BULLETIN
Litiges et résolution de conflits
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procès ne constituait qu'une prolongation des droits qui avaient été convenus en vertu de la convention existante, de sorte qu'il s'agissait
d'une ordonnance prohibitive. Manifestement, le fabricant qui s'oppose à l'injonction tentera de faire qualifier l'ordonnance de mandatoire.
Selon le deuxième volet du critère, la partie qui sollicite l'injonction doit démontrer qu'elle subira un préjudice irréparable si l'injonction n'est
pas accordée. Le préjudice irréparable est le préjudice qui ne peut pas être quantifié en argent ou auquel on ne peut pas remédier au
moyen de dommages-intérêts, comme les dommages causés à la réputation du distributeur ou au maintien de sa viabilité comme
entreprise.
Enfin, le troisième volet du critère exige de la cour qu'elle détermine la partie qui subira le plus grand préjudice si l'injonction interlocutoire
est accordée ou refusée dans l'attente du règlement du litige au procès. Les facteurs pris en considération à cette étape de l'analyse
diffèrent. Les tribunaux se sont montrés réticents à lier un fabricant à un contrat de distribution lorsque la relation entre les parties s'est
manifestement dégradée, de sorte qu'il est improbable que la convention de distribution bénéficie à l'une ou l'autre des parties. Toutefois,
dans les cas où les activités du distributeur reposent presque entièrement sur les produits du fabricant et où la convention de distribution a
été exécutée de façon rentable pendant plusieurs années, il pourrait être difficile pour le fabricant de démontrer que la prépondérance des
inconvénients milite en sa faveur.
VII. La situation dans la province de Québec
Le Québec est un territoire de droit civil, de sorte qu'il existe certaines différences importantes en raison des dispositions du Code civil du
Québec (C.c.Q.) qui régissent les conventions de distribution.
Comme dans le reste du Canada, les parties au Québec sont libres de négocier les conditions explicites dont la violation donne à la partie
non en défaut un motif d'inexécution des obligations que lui impose le contrat.
Au Québec, le droit de résilier une convention de distribution est nécessairement régi par l'obligation de bonne foi. L'article 2805 C.c.Q.
présume l'existence d'une obligation de bonne foi. En outre, les articles 6 et 7 C.c.Q. énoncent que « toute personne est tenue d'exercer
ses droits civils selon les exigences de la bonne foi » et « aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière
excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi ». Enfin, l'article 1375 C.c.Q. énonce que « la bonne foi
doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction ».
(italiques ajoutés).
En vertu de cette obligation de bonne foi prescrite par la loi, les tribunaux chercheront une raison importante (un « motif sérieux » selon le
libellé du Code civil du Québec) à l'appui de la résiliation, comme une violation fondamentale du contrat par le distributeur. De plus, comme
dans le reste du Canada, les parties doivent donner un préavis raisonnable de résiliation au Québec. Cela découle aussi de l'obligation
d'exercer ses droits de bonne foi.
Il existe cependant des cas où les parties peuvent résilier la convention de distribution sans préavis, comme lorsque cela est expressément
prévu par les parties. La détermination de la question de savoir si un préavis raisonnable doit être donné, et ce qui constitue un préavis
raisonnable, reposent sur les faits de chaque affaire.
Par conséquent, la résiliation de mauvaise foi d'une convention de distribution, par le fabricant ou le distributeur, entraînera l'examen des
tribunaux au Québec. La partie qui a agi de mauvaise foi sera tenue responsable par suite de la résiliation.
VIII. Conclusion
En l'absence de dispositions explicites, dans la convention de distribution portant sur la résiliation du contrat, les tribunaux canadiens se
tourneront vers les principes contractuels établis afin de régir la relation entre les parties. Parmi les divers outils qui guident l'analyse,
mentionnons les principes de la violation fondamentale, l'obligation implicite de préavis raisonnable ainsi que l'obligation implicite de bonne
foi. Bon nombre de ces principes protégeront le distributeur en interdisant au fabricant de résilier la convention de distribution selon ses
modalités. Pour éviter l'incertitude et conserver un meilleur contrôle sur la relation contractuelle, il est toujours préférable pour les
fabricants de circonscrire clairement et explicitement les cas dans lesquels leurs conventions de distribution peuvent être résiliées, et ce,
dès le début de la relation.
L'auteur reconnaît pour leur contribution et remercie Noah Boudreau et Dylan Chochla.