Comparaison des politiques familiales en Europe

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EUROPE
Comparaison des politiques familiales
en Europe
Jeanne Fagnani*
En France, la dimension sociale de la construction européenne focalise l'attention
des responsables de la politique familiale et des différents partenaires sociaux.
Or, face à la diversité des systèmes de protection sociale et, plus particulièrement
des politiques familiales, il a paru nécessaire à la CNAF de lancer un programme
de recherches comparatives entre les différents pays membres de la Communauté
européenne. Le repérage des enjeux, l'analyse des nouveaux arbitrages et des
redéploiements actuels dans le domaine des aides aux familles, constituent les
principaux axes de ce programme.
IR ans la perspective de la construction
lU d'une
"Europe sociale", il est apparu
nécessaire de lancer un programme de
recherches comparatives sur les politiques
familiales en Europe, afin de permettre à la
France, en toute connaissance de cause, de
défendre et d'illustrer les acquis de sa politique
familiale et, éventuellement, de tirer profit
des expériences menées à l'étranger. Une
connaissance réciproque des politiques
familiales menées dans les différents pays
constitue ainsi une étape préalable et
indispensable à l'élaboration de cette "Europe
sociale".
Face aux enjeux du "Traité sur l'Union
européenne" adopté en février 1992, il s'agira
donc,entreautres,dedégager les perspectives
nouvelles en matière de politique sociale et
familialeetdemettreenévidencelessimilarités
et différences entre les caractéristiques de la
poli tique familiale française et celle des au tres
pays membres de la Communauté.
• CNAF- Bureau de la
Recherche. Otargée de
recherche au CNRS;
Les recherches menées sous l'égide du
bureau de la Recherche de la CN AF devraient
ainsi permettre de contribuer aux débats sur
la problématique des aides en faveur des
familles en intégrant toutes les mesures et
actions qui concernent directement ou
indirectement le "fait familial". Ce programme
s'étendra sur plusieurs années et il s'efforcera
de diversifier les modalités d'appel à la
recherche et de participer, en liaison
avec d'autres instances (CNRS, MIRE,
Communauté européenne, etc.), à la
constitution de réseaux de chercheurs.
L'appel à propositions de recherche, lancé
en mai 1992, a été une première étape dans ce
sens. Plusieurs équipes françaises, associées à
des équipes étrangères, ont soumis des
déclarations d'intention. Celles-ci ont fait
l'objet d'une présélection par un comité
d'experts,en juillet 1992. Les projets définitifs
des neuf équipes présélectionnées, rendus en
octobre 1992, ont été soumis à une sélection
finale en novembre 1992. Quatre projets ont
été sélectionnés. Un deuxième appel à
propositions a été lancé en juin 1993.
Ce programme dépasse largement les
compétences et capacités de la seule CNAF.
D'au tres organismes, nota mm en t
internationaux (CEE, AISS ... ), ont déjà engagé,
eux aussi, des programmes dans cette
direction. L'objectif n'est donc pas de relancer
une nouvelle vague de recherches sur des
19
champs déjà bien défrichés, maisdecontribuer,
aucôtéetenliaisonaveclesdiversesinstances
intéressées par ce thème, à faire progresser les
connaissances communes. Cela suppose de
développer de manière importante les
collaborations entre équipes de recherche
européennes, mais aussi entre organismes
commanditaires.
C'est pourquoi, en particulier, le bureau
de la Recherche a souhaité que les projets
proposés associent équipes françaises et équipes étrangères, et qu'ils soient cofinancés pour
leur partie se déroulant dans d'autres pays.
Plusieurs types d'aide à la recherche sont
proposés : financement de projets de recherchecomparatifs,allocationsderecherchedans
le cadre d'une thèse ou de travaux post-doctoraux, organisation de séminaires ou d'ateliers de réflexion sur des thèmes précis.
Après l'exposé des principaux axes de
l'appel d'offres paru en mai 1992, nous
procédons à une brève présentation des quatre
projets sélectionnés lors de la première vague.
Ce programme devant s'étendre sur une
période de trois ans, nous présentons ensuite
les axes de recherche que la CNAF souhaitait
voir approfondir lors du lancement de la
deuxième vague de l'appel d'offres. Certaines
questions (posées dans le texte de l'appel
d'offres initial mais auxquelles les projets
sélectionnés ne répondent pas) méritent, en
effet, des investigations approfondies ; et il
est nécessaire que certains axes soient mieux
explorés, en particulier en ce qui concerne les
modalités de financement des politiques
familiales en Europe.
Fondements et objectifs : enjeux,
contraintes et arbitrages
La Commission et le Conseil des
Communautés européennes ont affirmé
l'urgence, en 1989, de promouvoir une
poli tique familiale à l'échelle européenne, tout
en respectant les spécificiés nationales ; et il
existe un consensus entre les Etats membres
surleprincipedel'obligationdeprotectionde
la "famille". Cependant, les objectifs et
contenus des politiques familiales diffèrent
considérablement d'un pays à l'autre.
