Menaces environnementales et systèmes
d'alerte : conceptualisation et enjeux
Résumé. Acteur français important de l'alerte sanitaire, l'Institut de veille sanitaire a établi
en 2009 un recensement de 106 menaces environnementales pour la santé publique.
Dans le prolongement de ce recensement, le présent travail avait pour objectif de repérer
les dispositifs d'alerte existants en santé environnementale, de décrire leur nalité, leur
structure et leurs modalités organisationnelles et, enn, d'en dégager l'intér^
et pour les
parties prenantes. À partir d'une consultation des sites Internet des principaux pays
œuvrant dans ce champ et d'entretiens avec les acteurs responsables (industriels,
pouvoirs publics, associations), l'étude a permis de conduire une réexion pour éclaircir
les concepts souvent polysémiques de menace, de surveillance et d'alerte. Elle apporte
des voies de compréhension à la similarité des systèmes de surveillance et d'alerte
développés dans le monde et en produit une classication par modélisation des systèmes
de surveillance et d'alerte utile à la compréhension des enjeux de l'action publique. En
s'inspirant de la théorie du contrôle des sciences de l'ingénieur, ces systèmes peuvent
^
etre modélisés comme des boucles qui commandent l'état de l'environnement et/ou de
la santé par des dispositifs de contrôle alimentés par la mesure d'indicateurs
environnementaux et/ou sanitaires. Cette représentation générique est complétée par
la notion de temporalité qui distingue la réaction immédiate de l'action différée et la
variabilité immédiate de celle à distance de l'évènement. L'interprétation des résultats du
dispositif de surveillance est peu aisée en raison notamment de la difculté à identier la
fraction du risque attribuable à un ou des agents donnés. Ce modèle théorique, en
distinguant les menaces connues et inconnues et la nature chronique ou aiguë de
l'exposition, permet de mieux rééchir à la façon de surveiller la santé environnementale
et de concevoir des modes d'alerte pour agir. Trois catégories sont identiées :
surveillance environnementale à des ns sanitaires, surveillance sanitaire spécique en
santé environnementale et surveillance sanitaire générique. Deux perspectives peuvent
^
etre évoquées. La première repose sur une approche intégrative des indicateurs
environnementaux et sanitaires pour un repérage n des risques. La seconde vise à
hiérarchiser par niveau de risque les situations d'exposition.
Mots clés : menaces environnementales ; surveillance ; système d'alerteQ3.
Abstract
Environmental threats to public health and warning systems: conceptualization
and stakes
In 2009, the French Institute for Public Health Surveillance, a major actor in health alerts,
listed 106 environmental threats to public health. The aim of this article is to extend this
census by identifying the warning systems that exist in environmental health, to describe
their functions, their structure, their organizational methods and nally their utility for the
stakeholders. This study, based initially on a consultation of the websites of the principal
countries working in this eld and interviews with those managing them (industries,
public authorities, associations, etc), enabled us to conduct an analysis aimed at
illuminating the often polysemic concepts of threat, surveillance/monitoring and alert/
warning. It provides avenues for understanding the similarities of surveillance and
warning systems developed throughout the world. By modeling this system, we produced
a classication useful for understanding the stakes of public action. The control theory of
JULIE MICHEAU
1
FRÉDÉRIC DOR
2
RICARDO DE GAINZA
3
CHRISTINE A. ROMANA
4
1
Plein Sens
5, rue Jules-Vallès
75011 Paris
France
2
InVS
département santé-
environnement
12, rue du Val-d'Osne
94415 Saint-Maurice cedex
France
3
Pertina
22, rue Henri-Regnault
75014 Paris
France
<ricardo.degainza@pertina.
