Dossier technique n°2 – juin 2004 3
Du puceron ailé au puceron aptère
L’apparition des pucerons sur les plantes cultivées semble relever du miracle. En effet, comment un être aussi
insignifiant est-il informé que vous avez semé des haricots au fond de votre jardin? Qui plus est, comment fait-il
pour se rendre sur les lieux du festin ? En fait, les pucerons ailés sont attirés vers les hauteurs par la lumière ultra-
violette du ciel, et donc incités à s'envoler. Mais, après un vol de quelques minutes seulement, leur comportement
change. Ils se détournent des ultra-violets et sont attirés par le vert du feuillage. Ils se posent alors et piquent les
feuilles : si celles-ci se révèlent d’un goût acceptable (dosage favorable en acides aminés, sucres, etc., contenus
dans la sève), ils restent pour s’alimenter. Lorsque les pucerons sont installés, leurs muscles alaires, devenus
inutiles, sont détruits, et les produits de cette dégradation servent à la "fabrication" des œufs et des embryons.
Les individus ailés sont donc responsables de l’infestation initiale d’une culture qui se fait en général sous la forme
d’un petit nombre de foyers isolés. Les pucerons aptères se reproduisent rapidement dans ces foyers, forment des
colonies denses à générations chevauchantes et commencent à infester les plantes voisines. Au fur et à mesure
que les colonies deviennent plus denses, des individus ailés sont de nouveau formés, qui disséminent l’infestation
à l’ensemble de la culture. Selon la température, les ressources (qualité et quantité de plante hôte) et la densité
des pucerons, la population module au cours des saisons les proportions de formes aptères et ailées qui ont deux
fonctions particulières. Les individus aptères, qui gardent l’aptitude à la marche, assurent l’exploitation du milieu
environnant grâce à une intense multiplication sur place, ils sont d’ailleurs plus féconds que les ailés. Les individus
ailés participent à la dissémination de la population à plus ou moins grande distance et assurent la colonisation de
nouveaux habitats à exploiter.
Une fécondité prodigieuse...
Toutes les espèces de pucerons ont recours à la parthénogenèse : des individus femelles engendrent des
individus femelles, sans qu’il y ait fécondation de l’œuf. Ce mode de multiplication est dit vivipare la fécondation
n’étant pas nécessaire, les embryons commencent à se développer dans le corps de la mère avant même leur
naissance.
Un calcul théorique montre les possibilités démographiques exceptionnelles de ces insectes : soit un puceron
ayant une fécondité moyenne d’une trentaine de larves et dont la durée de développement, de la naissance
jusqu’à la maturité de reproduction, est de 14 jours ; à raison de neuf générations par an pendant la belle saison,
un seul individu pourra être à l’origine de 600 milliards individus !
Le poids d’un adulte étant d’environ 1 mg, ce seraient 600 tonnes de pucerons qui auraient pu être produites par
une seule femelle en une seule saison ! Ce calcul est bien sûr irréaliste et ne tient pas compte des facteurs
défavorables (climat, ennemis naturels notamment), qui limitent les populations.
…mais aussi des ennemis naturels
Les ennemis naturels des pucerons, les 'auxiliaires' du jardinier, sont effectivement nombreux. Mais, malgré leur
efficacité indéniable, ils ont parfois du mal à juguler le développement exponentiel des populations lorsque les
conditions climatiques sont favorables aux pucerons (les pucerons sont en activité dès que la température atteint
5°C alors que les auxiliaires ont besoin d'au moins 10 à 15°C). Plus tard dans la saison, les auxiliaires arrivent à
maîtriser la situation, pour autant qu'ils n'aient pas été détruits par un traitement inopportun.
Ces auxiliaires sont essentiellement des prédateurs et des parasites (ou parasitoïdes) et, à un degré moindre, des
champignons entomopathogènes responsables d’infections mortelles. Les auxiliaires prédateurs sont, entres
autres, les coccinelles (adultes et larves), les syrphes (larves) et les chrysopes (larves). Les auxiliaires parasites
sont surtout des petites guêpes qui pondent leurs œufs dans le corps même des pucerons. N'oublions pas les
oiseaux, en particulier les mésanges, qui sont des prédateurs efficaces des pucerons.
Moyens de lutte contre les pucerons
Par leur activité de succion, les pucerons peuvent affaiblir les plantes et altérer la floraison et les rendements.
Certaines espèces provoquent en plus des déformations des feuilles, des tiges et des fruits et sont susceptibles de
transmettre des maladies à virus. Toutefois, il convient de relativiser ces dégâts. Un jardinier amateur a le souci
légitime de conserver ses cultures dans le meilleur état phytosanitaire mais il n'a pas les mêmes impératifs
économiques qu'un horticulteur professionnel. Il n'est donc pas nécessaire d'éliminer jusqu'au dernier foyer de
pucerons sur toutes les plantes du jardin. De plus, ce sont ces pucerons qui, en servant de nourriture aux
auxiliaires, vont leur permettre de se maintenir dans l'environnement.