20
De plus, on le sait, la notion même de
"politique familiale" est difficile à cerner et se
réfère à différentes réalités. En fait, dans tous
les pays, les modalités et caractéristiques des
politiques familiales s'articulent étroitement
avec celles des politiques sociales. Dans le
cadre de recherches comparatives, une
réflexion préalable (et une grande prudence
méthodologique) sur la notion de "politique
familiale" et sur ses modalités d'articulation
avec les autres dimensions de la politique
sociale s'impose donc.
L'analyse des multiples travaux sur les
politiques sociales et familiales en Europe
(qu'elles soient définies comme telles ou non),
montre ainsi que, pour comprendre les
logiques qui les sous-tendent et les
philosophies qui les inspirent, il est nécessaire
d'adopter une approche globale et non
restrictive. Eneffet,c' est en prenant en compte
tou tes les dimensions de la politique familiale
menée dans chaque pays que l'on pourra
vraiment évaluer, d'une part, les interactions
entre celle-ci et les comportements des familles
dans différents domaines (emploi, fécondité,
etc.) et, d'autre part, l'impact des différentes
mesures et actions prises en faveur des familles
sur leur ''bien-être".
Des facteurs favorables à un rapprochement
des politiques familiales semblent d'ailleurs
émerger:
-la convergence de l'évolution des
indicateursdémographiqueset des structures
familiales: les différences entre les pays se
sont fortement estompées ;
-la prisedeconscience,dansdenombreux
pays, des coilts sociaux dils aux carences des
politiques sociales et familiales ;
- les échéances européennes impliquent à
terme un rapprochement des modalités de
financement de la Sécurité sociale dans les
différents pays, lié à l'harmonisation de la
fiscalité et du coat du travail, ce qui pourrait
faciliter à son tour une convergence des
objectifs des politiques familiales ;
- l'enjeu des migrations intraeuropéennnes : on veut faciliter la mobilité
des travailleurs et de leur famille, dans la
perspective du Marché Unique. Ce processus
affectera les conditions de vie des familles, ce
qui ne sera pas sans conséquences sur les
EUROPE
conditions mêmes du développement
économique.
Les disparités entre les systèmes sociaux
ne risquent-elles pas de freiner la mobilité des
actifs,descadresenparticulier,ouaucontraire,
de renforcer l'attractivité de certains pays où
le niveau de la protection sociale est élevé ?
Un programme de recherches lancé par la
CNAF entend donc contribuer aux débats
sur la problématique des aides en faveur des
familles en intégrant toutes les mesures et actions
qui concernent directement ou indirectement le
"fait familial" (au sens de "family impact" des
anglo-saxons).
Pour saisir la portéeconcrèteetsymbolique
et la signification des différentes mesures et
actions, il est nécessaire de les resituer dans le
contexte historique, économique, politique et
culturel de chacun des pays étudiés. De plus,
une distinction entre les objectifs (explicites
ouimplicites)poursuivisàcourtterme(alléger
les charges des entreprises, diminuer les
dépenses publiques, augmenter telle ou telle
prestation familiale, etc.) et les objectifs à plus
long terme (démographiques ou natalistes,
par exemple), semble s'imposer.
Fondements idéologiques et culturels des
infléchissements actuels
Les différents clivages qui séparent les
pays européens dans le domaine des politiques
familiales renvoient à des conceptions
différentes (sachant que ces conceptions
participent d'un univers culturel et
idéologique propre à chaque pays et
s'enracinent dans leur histoire) en ce qui
concerne:
Le rôle de le la puissance publique dans la vie
économique et sociale
La légitimité de l'Etat à intervenir dans le
champ de la production (en obligeant, par
exemple, les entreprises à participer, à des
degrés divers, au financement de la protection
sociale) ou au niveau de l'institution familiale
(en cherchant, par exemple, à encourager la
fécondité) est perçue de façon très variable. A
ce sujet, les tenants d'un strict libéralisme
s'affrontent, au nom du respect de la vie
privée (cf. le Royaume-Uni) aux partisans
d'un interventionnisme "éclairé".
lA place de la famille dans la société, ses droits
et ses devoirs et les fonctions dévolues aux hommes
et aux femmes dans la famille
Les conceptions et les représentations qui
leur sont liées influent sur les modalités
d'insertion des deux sexes sur le marché du
travailetsurlespolitiquesdel'emploi.Certains
pays cherchent ainsi à faciliter la participation
des femmes à la vie économique et à
promouvoir l'égalité des chances entre les
sexes dans ce domaine (conformément à
l'article 118, l.du Traité etaux Directives de
la Commission). Dans un contexte de
croissance du chômage et de ralentissement
de la croissance économique (qui affecte, à des
degrés divers, les pays), il s'agit donc de
s'interroger sur les disparités nationales dans
ce domaine. Quelles sont les conséquences
directes et indirectes sur le niveau de vie et le
bien-être des familles (et peut-être,
indirectement, sur les comportements de
fécondité) des mesures qui facilitent l'insertion
et la promotion professionnelles des femmes ?
