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FORUM : LE MILLEPERTUIS, ANTIDÉPRESSEUR D’ORIGINE VÉGÉTALE ?
MYTHE ET RÉALITÉ
J. Fialip, R. Dumas, O. Lorabi — Centre Régional de Pharmacovigilance
J.-L. Lamaison — Laboratoire de Pharmacognosie et de Phytothérapie
PRÉSENTATION
Le millepertuis (Hypericum Perforatum ou herbe de la Saint Jean ou Saint John’s Wort en Anglais ou Johannis-
kraut en Allemand) est une des plus anciennes plantes médicinales. Elle était déjà utilisée dans l’antiquité.
Au Moyen Âge, le millepertuis était réputé pour éloigner les esprits diaboliques et les sorcières. On l’avait baptisé
alors "Fuga demonium" (chasse-diable). À cette époque, la dépression et les autres formes de troubles mentaux
ainsi que la tristesse, la culpabilité et l’anxiété étaient considérées comme des possessions diaboliques.
Depuis le XVI
e
siècle et jusqu’au milieu du XX
e
siècle, la médecine Européenne traditionnelle le destinait au traite-
ment des cas de dépression, d’hystérie et de troubles psychosomatiques.
En 1984, le millepertuis bénéficie, en Allemagne, du statut officiel de médicament destiné au "traitement de l'hu-
meur dépressive et de l'anxiété" et délivré sur prescription médicale.
En France, de nombreux produits à base de millepertuis sont commercialisés dans les magasins de diététique,
supermarchés ou accessibles sur Internet et par correspondance et depuis 2002, le millepertuis par voie orale a
son AMM dans l’indication « manifestations dépressives légères et transitoires ». Le millepertuis est commerciali-
sé en vente libre sous 4 noms de spécialités : ARKOGELULES MILLEPERTUIS
®
, MILDAC
®
, PROCALMIL
®
,
PROSOFT
®
.
Le terme “manifestations dépressives légères et transitoires » (MDLT) a été proposé par des psychiatres pour
décrire l’un des nombreux aspects de la dépression. Elles se définissent comme des symptômes se situant “sous
le seuil” de la dépression vraie, c’est-à-dire ne répondant pas aux critères de la dépression caractérisée autre-
ment appelée épisode dépressif majeur. De ce fait, elles sont le plus souvent mal prises en charge bien que leur
retentissement psychosocial soit loin d’être négligeable.
Botanique et composition chimique
Le millepertuis est une herbe vivace très commune, surtout en plaine, dans tout l’hémisphère nord tempéré.
C’est une plante herbacée de 20 à 80 cm à tige raide,
rameuse et présentant deux côtes longitudinales. Les
feuilles sont sessiles, ovales, ponctuées de noir sur les
bords ; elles présentent sur toute leur surface de nom-
breuses petites poches sécrétrices, translucides, visibles
par transparence comme des perforations, d’ où le terme
générique millepertuis ou l’épithète perforatum. Les
fleurs jaune vif portent de petites glandes pleines d’un
suc rouge et leur épanouissement coïncide avec l’arri-
vée de l’été, jour de la Saint Jean : c’est ce qui lui doit
son nom populaire d’herbe de la Saint Jean.
La partie utilisée est constituée par les sommités fleu-
ries.
La plante renferme notamment des polyphénols, en
quantités très importantes, de 3 types :
• des flavonoïdes (5 à 16% en masse sèche), dont
l’hypéroside ou hypérine (galactoside du quercétol),
le principal étant la 3,8-biapigénine,
• des dérivés du phloroglucinol (1 à 20%),
dont l’hyperforine, très instable, surtout présente
dans les poches translucides,
• des naphtodianthrones en plus faibles quantités
(env. 0,1%), dont l’ hypéricine, colorée en rouge
brun, teintant ainsi les glandes des fleurs.
Parmi les composés phénoliques, les hypéricines, min.
0,08% pour la Pharmacopée Européenne 6, ne sont pas forcément les traceurs de choix.