Quelles éthique et gouvernance pour quel stade de développement ? Jincheng NI Poste actuel : Directeur Délégué Economie des Transports / SNCF Direction Stratégie Innovation Recherche et Régulation ; Chine 4D, Vice Président 9 juillet 2012 Ce papier résume les idées développées lors de la table ronde « éthique et gouvernance » à l’occasion du colloque annuel - débat du 9 juillet 2012 organisé par l’ACFS (Association Carrefour France-Sichuan) « Chine / Europe : les conditions d’un progrès à partager ! ». La thèse de base est l’évolutivité des notions de l’éthique suivant le stade de développement à l’instar de l’exemple chinois depuis la prise du pouvoir en 1949 par les communistes. Après un rappel sur les définitions et les pratiques de l’éthique, les stades de développement chinois depuis 1949 et les valeurs universelles dans un monde interconnecté, une synthèse des différences des pratiques des comportements en Chine est présentée en fonction des stades de développement chinois. Ethique vs gouvernance d’entreprise : définitions et pratiques La gouvernance d’entreprise et l’éthique sont des notions différentes et liées. La gouvernance d’entreprise est la manière que l'entreprise est dirigée, administrée et contrôlée sur la base d’un ensemble des processus, réglementations, lois et institutions. C’est un comportement collectif. L’éthique est à la fois une pratique (action) et normative (règles) afin d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure. Par exemple, le guide éthique d’une grande entreprise française regroupe souvent un ensemble des règles (morales et pratiques) des comportements individuels visant à adopter la bonne attitude en évitant toute sorte de compromission et de conflit d’intérêt et à trouver le comportement juste. L’exemple d’un guide éthique d’une grande entreprise française recommande notamment les comportements suivants : Les bonnes pratiques dans la conduite des affaires - Ne pas se mettre dans une situation de conflit d’intérêt vis-à-vis de l’entreprise, de ses clients ou de ses fournisseurs - Ne pas rechercher ou accepter un avantage quelconque, susceptible d’avoir une influence sur une décision présente ou future - Ne pas proposer une contrepartie indue, financière, d’influence ou autre, dans le cadre ou à la marge des affaires Le respect du droit et des engagements contractuels Le respect des personnes Chacun agit envers l’autre (clients, collègues, partenaires, fournisseurs, salariés des fournisseurs...) avec respect Respect des droits des personnes, de leur dignité et de leur culture Respect de la vie privée de chacun et de la diversité, lutte contre les discriminations et prévention de toute forme de harcèlement, moral ou sexuel Le comportement loyal, honnête, intègre et constructif pour développer la confiance mutuelle En pratique dans une entreprise, les comportements individuels doivent être exemplaires dans des situations réelles suivantes en respectant l’éthique (non exhaustives) : fraude, détournement des biens, conflit d’intérêt, corruption active et passive, cadeaux d’affaires, discriminations, vie privée, droit (lois et règles), engagements contractuels. On constate que généralement les comportements individuels éthiques augmentent le potentiel de chacun et la valeur collective de l’entreprise en renforçant l’efficacité de la gouvernance. Ceux qui ne respectent pas l’éthique, en causant des dommages à l’entreprise, vont « vite » être rattrapés par les processus de la gouvernance. Enfin il est fondamental de noter que l’éthique est complémentaire à la gouvernance et elle ne remplace pas le management, les process, les référentiels et les disciplines. Développement chinois depuis la prise du pouvoir par les communistes en 1949 (cf. « Réalités chinoises, passé et avenir » par Jincheng NI/Ban ZHENG Variances (ENSAE Alumni) N°43 Fév. 2012) On peut distinguer sans trop de difficulté les périodes différentes suivantes : - 1949 – 1979 : économie de pénurie. Cette période était marquée par l’effondrement complet de l’économie chinoise et la destruction de la culture traditionnelle, de la liberté et de la dignité humaine. Des grandes catastrophes économiques et humaines avaient eu lieu pendant cette période. On peut noter notamment les événements marquants de cette période : planification étatique totale, collectivisation forcée des terres, guerre de Corée, luttes internes de pouvoir communiste, le grand bond en avant (1958-1960), la grande famine (1958-1961) et la révolution culturelle (1966-1976). On vivait dans une économie de pénurie et dans un environnement de peur permanent. - 1980 – période actuelle : économie expansive. Cette période était marquée par l’ouverture vers l’extérieur et les réformes économiques entrainant 30 ans de l’essor spectaculaire du développement économique et