Un des objectifs fréquemment assignés
aux politiques familiales (du moins dans des
discours officiels) est d'offrir aux familles les
possibilités d'un libre choix en ce qui concerne
le nombre d'enfants, et d'exercer ou non une
ac ti vi té professionnelle pour la mère. Quel est
alors 1'éven tu el décalage entre les objectifs, les
mesures adoptées et les possibilités pour les
familles de concrétiser leurs aspirations dans
ces domaines ?
Le principe du droit de l'enfant ou le principe
du coût de l'enfant
Dans le cadre de la compensation des
charges de famille, certains pays appliquent le
principe du droit de l'enfant, d'autres le
principeducofitdel'enfant.Or,actuellement,
on observe une montée des discours sur les
droits des enfants et les partisans d'une
individualisation des prestations semblent de
plus en plus nombreux. Sur quels types
d'arguments s'appuient ces deux courants de
pensée, où en sont les débats actuels sur ce
21
sujet et quel rôle éventuel ont-ils joué dans la
mise en place des réformes récemment
adoptées dans certains pays ?
leurimpactsurlesmodalitésd'attributiondes
prestations famililales et sur le caractère plus
ou moins redistributif des systèmes fiscaux.
La priorité accordée à la résolution de tel ou tel
type de problème et la hiérarchisation des objectifs
poursuivis
Financement de la protection sociale et
politiques familiales : dilemmes et
arbitrages
La lutte contre le chômage, contre
l'exclusion et la pauvreté, le déclin de la
fécondité, la croissance de la proportion des
personnesâgéesetlefinancementdesretraites,
l'augmentation des dépenses de santé, etc.
préoccupent, à des degrés divers, les pouvoirs
publics et les partenaires sociaux impliqués
dans l'élaboration des politiques sociales.
L'existence simultanée de ces problèmes
dans de nombreux pays les oblige à procéder
à des arbitrages budgétaires qui dépendent à
la fois des choix politiques et des rapports de
force entre les différents partenaires sociaux
et économiques concernés (patronat,
syndicats, associations familiales, pouvoirs
publics, etc.). Quelles en sont les répercussions
sur l'orientation actuelle des politiques
familiales ?
On ne peut donc comprendre les choix et
arbitrages effectués sans s'interroger sur le
degré d'importance attribuée à la politique
familiale dans l'ensemble de la politique sociale
des pays considérés. Dans cette optique, et si
l'on considère la politique familiale comme un
"champ" où s'exercent des rapports de force,
on pourrait également étudier le rôle et
l'influence de chacun des partenaires
concernés(pouvoirspublicsàl'écheloncentral,
régional ou local, patronat, syndicats, partis
politiques, associations familiales, etc.) dans
les processus de décision.
Au niveau communautaire, on pourrait
aussi procéder à une analyse de l'influence
respectivedesEtatsMembres,dansledomaine
de l'élaboration des Directives ou
Recommandations concernant les actions en
faveur des familles.
Fondements législatifs et juridiques des
politiques familiales
Au niveau législatif, les politiques familiales
intègrent différemment les phénomènes de
diversification croissante des modèles
familiaux et des nouvelles formes de vie
conjugale. Pour des rai~ns culturelles et/ou
religieuses, certains pays sont réticents à
entériner ces changements (en Irlande, par
exemple, le divorce reste interdit). Certaines
constitutions reflètent la volonté délibérée
des législateurs de favoriser la famille et le
mariage "traditionnels".
Il importe donc d'étudier les
infléchissements actuels dans le domaine
juridique et législatif et de tenter d'évaluer
22
Par ailleurs, le "grand marché" européen
rendra sansdoutenéœssaire le rapprochement
des structures de financement de la sécurité
sociale et par ricochet, celui des politiques
familiales. La croissance considérable des
dépensesdesanté,lefinancementdesretraites
et des assurances-vieillesse, l'augmentation
des allocations chômage limitent la marge de
manoeuvre en ce qui concerne la politique
familiale. Quelle est alors la part et l'évolution
des dépenses consacrées au "risque famillematernité" (qui treuvent être calculées de
différentes façons) ?
Dans le cadre de l'harmonisation de la
fiscalité européenne, se développent aussi de
nombreuses controverses sur les modalités
spécifiques de la fiscalité française (avantages
et inconvénients du système du quotient
familial, effets plus ou moins redistributifs
des dispositifs fiscaux de chaque pays, etc.).
Controverses également sur la part et
l'ampleur des cotisations patronales dans le
financementdelaprotectionsociale(dumoins
dans les pays, comme la France, où celles-ci
sont importantes) liées au débat sur le cofit du
travail et au souci des gouvernements de
préserver ou d'accroître la compétitivité des
entreprises.
En fait, avec la croissance rapide des
dépenses liées à la protection sociale, les pays
européens sont confrontés à un dilemme:
quellesquesoientlesmodalitésdefinanœment
(impôt ou cotisation), ils sont contraints, s'ils
veulent sauvegarder les acquis sociaux, soit
d'augmenter les prélèvements sur les
EUROPE
entreprises ou sur les ménages, soit de recourir
à l'endettement public.
Ces questions sont indissociables des
considérations suivantes.
