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Musiciens des cathédrales
Une Maistrise est comme un petit Royaume…
Il ne faut pas appeler une Maistrise bonne pour avoir beaucoup de
revenu, Mais parce que les enfans y sont bien dressez &
conditionnez. C’est pourquoy on dit, Talis Pedagogus, Talis
Discipulus… Voilà pourquoy vous devez commencez le
gouvernement de vostre logis par vous mesmes : paroissant à vos
escoliers, Prudent, Chaste, Sobre, Paisible, & sur toutes choses
aymant & craignant Dieu… Soyez assidus, Ne battez point tant le
pavé. Ne regardez les femmes que de costé. Ne soyez pas si
souvent au Cabaret. Enseignez bien vos enfans. Beuvez souvent
avec les Chantres. Honorez les Chanoines. Composez de temps en
temps quelque nouvelle piece. Ne faictes pas de Musique si triste.
Contentez le public en meslant l’Art avecque l’Air. Menez à la
promenade quelque fois vos enfans. Monstrez leur la methode de
bien chanter. Faictes leur apprendre quelque Air…
Annibal Gantez, L’entretien des musiciens, 1643.
En 1549, François Ier avait réformé les institutions musicales de la
Cour. À côté de l’Écurie, la Chapelle-musique et la Chambre
obéissaient désormais à une même organisation regroupant enfants
(pages de la Musique du Roi), chantres et maîtres de musique
chargés de la composition, de l’exécution musicale comme de
l’éducation des jeunes pages. Cette réforme avait notamment retiré
à la Sainte-Chapelle du Palais une de ses plus prestigieuses
prérogatives, celle de chanter à la messe royale et de célébrer le
monarque ; la Musique du Roi en imitait cependant l’organisation
maîtrisienne.
Depuis le Moyen-Âge, la maîtrise était au centre de la vie
musicale du royaume. Attachée à une cathédrale, une collégiale,
une paroisse, elle assurait les offices du calendrier liturgique, mais
remplissait parallèlement une réelle fonction éducative en assurant
l’enseignement général et surtout musical des enfants qui y
chantaient. Véritables conservatoires avant la lettre, les maîtrises de
Paris et de province constituaient d’authentiques réservoirs de
talents, nourris de riches échanges et de nombreuses influences
générés notamment par le départ et l’arrivée de nouveaux maîtres
de musique. Nombreux chantres et enfants de chœur allaient
mener une brillante carrière, souvent à la Chapelle royale ou à la
Chambre du Roi. Des noms comme Nicolas Formé, Antoine
Boesset, Étienne Moulinié, Guillaume Bouzignac et plus tard Pierre