Grands espaces - Canton de Vaud

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LA NATURE DEMAIN
GRANDS ESPACES PROTEGES
Bureau d'études biologiques
Raymond DELARZE
AMAibach sàrl
6, chemin des Artisans
Rte de Moudon
1860 AIGLE
1610 ORON-LA-VILLE
Collaboration:
François Clot
La Nature Demain - Grands espaces
Introduction
Fonctions spécifiques des grands espaces
Dans la thématique de la protection de la nature, les grands espaces occupent une place
croissante.
Cette évolution est en partie liée au développement des connaissances sur l'espace vital
des espèces. Depuis une quinzaine d'années, de nombreux travaux scientifiques ont montré
que la viabilité de diverses populations animales était compromise par la fragmentation des
habitats. Des modèles ont été développés pour calculer les risques d'extinction d'une
espèce, en fonction de la taille de son habitat et d'un intervalle de temps donné (Population
Viability Analysis). Les prédictions de ces modèles, qui mettent souvent en évidence des
exigences spatiales importantes, ont été confirmées par l'évolution de la diversité animale
observée dans des parcs nationaux américains depuis leur création.
On a d'autre part constaté que les processus dynamiques d'une certaine ampleur spatiotemporelle, notamment ceux qui régissent les systèmes alluviaux et forestiers naturels, ne
peuvent guère se dérouler dans des réserves naturelles de dimensions modestes.
Les espaces protégés de taille réduite connaissent d'autres problèmes:
- Leur périphérie est soumis aux influences extérieures; ils sont exposés à la pénétration
de l'homme et d'espèces opportunistes qui peuvent perturber le fonctionnement de
l'écosystème.
- Des interventions y sont souvent nécessaires, soit pour assurer la sécurité des terrains
avoisinants (endiguement, stabilisation de glissements de terrain, abattage d'arbres en
lisière), soit pour conserver artificiellement une biodiversité qui ne peut se maintenir
naturellement, faute de surface suffisante pour un déroulement normal des cycles
naturels.
- Les petites surfaces sont particulièrement vulnérables aux catastrophes, tel l'ouragan qui
a renversé la forêt vierge de Derborence il y a quelques années.
A ces arguments biologiques en faveur de la création de grands espaces protégés, on peut
ajouter une fonction sociale. Les territoires peu marqués par l'homme, où les forces de la
nature s'expriment sans entrave, répondent en effet à un besoin croissant d'évasion et de
"retour aux sources". Le concept de "Wilderness/Wildniss" traduit cette aspiration quelque
peu métaphysique et peut-être teintée d'un certain romantisme citadin.
Ainsi, les grands espaces répondent à des besoins multiples. Leur double fonction,
biologique et sociale, est à la fois un atout et une source de conflits. L'engouement pour les
grands espaces "sauvages" n'est pas sans susciter quelques inquiétudes sur les pressions
humaines qui peuvent s'y exercer.
Le processus de mise en place de grands espaces protégés devra tenir compte de ces
différents éléments. Les problèmes particuliers à résoudre concernent non seulement la
dimension des objets, mais aussi la canalisation des visiteurs.
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Bases légales et prescriptions relatives aux grands espaces protégés
Diverses bases légales fédérales, sans se référer explicitement à une surface minimale,
désignent des objectifs qui ne peuvent être atteints autrement que par la protection de
grands espaces. Il s'agit notamment de la conservation d'espèces animales à espace vital
étendu et de la protection d'ensembles paysagers et fonctionnels cohérents.
- la Loi fédérale sur la protection de la nature du 1er juillet 1966 (LPN) a notamment
pour but "de protéger la faune et la flore indigènes ainsi que leur espace vital naturel."
(art. 1er). "La disparition d'espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue
par le maintien d'un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d'autres
mesures appropriées" (art. 18, al.1).
Plusieurs inventaires fédéraux désignent des objets de grande dimension. C'est
notamment le cas de l'Inventaire des paysages (IFP) et de l'Inventaire des sites
marécageux d'importance nationale. Les Districts francs fédéraux constituent
également des refuges de grande taille pour le gibier
- la Conception Paysage Suisse (CPS) adoptée le 19 décembre 1997 par le Conseil
Fédéral fixe parmi ses objectifs généraux de "réserver des espaces libres pour le
développement spontané et la dynamique des phénomènes naturels".
Les objectifs sectoriels relatifs aux sports, loisirs et tourisme indiquent clairement les
limites d'utilisation des grands espaces protégés, puisqu'il est même question d'"éviter la
desserte touristique des paysages de grande valeur" (objectif 3E)! A vrai dire, la
formulation de cet objectif prête à confusion, car il concerne avant tout les installations de
remontée mécanique pour la pratique du ski (mesure 3.09; voir cependant ci-après le cas
des forêts).
Les objectifs sectoriels relatifs à la protection de la nature prévoient notamment de
"sauvegarder les espèces menacées et leurs habitats (…) afin que le nombre des
espèces des Listes rouges diminue de 1% par année" (objectif 7B) et "en l'espace de 10
ans, de compléter la mosaïque des biotopes d'importance nationale..."(objectif 7C). Parmi
les mesures préconisées pour atteindre ces objectifs, il est question d'"examiner la
possibilité de valoriser de vastes entités naturelles" (mesure 7.03).
Les objectifs sectoriels concernant la forêt mentionnent la "création de réserves
forestières et de zones de tranquillité, destinées à conserver ou à créer des écosystèmes
forestiers suffisamment vastes pour garantir l'intégrité de la flore, des sanctuaires naturels
pour la faune et des espaces d'une valeur paysagère particulière. (objectif 11F)". Parmi
les mesures correspondantes, il est précisé que "les compartiments paysagers non
desservis jusqu'à ce jour ne pourront désormais l'être qu'à titre exceptionnel (p.ex.:
fonction de protection)" (mesure 11.06).
Plusieurs Conventions internationales ratifiées par la Suisse touchent également au
thème des grands espaces:
- La Convention de Berne (1979) désigne une liste d'espèces dont la conservation
nécessite des mesures particulières de protection de l'habitat (Résolution du Comité
permanent no 5/1998). Les exigences spatiales de certaines de ces espèces imposent la
création de vastes espaces protégés.
- La Convention de Ramsar (1976) engage les parties contractantes à désigner des
espaces protégés de surface suffisante pour permettre aux oiseaux d'eau d'hiverner ou
de faire escale sur leur territoire.
Sur le plan cantonal, l'Inventaire des Monuments Naturels et des Sites (IMNS) et les
Réserves de chasse englobent également des territoires très étendus.
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Le degré de protection assuré aux grands espaces par ces différentes bases légales est
inégal, notamment en ce qui concerne leurs fonctions spécifiques (refuges de la faune,
déroulement non perturbé des grands processus naturels, caractère "sauvage" du paysage).
Certaines de ces bases légales visent avant tout la préservation du paysage, et ne
garantissent qu'indirectement le fonctionnement et le contenu biologique des écosystèmes
(IMNS, IFP). Elles englobent d'ailleurs aussi bien des paysages façonnés par l'homme (par
exemple le Lavaux) que des espaces véritablement sauvages (par exemple le Vallon de
Nant). De leur côté, les districts francs et les réserves de chasse ne concernent que les
activités cynégétiques.