Modalités et articulation entre
redistribution verticale et redistribution
horizontale
Les partisans de la compensation des
charges familiales s'affrontent à ceux de la
redistribution verticale, et au-delà existe un
conflit entre les objectifs assignés aux
prestations familiales et ceux assignés aux
autres types de prestations. Des arbitrages
risquent de s'imposer en ce qui concerne la
nature des aides à accorder aux familles et les
types de ménages ou d'individus qui sont ou
seront prioritaires (familles monoparentales,
familles nombreuses ou pauvres, couples où
les deux conjoints travaillent, etc.).
Il semble qu'à l'heure actuelle, dans de
nombreux pays, émerge une tendance qui
consisteàlimiterlenombredesayantsdroitet
à augmenter le nombre de prestations
familiales versées sous conditions de ressources.
Dans ces pays, les prestations ont ainsi
tendance à prendre davantage un caractère
social pour devenir un instrument de lutte
contre la pauvreté. Quellessontlesmotivations
sous-jacentesà cette restructuration du champ
des poli tiques familiales ?Cet infléchissement
en faveur d'une redistribution verticale se
traduit-il par une détérioration du pouvoir
d'achat de certaines catégories de familles
(celles appartenant aux classes moyennes) ?
Dans de nombreux pays, la situation
économique des familles nombreuses s'est
dégradée (les majorations n'ayant fait que
compenserl'inflation)etlepouvoird'achatde
ces prestations a sensiblement diminué.
Assiste-t-on, dans ce domaine, à une
atténuation des disparités entre les pays ou au
contraire à leur accentuation ?
Développement des aides en équipements
et services et des mesures pour faciliter la
conciliation de la vie familiale et de la vie
professionnelle
Dans tous les pays, les femmes ont été les
principales bénéficiaires de la plupart des
nouvelles dispositions prises ces dernières
années dans le domaine de l'emploi (élévation
du niveau d'instruction des filles,
diversification de leurs filières éducatives,
développement des possibilités de formation
professionnelle, protection accrue de la femme
enceinte au travail, allongement des congés
de maternité, promotion et protection du
travail à temps partiel).
Parallèlement, et conformément aux
recommandations de la Commission
européenne et aux besoins des entreprises et
de la fonction publique (féminisation de
l'emploi), quelques pays ont consacré
d'importants investissements aux prestations
de service aux familles et, en particulier, au
développement des modes de garde et à l'accueil de
la petite enfance. Quel en a été l'impact sur les
conditions de vie des familles et sur les
modalités d'insertion des femmes et des
hommes sur le marché du travail ? Dans
quelle mesure l'existence de modes de garde
diversifiés (crèches, garderies, assistantes
maternelles, scolarisation des jeunes enfants,
etc.) influe-t-elle sur la décision des couples
d'avoir ou non un enfant supplémentaire?
D'autre part, certains pays (comme la
France) axent leurs aides sur la petite enfance
et privilégient les actions en faveur des familles
ayant des enfants âgés de moins de trois ans.
Ces options sont-elles prises au détriment des
famillesn'ayantquedesadolescentsàcharge?
D'autres pays procèdent-ils à des arbitrages
différents et répartissent-ils plutôt leurs efforts
tout au long du cycle de vie des familles?
Le rôle des entreprises du secteur privé :
comment intègrent-elles le '1ait familial" à
la gestion des ressources humaines ?
Le terrain d'élection de ces différentes
mesures est la fonction publique (sauf au
Royaume-Uni, où elles restent principalement
à l'initiative des entreprises ou des collectivités locales). Mais, parallèlement, les pouvoirs
publics de nombreux pays ont incité les entreprises du secteur privé à adopter celles-ci.
Bien que ce genre d'initiatives reste
embryonnaire et ponctuel, on peut se
demander si elles ne préfigurent pas une
tendance des entreprises à se substituer aux
pouvoirs publics pour mieux s'adapter aux
besoins de leurs employés, dans le cadre des
préoccupations d'une meilleure gestion des
23
"ressources humaines". Cette question est
évidemment indissociable de celle de
l'évolution des besoins des entreprises en ce
qui concerne la mobilisation de la maind'oeuvre féminine et renvoie plus largement
à la place des femmes dans le monde du
travail (cf. plus haut). Ici encore, l'analyse
comparative peut sans doute permettre de
pointer de bonnes corrélations.
Spécificités de la politique familiale
française et critiques adressées à celle-ci
La politique familiale française se distingue, par de nombreux aspects, des autres
politiques familiales en Europe :
- la France poursuit des objectifs qui sont
parfois qualifiés de "natalistes". Seuls la
Belgique et le Luxembourg ont adopté des
mesures peu ou prou similaires dans ce sens ;
- la politique familiale est plus que celle
des autres pays axée sur le troisième enfant :
parexemple,l'allocation parentale d'éducation
est accordée seulement à partir du troisième
enfant, l'équivalent en Allemagne est accordé
pour tout enfant mais, à partir du septième
mois de l'enfant, est soumis aux conditions de
ressources (et il n'est pas nécessaire d'avoir
auparavantexercéuneactivitéprofessionnelle,
contrairement à la France);
- les allocations familiales ne sont accordées qu'à partir du deuxième enfant, contrairement à tous les autres pays européens où
elles sont accordées dès le premier ;
- le système de financement de la
protection sociale diffère sensiblement de celui
des autres pays. En France, en effet, les
prélèvements sociaux obligatoires sont
alimentés à plus de 95 % par les cotisations
(ce qui est d'ailleurs l'objet de nombreuses
critiques),alorsque les autres pays européens
ont surtout recours à l'impôt pour financer
leur protection sociale ;
- la France a longtemps été le seul pays de
la CEE à posséder un responsable
gouvernemental en charge de la famille.