com>
4
Université Paris
Descartes
PRES Sorbonne Paris Cité
19, rue de Dantzig
75015 Paris
France
Tirés à partQ1 :
J. Micheau
Pour citer cet article : Micheau J, Dor F, de Gainza R, Romana CA. Menaces environnementales et
syst
emes d’alerte : conceptualisation et enjeux. Environ Risque Sante 2012 ; xx : 1-9. doi : 10.1684/
ers.2012.0574
Article reçu le 26 mars 2012,
accepté le 2 septembre 2012
Environ Risque Sante Vol. xx, n8xx, xxx-xxx 2012 1
Article original
doi: 10.1684/ers.2012.0574
L'Institut de veille sanitaire (InVS, France) est un
acteur important de la veille et de l'alerte sanitaire
en France [1, 2]. Il a établi en 2009 un recensement de
106 menaces environnementales pour la santé publique
[3, 4], il apparaissait que 22 d'entre elles entraient
dans la catégorie « menaces faisant l'objet d'un dispositif
de surveillance de santé publique » sans distinction d'une
notion d'alerte. La question qui se posait alors était de
savoir s'il en était de m^
eme dans les autres pays
développés. Est-ce que cette insufsance apparente de
la surveillance et de l'alerte était une spécicité française
ou pas ? Pouvait-on s'inspirer de systèmes étrangers pour
développer en France la surveillance des risques en santé
environnementale ? Pour répondre à ces questions, une
étude de comparaison internationale a été lancée par
l'InVS dans le but d'identier les systèmes d'alerte en
santé environnementale existant à l'étranger (États-Unis,
Australie, Canada, Allemagne, Royaume-Uni, Union
européenne) et n'existant pas en France.
Or, cette recherche n'a pas permis d'identier de
systèmes véritablement innovants par rapport aux dis-
positifs français. L'étude a surtout révélé une très grande
similarité dans les systèmes de surveillance et d'alerte
mis en place par les institutions publiques en charge de
la santé environnementale dans les pays étudiés [5].
Comment expliquer cette similarité de la surveillance à
travers les pays consultés alors que les actes d'un
colloque tenu en 2009 témoignent de ce que la notion
de surveillance en santé environnementale est loin d'^
etre
stabilisée et que son périmètre fait débat ? Notamment,
les frontières entre surveillance et recherche en santé
environnementale relèvent de conventions qui restent à
établir [6].
Une réexion s'imposait pour identier les possibles
raisons de ce constat. Nous la présentons ici en tant que
tentative de mise en ordre et d'éclaircissement des
concepts souvent polysémiques de menace, de surveil-
lance et d'alerte. Sur la base des systèmes repérés, nous
avons cherché à développer un modèle théorique
représentant les systèmes de surveillance et d'alerte,
faisant la distinction entre la nature des risques à
surveiller, et les objectifs du système.
Cette approche théorique :
apporte des voies de compréhension à la similarité des
systèmes de surveillance et d'alerte développés dans les
différents pays étudiés ;
produit une classication par modélisation des systè-
mes de surveillance et d'alerte utile à la compréhension
des enjeux de l'action publique.
L'ensemble de ces réexions sur les objets et les
concepts de la surveillance en santé environnementale
permettra ainsi de situer les systèmes d'alerte existants
dans un ensemble plus vaste de possibles pour l'action
publique à venir.
Méthode de recensement
des systèmes d'alerte à l'étranger
La recherche des dispositifs de surveillance et d'alerte
existants à l'étranger a d'abord été réalisée en consultant
des bases de données documentaires classiques mais
également les sites Internet des nombreuses institutions
en charge de la santé, de l'environnement et/ou de la
santé environnementale présentes dans les principaux
pays sélectionnés que sont les États-Unis, le Canada,
l'Australie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Union
européenne
1
. Il s'agit entre autres des sites de l'US
engineering science suggests that these systems can be modeled as loops that command
environmental or health status by control mechanisms fed by measurements of
environmental or health indicators. This generic representation is completed by the
concept of temporality, which distinguishes the immediate reaction from delayed action
and the immediate variability from that distant from the eventQ2. It is not easy to interpret
surveillance system results, especially because of the difculty in identifying the
attributable risk fraction for one or more given agents. This theoretical model, by
distinguishing known from unknown threats and chronic from acute exposure, allows a
better analysis of the ways of monitoring environmental health and of designing warning
systems for action. Three categories were identied: environmental surveillance for health
purposes, specic health surveillance in environmental health and generic health
surveillance. Two perspectives can be mentioned. The rst is based on an approach that
integrates environmental and health indicators for a detailed identication of risks. The
second aims at ranking exposure situations by risk level.
Key words: Q4.
1
Pour une méthode détaillée et la liste des personnes et
institutions consultées, voir le rapport d'étude [4].
2Environ Risque Sante Vol. xx, n8xx, xxx-xxx 2012
J. Micheau, et al.
Environmental Protection Agency, de l'Agency for Toxic
Substances and Disease Registry et de Health Canada.