Ces champs d'application différents traduisent la variété des approches possibles et reflètent
finalement l'ambiguïté du concept de grand espace.
Catégories de grands espaces protégés
Afin de clarifier les concepts et uniformiser une nomenclature variable d'un pays à l'autre,
l'UICN (1994) a établi une classification des espaces protégés en fonction des objectifs de
gestion que ces espaces sont destinés à remplir.
Ia
Réserve intégrale: évolution naturelle sans intervention; accès public limité
Ib
Zone de nature sauvage (Wilderness area): évolution naturelle sans intervention;
accès non motorisé autorisé au public (mais sans aménagement favorisant les
activités récréatives)
II
Parc national: évolution naturelle sans intervention; accès au public autorisé à des
fins récréatives (moyennant l'aménagement d'infrastructures d'accueil en périphérie
du parc et la canalisation des visiteurs)
III
Monument naturel: conservation d'éléments naturels exceptionnels (par exemple
cascades, grottes)
IV
Aire de gestion des habitats ou des espèces: aire protégée gérée principalement
à des fins de conservation, avec mesures de gestion (Réserve naturelle dirigée).
Toutes les réserves nécessitant des travaux d'entretien (par exemple bas-marais,
taillis, prairies maigres) entrent dans cette catégorie.
V
Paysage protégé: aire protégée gérée principalement pour assurer la conservation
des paysages et à des fins récréatives. Les objets IFP rentrent dans cette catégorie.
VI
Aire protégée des ressources naturelles gérées: gestion axée sur une utilisation
durable des écosystèmes naturels (durabilité des fonctions, de la productivité et de
la biodiversité des écosystèmes). Cette catégorie offre des possibilités
d'interprétation assez étendues; elle pourrait éventuellement s'appliquer à de vastes
surfaces forestières et agricoles sans modification sensible du mode d'exploitation
actuel.
Cette classification correspond à une intensité décroissante des restrictions imposées aux
activités humaines dans les aires protégées. Les premières catégories impliquent une forte
ségrégation, mettant les aires protégées à l'abri des influences humaines. Les dernières
catégories mettent en revanche l'accent sur l'intégration des objectifs de protection dans un
processus de gestion et d'utilisation du milieu par l'homme.
Selon la "norme" UICN, une surface minimale de 1000 ha est en principe requise pour les
espaces protégés de la catégorie II (Parc national). Pour les autres catégories, la superficie
de l'aire protégée doit être adaptée aux objectifs de gestion, ce qui peut aussi impliquer une
grande surface.
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On voit ainsi qu'une gamme variée de types de protection peut concerner les grands
espaces. Ces différents statuts peuvent d'ailleurs se combiner au sein de systèmes
composites, formés de plusieurs surfaces juxtaposées dans lesquels des objectifs
complémentaires ont été définis (par exemple noyau de protection intégrale entouré par une
zone-tampon à fonction récréative).
Avant de poursuivre l'analyse, il convient de passer en revue les critères proposés pour la
sélection de grands espaces à protéger, et de souligner ceux qui pourraient s'appliquer dans
le contexte vaudois.
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Critères de désignation des objets
Étant donné que leur mise en place est beaucoup plus complexe que celle de réserves
naturelles peu étendues, les critères concernant les grands espaces protégés devraient en
priorité se concentrer sur les fonctions que ceux-ci sont seuls à pouvoir remplir.
Grands processus naturels
Ces espaces correspondent à la catégorie I de l'UICN.
Le cycle forestier occupe ici une place particulière. Contrairement aux autres grands
processus, il n'est que partiellement lié à des forces abiotiques, et résulte avant tout de la
dynamique interne de la biocénose. On constate en effet que les forêts laissées à leur
évolution naturelle ne se maintiennent pas indéfiniment au stade de "climax", mais subissent
tôt ou tard un phénomène de "sénescence", suivi de l'effondrement de la strate arborée et
du retour aux stades pionniers. Cette phase de régénération peut aussi être provoquée
prématurément par des catastrophes naturelles (ouragans en particulier).
La surface minimale permettant le déroulement complet du cycle forestier naturel ne peut
être définie de manière précise, car elle dépend du type de forêt, ainsi que de la fréquence,
de l'intensité et de l'étendue des perturbations naturelles auxquelles le site est exposé. Le
concept national des réserves forestières (Indermühle & al. 1998) fixe la taille minimale des
"grandes réserves" à 500 ha, valeur également admise sur le plan international (IUCN
1994). Toutefois, de l'avis de certains spécialistes de l'écosystème forestier, la surface
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minimale devrait être beaucoup plus étendue (plusieurs dizaines de km selon D.
Horisberger, comm. pers.).
Les objets protégés ayant pour siège des processus alluviaux devraient idéalement
s'étendre sur tout le bassin versant qui les alimente. Lorsque ce n'est pas possible, ils
devraient au moins englober le lit majeur du tronçon à protéger, ou s'étendre jusqu'au niveau
maximal des hautes eaux dans le cas de rivages lacustres. L'extinction de plusieurs espèces
d'Orthoptères liés aux alluvions dans le site de Finges montre que plusieurs dizaines
d'hectares sont parfois nécessaires pour conserver à long terme la diversité biologique d'une
zone alluviale.
Les autres systèmes dynamiques (zones d'avalanches, cirques d'érosion, éboulements,
etc.) sont tous liés à des situations orographiques particulières, et se rencontrent surtout
dans des régions à fort relief. C'est ce dernier qui détermine l'étendue et la forme des objets
(lignes de crête, pieds de pente). Leur surface est par conséquent variable, allant de
quelques hectares à plusieurs kilomètres carrés.
Paysages sauvages
Selon l'importance donnée à la fonction sociale, ces espaces entrent dans les catégories Ib
(Wilderness area), II (Parc national) ou III (Monument naturel) de l'UICN.
Les territoires répondant à la notion de " Wilderness " correspondent dans une large mesure
à la catégorie précédente. Il doivent en outre être dépourvus d'infrastructures marquant
fortement le paysage, telles que lignes aériennes, axes de circulation à grand trafic,
ouvrages techniques importants, et ne pas subir de nuisances sonores (détonations, survol
aérien, etc.). Idéalement, il doivent aussi comporter des éléments naturels impressionnants
et originaux (voir notamment le rapport "Géotopes").
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Pour remplir leur fonction sociale, ils doivent être accessibles au public. Ce dernier doit
avoir la possibilité de les contempler et, dans la mesure du possible, de les parcourir. Cette
pénétration humaine ne doit cependant pas se faire au détriment des qualités qui ont valu au
site d'être désigné. Elle ne doit entraîner aucune altération sensible du caractère sauvage du
paysage, ni compromettre la survie des espèces sensibles au dérangement, ni entraver le
déroulement des processus naturels (par exemple par l'aménagement d'ouvrages de
protection).
Dans les sites les plus attractifs, ces exigences nécessitent la mise en place d'un dispositif
d'accueil et de canalisation des visiteurs (catégories II et III UICN). En général, elles se
traduisent aussi par une gestion différenciée du site, par secteurs (zones-tampon, réserve
intégrale, etc.).
Sanctuaires pour la faune
Selon la nécessité d'une gestion des habitats en faveur des espèces cibles, ces aires
protégées devraient se ranger dans les catégories UICN I, II, III ou IV. Il faut en effet
souligner que beaucoup d'espèces sont favorisées par le maintien de formes d'exploitation
extensive (pâturage boisé, clairières en forêt, prairies à litière). Il convient donc de dissocier
le critère de tranquillité de celui d'évolution naturelle du milieu.