Comment se positionnent les autres pays
par rapport aux caractéristiques françaises ?
Compte tenu de ces nombreuses spécificités,
dans quelle mesure la France sera-t-elle amenée
à réorienter sa politique familiale, eu égard
aux contraintes imposées par les Directives de
la Commission européenne et aux
considérations économiques ? La France
pourrait peut-être aussi bénéficier des
24
expériences et innovations introduites dans
d'autres pays européens (Suède, en
particulier).
Par ailleurs, la politique familiale française est
parfois l'objet de critiques (en France et à l'étranger) qu'il serait intéressant d'analyser.
Si, en France, de nombreux démographes
et responsables d'associations familiales sont
convaincus des effets positifs d'une politique
pro-nataliste sur la fécondité, dans les autres
pays européens, les experts manisfestent
souvent leur scepticisme. Les exemples
souvent invoqués de l'ex-RDA et de la Suède
tendraient plutôt à démontrer que ses effets
s'exercent avant tout sur les modalités de
constitution de la famille (effets de calendrier)
et pas forcément sur le nombre final moyen
d'enfants;
Selon]acques Commaille(représentantde
la France au sein du réseau "Observatoire
européen des politiques familiales"), "nous
passons de plus en plus d'une politique de
conviction à une politique de gestion".
L'affaiblissement doctrinal de la politique
familiale française s'accompagnerait ainsi
d'une ''bureaucratisation croissante de celled". Pour lui, les raisons en sont à la fois
économiques (nécessité de combattre ledéfidt
financier de la sécurité sociale, et émergence
d'une logique économique favorisant
l'insertion des jeunes et des adultes dans
l'emploi),sociales(naturedesbesoinssociaux
et mode de construction par les différentes
instances concernées), institutionnelles. On
assisterait, selon lui, à une sorte de
segmentation de cette politique face à une
augmentation croissante et de plus en plus
éclatée des besoins sociaux. D'où une
complexité croissante du dispositif de poli tique
familiale, d'autant plus forte qu'aux objectifs
"familiaux" se superposent des objectifs de
lutte contre la pauvreté. Il serait ainsi de plus
en plus difficile de dégager des lignes
directrices du fait de la juxtaposition de
nombreuses mesures.
Les projets de recherche
sélectionnés
Les quatre projets sélectionnés traitent de
sujets différents, mais se recoupent souvent
au niveau des problématiques: L. Hantrais
EUROPE
PRESENTATION DES PROJETS
DE RECHERCHE SELECTIONNES
N° 1- Letablier M. T.,Hantrais L.,Centred'étudesde l'emploi, Paris, en coopération avec
}"'European Research Centre", université de Loughborough- G.B.
Concepts et contextes dans les comparaisons internationales
Une observation sur les politiques familiales en Europe
Les auteurs proposent, à partir d'une analyse des fondements des politiques familiales en France, en
Allemagne et en Grande-Bretagne, de développer une comparaison systématique des concepts autour
desquels sont construites ces politiques.
En effet, la plupart des analyses disponibles sur les poli tiques familiales dans les pays européens mettent
en avant les convergences observables dans les législations, les prestations, voire les moyens financiers
mobilisés. Cependant, des analyses plus approfondies font ressortir la persistance de fortes di vergences,
tant sur le plan des objectifs et principes que sur celui des modalités d'application ou encore des effets.
De plus, les indicateurs utilisés couramment dans les études comparatives ne sont pas strictement
comparables. Ainsi, les définitions de la famille, du ménage ou des modes de cohabitation ne sont-elles
pas identiques en France et en Grande-Bretagne; la définition de la monoparentalité varie aussi
fortemcntd'unpaysàl'autre.Sensiblesauniveaudesstatistiquessocio-démographiques,cesdifférences
s'accroissent lorsque les données recueillies reposent sur lesdéfinitions institutionnelles (des prestations
et de leurs destinataires).
Enfin, les mêmes mots ne désignent pas toujours les mêmes réalités: les institutions en charge de la
famille, les dispositifs publics, la réalité familiale elle-même, sont profondément inscrits dans des
histoires nationales, des contextes culturels, sociaux et politiques très différenciés; une mesure
identique en apparencepeutavoirdes finalités et des effets variables d'un pays à l'autre. La perspective
de cette recherche est de réunir les meilleurs chercheurs européens, spécialistes des politiques familiales
des trois pa ys concernés, et déjà familiers des approches compara ti ves, pour leur faire entreprendre une
comparaison vigoureuse et systématique des fondements et concepts de ces politiques, replacées dans
leur contexte.