Dans un deuxième temps, des entretiens téléphoni-
ques ont été conduits avec les responsables des
programmes identiés ou des responsables institution-
nels an de renseigner les prolongements sanitaires
éventuels des dispositifs de surveillance environnemen-
tale, de surveillance sanitaire spécique et, enn, de
biosurveillance.
Résultats
Surveillance et alerte : des dispositifs
àdénir en fonction de leur objectif
L'étude, conduite par l'InVS sur le recensement des
menaces environnementales en 2009 [4], avait permis d'en
établir la dénition suivante : « tout évènement ou
situation conduisant à une exposition aiguë ou chronique
à un agent ou des agents (physique, chimique ou
biologique) présents dans l'environnement, d'origine
naturelle ou anthropique, et susceptibles d'engendrer
des effets potentiels ou avérés sur la santé humaine ». La
menace est décrite par trois éléments :
un potentiel dangereux (un agent, une source) ;
le lieu identié le plus précisément possible et qui est
l'endroit où le contact homme-environnement s'effectue ;
un vecteur induisant une voie de contamination
(contact cutané, inhalation, ingestion...).
Pourtant,Q5 comment analyser ce que peut ^
etre un
système d'alerte associé à une ou des menaces ?
Étymologiquement, le terme « alerte » vient de estre a
l'herte^
etre sur ses gardes, sur le qui-vive ». L'usage plus
contemporain du mot fait référence à un « signal,
généralement sonore, ou appel avertissant d'un danger
imminent et engageant à prendre les dispositions
nécessaires pour l'éviter »
2
.
Deux acceptions du mot alerte, sensiblement diffé-
rentes, peuvent ^
etre retenues :
l'une proche de l'expression d'origine qui désigne un
état de vigilance mais sans référence nécessaire à une
menace spécique ;
l'autre plus précise qui désigne le signalement d'une
menace qui a été identiée et une réaction à ce
signalement.
Ainsi, seules les menaces connues, ou plus exacte-
ment décrites comme un système causal (cause, situation
d'exposition, effet), peuvent faire l'objet d'un dispositif de
surveillance à proprement parler dans une visée d'alerte
incluant un plan de gestion prédéterminé. C'est, par
exemple, le cas de la déclaration obligatoire du satur-
nisme, du système d'alerte canicule et santé et des
intoxications au monoxyde de carbone.
Les menaces mal dénies ou inconnues ne peuvent,
elles, faire l'objet que de travaux d'étude à visée
d'acquisition de connaissances pour mieux les caracté-
riser. Une phase d'évaluation du risque est nécessaire
avant d'envisager tout dispositif de surveillance incluant
des mesures de gestion. La gure 1 permet de visualiser
cette distinction.
L'objectif de cette étude sur le recensement des
dispositifs d'alerte à l'étranger portait bien sur des
dispositifs afférents à des menaces connues et décrites,
et permettant justement de construire des protocoles
d'alerte préventifs dans une logique de gestion du risque.
À côté, a été trouvé un champ immense de travaux qui
s'intitulent dispositifs de surveillance au sens où ils
satisfont aux exigences de continuité et de régularité de
l'observation. Cependant, ils ne commandent pas
d'action directe de protection des populations exposées
aux menaces mesurées.
Pour bien faire comprendre cette différence, prenons
l'exemple du dispositif de surveillance de la pollution
atmosphérique dans neuf villes françaises appelé Pro-
gramme de surveillance air et santé (PSAS) animé par
l'InVS [7, 8]. Ce programme, mis en œuvre depuis 1997,
poursuit plusieurs objectifs. On peut citer l'étude des
risques sanitaires, à court et long termes, associés à
l'exposition à la pollution atmosphérique ; la réalisation
d'évaluations d'impact sanitaire de la pollution atmos-
phérique à l'échelle locale ou nationale ; l'appui aux
services déconcentrés de l'État et aux acteurs locaux pour
la gestion de la qualité de l'air ; la réalisation d'une analyse
critique de la littérature sur les effets sanitaires de la
pollution atmosphérique ; la coordination du travail, de la
synthèse et la publication régulière des résultats.