Les espèces sensibles au dérangement ou liées à des habitats de grande dimension sont en
majorité menacées et protégées au niveau national, voire européen. La plupart figurent
également dans la liste des espèces menacées d'extinction du canton de Vaud, établie par
la Conservation de la faune (octobre 2000).
Ces espèces peuvent être regroupées en fonction de leur type d'habitat.
En forêt, le Grand Tétras, la Bécasse, le Pic mar, le Chat sauvage et le Lynx boréal sont
parmi les plus exigeants et les plus sensibles au dérangement ou à la fragmentation de leur
habitat. Du fait que le canton de Vaud abrite la majorité des effectifs subsistant en Suisse, il
porte une responsabilité particulière pour le Grand tétras.
Les zones agricoles sont exploitées par diverses espèces menacées ayant un grand
espace vital (Hibou Grand-duc, Bondrée apivore, divers Chiroptères), mais qui peuvent se
développer dans des mosaïques paysagères comprenant aussi des zones bâties. Ces
espèces peuvent se maintenir sans une gestion spécifique des biotopes, pour autant que la
qualité générale des milieux soit suffisante et que leurs refuges ponctuels (dortoirs, sites de
reproduction) soient sécurisés.
D'autres espèces occupent des biotopes ou des habitat particulièrement structurés, qui
doivent couvrir de grandes surfaces peu dérangées ou fragmentées: Huppe fasciée,
Chouette chevêche, Perdrix grise notamment. La disparition de ces espèces montre que des
habitats propices de taille suffisante n'existent pratiquement plus sur territoire vaudois. Ce
sont surtout elles qui pourraient être favorisées par la désignation d'espaces agricoles
protégés. A noter que plusieurs de ces espèces occupent des interfaces entre zones
agricoles et biotopes humides (Râle des genets, Vanneau huppé, Courlis cendré).
Plusieurs espèces liées à de grands espaces naturels vivent en haute montagne (Aigle
royal, Lagopède, etc.). Grâce à un état de préservation relativement bon, seules quelquesunes d'entre elles sont gravement menacées (Perdrix bartavelle), mais d'autres sont en
déclin (Tétras lyre) et la plupart sont vulnérables à toute augmentation de la pression
humaine. Il n'est pas certain que les noyaux de protection existants offrent à ces espèces
des garanties suffisantes de survie à long terme.
Les milieux humides et aquatiques ont enfin une importance particulière pour les espèces
inféodées aux grands espaces. Suite au rétrécissement et à la dégradation de ces biotopes,
une partie d'entre elles ont déjà disparu et de nombreuses autres n'ont plus que des effectifs
très faibles (Blongios, Rousserolle turdoïde, etc.). Les aires protégées humides de grande
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dimension jouent également un rôle vital pour l'avifaune migratrice et hivernante, dont les
distances de fuite sont souvent importantes.
En résumé, on peut constater que la préservation des espèces emblématiques de notre
faune nécessite la conservation de grands espaces de plusieurs types. Il s'agit aussi bien de
massifs forestiers et de régions d'altitude que de zones agricoles de plaine et d'espaces
lacustres et riverains. En règle générale, la pression humaine doit être limitée dans ces aires
protégées, ce qui peut restreindre le développement d'activités récréatives, ou du moins
nécessiter un effort particulier d'encadrement (accueil, information, canalisation). Selon le
type d'habitat, des mesures de gestion ou des formes d'exploitation particulières doivent
également être prévues.
Réservoirs de biodiversité
Les espèces mentionnées au chapitre précédent sont surtout de grands vertébrés, ce qui n'a
rien de surprenant puisque ce sont eux qui ont les plus grandes exigences spatiales et qui
sont les plus sensibles au dérangement.
Toutefois, de nombreux organismes de petite taille, spécialistes d'habitats instables et peu
fréquents, sont également sensibles à la taille de l'habitat. Leur densité naturelle est trop
faible pour que des populations viables se maintiennent dans des réserves naturelles de
petite dimension (faune des arbres sénescents, organismes des stades pionniers
éphémères, phytophages spécialistes de plantes rares, coprophages et parasites des
grands vertébrés, etc.). Dans ce cas, de grandes surfaces sont nécessaires pour abriter des
effectifs suffisants et limiter les risques d'extinction. En outre, ces surfaces devraient être
délimitées de manière à réduire le risque d'extinction des espèces spécialisées liées à
différents types d'habitats, notamment celles de basse altitude (Cerambyx cerdo,
Temnostoma apiforme, Parnassius mnemosyne, Coprys lunaris, etc.).
Les exigences écologiques de nombreuses espèces étant mal connues, il est difficile
d'identifier celles pour lesquelles la création de grands espaces protégés revêt une
importance vitale. On peut toutefois admettre en première approximation qu'elles se
recrutent en majorité parmi les espèces les plus menacées des listes rouges (catégorie E).
Même en se limitant à ces espèces très menacées, on a toujours affaire à un grand nombre
d'organismes aux exigences différentes, ce qui rend impossible un traitement espèce par
espèce. Une approche plus globale est nécessaire pour identifier les grands sites ayant une
fonction particulière de réservoirs de biodiversité.
Plusieurs travaux mandatés par l'OFEFP ont tenté de localiser ces "hot spots", notamment
dans le contexte de la compensation écologique en zone agricole. Le processus utilisé par
Hintermann & al (1995) pour identifier au niveau national ces "zones nodales" (Kernräume)
consiste à sélectionner des groupes de carrés kilométriques contigus offrant une richesse
particulière en habitats dignes de protection, et dans lesquels un nombre maximal
d'espèces menacées ont été recensées.
Bien que cette ne soit guère contestée sur son principe, ses résultats dépendent beaucoup
des indicateurs de milieu chosis et pâtissent du manque de connaissance sur la distribution
des espèces menacées. Ces faiblesses peuvent entraîner une définition erronée des zones
nodales (Berthoud 1996).
Pour y remédier, il peut être utile de tenir compte des informations disponibles au niveau
régional (même si elles induisent une "inégalité de traitement" entre les différentes régions
du pays, plus ou moins bien étudiées) et de prendre en compte le plus grand nombre
possible d'indicateurs du milieu.
Une autre critique adressée à la sélection des "zones nodales" au sens de Hintermann &
al.(1995) est qu'elle ne tient pas compte des surfaces ayant un statut juridique de protection.
Selon plusieurs responsables cantonaux, les surfaces déjà protégées, y compris les objets
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d'importance régionale de l'inventaire IRENA, devraient servir de point de départ pour la
définition des zones nodales (Berthoud 1996).
Ainsi, les zones nodales définies par Berthoud & al. (2000) dans le cadre du projet de
réseau écologique national (REN) portent une signature particulière lorsqu'il s'agit de sites
protégés recensés par la Confédération (inventaires nationaux, IRENA).
Établi sur la base d'indicateurs plus nombreux et plus précis (GEOSTAT: 74 catégories
d'utilisation du sol; atlas de végétation de Hegg & al. 1993), ce projet propose pour l'instant
(mai 2000) des cartes thématiques provisoires regroupant les zones nodales par grand type
de milieu (forêts de basse altitude; forêts d'altitude et pâturages boisés; milieux humides et
cours d'eau; zones agricoles extensives thermophiles; autres zones agricoles extensives).
