Interventions concluant la rencontre _ Et ma diginité

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Groupe d’Amitié Islamo Chrétienne (GAIC-CM)-Association de Bienfaisance (ABCM)
Châtenay-Malabry
22 mai 2016
Interventions concluant la rencontre « Et ma diginité ? »
Père Jean-Claude Bée
Je voudrais présenter mon témoignage de chrétien sur la dignité :

Dans la Bible au livre de la genèse Gen 1/26,
« Dieu dit « Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance : Dieu
créa l’homme à son image à l’image de Dieu il le créa homme et femme il les créa. »
Pour le chrétien, la dignité de tout humain et de tous les humains c’est la
ressemblance de tout humain avec Dieu lui-même. Cette ressemblance se manifeste
particulièrement dans l’amour. Dieu aime tous les humains ou encore nous disons
« Dieu est amour ». La ressemblance de l’humain avec Dieu s’établit dans la
capacité d’aimer de l’un et de l’autre. Cette ressemblance s’accomplit dans l’amour
des autres et le respect de leur égale dignité.
La dignité de tous les humains et le respect de celle-ci s’exprime dans la
reconnaissance et la valorisation de tous les aspects de la vie humaine
Particulièrement l’intelligence et la raison, la liberté, la responsabilité, les droits et
les devoirs de chacun, le respect de la conscience, la Vocation des humains à la vie
spirituelle et à la connaissance de Dieu.
Tout ce qui va porter atteinte à ces dimensions de la vie humaine va porter
atteinte à la dignité humaine…
Un autre aspect se doit d’être souligné, ma dignité ne peut pas être respectée
si la dignité de l’autre n’est pas respectée. Je ne peux pas sauver ma dignité en
bafouant celle de l’autre.
Jésus présenté dans les évangiles vient rétablir cette dignité de l’humain
indépendamment des catégories sociales et des conditions morales. Jésus manifeste
la dignité possible pour tout être humain par-delà toute chose.Prenons deux textes
d’évangile significatifs :

Zachée, le publicain Luc 19,1-10
Entré dans Jéricho, il traversait la ville. Et voici un homme appelé du nom de
Zachée ; c'était un chef de publicains, et qui était riche. Et il cherchait à voir qui était
Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. Il courut
donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus, qui devait passer par là.
Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite, car il me
faut aujourd'hui demeurer chez toi. »
Et vite il descendit et le reçut avec joie. Ce que voyant, tous murmuraient et
disaient : « Il est allé loger chez un homme pécheur ! »Mais Zachée, debout, dit au
Seigneur : « Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si
j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.» Et Jésus lui dit :
«Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison, parce que lui aussi est un fils
d'Abraham ».
Zachée est un collecteur d’impôt au service des occupants Romains. Les
collecteurs d’Impôts ne sont pas de simples fonctionnaires. Ils peuvent se payer
plus ou moins largement sur les impôts qu’ils récoltent. Beaucoup de collecteurs
d’Impôts étaient riches et puissants. Zachée est chef de collecteurs d’impôts. On
pense que les collecteurs abusaient de leur pouvoir pour s’enrichir. On pensait
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22 mai 2016
Interventions concluant la rencontre « Et ma diginité ? »
aussi que c’était des collaborateurs amis des Romains et non amis du peuple juif. Il
est reconnu comme pécheur, c’est un pécheur public qui ne fait plus partie de
l’alliance du peuple avec Dieu. L’image sociale de Zachée n’était pas bonne, il le
savait … il se cache pour voir Jésus … L’évangéliste nous présente Jésus comme
intéressé par Zachée : « Descends vite, il me faut demeurer chez toi ». La rencontre
de Jésus va révéler la dignité cachée de Zachée …Cette dignité qui se révèle dans sa
volonté de réparer ce qu’il a pu faire de mal « Voici Seigneur je donne la moitié de
mes biens aux pauvres …. Etc … » Jésus rend sa dignité à Zachée ; «Aujourd’hui le
salut est arrivé pour cette maison parce que lui aussi est fils d’Abraham ».
Quelques soient les apparences de la personne et quelque soit sa situation
sociale et morale, une dignité habite chaque être humain et doit être honorée et
respectée.

La femme adultère Jean 8,3-11
Or les scribes et les Pharisiens amènent une femme surprise en adultère et, la
plaçant au milieu, ils disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant
délit d'adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi
donc, que dis-tu ? »
Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin d'avoir matière à l'accuser.
Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils
persistaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : « Que celui d'entre vous qui est
sans péché lui jette le premier une pierre ! »
Et se baissant de nouveau, il écrivait sur le sol. Mais eux, entendant cela, s'en
allèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et il fut laissé seul, avec la femme
toujours là au milieu. Alors, se redressant, Jésus lui dit : « Femme, où sont-ils ?
Personne ne t'a condamnée ? »
Elle dit : « Personne, Seigneur. » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je ne te
condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. »
Cette femme est condamnée de par sa situation de femme adultère, la loi
disent les scribes demande de lapider ces femmes-là, Toi, Jésus Qu’en dis-tu ?
Cette femme a-t-elle perdue toute dignité ? Nous pensons, bien sûr qu’elle a perdu
sa dignité, voire perdue toute dignité .humaine.Tout semble lui donner tort ! Jésus
va lui rendre sa dignité : « Personne ne t’a condamné, moi non plus je ne te
condamne pas va et désormais ne pèche plus » La faute de la femme n’est pas niée
« ne pèche plus » mais les circonstances et les autres lui ont fait perdre sa dignité et
cela ne peut pas lui être imputés à elle seule « que ceux qui sont sans péché lui jette
les pierres » Alors que tout semble au départ aller contre la dignité de cette femme ,
Jésus vient lui redonner sa dignité …
… Au fond, au plus profond de chaque homme, une dignité peut être trouvée
et révélée… Nous ne pouvons juger les autres seulement sur leurs apparences.
Imam Mohamed Bachir Ould Saas
C’est pour moi un grand plaisir de partager avec vous ce moment de réflexion
sur le thème de dignité. En tant qu’imam, je vais naturellement me baser sur ce que
pense l’islam au sujet de la dignité. Les textes fondateurs de la religion musulmane
affirment que la dignité est un droit sacré pour tous les individus et toutes les
familles.
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Châtenay-Malabry
22 mai 2016
Interventions concluant la rencontre « Et ma diginité ? »
Dans un hadith unanimement authentique, le prophète de l’islam a
précisé trois droits « sacrés » : « Le droit de vie, le droit d’accéder à la propriété et le
droit à la dignité ». Ces trois droits sont qualifiés d’immuables et inviolables selon
la doctrine islamique. Il s’agit de droits importants pour toute l’humanité. Or, on se
rappelle bien que l’humanité a souffert des régimes portant atteinte à la dignité tout
comme elle a souffert de la négation du droit de propriété à un moment donné, avec
par exemple les communistes et d’autres mouvements politiques et dans certains
pays dictatoriaux où l’on enlève à l’être humain le droit d’avoir une propriété privée
et on lui retrie le droit à une dignité pleine et entière.
Il convient donc pour nous de rappeler l’apport de l’islam en matière de
dignité et ses corollaires dont le droit d’accéder à la propriété tant pour les hommes
que pour les femmes. Par exemple, au moment où l’islam est venu, la femme n’avait
même pas le droit d’avoir une propriété. Maintenant dans le monde occidental, on
ne connait pas ce qu’a apporté l’islam à la femme, on oublie souvent cela, la femme
chez les Arabes avant l’islam n’avait même pas droit d’avoir une propriété, elle était
considérée comme un objet et non pas comme sujet à part entière. L’islam est venu
restaurer la dignité et renforcer le droit de propriété pour l’homme et pour la
femme. Ainsi, maintenant, même en cas de mariage, la femme musulmane a le droit
de garder son nom de famille et sa propriété privée indépendamment de son mari.
Tous ces éléments du droit sont naturellement liés. Le droit de vie, le droit de
propriété et le droit à la dignité. Ce sont des principes complémentaires. Ils
constituent ensemble ce que j’appelle le triangle de sacralité humaine en islam.
Au début de mes propos j’ai cité un hadith de la tradition prophétique. Celleci constitue avec le Coran les deux principales sources de la doctrine islamique.
Quand on revient aux textes du Coran, on constate que la dignité de l’être humain
est hautement considérée et reconnue comme droit ferme et irrévocable. Cela on le
partage avec la religion chrétienne et les grandes philosophies humaines, mais mon
rôle est de rappeler ce qui existe dans les textes islamiques. Dans le Coran, l’être
humain est perçu comme Moustakhlaf ou un vicaire, ce qui est une sorte de
métaphore symbolique pour renforcer l’importance de l’être humain auprès de Dieu.
