L’élaboration du judaïsme rabbinique : orthodoxie et normativité M Dan Jaffé Maître de conférences en histoire des religions à Bar-Ilan University de Tel-Aviv Conférence prononcée le mardi 12 février 2008 à 11h Ces documents sont proposés par le conférencier en complément et en illustration de sa conférence Conférences de Clio Maison des Mines 270 rue Saint-Jacques – 75005 Paris – Métro : Port-Royal ou Luxembourg – Tél. : 0826 10 10 82 – www.clio.fr 1 Sifra Behuqotaï 8, 12, (rédigé autour du IIIe siècle de l’ère chrétienne) : ‘Voici les lois, les décrets et les enseignements’ (Lv 26, 46). Les lois sont les interprétations (midrashot). Les décrets sont les observances rituelles. Les enseignements témoignent que deux Toroth (deux Lois divines) ont été données à Israël, la Loi écrite et la Loi orale [...] sur le Mont Sinaï de la main de Moïse. Cela nous enseigne que la Torah, ses lois, ses approfondissements et ses commentaires ont tous été révélés sur le Mont Sinaï. P. S. Alexander, « "The Parting of the Ways" from the Perspective of Rabbinic Judaism », dans J. D. G. Dunn (Ed.), Jews and Christians. The Parting of the Ways A.D 70 to 135, Tübingen, 1992, p. 22. « Le pouvoir rabbinique est dressé avec les écoles rabbiniques. La bataille pour les cœurs et les esprits est menée dans les synagogues, dans les tribunaux juifs, sur les places de marché, dans les maisons et peut-être parfois dans les tribunaux romains. Dans tous ces domaines, les Rabbis ont progressivement fait pression afin que la halakha rabbinique soit acceptée comme la loi légitime d’Israël. A la fin, ils sont parvenus à marginaliser tous les groupes opposants, comprenant les chrétiens, et à se faire admettre par la majorité des juifs comme étant les dirigeants de la communauté ». Talmud de Babylone Abodah Zarah 27b : R. Ismaël a enseigné : « D’où sait-on que si l’on dit à quelqu’un de pratiquer l’idolâtrie, il le fera plutôt que de mourir ? Car il est enseigné : ‘Et tu vivras par elles’ (Lv 18, 5) et non qu’il ne meurt par elles. Peut-il aussi agir de cette façon en public ? Il est enseigné : ‘Ne profanez pas mon Saint Nom’ (Lv 22, 32). Talmud de Babylone Qidushin 40b : R. Tarfon et les anciens (Sages) étaient assis sur la montée de Beth Nitza à Lod, quand on leur posa cette question : Qu’est-ce qui est plus important, l’étude ou la pratique [religieuse] ? R. Tarfon dit : la pratique. R. Aqiba objecta : l’étude. Chacun répondit : c’est l’étude, car l’étude mène à la pratique. Tosefta Hagiga II, 9 : 2 R. Yose enseigne : Au début, les controverses (makhlokot) n’avaient lieu que dans un beth din (Tribunal Rabbinique) de vingt-trois [juges]. Trois [tribunaux] étaient dans les villes de la Terre d’Israël et deux tribunaux de trois [juges] étaient à Jérusalem. Un tribunal se trouvait sur le Mont du Temple et un autre sur le rempart [du Temple]. Quand un homme avait besoin de connaître une ordonnance (halakha), il se rendait dans le beth din le plus proche de sa ville. S’ils savaient [les membres de ce beth din], ils lui disaient sinon il venait avec le plus sage d’entre eux au beth din du Mont du Temple, s’ils savaient, ils leur disaient sinon ils venaient avec le plus sage d’entre eux au beth din du rempart [du Temple]. S’ils savaient, ils leur disaient sinon ils allaient ensemble au grand beth din des pierres de taille (lishkat ha-gazit). [Ce beth din] contient soixante et onze juges et ne peut contenir moins de vingt-trois juges. Si l’un d’eux doit sortir, il devra regarder si il reste vingt-trois [juges]. Si tel est le cas, il