La validation de ces propositions par les cantons doit encore être faite.
Divers travaux sont également en cours au niveau national dans le cadre du Réseau
Emeraude (projet paneuropéen coordonné par le Conseil de l'Europe, en application de la
Convention de Berne). Ces études, dans lesquels le CSCF est particulièrement impliqué,
visent à localiser les sites les plus importants pour la protection d'habitats et d'espèces
prioritaires au niveau européen. Les résultats de ces travaux devraient être disponibles dans
le courant de 2001.
De manière générale, on peut remarquer que la délimitation de ces "zones nodales" est
difficile à valider scientifiquement et que des propositions divergentes peuvent résulter
d'approches légèrement différentes.
Objets existants et potentiels dans le canton de
Vaud
Déroulement des processus naturels
Dynamique forestière
Le canton de Vaud possède plusieurs massifs forestiers de taille supérieure à 1000 ha,
qui s'étendent sur la majeure partie de la moitié occidentale du Jura, de Vallorbe à la Dôle,
ainsi que sur le Jorat et dans les Préalpes.
Des grands massifs dépourvus de desserte se trouvent dans la région de St-Cergue (Le
Noirmont-Les Loges), dans le Chablais (Monts d'Arvel-Noirmont) et dans le Pays d'Enhaut
(Pierreuse-Torneresse).
Dans le "Concept national réserves forestières" (OFEFP 1999), ces secteurs sont désignés
comme sites potentiels pour la création de grandes réserves forestières (> 500 ha), et
pourraient se prêter au libre déroulement de la dynamique naturelle.
Certains de ces objets ont déjà un statut de protection, mais l'exploitation sylvicole s'y
poursuit. Aucune réserve forestière sans intervention et de grande dimension n'existe
actuellement dans le canton.
Autres processus dynamiques
La délimitation des aires protégées destinées au libre déroulement d'autres grands
processus naturels (cirques d'érosion, zones alluviales, etc.) est étroitement liée à la
géomorphologie, qui dicte la dimension des objets et leur emplacement.
Toutes les grands objets potentiels sont déjà inscrits dans l'inventaire fédéral des zones
alluviales d'importance nationale et dans l'inventaire IFP. Le statut de ces objets ne garantit
pas forcément que les processus dynamique s'y déroulent sans entrave. Par exemple,
plusieurs zones alluviales d'importance nationale concernent des tronçons de cours d'eau
corrigés ou des rives lacustres à niveau régulé artificiellement.
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Espaces naturels à fonction récréative et patrimoniale
A basse altitude, la fragmentation des milieux naturels et l'empreinte fréquente des activités
humaines privent le paysage de sa dimension "sauvage" (sans forcément lui ôter tout son
charme). Seule la montagne offre réellement la possibilité de "tourner le dos à la civilisation"
au cours d'une longue randonnée.
En toute rigueur, seules quelques zones reculées des Alpes et du Jura, dépourvues
d'infrastructures touristiques et de voies carrossables, remplissent les critères de "Wildniss".
En étant un peu moins restrictif, on peut admettre que le Parc Jurassien Vaudois, le Vallon
de Nant, la Pierreuse et la région d'Anzeinde correspondent à ce que le commun des
mortels perçoit comme un paysage sauvage. De manière plus générale, de vastes zones
d'altitude portent peu de stigmates de la civilisation et pourraient entrer dans un concept
d'espace naturel protégé à fonction récréative. C'est notamment la cas d'une grande partie
du massif Diablerets-Muveran-Dent de Morcles et de celui des Rochers de Naye.
Il faut souligner que la notion d'espace naturel est subjective et varie passablement d'un
observateur à l'autre. Les forêts du Plateau satisfont déjà le besoin d'évasion de nombreux
citadins, en offrant un contraste dépaysant avec l'environnement urbain, même si elles sont
fortement marquées par l'exploitation du bois (dessertes, enrésinement). On remarque
toutefois que la sensibilité du public vis-à-vis de la "naturalité" du milieu s'accentue, et que la
demande pour des espaces laissés à leur évolution naturelle, en marge des grandes
agglomérations, s'affirme de plus en plus.
Sans aller jusqu'à préconiser, comme Alphonse Allais, de construire les villes à la
campagne, on peut relever que cette proximité est importante, par la possibilité qu'elle offre
au citadin de se ressourcer sans effectuer de grands déplacements.
Dans cette optique, Stearns & al. (1990) ont émis la proposition de créer une réserve
forestière de 1000 ha à proximité de chaque grande ville suisse. Ces réserves auraient ainsi,
outre leur rôle de réservoir biologique, une importante fonction sociale et didactique. La
réserve forestière de Sihlwald, à proximité de la ville de Zürich, offre l'exemple concret d'une
telle réalisation. Sur territoire vaudois, les bois du Jorat pourraient jouer un rôle semblable
pour l'agglomération lausannoise.
Certains milieux semi-naturels ont également une valeur patrimoniale et récréative
particulière. C'est notamment la cas des pâturages boisés du Jura et des taillis de la région
de la Sarraz. La protection de ces milieux doit s'étendre à des surfaces suffisantes pour
permettre le tournus normal de l'exploitation traditionnelle dont ils dépendent.
Enfin, la forte pression humaine à laquelle sont soumis les sites marécageux des Grangettes
et de la rive sud du lac de Neuchâtel témoigne de l'attrait exercé par les derniers grands
espaces semi-naturels qui sont en contact avec l'élément liquide.
Sanctuaires pour la faune
Des espèces forestières, le Grand Tétras est sans doute la plus étudiée et la mieux connue
de la faune vaudoise. L'espèce est encore présente dans certains massifs forestiers
d'altitude et pâturages boisés du Jura. Elle a probablement disparu des Préalpes vaudoises.
Les "sanctuaires" du coq de bruyère ont été délimités sur une carte confidentielle détenue
par la Conservation de la faune. Ces territoires constituent des sites potentiels pour la
création de grands espaces protégés. Les mesures de protection à envisager dans ces
sanctuaires concernent la gestion sylvicole (entretien de l'habitat) et la réduction de la
pénétration humaine (limitation du trafic motorisé et des activités de loisir).
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La Bécasse niche encore dans quelques forêts humides des Préalpes (par exemple vallée
de l'Hongrin). Une population relictuelle du Plateau, située dans le massif forestier du Jorat,
est pratiquement éteinte aujourd'hui. Ce déclin est en partie lié à l'évolution des pratiques
sylvicoles, notamment à la raréfaction des clairières humides en forêt. Dans d'autres
régions, par exemple aux Tenasses, sa disparition semble imputable à l'augmentation des
activités de détente. Espèce migratrice, la Bécasse serait susceptible de recoloniser
rapidement les sites désertés en cas de revitalisation de son habitat et de réduction du
dérangement.
Le domaine occupé par le Lynx s'étend sur d'immenses territoires essentiellement forestiers
des Préalpes et du Jura. Bien que certaines zones soient plus régulièrement occupées que
d'autres, la mobilité de cette espèce rend difficile la désignation de périmètres privilégiés. Il
en va de même pour le Chat sauvage, présent en faible densité dans le Jura.