Le terme Moustakhlaf signifie que l’homme est un lieutenant de Dieu, lieutenant de
Dieu sur terre ce qui laisse entendre qu’il y a une honorification et une
responsabilisation. Il est honoré par ce dépôt divin. Dieu lui a accordé cette
possibilité de changer l’environnement et d’être garant d’une large responsabilité
notamment au niveau social et sociétal. Comme le dit Ibn Khaldoun, grand
philosophe de l’islam, « l’être humain est un animal social », donc cette dimension
sociale aussi a un lien direct avec le devoir de renforcer la dignité humaine, de
connaitre nos droits et les droits des autres sur nous. Il ne suffit pas de dire que la
dignité est un droit sacré mais aussi il faut la reconnaitre comme étant un devoir et
comme étant une cause individuelle et collective.
Je tiens à appuyer fortement ces deux dimensions, la dignité est certes un
droit humain et un devoir de chacun vis à vis de l’autre mais aussi une cause à
partager parce que si la dignité est bafouée quelque part dans le monde, cela finit
par influencer d’autres contrées par effet de contagion…etc. Je voudrais revenir sur
un texte du Coran qui dit ceci : « Quiconque tuerait une personne non coupable d'un
meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et
quiconque lui fait don de la Vie, c'est comme s'il faisait don de la Vie à tous les
hommes.».Cf. Verset n°32 de la sourate n°5. Pour moi, ce verset évoque une
dimension pertinemment liée à la notion de dignité au sens large. L’esprit de
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Interventions concluant la rencontre « Et ma diginité ? »
dignité fait vivre au pluriel et au singulier. Quand on honore un individu, c’est
comme si on honore l’humanité toute entière et si on humilie un être humain, c’est
comme si on humilie l‘humanité toute entière et vice versa. Si on laisse passer une
humiliation d’une personne, on s’humilie soi-même et on humilie l’humanité toute
entière
Pour faire avancer les choses, je considère que par le biais de l’éducation, par
le biais d’une sensibilisation élargie avec tous les moyens possibles y compris avec
le levier spirituel on peut faire de la dignité une véritable cause universelle et je
pense que l’humanité mérite de mener à bien cette cause fantastique, je suis ravi de
la partager avec vous. Merci de votre attention.
Pasteur Philippe Kabongo M’Baya
Ce thème touche tellement aux autres valeurs de la vie, au sens même de la
vie, qu'on ne pouvait en parler de manière très précise. C'est le respect dû à soimême et chacun qui est le premier moment de l'expérience de la dignité. Il y a
ensuite le sens de la reconnaissance de l'autre dans ce qu'il est comme singularité
et ce qu'il a et qui engage le respect qui lui revient, qui ne saurait lui être nié qu'en
tant qu'acte de violence. C'est pourquoi, la dignité me semble plus visible à définir,
paradoxalement, par des situations d'humiliation. Darwich en parle admirablement.
Psychologiquement, c'est le mépris qui manifeste l'atteinte à la dignité.
Socialement et politiquement, on humilie pour dominer, pour amener l'autre à
douter de ce qu'il est, de ce qu'il a de plus cher, et qui reste supérieur à la vie ellemême, puisque sans ce sens intime, non négociable de notre dignité imprenable,
nous ne valons pas plus que bétail ou meubles…
La dignité est fondée dans ce qu'aucun discours ou geste humain ne peut ni
octroyer ni accomplir. Elle est d'origine. Elle est en fait originaire. Elle est sacrée. Et
c'est pour cette raison que la guerre des origines reste à l'origine de tous les autres
conflits.
Il ne peut donc y avoir de vivre ensemble que là où, la fraternité consiste à
s'honorer réciproquement. Est-ce de l'angélisme? Je ne le crois pas. C'est une chose
très fondamentale. La politique de civilisation dont Morin a parlé n'est pas une
expression ampoulée, une abstraction gratuite, esthétique. Une chose nous épargne
dans la jungle et de la barbarie ou ce qui lui ressemble. C'est la redistribution
équitable de l'honneur. Il s'agit d'honorer chez l'autre ce qu'il a et que nous ne
saurions ni lui donner ni lui prendre.
Quand la majorité de gens comprendront cela, l'enjeu de l'Islam en sera mieux
appréhendé, si du moins l'on a le courage de ressaisir le sens de la laïcité.
Honorer l'altérité sans arrières pensées c'est accepter son identité propre avec
gratitude et réinvestir le champ de sa liberté, le champ aussi de la confiance
citoyenne.
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