd’hui chez le sujet en analyse). • Les thérapies familiales agissent non pas sur la personne mais sur l’ensemble du système familial. Elles ne s’intéressent pas à la cause des troubles bipolaires, mais à la façon dont la famille réagit autour de ces troubles. Elles aident à identifier et comprendre l’impact du trouble dans les relations familiales afin de les diminuer. • La thérapie cognitive et comportementale (TCC) est une thérapie brève qui comprend une quinzaine de séances. Elles se pratiquent en séances individuelles ou en groupes et sont basées sur les théories de l’apprentissage et du conditionnement. Le thérapeute apprend au patient un certain nombre de techniques comportementales (comme la technique de résolution de problème) qu’il pourra utiliser seul et poursuivre après l’arrêt du traitement. Ces techniques de « psychoéducation » donnent aux patients les moyens théoriques et pratiques d’améliorer leur compréhension de la maladie et la gestion de ses conséquences. •BIPONEWS N° 1 //>> 27 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 28 Agir Les interactions avec l’entourage Le respect des conseils d’hygiène de vie Ma femme souffre d’un trouble bipolaire. Avant je ne comprenais pas bien sa maladie. Du coup ma réaction était vive et ne faisait qu’augmenter son irritabilité. C’était le cercle infernal. Maintenant, j’ai appris à repérer s’il s’agit d’une réaction adaptée à une situation précise, ou d’un signe précurseur d’une phase maniaque. Dans ce cas, j’évite de prendre cette irritabilité pour moi et d’envenimer la situation. J’aide ma femme à la repérer pour que nous allions ensemble voir son psychiatre traitant avant l’urgence ». Plusieurs conseils peuvent vous aider à limiter le nombre et l’impact des crises : • Sommeil adéquat (respect des rythmes veille - sommeil), • Activité régulière (éviter le surmenage), Jean Les familles ne doivent pas être tenues à l’écart de la prise en charge et de l’information. Avec vous, elles souffrent des effets négatifs liés à la maladie. Cependant, il est important qu’elles puissent trouver un juste milieu entre l’absence d’implication et la substitution au soignant. Ces deux comportements extrêmes partent souvent de bonnes intentions, soit elles ne veulent pas interférer dans la prise en charge, soit elles veulent aider au maximum le patient. Si les soignants ont un rôle important à remplir, votre famille et vos amis ont aussi un rôle à jouer. •BIPONEWS N° 1 //>> 28 • Eviter (ou limiter) les produits excitants : alcool, thé, café, • Eviter toutes les autres drogues, • Gérer les risques de stress (être attentif aux engagements affectifs, aux succès et aux échecs), • Pratiquer des activités sportives ou de détente, • Eviter l’inactivité excessive, • Bien se connaître pour mieux se contrôler : ce contrôle est essentiel pour prévenir les phases d'excitation et savoir reconnaître les signes annonciateurs d'un nouvel épisode, • Consulter rapidement dès les premiers signes annonciateurs d’une rechute. •BIPONEWS N° 1 //>> 29 6482_BIPOnews 170x260 140306 14/03/06 9:10 Page 30 Bibliographie : Coryell W et coll. The enduring psychosocial consequences of mania and depression. Am. J. Psychiatry, 1993 ; 150 : 720-727 Apprendre à identifier les signes d’alerte de la crise Lorsque vous êtes en état maniaque ou plongé dans une grave dépression vous êtes rarement conscient qu’il s’agit d’un trouble psychique. Vous ne pensez donc pas à consulter un médecin. Ce sont souvent vos proches qui réagissent, inquiets des troubles du comportement ou des conduites bizarres qu’ils ne supportent plus ou qui leur paraissent menacer votre santé. Cette information sur le DSM-IV®-TR, APA, 2000. trouble bipolaire, ses signes Goodwin FK, Jamison KR. Manic-depressive illness. Oxford University Press, 1990, New York, 938 p Les familles, le médecin, les pompiers, la police peuvent alors intervenir. La loi prévoit des modalités d’hospitalisation sous contrainte lorsque la personne ne peut consentir aux soins. Afin d’éviter, les affrontements, la violence qui parfois en découlent, il est indispensable de repérer ses symptômes le plus tôt possible. Certaines personnes qui souffrent de troubles bipolaires ont réussi à identifier quelques signes annonciateurs, ce qui leur permet de recourir plus précocement aux soins. hypothèses scientifiques à caractéristiques, les l’œuvre aujourd’hui, les différents traitements proposés, constitue une étape indispensable de votre prise en charge. Exemples de signes d’alerte de l’accès maniaque (modifications notables par rapport à votre comportement habituel) Bien connaître et bien comprendre votre maladie D • Dormir seulement quelques heures et ne pas se sentir fatigué ; • Mes proches me disent que je suis très irritable voir agressif ; • Faire beaucoup de tâches ménagères à des moments inopportuns, par exemple la nuit ; peut vous aider à limiter Romans SE, McPherson HM. The social networks of bipolar affective disorder patients. J. Affect. Disord., 1992 ; 25(4) : 221-228 Rouillon F. Epidémiologie du trouble bipolaire. Données actuelles. L’Encéphale, 1997 ; Sp I : 7-11 les rechutes et leurs Suppes T et coll. The Stanley foundation bipolar treatment outcome network II. Demographics and illness caracteristics of the first 261 patients. J. Affect. Disord., 2001 ; 67 : 45-49 conséquences. • Parler beaucoup en sautant d’un sujet à l’autre. •BIPONEWS N° 1 //>> 30 Perlick D et coll. Burden experience by care-givers of persons with bipolar affective disorder. Br. J. Psychiatry, 1999; vol 175(7):56-62, •BIPONEWS N° 1 //>> 31 14/03/06 9:10 Page 32 - VZYP06-069. Institut Lilly. © tous droits de reproduction réservés. Mars 2006. 6482_BIPOnews 170x260 140306 Association déclarée, régie par la loi du 1er juillet 1901 13, rue Pagès - 92158 Suresnes Cedex Tél. : 01 55 49 34 16 - Fax : 01 55 49 33 08 www.lilly.fr