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BULLETIN
Litiges et résolution de conflits
18 avril 2012
Ce que vous devez savoir avant de résilier une convention de
distribution
Par : Steven Rosenhek | Toronto
I. Introduction
Comme pour tous les contrats, les conventions de distribution doivent parfois être résiliées. Le présent bulletin donne un aperçu de l'état
actuel du droit régissant la résiliation des conventions de distribution au Canada. Les dispositions du Code civil du Québec, qui régissent la
résiliation des conventions de distribution dans cette province, sont abordées séparément.
II. Est-ce difficile de résilier pour un motif valable?
En droit canadien, en l'absence d'entente explicite entre les parties concernant la résiliation d'une convention de distribution, les parties
doivent donner un préavis raisonnable. Toutefois, dans des cas particuliers, les parties peuvent résilier la convention de distribution pour
un motif valable sans préavis.
Les parties sont libres de négocier des conditions explicites dont la violation permet à la partie non en défaut de s'abstenir d'exécuter les
obligations que lui impose la convention. Ainsi, si une convention de distribution prévoit expressément sa résiliation dans certains cas, un
tribunal canadien permettra vraisemblablement la résiliation sans préavis si ces cas se produisent.
En outre, une convention de distribution peut être résiliée pour un motif valable sans préavis, même lorsqu'elle est silencieuse à cet égard,
si le motif équivaut à une violation fondamentale du contrat. Le seuil d'établissement d'une violation fondamentale est élevé, puisqu'une
telle violation est considérée « toucher le cœur du contrat ». Pour déterminer si une violation du contrat est fondamentale, les tribunaux
canadiens tiennent compte des facteurs suivants :

la proportion de l'obligation inexécutée par rapport à l'obligation dans son ensemble;

la gravité de la violation pour la partie non en défaut;

la probabilité de répétition de la violation;

la gravité de la conséquence de la violation;

la proportion de la partie de l'obligation exécutée par rapport à l'obligation dans son ensemble.
III. Que se produit-il lorsque la convention est non écrite?
Les tribunaux canadiens reconnaissent la validité des conventions de distribution non écrites si des éléments de preuve démontrent que
les parties avaient l'intention d'être liées par un contrat de distribution. Toutefois, l'omission de constater la convention par écrit empêchera
les parties d'en fixer les conditions de résiliation, de sorte qu'un préavis raisonnable de résiliation sera vraisemblablement imposé aux
parties. Néanmoins, si une partie conteste l'existence d'une convention de distribution non écrite, la partie qui cherche à l'exécuter devra
soumettre à la cour des éléments de preuve établissant l'existence d'un contrat verbal. Le défaut de prouver que les parties ont convenu
des conditions essentielles d'une convention de distribution mène généralement au rejet de la demande de préavis raisonnable de
résiliation.
IV. En quoi consiste un préavis raisonnable?
Dans les affaires où les tribunaux canadiens appliquent par interprétation une condition de préavis raisonnable de résiliation d'une
convention de distribution, ils examinent l'ensemble des circonstances de chaque affaire pour déterminer ce qui est « raisonnable ». Voici
les facteurs dont ils tiennent compte pour déterminer la période appropriée du préavis :
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
la durée de l'association entre les parties;

la dépendance du distributeur envers le secteur d'activité du fournisseur;

le niveau d'investissement effectué par le distributeur afin de distribuer le produit du fournisseur ainsi que le chiffre d'affaires découlant
de la vente du produit du fournisseur;

la pratique établie, s'il y a lieu, dans le commerce.
La détermination de ce qui constitue un préavis raisonnable repose en grande partie sur les faits de chaque affaire, de sorte que les
périodes implicites de préavis raisonnable peuvent différer considérablement. Néanmoins, un examen de la jurisprudence révèle que les
tribunaux canadiens imposent généralement par interprétation un préavis raisonnable de l'ordre de 12 mois, 24 mois étant généralement le
plafond.
V. Y a-t-il une obligation de bonne foi?
Les tribunaux canadiens ont reconnu l'existence d'une obligation de bonne foi dans diverses relations contractuelles, exigeant ainsi des
parties qu'elles exercent leurs droits contractuels honnêtement et équitablement. Voici deux catégories établies pour lesquelles les
tribunaux sont prêts à reconnaître une obligation de bonne foi dans l'exécution des contrats :