La recherche devrait faire ressortir la pertinence et les limites des comparaisonsactuellementdisponibles,
les indicateurs pertinents pour effectuer des comparaisons et les facteurs réels (et non apparents) de
convergence ou divergence entre les politiques menées, leurs principes et leurs effets.
25
Méthode
Elle consistera à faire travailler systématiquement les chercheurs sur trois thèmes transversaux :
-les structures familiales et les problèmes de définition et d'indicateurs les concernant;
- le degré d'autonomie et de cohésion institutionnelle du champ de la politique familiale et la place
réservée à la famille dans l'ensemble de la politique sociale;
-les modalités d'articulation famille 1emploi et les logiques qui sous-tendent les mesures prises dans ce
domaine.
Sur chacun de ces thèmes, la recherche comprendra une analyse systématique des données disponibles
et études réalisées ou en cours. Chaque chercheur sera amené à produire, en reprenant ses propres
travaux, une analyse critique des concepts et outils utilisés, à partir d'un questionnement commun
construit au préalable. La synthèse réalisée par l'équipe de coordination et l'ensemble des chercheurs
participants, s'attachera à construire un cadre comparatif commun et à réexaminer les résultats des
. travaux existants ou en cours à la lumière de ce cadre comparatif.
Des séminaires de travail, rassemblant l'ensemble des chercheurs participants, seront organisés sur
chacun des thèmes; un séminaire conclusif, présentant la synthèse finale de ces travaux, sera organisé
à la CNAF.
N° 2- Jeandidier B., Guillot O., Ray J.C., université Nancy II- U.A 1167 CNRS et AD EPS
Simulations de politiques familiales européennes. Ce que donnerait
l'application à la France des systèmes belge, 1uxem bourgeois, allemand et
irlandais; et inversement, ce que donnerait l'application du système
français à ces quatre pays
Leprojetseproposedemesurerl'incidencequ'auraitl'applicationd'unelégislationétrangère,concernant
les transferts en espèces liés à la politique familiale, à la population française ; sachant que chaque
législation est, pour partie, adaptée à la structure socio-démographique du pays auquel elle s'applique.
Corrélativement, la politique familiale française dans ce domaine sera appliquée à la population de
chacun des pays étrangers sélectionnés. Les auteurs chercheront à tester l'hypothèse suivante :une fois
que l'on a tenu compte de la particularité des structures socio-démographiquesde la France,la politique
familiale française reste, au vu de différents critères, très spécifiques par rapport aux autres pays
européens.
Méthode
La méthode repose sur l'utilisation du panel des 2 100 ménages lorrains suivis par l'AD EPS et l'INSEELorraine et de panels similaires concernant des ménages des autres pays.
Pour chacun des ménages, serait calculé en fonction de ses caractéristiques socio-démographiques le
montant des prestations qui seraient versées dans le cadre des systèmes de prestations des autres pays
européens.
Deux méthodes seront testées concuremment sur le cas français :
- calcul, pour des sous-groupes de ménages présentant des caractéristiques identiques, du montant
global des avantages familiaux effectivement perçus et déclarés à l'enquête;
- calcul sur barèmes.
26
EUROPE
N° 3 - De Lavergne F., Barraud P., Knoll M., FERE Consultants, Paris
La place de la famille dans la gestion des ressources humaines des grandes
entreprises européennes. Etude comparative France, Belgique, Allemagne,
Italie
Le projet se propose d'étudier la façon dont les grandes entreprises publiques et privées intègrent le fait
familial dans leurs modes de gestion des ressources humaines, selon la catégorie, le statut et l'ancienneté
de leurs employés. Selon les auteurs du projet, au sein des entreprises privées, et probablement des
entreprises publiques, il existe une contradiction concernant les avantages accordés aus salariés pour
favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale: d'une part, ceux-ci correspondent à
l'objectif d'une plus grande intégration et mobilisation du personnel, d'autre part, dans un contexte de
compétitivité économique croissante, les entreprises cherchent à diminuer les coûts sociaux du travail.
Ces politiques d'entreprise seront replacées dans le cadre législatif et réglementaire des politiques
familiales des pays étudiés et situées dans leur contexte économique et social.
Méthode
Elaboration d'un guide d'enquête commun. Dans chaque pays, une entreprise publique et quatre
grandes entreprises privées serviront de terrains d'enquête.
Dans les différents pays, seront mobilisés des experts nationaux qui travailleront avec l'équipe française.
N° 4- Lefaucheur N ., Martin C., Spensky M., CNRS- GRASS- Ecole nationale de la santé
publique- université de Paris VIII
Qui doit nourrir l'enfant ? Recherche comparative sur les fondements des
politiques familiales européennnes
L'objectif de cette recherche est de procéder à une analyse critique et à une synthèse systématique des
travaux existants ou en cours, sur les questions concernant l'entretien et les soins aux enfants. Les rôles
respectifs de la famille et des différents types de collectivités seront étudiés (complémentarité ou
subsidiarité ?). Les normes sociales et les principes qui président aux mesures et interventions dans ce
domaine seront également pris en compte.
