Les états de mer naturels 02 - Génération des lames dans la mer du vent
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2. Génération des lames dans la mer du vent
2.1. Définitions
La mer et les océans sont le siège d'une multitude d'ondes progressives
d'origines diverses dont les crêtes sont espacées d'une distance pouvant
aller d'une vingtaine de centimètres pour les rides capillaires, à plusieurs
milliers de kilomètres pour les "tsunamis".
Les ondes progressives, dues à l'action du vent, dont les distances entre
crêtes vont de quelques mètres à quelques centaines de mètres sont
appelées "lames" ("waves").
Lorsque des lames se reproduisent plus ou moins grossièrement à
l'identique à des intervalles de temps allant de quelques secondes à
quelques dizaines de secondes, elles sont appelées "houles" ("swell").
Le mot "vagues" ("waves") n'implique, par contre, pas nécessairement
l'idée de reproduction plus ou moins périodique des phénomènes.
Le terme "mer du vent" ("wind generated sea") désigne le système, assez
confus, d'oscillations forcées que le vent fait naître, et qu'il développe par
la suite, à la surface de la mer.
Le terme "mer complètement formée" ("fully developed wind sea")
désigne le système, relativement organisé, d'oscillations libres que les
lames précédentes finissent par constituer lorsqu'il n'y a plus de vent ou
lorsqu'elles sont sorties de la zone d'influence du vent.
2.2. Principe de la génération des lames
Lorsqu'un vent se met à souffler sur une étendue d'eau initialement au
repos, il apparaît tout d'abord de petites rides dues au frottement visqueux
de l’air sur l’eau. Elles sont uniformément réparties sur la surface à peu
près plane de la mer. Leur amplitude va aller en croissant pour donner
des lames de directions, de longueurs d'onde et de hauteurs très
variables en fonction de la régularité du vent. Il s'établit alors ce qu'on
appelle une mer de vent.
La génération des lames dépend des transferts d'énergie entre le vent et
la mer, mais les conditions dans lesquelles ceux-ci s'effectuent ne sont
pas encore très bien connues, malgré le grand nombre d'explications
proposées depuis plus d’un siècle : G.G. Stokes /1847/, Lord Kelvin
/1887/, H. Helmholtz /1888/, H. Jeffreys /1924/ et /1925/, H.U. Sverdrup et
W.H. Munk /1947/, C. Eckart /1953/, O.M. Phillips /1957/, J.W. Miles
/1957/ /1959/ et /1962/, M.J. Lighthill /1962/, B. Kinsman /1965/, J.A.
Ewing /1971/.
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Il semble toutefois établi que l'énergie du vent est transférée à la mer par
des mécanismes qui sont liés, d'une part, aux fluctuations de pressions et,
d'autre part, au frottement tangentiel à la surface libre.
Si les fluctuations de pression peuvent engendrer des écoulements
irrotationnels, le cisaillement au frottement tangentiel ne peut donner
jour qu'à des écoulements rotationnels. Dans ces conditions, le fait que
les modèles fondés sur les écoulements irrotationnels soient relativement
satisfaisants pour décrire les houles océaniques, pousse à privilégier les
explications faisant intervenir des mécanismes liés aux fluctuations de
pression.
Il convient cependant de rester prudent, car les phases d'évolution de
l'état de la mer résultent, pour une période de lames donnée, de la
succession de divers processus complexes ; les vagues courtes étant
levées les premières.
Actuellement l'explication la plus souvent admise repose sur le modèle de
la génération des rides par résonance, propopar O.M. Phillips /1957/,
complété par la théorie de l'écoulement cisaillé ("shear-flow") due à
J.W. Miles /1957/, /1959/ et /1962/.
2.3. Initiation de rides par résonance
L'écoulement d'air engend par le vent au dessus de la surface
horizontale de la mer étant, par nature, fortement turbulent (figure 2.1), il
existe toujours, même au dessus d'un plan d'eau calme, des variations de
pression suffisantes pour initier et développer des lames.
Figure 2.1 : turbulence de l’écoulement de l’air au dessus de la surface de la
mer (d’après A. Ramamonjiarisoa /1980/).
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Les structures tourbillonnaires de l'écoulement de l'air créent, au
voisinage de la surface libre, des fluctuations de pression qui se
propagent dans la direction du vent avec une certaine longueur d'onde
L.
Cette onde de pression engendre, puis amplifie des rides ; l'amplification
ne pouvant se faire que si la condition de résonance est satisfaite, c'est à
dire si la longueur d'onde
λ
de ces rides est égale à
L
.