Le Pic mar occupe des forêts de feuillus de basse altitude riches en chênes. Quelques
colonies subsistent au pied du Jura. Dans le canton, il paraît avoir son optimum dans les
chênaies-charmaies traitées en taillis sous futaie. Des effectifs stables ne se maintiennent
que dans des forêts offrant une structure adéquate sur plusieurs dizaines d'hectares. Les
mesures à prendre pour cette espèce relèvent principalement de la gestion sylvicole
(conservation des arbres à cavités, maintien et extension des forêts claires riches en chêne).
Parmi les sites potentiels, le complexe de taillis thermophiles de la région de la Sarraz
présente un intérêt particulier, par l'étendue des biotopes favorables et par la valeur
naturelle et patrimoniale des milieux.
A l'exception éventuelle du Pic mar, la problématique de sauvegarde de ces espèces se
situe à une échelle qui déborde largement le cadre d'un seul site protégé, si grand soit-il. En
effet, les populations locales ne constituent pas des groupes autonomes pouvant rester
confinés dans des sanctuaires. Pour se maintenir, elles doivent pouvoir entretenir des
échanges avec d'autres noyaux, au sein de métapopulations dont l'aire est très étendue.
Pour contribuer efficacement à la survie à long terme de ces espèces, les espaces jouissant
d'un statut de protection privilégié devront s'inscrire dans une stratégie plus globale,
appliquée à de vastes surfaces du Jura et des Préalpes. Voir également le chapitre
"Corridors biologiques" du rapport Milieux.
Les biotopes humides de grande dimension jouent un rôle important pour la faune
résidente, mais encore davantage pour les oiseaux migrateurs faisant escale dans notre
pays. Tous les grands biotopes humides subsistant dans le canton figurent dans des
inventaires fédéraux et jouissent déjà d'un statut de protection (bas-marais, hauts-marais,
zones alluviales et sites marécageux d'importance nationale). Ces couches de protection se
recoupent souvent avec les sites OROEM, qui étendent la protection aux milieux lacustres
adjacents. Aucun objet important n'étant situé à l'extérieur de ces périmètres, la protection
des grands espaces marécageux devrait aujourd'hui se concentrer sur la consolidation du
dispositif existant. A cet égard, les sites marécageux présentent l'intérêt particulier
d'englober des grandes surfaces de biotopes complémentaires et offrent ainsi des chances
supplémentaires de survie aux espèces à grand espace vital. On constate en effet que les
espèces strictement liées au marais bénéficient d'une bonne protection, mais que les
animaux les plus menacés (râle des genets, vanneau huppé) ou déjà disparus (courlis
cendré) ont aussi besoin de surfaces agricoles extensives pour s'alimenter.
Un concept de grande zone agricole protégée pourrait se justifier pour permettre le retour
de la perdrix grise et pour offrir un refuge stable à de nombreux autres organismes
menacés. Néanmoins, pour la plupart des espèces liées à l'agriculture, la concentration des
efforts dans un seul site n'est pas forcément la stratégie de protection la plus efficace.
Idéalement, le choix des zones à protéger devrait se porter sur des régions situées à l'écart
des grandes voies de circulation et des zones densément habitées. Toutefois, les seules
régions climatiquement favorables à la majorité des espèces menacées (dont la perdrix
grise) se trouvent à basse altitude et ne remplissent plus ce critère: adret lémanique, vallée
du Rhône, plaine de l'Orbe. Comme indiqué au paragraphe précédent, les surfaces
ND / Grands espaces
11
agricoles en contact avec des biotopes marécageux (ou d'autres types d'habitats de haute
valeur) ont une importance particulière.
La faune de la haute montagne compte de nombreuses espèces à grand espace vital et
sensibles au dérangement (Ongulés, Aigle royal, Gypaète, Tétras-lyre, Perdrix bartavelle,
Pic tridactyle, etc.). Plusieurs grandes réserves naturelles (Pierreuse, Vallon de Nant,
Anzeinde, Taveyanne, etc.) et divers périmètres de protection (districts francs, objets IFP
notamment) couvrent déjà une partie de cet espace. Il n'en reste pas moins que ces sites
subissent localement des perturbations importantes, notamment sous la pression du
tourisme, et que leur évolution pourrait être mieux contrôlée par un statut de protection
renforcé. D'autre part, les exigences spatiales importantes de certaines espèces plaident en
faveur de la mise en place d'un espace protégé de dimension exceptionnelle. Le massif
Diablerets-Muveran-Dent de Morcles, dont de larges secteurs ont déjà un statut de
protection particulier, offre à cet égard un potentiel certain.
Conservation de la biodiversité
Les périmètres répondant aux critères sectoriels présentés aux paragraphes précédents se
recoupent souvent avec des zones connues pour leur biodiversité élevée.
C'est notamment le cas pour les zones de basse altitude désignées comme zones nodales
(Kernräume au sens de Hintermann & al. 1995) pour la compensation écologique au niveau
national. Ces zones nodales s'étendent sur les régions suivantes:
- Rive sud du lac de Neuchâtel
- Plaine de l'Orbe
- Région L'Isle - Mormont
- Basse plaine du Rhône (site des Grangettes)
- Bords du Rhône entre Bex et Aigle
Les cartes proposées par Berthoud & al. (2000) dans le cadre du projet REN définissent
également des "zones nodales" de différents types, qui couvrent la majeure partie de la
surface du canton (le recoupement des différentes cartes ne laisse finalement en blanc que
les régions les plus urbanisées et les surfaces d'agriculture intensive).
Apparemment, les nombreux indicateurs utilisés dans le projet REN (données GEOSTAT et
atlas de la végétation de Hegg & al. 1993) n'ont guère servi à sélectionner des habitats
prioritaires, mais plutôt à effectuer un classement des milieux (semi-)naturels en quelques
grands types d'habitats, présentés séparément sous forme de "cartes thématiques1 ".
L'examen de ces cartes thématiques ne permet pas d'identifier, pour chaque type d'habitat,
des objets prioritaires en tant que réservoirs de biodiversité.
La carte de synthèse, intitulée "Eléments directeurs provisoires du réseau écologique
national" effectue une sélection d'objets prioritaires, mais celle-ci se résume une mise en
relation des grands sites protégés par des bandes considérées comme corridors de
déplacement pour la faune (selon le rapport "Wildtierkorridore" de la SPFS et de la SOS,
1999).
1
Par exemple, la quasi totalité des surfaces situées au- dessus de 1000 m d'altitude est englobée dans les "zones nodales" du
"continuum écologique des forêts et pâturages de Suisse". A l'intérieur de ces surfaces, seule une distinction est faite entre les
zones protégées et non protégées, et dans chacune de ces catégories, entre "milieux principaux" et "milieux complémentaires".
Ces derniers, qui ne constituent qu'une faible part des surfaces, ne sont définis nulle part dans le rapport de Berthoud & al. La
seule mention d'éléments complémentaires dans le texte du rapport ne se réfère pas aux cartes thématiques, mais à la carte de
synthèse, et désigne des surfaces "situées hors zone de protection mais participant à la structure générale du réseau" (page
23).