sortira sinon il ne sortira pas jusqu’à qu’il y en ait vingt-trois. Ils résidaient là-bas depuis le sacrifice du matin jusqu’au sacrifice de l’après-midi. Les jours de Sabbath et les jours de fêtes, ils entraient dans la maison d’étude du Mont du Temple. Si une question [de halakha] était posée et qu’ils savaient y répondre, ils y répondaient mais si ils ne savaient pas, ils opéraient en fonction du nombre : si la majorité déclarait une impureté, ils la déclarait [également] ; si celle-ci déclarait une pureté, ils la déclarait [également]. C’est de là-bas que sortait la halakha et qu’elle se répandait en Israël [au sein du peuple juif]. Depuis la propagation des disciples de Shammaï et ceux de Hillel, qui n’ont pas suffisamment servi [leurs maîtres] (appris d’eux), les controverses (makhlokot) se sont multipliées en Israël. Ainsi, on envoie et on enquête sur chaque personne sage, humble, sain d’esprit, qui craint le pêché, bienveillant, et dont l’esprit des créatures [autres hommes] lui est acquis et on le nomme Juge rabbinique (dayan) dans sa ville. Talmud de Babylone Sanhedrin 88b : Depuis la propagation des disciples de Shammaï et ceux de Hillel, qui n’ont pas suffisamment servi [leurs maîtres], les controverses (makhlokot) se sont multipliées en Israël et la Torah s’est constituée en deux Toroth. Midrash Cantique Rabba II, 5 : A la fin des persécutions, nos maîtres se sont rassemblés à Oucha, voici qui ils sont : Rabbi Judah et Rabbi Nehemiah, Rabbi Meir, Rabbi Yosé, Rabbi Siméon ben Yohaï, Rabbi Eliézer fils de Rabbi Yossi le Galiléen, Rabbi Eliézer ben Jacob. Ils ont envoyé aux anciens de Galilée en disant : que celui qui a étudié vienne et enseigne, et que celui qui n’a pas étudié vienne et apprenne. Ils se sont réunis, ont étudié et ont fait tout ce dont ils avaient besoin. Talmud de Babylone Baba Metsia 59b : On a enseigné : Ce jour-là, R. Eliézer a solutionné toutes les questions mais ils ne reçurent pas [ses réponses]. Il leur dit : Si la halakha est comme je le pense, que ce 3 caroubier le prouve. Le caroubier fut déraciné de sa place de cent mesures (amah) et certains disent de quatre cents mesures. Ils lui dirent : On n’apporte pas de preuve d’un caroubier. Il poursuivit et leur dit : Si la halakha est comme je le pense, que cette source d’eau le prouve. La source d’eau revint en arrière. Ils lui dirent : On n’apporte pas de preuve d’une source d’eau. Il poursuivit et leur dit : Si la halakha est comme je le pense, que les murs de la maison d’étude le prouvent. Les murs se penchèrent jusqu’à tomber. R. Yehoshua s’énerva contre eux et leur dit : les Sages (talmidei hakhamim) débattent entre eux de la halakha, en quoi cela vous regarde-t-il ? Ils ne tombèrent pas par respect pour R. Yehoshua et ne se relevèrent pas par respect pour R. Eliézer ; ainsi, ils sont toujours inclinés et relevés. Il leur dit : Si la halakha est comme je le pense, que le ciel le prouve ; une voix sortit et dit : qu’avez-vous envers R. Eliézer car la halakha est selon son interprétation en chaque endroit. R. Yehoshua se tint sur ses pieds et dit : ‘Elle n’est pas dans les cieux’ (Dt 30, 12). Que signifie : ‘Elle n’est pas dans les cieux’ ? R. Yirmiah dit : La Torah a déjà été donnée sur le mont Sinaï, nous ne nous reposons pas sur une voix céleste, car la Torah a déjà écrit sur le mont Sinaï : ‘On opine selon la majorité’ (Ex 23,2). R. Nathan rencontra le prophète Elie et lui demanda : Que fit Dieu à ce moment ? Il lui répondit : Il sourit et dit : « Mes enfants m’ont vaincu, mes enfants m’ont vaincu ». 4