il existe une vulnérabilité intrinsèque ou un déséquilibre des pouvoirs dans la relation contractuelle des parties;

les paramètres de la relation contractuelle et de la conduite des parties donnent naissance à une obligation de bonne foi.
Par conséquent, la résiliation de mauvaise foi d'une convention de distribution risque d'entraîner l'examen des tribunaux au Canada.
Toutefois, les tribunaux canadiens se sont montrés réticents à reconnaître une obligation de bonne foi distincte qui s'applique
indépendamment des conditions explicites du contrat. En outre, les tribunaux ont souligné qu'une obligation implicite de bonne foi ne doit
pas servir à modifier les conditions explicites d'un contrat, y compris le droit de résilier une convention de distribution suivant un préavis.
Ainsi, le fabricant qui résilie une convention de distribution conformément à une disposition contractuelle explicite qui le lui permet devrait
être à l'abri d'allégations selon lesquelles le contrat a été résilié de mauvaise foi. Toutefois, compte tenu du désir vraisemblable des
tribunaux de protéger les intérêts des distributeurs face à la conduite arbitraire ou abusive des fabricants, il est toujours plus prudent pour
un fabricant de tenir compte des principes de bonne foi lorsqu'il envisage de résilier une convention de distribution.
VI. Dans quels cas peut-on recourir à l'injonction?
Le distributeur qui conteste les circonstances dans lesquelles une convention de distribution a été résiliée peut solliciter une injonction
interdisant au fabricant de résilier le contrat dans l'attente de l'issue du litige au procès. La possibilité d'obtenir une injonction interlocutoire
dépendra de la question de savoir si le demandeur peut démontrer ce qui suit :

il existe une question sérieuse à juger;

la partie qui sollicite l'injonction subira un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas accordée;