ND / Grands espaces
12
Dans ce concept, les sites protégés existants semblent être considérés comme nécessaires
et suffisants au maintien de populations viables, pour autant qu'ils restent interconnectés par
le réseau des corridors biologiques. Ce postulat, étayé par une argumentation très empirique
(voir p. 16 du rapport), aboutit au résultat que des zones véritablement stratégiques pour la
conservation de la biodiversité ("hot spots") sont peut-être ignorées, alors que des sites
désignés avant tout pour des raisons paysagères (sites IFP, Parc jurassien vaudois)
occupent une place centrale.
Les critères utilisés pour définir les "éléments directeurs" du REN (implicitement admis
comme objets prioritaires) se cristallisent sur le statut existant de protection et sur les
liaisons biologiques.
Malgré ses défauts, ce projet a le mérite de mettre en évidence des zones-relais situées aux
carrefours des corridors biologiques principaux. Dans le canton de Vaud, le principal relais
se situe sur le Jorat. Sa surface importante en fait un candidat potentiel pour la création d'un
grand espace protégé.
Conflits potentiels
Conflits avec d'autres activités
Par définition, les grands espaces naturels ne doivent pas être fragmentés. Ils sont par
conséquent vulnérables au développement des infrastructures linéaires (voies de
circulation, remontées mécaniques, lignes électriques, conduites forcées), qui, même si leur
emprise est négligeable, remettent en question les caractéristiques propres à ce type d'objet
(intégrité paysagère, continuité de l'habitat, libre déroulement des processus naturels et
tranquillité de la faune).
Difficilement contournables, les grands espaces protégés peuvent donc constituer une
contrainte très importante pour la planification des grands axes de liaison. Réciproquement,
les infrastructures existantes réduisent la possibilité de création de grands espaces
protégés.
Par leur étendue, les grandes aires protégées sont souvent confrontées à une structure
foncière complexe. Elle implique en général plusieurs propriétaires, et dans certains cas de
nombreux privés, ce qui limite les possibilités d'établir une protection par voie contractuelle
(achat des terrains, conventions ou contrats de réserve). Dans la plupart des cas, une
procédure administrative de classement sera nécessaire pour faire valoir l'intérêt général.
On remarquera par ailleurs que la durée limitée des conventions ou des contrats de réserve
n'est pas toujours suffisante pour assurer la pérennité requise par les objectifs visés (par
exemple le cycle naturel de la forêt).
En outre, la justification des grands espaces protégés repose sur des analyses à large
échelle. Au yeux des collectivités locales concernées, leur emprise paraît souvent
disproportionnée. Les éléments rares et menacés au niveau national peuvent être
relativement fréquents au niveau local. Sans avoir un recul suffisant, il est difficile de
reconnaître la nécessité de leur protection intégrale. Le problème se pose notamment
lorsque des projets de dimension modeste, mais situés au coeur d'un site sensible, ne sont
pas autorisés de crainte que ces enclaves n'affectent le voisinage dans un large rayon et
n'induisent des dérangements répétés le long des voies d'accès.
Ces mesures de protection restrictives réduisent sensiblement la marge de manoeuvre des
communes, qui doivent trouver d'autres solutions pour les installations traditionnellement
implantées dans des sites isolés (stands de tir, décharges, etc.), et souvent renoncer au
développement de nouvelles infrastructures touristiques sur leur territoire (remontées
mécaniques, sites de détente, etc.).
ND / Grands espaces
13
Les grands espaces protégés étant susceptible de s'étendre à la majeure partie d'un
territoire communal, il n'est pas surprenant que leur mise sous protection puisse susciter un
sentiment de perte de souveraineté, voire une révolte vis-à-vis de l'autorité centrale,
accusée de reléguer les régions périphériques dans des "réserves d'indiens".
En résumé, il est souvent difficile de convaincre les communes concernées du bien-fondé de
la création d'un grand espace protégé, et la mise en oeuvre de la protection, notamment des
mesures de police qui lui sont liées, ne sera pas toujours assurée avec diligence par les
autorités locales. Ce problème est d'autant plus délicat que la plupart des grands objets
protégés existants jouissent d'une protection incomplète. Par exemple, celle des objets IFP
n'est pas forcément garantie en dehors des procédures de compétence fédérale.
Il faut pourtant noter que plusieurs grands espaces ont été placés sous protection à
l'initiative, ou avec le soutien actif, de collectivités locales (Vallon de Nant, Parc jurassien
vaudois; autre cas célèbre, hors canton: marais de Rothenthurm). Il est intéressant de
relever que le facteur déclenchant était en général une "menace extérieure" (projets de
places d'armes en particulier).
Conflits internes
Les objectifs visés par la mise en place de grands espaces protégés peuvent dans certains
cas être contradictoires.
Le principal conflit résulte de l'attrait particulier exercé par ces espaces sur le grand public.
La désignation d'un site, avec la publicité qui en résulte, peut entraîner un afflux incontrôlé
de visiteurs, et une menace supplémentaire pour les animaux et les biotopes que le site est
censé protéger.
On constate que les activités de détente et de tourisme qui gravitent autour du concept de
"Wilderness" sont une importante source de perturbation pour la faune. Même si elles ne
concernent qu'un nombre restreint d'intéressés, elles s'étendent à des biotopes peu touchés
jusque alors, et ont souvent dans ce cas un impact disproportionné (rafting, canyoning,
escalade, parapente, etc.).
Les activités de "tourisme doux", souvent présentées comme alternative au développement
des domaines skiables et autres infrastructures lourdes, ne sont pas non plus dénuées de
nuisances, dans la mesure où elles échappent à toute canalisation (récolte de champignons,
raquette à neige, ski de randonnée, etc.).
Il s'ensuit que les sites dont le statut n'assure effectivement qu'une protection paysagère
(objets IFP par exemple) ne sont pas à l'abri d'une pression humaine inconsidérée, et que
leur valeur de protection pour les animaux sensibles au dérangement est loin d'être garantie.
Il peut d'autre part y avoir conflit entre la protection d'espèces particulières et la volonté de
laisser se dérouler les processus naturels sans intervention. Par exemple, la sauvegarde du
Grand Tétras passe par l'entretien de structures forestières semi-ouvertes issues d'une
exploitation sylvo-pastorale traditionnelle.
ND / Grands espaces
14
Bilan
Les points principaux suivants ressortent de notre analyse:
1) Dans la stratégie de protection de la nature et du paysage, les grands espaces protégés
sont irremplaçables pour atteindre certains objectifs spécifiques:
- refuge pour les espèces animales à grandes exigences spatiales
- réservoirs de biodiversité
- déroulement sans entrave des grands processus naturels, notamment le cycle forestier et
la dynamique alluviale
- contact de l'homme avec la nature sauvage, possibilité de se ressourcer à l'écart de la
civilisation.
Pour atteindre ces objectifs, les aires protégées doivent être aussi peu fragmentées que
possible et avoir une taille suffisante, comprise entre quelques dizaines d'hectares et plus de
2
10 km . Les grands espaces protégés doivent englober différents types d'habitats et être
équitablement distribués sur le territoire. En outre, ces espaces protégés doivent s'inscrire
dans une stratégie plus large, assurant la mise en réseau de ces zones nodales.
2) Les types de protection nécessaires varient en fonction des objectifs spécifiques du site.
La classification UICN permet de clarifier les différents types en les rattachant à un système
de référence international. Selon les cas, la protection peut être plus ou moins contraignante
pour les propriétaires, exploitants et visiteurs du site. La mise sous protection intégrale
(abandon de toute exploitation, accès public limité) n'est en général pas nécessaire, ni
même utile.