technologique et un rattrapage phénoménal. La Chine est devenue l’atelier du monde et deuxième puissance économique mondiale. On peut noter notamment les événements marquants de cette période : 50% des urbains, 950 millions de téléphones portables, 500 millions d’internautes, automobile, train à grande vitesse, station spatiale, système Beidou de navigation satellitaire, l’avion C919 etc. On constate aussi des déséquilibres territoriaux et de structure économique, l’urbanisation incontrôlée, la pollution environnementale, la corruption, les inégalités etc. Mais on vit une liberté individuelle considérablement accrue. - L’avenir de la Chine : développement durable. Les problèmes accumulés depuis 30 ans et les grands déséquilibres actuels nécessitent une transition indispensable vers un nouveau modèle de développement davantage tiré par la demande interne que par l’export, par une économie d’innovation et de services à forte valeur ajoutée et à haute efficacité énergétique, par une économie plus équitable, plus durable, plus respectueux de l’environnement, des droits et des conditions de vie. Deux événements ayant un impact sur le monde entier sont à prévoir : investissement massif chinois à l’étranger et touristes chinois de masse dans le monde entier. En relevant tous les défis de transition, à l’horizon 2030, la Chine deviendrait dans doute la première puissance économique en termes du PIB global. Après la mondialisation réussie et l’intégration de plus en plus grande de la Chine au processus mondial, on peut se poser légitimement la question si la Chine s’orientera vers des valeurs universelles et lesquelles ? Vers des pratiques internationales et des valeurs universelles dans un monde interconnecté suite à la mondialisation généralisée et approfondie ? La mondialisation généralisée et approfondie dans un monde interconnecté tend inévitablement à faire accepter des valeurs qualifiées universelles parmi lesquelles on peut noter sans être exhaustives : - Gouvernance mondiale, accords internationaux, standards, normes, process - Développement, innovation, brevets, propriété intellectuelle, productivité, efficacité, concurrence, règle d’or budgétaire - Développement durable, sécurité alimentaire, pollution, responsabilité sociétale, conditions de vie Séparation des pouvoirs, respect des lois, égalité devant la justice, société citoyenne Liberté, liberté d’expression, de presse et de choix des dirigeants Solidarité, diversité, équité, intégrité, respect des minorités et des vies privées Contre toute sorte pratique douteuse : fraude, détournement des biens, conflit d’intérêt, corruption, discrimination Dans ce processus de l’universalisation, il est particulièrement important de noter la norme ISO26000 relative à la responsabilité sociétale de tous types d’organisations qui intègre la plupart de ces valeurs. La Chine a voté pour cette norme lors de son adoption fin 2010. Ethique & Gouvernance vs Stade de développement : exemple chinois Le tableau suivant synthétise les différences des pratiques des comportements en Chine en fonction des stades de développement : Gouvernance d’entreprise 1949-1979 Economie de pénurie 1980 – 2012 Economie expansive Vers le futur Développement durable Planification étatique. A la chinoise ! A l’international en intégrant les avantages de culture chinoise Ethique d’entreprise : bonne attitude et comportement juste Fraude Tout était dicté par le Parti Communiste ! Plutôt fréquente, faible montant plutôt accepté Faible proportion Détournement des biens Tout était changeant (révolution permanente) ! Plutôt fréquent, faible volume plutôt accepté Faible proportion Notion vague Notion claire (?) Comportements déviants fortement punis ! Plutôt fréquente, faible niveau généralisé et accepté Faible proportion Raisonnable Aucune liberté ! Indispensables et Disproportionnés. Certains sont clairement assimilés dans la catégorie « corruption active et passive » Peur permanent ! Plutôt acceptées Non acceptables Souvent confondue avec vie professionnelle Séparation (?) vie privée / vie professionnelle Respect : oui mais aux quelles lois ? Lois et règles plus complètes, respect plus strict Renégociation perpétuelle ! Renégociation mais engagement ferme ! Conflit d’intérêt Corruption active, passive Cadeaux d’affaires Discriminations Vie privée Droit (lois règles) Engagements contractuels et Référence : - « Réalités chinoises, passé et avenir » (par Jincheng NI/Ban ZHENG) du dossier « Chine : année du Dragon ou Dragon de l’année ? » de la revue « Variances (ENSAE Alumni) » N°43, Fév. 2012 (http://www.ensae.org/revue/v43.pdf) - Guide éthique du Groupe SNCF du 17 février 2011 (http://ethique.sncf.fr/sections/public/boite__a_outils/guide_ethique_du_gro/downloadFile/file /Guide_Ethique_Groupe_SNCF.pdf?nocache=1303904977.29)