Ce programme peut ainsi ^
etre décrit comme un
dispositif de surveillance il a une visée d'étude et
d'approfondissement des connaissances mais il ne
commande pas directement, en réaction aux mesures
observées, des actions de protection sanitaire immédia-
tes. Ce sont les associations de surveillance de la qualité
de l'air qui, à travers le réseau de mesures mis en place,
déclenchent l'alerte en cas de dépassement de seuils
réglementaires xés à partir notamment des travaux du
PSAS. Il est un outil d'aide à la décision situé en amont des
dispositifs d'alerte opérationnels, et non, en soi, un
système opérationnel de gestion de la santé et/ou de
l'environnement.
Il y a donc, d'une part, les dispositifs de surveillance à
visée d'étude et d'observation, d'aide à la décision et les
travaux scientiques qui contribuent à l'évaluation des
risques et, d'autre part, les dispositifs de surveillance
opérationnels qui ont une visée d'alerte pour engager
rapidement des actions de protection des populations. Si
le travail de recensement à l'étranger permet de mettre au
jour de vastes champs de recherches et de travaux qui
n'ont pas toujours leur équivalent en France en termes de
2
Trésor de la langue française informatisé (http://atlif.atlif.fr), la
première occurrence du mot est datée en 1552.
Environ Risque Sante Vol. xx, n8xx, xxx-xxx 2012 3
Menaces environnementales et systèmes d'alerte : conceptualisation et enjeux
recherche, en revanche, les dispositifs de surveillance et
d'alerte opérationnels des pays étudiés sont très similai-
res aux nôtres.
La construction d'un système
de surveillance : dispositif de contrôle
et indicateurs
Une dénition de la surveillance en santé environne-
mentale est proposée par Eilstein et al. en 2009 [9]. Elle
stipule que « plus que l'environnement et/ou la santé,
l'objet de la surveillance en santé environnementale est la
relation entre les deux entités ». En empruntant à la
théorie du contrôle des systèmes des sciences de
l'ingénieur [10], nous proposons de considérer la santé
environnementale comme un état variable résultant d'un
système dynamique liant population (vulnérabilité) et
environnement (aléa). La surveillance de l'état de ce
système (santé et environnement) peut ^
etre modélisée
comme un dispositif de contrôle et de maîtrise de l'état
sanitaire des populations à travers un ensemble d'actions
ou de commandes appliquées à ce système (gure 2).
Dans ce schéma générique, le dispositif de mesure qui
alimente la décision d'une action de contrôle c'est-à-
dire d'une action permettant de corriger/modier/rétablir
l'état de la santé et/ou de l'environnement peut porter
sur des mesures de l'état sanitaire ou de la vulnérabilité de
la population (boucle 1) ou sur des mesures de l'état de
l'environnement (boucle 2). Rares sont aujourd'hui les
systèmes qui combinent les deux comme le dispositif
d'alerte à la canicule (suivi météorologique des tempé-
ratures et en cas de dépassement des seuils des taux de
mortalité hospitaliers ou à domicile) [11, 12]. Mais un des
résultats du recensement des systèmes de surveillance et
d'alerte à l'étranger est le constat de la très faible
intégration des deux systèmes et la rareté des systèmes
combinant surveillance sanitaire et environnementale.
Examinons maintenant la notion d'alerte. L'alerte
existe quand l'action de contrôle des situations d'exposi-
tion est commandée par une mesure de l'état du système
(état de l'environnement et/ou état sanitaire de la
population) mise en relation avec des repères générant
l'action. L'action de contrôle aura alors comme objectif de
réduire les risques associés aux situations d'exposition et
à prendre en charge les populations concernées à travers
la mise en place, par exemple, de mesures de prévention
sanitaire ou de modication de l'environnement.
Le recensement des systèmes de surveillance montre
qu'une grande part de l'action publique de contrôle de la
santé environnementale repose sur des systèmes de
contrôle sans dispositif de mesure rétroactif permanent
(sans boucle rétroactive), ni alerte : il s'agit de toute la
réglementation sur les émissions (d'agents chimiques, de
Menace décrite
Gestion du risque
Menace supposée
Évaluation du risque
Surveillance
systématique
et continue
à visée
d’alerte
Surveillance
à visée de
connaissance
Alerte à visée
d'information/
recommandation
et/ou
d’intervention
Alerte sur
I’existence
d’une menace
Actions
immédiate :
prévention
Définition
d’une
menace
Figure 1. Acceptions de l'alerte et de la surveillance en santé environnementale selon le niveau de description de la menace.
Figure 1. Meanings of warning/alert and surveillance/monitoring in environmental health according to the level of description of the threat.