3) Les critères de désignation des grands espaces protégés devraient se concentrer sur les
fonctions qu'ils sont seuls à pouvoir remplir:
- présence d'espèces animales menacées et dépendantes de grands habitats
- secteurs de biodiversité existante ou potentielle, pour chaque grand type d'habitat
- grands massifs forestiers non fragmentés, à végétation proche de l'état naturel
- cours d'eau non corrigés
- sites peu marqués par les équipements et offrant un cadre favorable au déroulement
d'activités récréatives respectueuses de la nature (notamment au voisinage des centres
urbains)
4) Les données disponibles permettent de repérer les principaux sites potentiels
remplissant ces critères dans le canton de Vaud. Des inconnues subsistent toutefois sur le
choix et la délimitation des sites prioritaires, notamment dans l'écosystème agricole.
De nombreux sites remplissant les critères précités jouissent déjà d'une protection
particulière (objets d'importance nationale, grandes réserves naturelles, sites IMNS). Mais
leurs statuts de protection, leurs périmètres et leurs modes de gestion ne sont pas toujours
adaptés aux objectifs.
5) La mise en place de grands espaces protégés est également confrontée à des
problèmes spécifiques:
- impact socio-économique important au niveau local
- incompatibilité avec les infrastructures linéaires
- nombreux intervenants (propriétaires, etc.)
- objectifs multiples et parfois incompatibles
ND / Grands espaces
15
Objectifs proposés (options stratégiques)
Types de grands espaces protégés
La mise sous protection de grands espaces impose des contraintes importantes au
collectivités locales et doit s'appuyer sur une justification solide. La gestion de ces espaces
doit répondre à des objectifs clairement définis et prévoir des mesures adaptées à ces
objectifs.
On a vu que ces objectifs sont souvent multiples pour un même site. Dans la majorité des
cas, un objet sera ainsi appelé à remplir plusieurs fonctions. Afin d'éviter les conflits internes,
il conviendra de hiérarchiser les objectifs et, dans la mesure du possible, de désigner des
sous-périmètres à vocations distinctes et complémentaires.
On peut par exemple concevoir des parcs naturels mixtes, comprenant un noyau central
de protection renforcée (aire protégée de type I ou II UICN) et des secteurs périphériques,
dans lesquels certaines formes d'exploitation sont permises, voire encouragées, de même
que les activités récréatives (type III, IV, V). Cet aspect est particulièrement important dans
le cas de grandes aires protégées, où les collectivités locales doivent impérativement être
associées et intéressées à la mise en place des objets.
Le principe d'un passage progressif du coeur protégé vers l'extérieur du parc facilite la
négociation des limites, les contrastes de gestion entre deux zones contiguës étant moins
prononcés. En envisageant dès le départ un périmètre suffisamment large et en engageant
les discussions avant que le centre vital des objets soit exposé à des menaces directes, on
disposera d'une plus grande marge de manoeuvre pour trouver des solutions tenant compte
des différents intérêts en présence.
Ce processus, même s'il est plus complexe que la désignation d'un espace protégé
uniforme, offre davantage de possibilités d'intégrer les intérêts socio-économiques au
projet. Les secteurs périphériques peuvent servir à la fois de zone-tampon et de support à
une mise en valeur économique (tourisme, label de production, etc.).
Propositions de sites prioritaires
Il sera beaucoup plus difficile de faire accepter un nouveau grand espace protégé que de
renforcer la protection d'un objet existant. Pour cette raison, nous proposons de miser en
priorité sur la consolidation du dispositif de protection existant.
On peut par ailleurs constater que les sites offrant un potentiel intéressant comportent déjà
pour la plupart des noyaux protégés (c'est surtout le cas pour les zones d'altitude et les
zones humides).
Cette situation est typique pour de vastes secteurs montagnards des Préalpes et du Jura:
sur une toile de fond constituée d'objets IFP et/ou IMNS contigus, on trouve une densité
particulière de réserves naturelles et de biotopes protégés. L'examen de la carte des
périmètres de protection du canton montre d'ailleurs que plus de la moitié des zones
d'altitude jouissent d'un statut de protection particulier.
Sur cette carte, trois grands ensembles se dessinent:
-
Jura Sud, de Vallorbe à la Dôle (+ Risoux français)
-
Massif Diablerets-Muveran-Dent de Morcles (+ Derborence VS)
-
Arvel-Noirmont-Mosses-Pierreuse (+ bassin d'Arnon BE)
Ces espaces hébergent actuellement la plupart des espèces montagnardes et forestières
menacées, ainsi que les principaux massifs forestiers de grande dimension. Ils offrent
ND / Grands espaces
16
également une gamme variée d'espaces sauvages et de monuments naturels de haute
valeur récréative.
Avec leur pendant fribourgeois, la région des Vanils et celle des Rochers de Naye
pourraient également être de bons candidats.
La vocation paysagère et naturelle de ces espaces étant déjà établie, les mesures de
consolidation nécessaires pour atteindre les objectifs de protection énumérés aux chapitres
précédents devraient poser moins de problèmes qu'ailleurs.
L'analyse effectuée dans le concept vaudois des réserves forestières (SFFN, 2001) met en
évidence l'intérêt particulier de la région Monts d'Arvel-Noirmont pour le déroulement des
dynamiques naturelles. En grande partie compris dans un objet IFP, ce site couvre une
gamme étendue de groupements forestiers, de la chênaie buissonnante thermophile jusqu'à
la limite supérieure des forêts. Ce massif est en grande partie dépourvu de dessertes et
seulement parcouru par quelques sentiers pédestres. Il comprend de grands secteurs
escarpés, sillonnés de couloirs d'avalanches et de zones de glissement. Son accès difficile
le protège naturellement contre une pression humaine excessive.
En ce qui concerne les secteurs de basse et moyenne altitude, le problème se pose
différemment, du fait que les objets potentiels sont moins étendus et davantage tributaires
de mesures de gestion.
Le territoire vaudois ne comprend aucune grande zone alluviale de plaine à dynamique
naturelle, et les sites marécageux inscrits à l'inventaire fédéral englobent tous les grands
espaces humides qui subsistent, avec les principaux bas-marais et biotopes alluviaux
résiduels (rives du lac de Neuchâtel, Grangettes, Monods). Ces sites constituent des
noyaux importants, sur lesquels pourraient se greffer des zones agricoles à gestion
extensive (élargissement des zones-tampon existantes), ce qui serait particulièrement
intéressant pour l'avifaune (Râle des genêts, Vanneau, oiseaux migrateurs).
Le développement de l'agriculture et les mesures incitatives prévues par la nouvelle
Ordonnance sur la qualité écologique devraient amener une augmentation généralisée de la
biodiversité des terres cultivées. Il n'est toutefois pas certain qu'elle aboutisse à une
concentration de biotopes suffisante pour les espèces les plus exigeantes (haies-refuge,
bandes de friches herbeuses, etc.). L'opportunité de mettre en place de grandes zones
agricoles protégées devrait être analysée plus en détail. Si cette option était retenue, les
zones nodales propices au retour de la perdrix grise et les plus riches en espèces menacées
seraient sans doute les meilleures candidates (vallée du Rhône, plaine de l'Orbe selon
Hintermann & Weber 1995, Broggi & Schlegel 1998). Le concept cantonal Ecopac constitue
un instrument pour la mise en oeuvre de telles zones (voir mandat "agriculture")
Parmi les forêts de basse et moyenne altitude, les plus sérieux candidats sont les chênaies
du pied du Jura dans la région de la Sarraz (grande valeur patrimoniale, Pic mar, richesse
en insectes saproxylophages thermophiles, objet IFP) et les bois du Jorat (fonction
récréative à proximité de Lausanne, Bécasse, relais à un carrefour important de corridors
biologiques, forêts marécageuses). Le massif forestier de la Côte entre Aubonne et Begnins
pourrait également entrer en ligne de compte.