Pour dégager les éléments de divergence ou de convergence entre les pays étudiés (France, Portugal,
Italie et Royaume-Uni), les auteurs se focaliseront particulièrement sur les aspects suivants : les
prestations et déductions fiscales dont les familles monoparentales bénéficient, les équipements et
services destinés aux mères "isolées", le traitement politique, juridique et institutionnel de la question
des enfants "trouvés" ou "abandonnés".
Méthode
Elaboration d'un "guide de questionnement" systématique des recherches et documents historiques,
administrahfs et juridiques par l'équipe française.
Sélection et analyse des travaux par chaque équipe nationale et entretiens individuels avec les auteurs
de ces travaux, à partir de ce canevas d'interprétation commun.
27
et M. T. Letablier proposent une analyse des
concepts qui sous-tendent les politiques
familiales dans quelques pays européens et
des modalités de leur mise en application.
Leurs interrrogations rejoignent parfois celles
de l'équipe dirigée par N. Lefaucheur dont
le projet se focalise cependant sur les familles
monoparentales et sur le traitement politique,
juridique et institutionnel des enfants
. "trouvés" ou "abandonnés". L'équipe de
FERE Consultants au regard de cette
"partie" "projets de recherche sélectionnés"
aborde la question, jusqu'id peu étudiée, de la
place de la famille dans la gestion des
ressources humaines des grandes entreprises
européennes.
Enfin, l'AD EPS évaluera, en recourant à
des méthodes de simulations, les effets de
l'application à la France des systèmes de
prestations de quatre pays étrangers et
réciproquement. Tout aussi intéressants et
novateurs qu'ils soient, ces projets sont
cependant loin de répondre à toutes les
questions posées dans le texte de l'Appel
d'offres. De nouvelles pistes restent donc à
explorer.
Les nouveaux axes de recherche
Les aides aux familles et leur
financement : les nouveaux arbitrages
Les débats actuels sur les modalités et la
structure du financement de la protection
sociale dans son ensemble et, plus
particulièrement de la politique familiale,
exigent que les recherches se focalisent sur les
aspects économiques et financiers dans ces
domaines. En France, par exemple, vient d'être
décidée une budgétisation partielle des
prestations familiales, l'Etat prenant en charge
toutou partie des cotisations patronales pour
les salariés inférieurs à 1,2 fois le SMIC.
Les controverses sur le "coût du travail" et
la meilleure façon d'assurer la compétivité
économique des entreprises françaises ont
elles mêmes ravivé les débats sur le
financement et les ressources de la protection
sociale, et plus particulièrement, sur le niveau
des cotisations payées par les employeurs.
Au-delà même de ces questions, l'acuité des
28
problèmes liés à la croissance du chômage et
au financement des retraites, les mesures
d'austérité qu'impose la crise économique,
les difficultés budgétaires grandissantes de la
Sécurité sociale, risquent de déboucher sur un
réexamen des principes et objectifs de la
politique familiale française, et par ricochet,
sur les aides en faveur des familles.
Certaines voies d'une nouvelle
hiérarchisation des objectifs de la politique
familiale et/ou d'un redéploiement à
l'intérieur du système des prestations
familiales se dessinent par ailleurs dans
différents pays de la Communauté. En
Allemagne, par exemple, les débats
préparatoires au "Pacte de solidarité" proposé
par le gouvernement Kohl pour financer la
réunification, avaient envisagé une forte
diminution de celles-ci (financées par le budget
de l'Etat et non imposables).
Cependant,lepactesignéle12 mars 1993
entre le gouvernement, les principaux partis
politiques et les syndicats, maintient
finalement le statu quo dans ce domaine. En
Belgique, la taxationdesallocationsfamiliales
est à l'ordre du jour, reflétant le souci d'un
"assainissement" budgétaire. En Italie et en
Espagne, la question du chômage et la mise
en place de mesures d'austérité budgétaire
relèguent à l'arrière plan les vélléitésd'élaborer
une véritable politique familiale. En France,
outre la question de la budgétisation, certains
préconisent la redéfinition des domaines
d'action prioritaires, dans un souci de
maintien de la cohésion sociale, et le
redéploiement partiel des allocations
familiales en les rendant imposables.
L'étaudescontraintesd'ordreéconomique
etfinanciersembledoncseresserreretimposer
de nouveaux arbitrages dans tous les pays. Le
bureau de la Recherche de la CNAF insiste
donc pour que les équipes de chercheurs se
focalisent sur les axes évoqués ci-dessus et
cherchent à répondre aux questions
suivantes:
- quelles sont les sources et les structures
du financement des politiques familiales en
Europe ? Quels ont été les infléchissements
récents dans ce domaine et quel rôle l'Etat, les
collectivités locales et les différents partenaires
sociaux ont-ils respectivement joué dans les
EUROPE
processus de mise en place de ces nouveaux
dispositifs ?
-comment s'articulent et se combinent les
principesd"'assurance" et de "solidarité" dans
le domaine du financement de la politique
familiale? Le caractère universel des
prestations familiales peut-il être remis en
cause dans le cadre d'un financement par
l'impôt ? Autrement dit, les prestations
familiales qui relèvent d'un financement assis
sur les salaires se distinguent-elles de celles
qui relèvent d'un financement d'origine
fiscale? L'exemple des pays étrangers peut,
à ce titre, se révéler riche d'enseignements.