la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de l'injonction.
Selon le premier volet du critère, le seuil d'établissement d'une question sérieuse à juger a été considéré bas. Toutefois, dans des
décisions subséquentes, il a été conclu que la norme à appliquer dépendait de la question de savoir si l'injonction est qualifiée d'injonction
mandatoire ou d'injonction prohibitive. Une injonction mandatoire est une ordonnance qui établit un nouveau droit dont les parties n'ont
jamais convenu, tandis qu'une ordonnance prohibitive est simplement une ordonnance exigeant des parties qu'elles agissent
conformément à leur convention. Dans les cas où l'injonction est qualifiée d'ordonnance mandatoire, le demandeur doit établir une preuve
prima facie suivant une norme plus élevée selon le premier volet du critère.
Dans le contexte des conventions de distribution, la jurisprudence relative à la norme à appliquer selon le premier volet du critère est
partagée. Certains tribunaux ont conclu qu'une injonction interdisant la résiliation d'une convention de distribution était une ordonnance
mandatoire parce qu'elle a comme effet de forcer les parties à continuer de faire affaire ensemble. Toutefois, selon un autre courant
jurisprudentiel, des tribunaux ont conclu qu'une ordonnance interdisant au fabricant de résilier la convention dans l'attente de l'issue du
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procès ne constituait qu'une prolongation des droits qui avaient été convenus en vertu de la convention existante, de sorte qu'il s'agissait
d'une ordonnance prohibitive. Manifestement, le fabricant qui s'oppose à l'injonction tentera de faire qualifier l'ordonnance de mandatoire.
Selon le deuxième volet du critère, la partie qui sollicite l'injonction doit démontrer qu'elle subira un préjudice irréparable si l'injonction n'est
pas accordée. Le préjudice irréparable est le préjudice qui ne peut pas être quantifié en argent ou auquel on ne peut pas remédier au
moyen de dommages-intérêts, comme les dommages causés à la réputation du distributeur ou au maintien de sa viabilité comme
entreprise.
Enfin, le troisième volet du critère exige de la cour qu'elle détermine la partie qui subira le plus grand préjudice si l'injonction interlocutoire
est accordée ou refusée dans l'attente du règlement du litige au procès. Les facteurs pris en considération à cette étape de l'analyse
diffèrent. Les tribunaux se sont montrés réticents à lier un fabricant à un contrat de distribution lorsque la relation entre les parties s'est
manifestement dégradée, de sorte qu'il est improbable que la convention de distribution bénéficie à l'une ou l'autre des parties. Toutefois,
dans les cas où les activités du distributeur reposent presque entièrement sur les produits du fabricant et où la convention de distribution a
été exécutée de façon rentable pendant plusieurs années, il pourrait être difficile pour le fabricant de démontrer que la prépondérance des
inconvénients milite en sa faveur.
VII. La situation dans la province de Québec
Le Québec est un territoire de droit civil, de sorte qu'il existe certaines différences importantes en raison des dispositions du Code civil du
Québec (C.c.Q.) qui régissent les conventions de distribution.
Comme dans le reste du Canada, les parties au Québec sont libres de négocier les conditions explicites dont la violation donne à la partie
non en défaut un motif d'inexécution des obligations que lui impose le contrat.
Au Québec, le droit de résilier une convention de distribution est nécessairement régi par l'obligation de bonne foi. L'article 2805 C.c.Q.
présume l'existence d'une obligation de bonne foi. En outre, les articles 6 et 7 C.c.Q. énoncent que « toute personne est tenue d'exercer
ses droits civils selon les exigences de la bonne foi » et « aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière
excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi ». Enfin, l'article 1375 C.c.Q. énonce que « la bonne foi
doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction ».
(italiques ajoutés).
En vertu de cette obligation de bonne foi prescrite par la loi, les tribunaux chercheront une raison importante (un « motif sérieux » selon le
libellé du Code civil du Québec) à l'appui de la résiliation, comme une violation fondamentale du contrat par le distributeur. De plus, comme
dans le reste du Canada, les parties doivent donner un préavis raisonnable de résiliation au Québec. Cela découle aussi de l'obligation
d'exercer ses droits de bonne foi.
Il existe cependant des cas où les parties peuvent résilier la convention de distribution sans préavis, comme lorsque cela est expressément
prévu par les parties. La détermination de la question de savoir si un préavis raisonnable doit être donné, et ce qui constitue un préavis
raisonnable, reposent sur les faits de chaque affaire.
Par conséquent, la résiliation de mauvaise foi d'une convention de distribution, par le fabricant ou le distributeur, entraînera l'examen des
tribunaux au Québec. La partie qui a agi de mauvaise foi sera tenue responsable par suite de la résiliation.
VIII. Conclusion
En l'absence de dispositions explicites, dans la convention de distribution portant sur la résiliation du contrat, les tribunaux canadiens se
tourneront vers les principes contractuels établis afin de régir la relation entre les parties. Parmi les divers outils qui guident l'analyse,
mentionnons les principes de la violation fondamentale, l'obligation implicite de préavis raisonnable ainsi que l'obligation implicite de bonne
foi. Bon nombre de ces principes protégeront le distributeur en interdisant au fabricant de résilier la convention de distribution selon ses
modalités. Pour éviter l'incertitude et conserver un meilleur contrôle sur la relation contractuelle, il est toujours préférable pour les
fabricants de circonscrire clairement et explicitement les cas dans lesquels leurs conventions de distribution peuvent être résiliées, et ce,
dès le début de la relation.
L'auteur reconnaît pour leur contribution et remercie Noah Boudreau et Dylan Chochla.
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