Pour plus de détails concernant la gestion des forêts et de l'agriculture dans les grands
espaces protégés, se référer aux rapports sectoriels correspondants.
ND / Grands espaces
17
Mesures, Mise en oeuvre
Les chapitres qui précèdent donnent un aperçu du rôle spécifique que sont appelés à jouer
les grands espaces protégés dans la politique de protection de la nature et du paysage, et
mettent en évidence les conditions que ces derniers devraient remplir pour atteindre leurs
objectifs.
Selon notre analyse, ce type d'objet ne doit pas, en général, correspondre à une réserve
intégrale, mais il nécessite une approche différenciée, intégrant diverses activités humaines.
Le concept de parc naturel (selon le modèle développé en France) répond globalement à
cette approche.
Le rapport "Parcs" traite en détail de la problématique des parc naturels régionaux,
notamment des modalités de leur mise en place (procédures, moyens).
En complément à ce rapport, nous présentons ci-après quelques points importants
concernant les exigences particulières que le canton devrait formuler dans le cadre des
projets de parcs naturels en cours ou à venir.
Rôle du canton
La création de grands espaces protégés requiert l'adhésion des collectivités directement
concernées par le projet. C'est ce qu'a bien compris l'association ProNatura, en lançant en
2000 un concours en vue de la création d'un deuxième parc national. Cette démarche laisse
l'initiative d'une candidature aux communes intéressées, et se borne à soutenir les projets
les plus intéressants2.
Ce soutien n'ira pas sans comporter quelques exigences concernant les règles d'utilisation
du parc. Du dépôt du dossier de candidature à la conclusion du contrat de mise sous
protection, des négociations complexes auront sans doute lieu.
D'autre part, pour obtenir le soutien du canton, un tel projet devra se conformer aux priorités
reconnues au niveau cantonal et fédéral, et tenir compte des directives émises par les
autorités compétentes. Un concept précisant les modalités de la mise en place de parcs
naturels régionaux, voire d'un éventuel deuxième parc national, est actuellement à l'étude au
niveau fédéral (voir rapport "Parcs").
Dans ce contexte, le Canton est appelé à jouer un rôle important de coordination, en étroite
concertation avec la Confédération, les collectivités locales ainsi que les autres partenaires
du projet.
Il devra également être en mesure d'effectuer un tri parmi les différents projets qui lui seront
soumis, et de promouvoir ceux qui répondent aux objectifs prioritaires qu'il s'est fixés.
Il s'agit donc, dans un premier temps, de valider ces objectifs et les périmètres
correspondants, de manière à traduire la stratégie de protection dans le plan directeur
cantonal. La politique cantonale en matière de grands espaces protégés pourra aussi
s'intégrer au concept global de gestion de la biodiversité (mise en réseau des objets; rôle
particulier de relais des grands espaces protégés, complémentarité entre sanctuaires pour la
faune et biotopes environnants, etc.).
2
En s'associant à une dizaine de communes valaisannes, les communes vaudoises de Bex, Gryon, Lavey-les-Bains, Ollon et
Ormont-Dessus ont déposé un dossier de candidature pour le massif des Muverans, dans les délais fixés par Pro Natura
(31.3.2001).
ND / Grands espaces
18
Le choix des objets prioritaires devra tenir compte de leur caractère irremplaçable et du
degré de menace qui pèse sur eux. Le cas échéant, des mesures préventives devront être
envisagées pour éviter que les sites retenus ne subissent une détérioration irréversible.
Dans la réalisation des projets, le Canton sera tantôt maître d'œuvre, tantôt partenaire, voire
simple autorité de surveillance. Mais dans tous les cas il aura la tâche de faire respecter les
conditions minimales requises pour remplir les objectifs prioritaires.
Déroulement d'un projet
Compte tenu de la complexité de ce type de projets, il y a lieu de prévoir un processus en
plusieurs étapes.
On peut imaginer que le canton établisse et diffuse auprès des intéressés un cahier des
charges du déroulement de ce processus, par exemple selon le canevas suivant:
1)
Etude préliminaire
Cette étude vise à réunir les informations de base nécessaires pour conduire la négociation
entre partenaires
• mise en évidence des objectifs du parc et hiérarchisation de ces objectifs, tenant compte
des valeurs naturelles et paysagères existantes, avec si possible unedélimitation des
sous-périmètres correspondants.
• identification des conditions minimales à respecter (éléments non négociables du
projet). Ce point est particulièrement important, dans la mesure où les intérêts des
promoteurs du parc (par exemple des collectivités locales) ne coïncideront pas forcément
avec les objectifs prioritaires identifiés au niveau cantonal ou national (par exemple, projet
de mise en valeur touristique allant à l'encontre des besoins de tranquillité de la faune).
• inventaire des contraintes et des conflits
• identification de tous les partenaires à associer au processus
• établissement d'un avant-projet sommaire
2)
Concertation
Il importe de consulter dès que possible les partenaires concernés, afin d'intégrer au projet,
dans la mesure du possible, les souhaits et conditions formulés par les intervenants.
C'est aussi l'occasion de formaliser le partenariat souhaitable avec les collectivités locales.
L'adhésion de ces dernières peut être facilitée en prévoyant d'emblée les éléments suivants:
• représentation des autorités communales dans les organes de gestion de l'objet
• intéressement économique à l'objet : activités touristiques, valorisation des produits
locaux, péréquation financière entre régions bénéficiaires et régions mettant leur territoire
à disposition (arbitrage par le canton)
• contrats de prestation confiés aux services locaux, avec surveillance cantonale (par ex.
gestion des biotopes hors réserves intégrales).
Il paraît important que le Canton soit étroitement associé à cette phase de concertation,
voire qu'il y joue un rôle central de coordination et d'arbitrage.
ND / Grands espaces
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3)
Légalisation de l'objet
Bien qu'elle puisse, dans quelques cas, se limiter à un contrat de longue durée entre
partenaires (par exemple communes concernées et canton), la protection des objets
nécessitera en général des mesures applicables à des tiers, ce qui implique une procédure
de légalisation au niveau de l'aménagement du territoire.
Les modalités de cette procédure sont analysées dans le rapport "Parcs" (voir également le
rapport "Aménagement du territoire").
4)
Réalisation
La mise en œuvre des mesures concrètes sur le terrain variera d'un cas à l'autre, mais
devrait toujours respecter les règles suivantes:
• mise en place préalable des organes de gestion, conformément à l'organigramme
approuvé au terme de la phase de concertation;
• exécution prioritaire des mesures directement liées à la protection des valeurs naturelles
et paysagères les plus sensibles;
• exécution des mesures de mise en valeur socio-économique subordonnée à la réalisation
effective des mesures de protection.
ND / Grands espaces
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