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intérêt pour des méthodes appartenant à l’anthropologie ou à la sociologie qualitative
ou manifesté une disposition à dialoguer avec des représentants de ces disciplines
(Roussel et Bourguignon, 1976, 1979 ; Caldwell et al., 1988 ; Gérard et Loriaux,
1988 ; Basu et Aaby, 1998 ; Courgeau, 1999).
Une attitude ouverte à l’égard d’approches non quantitatives n’est pourtant pas le
fait de tous les démographes, de même que l’intérêt d’une coopération avec les
démographes n’est pas perçu par tous les chercheurs en sciences sociales, en particulier
par les plus qualitativistes d’entre eux (pour des exemples voir Kertzer et Fricke,
1997). Pour certains auteurs en effet, il existerait une hétérogénéité radicale,
paradigmatique, entre les recherches fondées sur la quantification (dont la démographie
fait partie) et celles qui utilisent des méthodes qualitatives, opposition que Maryse
Marpsat (1999, p. 13) résume ainsi : "Les méthodes quantitatives se rattacheraient à
une vision strictement positiviste ou empiriste, inspirée des sciences de la nature,
visant à tester des hypothèses par la mise en évidence de corrélations entre des
variables ; les méthodes qualitatives, par l’importance accordée au sens donné à leurs
actions par les acteurs eux-mêmes, correspondraient à d’autres traditions
intellectuelles (sont en général cités la sociologie compréhensive de Weber, la
phénoménologie, à laquelle on peut rattacher l’ethnométhodologie, l’interactionnisme
symbolique)". Dans cette perspective, l’opposition entre une science des faits et une
science des interprétations serait évidemment irréductible.
D’autres chercheurs considèrent qu’il s’agit de méthodes différentes, mais
qu’elles peuvent être combinées et articulées au sein de projets de recherche complexes
et d’équipes multidisciplinaires, en fonction des objets d’analyse. Je me situe sans
équivoque dans ce second courant, considérant que pour aborder les questions dont
traite la démographie et faire évoluer la discipline, il est souhaitable d’associer les deux
types de méthodes et de faire émerger une approche compréhensive. En conséquence,
me semble-t-il, la démographie doit moins être définie par ses sources ou par ses
méthodes d’analyse que par son objet, qui est l’analyse de la reproduction des
populations, envisagée dans une perspective large (voir à ce propos Greenhalgh, 1995,
p. 3-28 ; Townsend, 1997, p. 96-114).
L’apport des méthodes qualitatives sera d’abord ici illustré par la diversité des
types de recherches démographiques dans lesquelles elles interviennent, dont des
exemples sont donnés. Les techniques les plus utilisées dans les recherches seront
ensuite présentées. Les objectifs assignés à ces méthodes et les rôles divers qu’elles
jouent seront ensuite détaillés. Les effets des approches compréhensives sur la
démographie elle-même seront enfin envisagés. Dans certains cas, elles modifient
seulement la présentation des résultats. Dans d’autres cas, elles ont des effets
théoriques, faisant surgir de nouvelles méthodes quantitatives, de nouvelles
interprétations, voire de nouvelles questions.
On ne s’étonnera guère qu’une bonne part des exemples soient empruntés à des
travaux menés sur les pays en développement, qui sont aussi des pays à statistiques