4Environ Risque Sante Vol. xx, n8xx, xxx-xxx 2012
J. Micheau, et al.
bruit, dans l'air, dans les produits manufacturés ou
alimentaires...) qui vise à contrôler le niveau de risque
des situations d'exposition mais sans engager une
surveillance permanente de ces situations d'exposition.
On peut parler de contrôle à la source.
Quand il y a boucle rétroactive, se pose la question
des indicateurs qui permettent de piloter le système
d'alerte. Lorsque la santé est surveillée, les indicateurs
sanitaires peuvent ^
etre soit spéciques (une pathologie
précise) soit génériques (un nombre de consultations
augmentées dans un service d'urgence ou d'appels au
Samu, une mortalité inhabituelle, par exemple) selon que
les menaces sont respectivement décrites ou inconnues.
En effet, lorsque les menaces sont décrites, que ce soit en
termes sanitaires ou en termes environnementaux, les
indicateurs seront sensibles et/ou spéciques. A contra-
rio, lorsqu'une menace est inconnue, les indicateurs
sanitaires et environnementaux ne peuvent ^
etre que
génériques.
Pour compléter cette représentation générique des
systèmes de surveillance de la santé environnementale, il
faut aussi décrire la temporalité du dispositif de contrôle
et des indicateurs associés. Le schéma (gure 2)
s'applique en théorie tout autant à des systèmes à forte
réactivité, où le dispositif de mesure, quand il signale un
niveau d'alerte, engage immédiatement une action de
contrôle, qu'à des systèmes lents tenant compte soit
d'effets de cumul, soit d'effets de latence pour engager
des actions de contrôle différées. Tout dépend du laps de
temps nécessaire à déclencher l'alerte, c'est-à-dire du
temps nécessaire pour que les effets sanitaires ou les
variations d'exposition se repèrent de façon signicative.
Concernant les expositions, le repérage des exposi-
tions aiguës passera principalement par la surveillance
des variations temporelles des indicateurs à condition
qu'il s'agisse d'une menace à effet instantané ou rapide ,
et pour des expositions chroniques, ce sont plutôt les
variations spatiales qui seraient plus susceptibles de
donner l'alerte, m^
eme s'il ne faut pas oublier que les
évolutions temporelles à long terme sont aussi porteuses
d'information, comme dans le cas, par exemple, des
cancers. La gure 3 permet de visualiser cette distinction,
volontairement très schématique. Elle permet de
comprendre pourquoi les systèmes d'alerte au sens
d'une rétroaction immédiate sur un dispositif de contrôle
ne sont mis en œuvre que pour des expositions aiguës à
effet immédiat, et plus difcilement sur des menaces
constituées par des expositions à effet lent ou différé.
Ainsi, la complexité qu'il y a à envisager un système
d'alerte résulte non seulement de la possibilité d'une
survenue différée des effets quelle que soit la nature de
l'exposition, mais également de l'ampleur de la variation
qui permet d'en tirer des conclusions et des modalités
d'action. Cette complexité conduit à un délai de latence
parfois conséquent dans la gestion de la situation
délétère ; complexité accrue par la difculté d'identier
la fraction du risque attribuable à un ou des agents
donnés.
L'impact sanitaire d'une exposition à un agent toxique
est rarement univoque. C'est le cas pour le plomb et ses
effets sur l'organisme humain (saturnisme), l'amiante et le
mésothéliome et dans une moindre mesure pour le
benzène et les leucémies myéloïdes aiguës. Les deux
premiers exemples présentent une spécicité quasi
complète. En revanche, dans le cas des leucémies, il n'y
a pas de spécicité de l'effet sanitaire. Il est connu que
leur survenue est aussi due à d'autres facteurs de risque. Il
en résulte une difculté dans le dispositif de surveillance
A
L
E
R
T
E 12
Situation
d’exposition
État de
l’environnement
État de santé
des populations
Protection de
l’environnement
Santé
publique
Dispositif
de contrôle
Dispositif
de mesure
Figure 2. Système d'alerte en santé environnementale modélisé comme un système de contrôle rétroactif d'une situation d'exposition.
Figure 2. Warning system in environmental health modeled as a feedback control system for an exposure situation.
Boucle 1 : surveillance de l'état sanitaire de la population ; boucle 2 : surveillance de l'état de l'environnement.
Loop 1: Q9; loop 2: Q10.
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