Ce mécanisme ne peut donc expliquer la naissance de rides de longueurs
supérieures à la taille caractéristique des plus grosses structures
tourbillonnaires engendrées par le vent.
Cette phase d'initiation correspond, pour une période donnée, à une
croissance à peu près linéaire de l'amplitude des rides avec le temps.
2.4 Amplification des lames par l'écoulement d'air moyen
Une fois les premières rides formées, leur croissance est assurée par
l'interaction entre l'écoulement moyen de l'air et les ondulations de la
surface libre suivant deux mécanismes.
Les ondulations de la surface libre modifient localement le champ des
vitesses moyennes. Il en résulte, à un léger déphasage près, une
surpression dans les creux et une dépression sur les crêtes, ce qui
contribue à l'augmentation de l'amplitude des lames.
Figure 2.2 : modification du champ des vitesses moyennes par les
ondulations de la surface libre (d’après A. Ramamonjiarisoa /1980/).
Par ailleurs, le profil de vitesse initial du vent au dessus de la surface libre
est déformé par les ondulations ; la vitesse tangentielle ayant tendance à
être plus faible dans les creux. Le cisaillement à la viscosité de l'air
accompagne alors les particules dans leur mouvement orbital et tend ainsi
à augmenter les vitesses orbitales en surface.
Quand les vagues ont atteint des hauteurs suffisamment importantes, les
crêtes représentent des obstacles pour le vent dont l'écoulement décolle
alors derrière les crêtes les plus hautes. Il en résulte une différence de
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pression entre les faces au vent et les faces sous le vent des lames. C'est
l'effet de masque ("sheltering effect") décrit par H. Jeffreys /1925/.
Ces interactions engendrent des phénomènes fortement non linéaires qui
conduisent, pour une période donnée, à un accroissement qui varie
exponentiellement avec le temps.
Figure 2.3 : les crêtes importantes représentent un obstacle pour le vent
(d’après A. Ramamonjiarisoa /1980/).
2.5. Transfert d'énergie par déferlement
L'énergie véhiculée par une houle étant proportionnelle au carré de son
amplitude, les transferts d'énergie dus aux différents mécanismes
tendent, pour chaque période, à augmenter l'amplitude des vagues
jusqu'à ce qu'elles sortent de la zone d'action du vent (limitation par le
fetch), ou que le vent tombe (limitation par la durée), ou qu'elles atteignent
la cambrure limite ce qui entraîne leur déferlement (rapport entre la
hauteur crête à creux et la longueur d’onde d’environ 14% en eau
profonde), ou enfin qu'elles arrivent dans une profondeur trop faible pour
se propager sans déferler.
Non seulement cette limitation de la cambrure empêche les vagues
d'atteindre des hauteurs infinies, mais elle contribue également, par
transfert d'énergie des houles de petites périodes vers les houles de plus
grandes périodes, à l'augmentation des amplitudes des lames non encore
concernées par le déferlement.
La hauteur des lames augmente d'autant plus rapidement que la célérité
est plus proche de la vitesse du vent. D’après O.M. Phillips, la croissance
est d'autant plus rapide que les lames sont plus courtes, tandis que pour
J.W. Miles, la croissance est d'autant plus lente que les lames sont plus
courtes !
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2.6. Mer en formation et mer formée
Les différents mécanismes conduisent d’autant plus rapidement à un état
de saturation que les périodes sont courtes. Puis, lorsque les lames d’une
période donnée commence à déferler, elles cèdent une partie de leur
énergie aux lames plus longues qui sont encore en cours de formation.
Lorsque l'état de saturation est atteint pour toutes les périodes, la mer est
complètement formée.
Au début de la formation de l'état de mer, les longueurs des crêtes sont
de l'ordre de deux à trois fois la longueur d'onde des lames. Lorsque l'état
de mer est formé, la longueur moyenne des crêtes s'est allongée pour
atteindre six ou sept fois la longueur d'onde.
Dans la réalité, lors du passage d'une perturbation atmosphérique, la
zone d'action du vent se place. Selon la direction du déplacement de la
perturbation par rapport à celle du vent qu'elle induit, il peut y avoir une
augmentation ou une réduction du temps d'action du vent sur la mer déjà
formée.
Par ailleurs, le déplacement de la perturbation provoque, en un lieu
donné, une modification de la direction et de l'intensité du vent, ce qui
entraîne l'apparition d'une agitation multidirectionnelle.
Enfin, une agitation due à un vent local peut s'ajouter à la houle provenant
d'une tempête éloignée.
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