Philosophie et histoire des sciences La philosophie des sciences se consacre à l’étude des concepts, des théories et des pratiques scientifiques de même qu’aux résultats des diverses sciences, à leurs critères de validité, ainsi qu’à la transformation historique des savoirs. C’est une discipline philosophique qui se donne pour but de comprendre et d’interroger les fondements, les principes et les normes qui guident l’activité scientifique, passée et présente, et d’examiner l’émergence, la nature et la portée de ses modes d’investigation. Invariablement, cette discipline prend des formes différentes selon les pays, les courants de pensée et les époques. En France, notamment, la philosophie des sciences a longtemps été inséparable d’une réflexion historico-critique sur le développement des connaissances scientifiques. Les travaux de Georges Canguilhem sur la formation des concepts dans les sciences du vivant sont emblématiques de cette façon de faire de la philosophie des sciences. Souvent nommée « épistémologie historique », cette conception articule étroitement la philosophie à l’histoire des sciences. Dans la tradition anglo-saxonne, le travail du philosophe des sciences consiste d’abord à examiner – de manière critique – la science contemporaine, par exemple en étudiant ses structures théoriques d’un point de vue formel ou logique, ou bien en cherchant à résoudre des « énigmes conceptuelles » présentes dans une discipline donnée. Selon cette seconde approche, habituellement anhistorique, la philosophie et l’activité scientifique ne sont pas fondamentalement différentes mais sont, au contraire, complémentaires. Même si elles ont des origines intellectuelles distinctes, ces deux conceptions de la philosophie des sciences ne s’excluent pas l’une l’autre, comme le montre l’œuvre du philosophe canadien Ian Hacking. Alors que l’empirisme logique issu du Cercle de Vienne a largement dominé la tradition anglo-saxonne en philosophie des sciences durant la première moitié du XXe siècle, celle-ci s’est profondément transformée depuis les années 1970. En effet, la plupart des auteurs se rattachant à l’empirisme logique ont défendu l’idée d’une science unitaire et ont développé un modèle d’explication inspiré des sciences physiques. Or, en insistant sur la fragmentation du savoir, les philosophes des sciences ont massivement remis en cause l’idéal positiviste d’une science unifiée de même que l’application d’un modèle explicatif universel valable pour toutes les sciences, d’une part. Sous l’impulsion des travaux issus des sciences studies, de l’histoire des sciences et de l’anthropologie, notamment, ces derniers se sont plus récemment tournés vers le rôle des pratiques scientifiques dans la genèse des faits, des théories et des modèles en science, d’autre part. L’étude des « sciences spéciales » en plein essor comme la biologie, la médecine, l’économie et la psychologie a aussi permis aux philosophes de souligner avec force la diversité des objets analysés par ces sciences, tout en examinant la spécificité des problèmes méthodologiques, épistémologiques et métaphysiques qu’elles soulèvent. Les recherches récentes portant sur ces épistémologies régionales, passées ou présentes, ont contribué au développement de réflexions plus générales en philosophie des sciences (ex : causalité, émergence, réductionnisme, pluralisme explicatif, réalisme-antiréalisme, intégration, etc.) L’épistémologie (au sens de théorie de la connaissance), la philosophie de l’esprit, la métaphysique et l’histoire des sciences sont des domaines connexes souvent rattachés à la philosophie générale des sciences. Comme cette dernière s’est construite non pas à l’écart mais toujours en résonnance avec la société et la culture d’une époque, faire de la philosophie des sciences peut également conduire à l’analyse de débats sociaux qui touchent de près aux méthodes d’investigation de la science contemporaine. En somme, les philosophes des sciences s’intéressent à ce qui fait la particularité et le succès des sciences de même qu’à l’émergence des différentes formes de rationalités scientifiques dans l’histoire.