-danslecadrede la lutte contre la pauvreté
et la précarité- préoccupation croissante des
pays européens- assiste-t-on à un
redéploiement des prestations familiales au
profit des familles les plus démunies, aux
dépens des familles des classes moyennes ou
aisées ? Quelle est la part, dans l'ensemble
des dépenses consacrées aux prestations
familiales, de celles mises sous conditions de
ressources et quelle a été l'évolution dans ce
domaine depuis 1974 ? Dans cette
perspective, quels sont les pays qui ont
privilégié -ou au contraire sacrifié- le
principe de la redistribution horizontale?
- quel rôle spécifique jouent les différents
systèmesfiscauxenvigueurdanslesdifférents
pays de la Communauté, dans les modalités
de transferts (directs et indirects) en faveur
des familles et, particulièrement, des familles
nombreuses (de trois enfants ou plus) ?
Certaines configurations familiales (familles
recomposées, couples non mariés, par
exemple) ou catégories de familles sont-elles
pénalisées ou, au contraire, avantagées ?
prestations, en les resituant dans le cycle de
vie des familles et dans la dynamique de
succession des générations.
Certaines politiques familiales (dont celle
de la France) semblent insuffisamment
adaptées aux besoins des familles ayant des
enfants âgés de 18 à 25 ans et encore présents
dans le foyer familial. Or, le phénomène de
l'allongement de la cohabitation des jeunes
adultes avec leurs parents affecte presque
tous les pays européens. Quelles sont les
lacunes dans ce domaine et comment cela se
répercute-t-il sur le niveau et lesconditionsde
vie de ces familles ?
Plus largement, on pourrait procéder à des
analyses du montant total des prestations
familiales perçues par les familles selon le
nombre d'enfants, tout au long de leur cycle
de vie et des effets des modulations constatées.Quellessontlesétapesducycledeviequi
marquent une rupture ou une diminution de
leurs ressources tirées des prestations?
On pourrait également s'intéresser, dans
une perpective historique, aux effets
différenciésdesprestationssurlesgénérations
successives. Ceci implique une approche
longitudinale des systèmes de prestations
familiales,quiconduiraitpeut-êtreàrelativiser
la vision d'une politique familiale française
"la plus généreuse en Europe".
Acteurs et institutions des politiques familiales
La plupart des travaux disponibles sur les
politiques familiales des différents pays, sont
réalisés dans une perspective synchronique,
s'intéressant soit aux principes des aides et
aux mesures en faveur des familles, soit aux
systèmes de financement et aux modalités de
redistribution, soit encore aux prestations
reçues par tel ou tel type de famille à un instant
donné.
Trop souvent, les travaux comparatifs se
limitent à l'analyse des mécanismes de
redistribution à vocation familiale et à celle
des droits formellement ou verts aux familles.
Il conviendrait de compléter ces analyses par
la prise en compte de la réalité du
fonctionnement des institutions et acteurs en
charge des politiques familiales et des
interactions qui s'opèrent entre eux. On
pourrait également se focaliser sur leurs
pratiqueseffectivesd'intervention,au contact
des bénéficiaires et, en particulier, sur les
relations entre ceux-ci et lesagentschargésde
l'octroi des aides et prestations.
Il conviendrait de s'interroger davantage
sur les effets dans le temps de ces aides et
Il serait ainsi utile, d'une part, de
promouvoir des travaux portant sur
Politiques familiales, cycles de vie et
générations
29
l'organisation, les méthodes, les systèmes de
régulation des instances responsables de la
politique familiale dans différents pays et les
processus par lesquels elles élaborent les
mesures et programmes concernant le fait
familial ; d'autre part, de s'intéresser aux
modalités concrètes de traitement des
situations et dossiers des bénéficiaires, ainsi
qu'aux représentations qui les sous-tendent.
En France, les collectivités locales jouent
un rôle important dans la politique d'accueil
desjeunesenfants.Qu'enest-ildanslesautres
pays de la Communauté et, en particulier,
dans des pays "fédéralistes" comme
l'Allemagne ou dans ceux où les régions
bénéficient d'une grande autonomie (en
Espagne, par exemple)? Observe-t-on de fortes
disparités entre les régions (ou les "Uinder"
30
en Allemagne) et les municipalités ? Et si oui,
pourquoi? Comment s'articulent alors les
politiques locales et la politique menée au
niveau national, en ce qui concerne les sources
de financement des prestations en général et
les infrastructures d'accueil des jeunes enfants,
en particulier ?
Une autre dimension des politiques
familiales reste peu explorée : le rôle des
associations (fondées sur le bénévolat, par
exemple) ou des institutions religieuses ou
privées qui fournissent une aide quelconque
aux familles ou ont mis en place des dispositifs
d'entraide. Quelles sont leurs principes
d'intervention dans ce domaine ? Quelles
logiques sous-tendent leurs actions ? Dans
quelle mesure comblent-elles certaines lacunes
des politiques familiales ?
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