Les stratégies d’accumulation dans des sociétés hiérarchisées et en mutation économique
Les mutations économiques en cours dans les pays d’Afrique Sub-saharienne (ASS) sont
nombreuses : décloisonnement des marchés des biens et services à l’intérieur et ouverture à
l’extérieur; monétisation et formalisation des échanges (y compris sur le marché du travail);
bancarisation des ménages; etc. Elles sont à la fois sources d’opportunités nouvelles pour les
individus, notamment en termes d’emploi, et de risques nouveaux, comme une plus grande
vulnérabilité des ménages aux chocs économiques, notamment aux chocs économiques extérieurs à
la suite de l’ouverture de l’économie.
Ces mutations interviennent dans des configurations sociales particulières : en ASS, les individus sont
insérés dans de multiples réseaux (famille, clan, village d’origine, voisinage, etc.), hérités pour une
majorité, qui sont tout à la fois des espaces de socialisation, des relais d’informations, de pouvoir et
des soutiens en cas de difficultés économiques. Cette fonction d’assurance, fourni pour l’essentiel
par le réseau familial élargi, est primordiale, les outils d’assurances formels privés ou publics étant –
jusque récemment - quasiment inexistants dans ces économies.
On peut s’interroger sur les interactions entre les mutations économiques en cours en ASS et la
dynamique des réseaux dans lesquels les individus sont insérés. En effet, qu’ils soient hérités ou
construits, le fonctionnement des réseaux reposent sur des règles fixant entre autres les conditions
d’accès aux ressources (comme la terre et les femmes) de ces membres en fonction de critères tels
que l’âge, la caste, la lignée, le lieu de naissance etc ., dont la priorité varie en fonction du réseau
considéré. Ces règles, qui contraignent l’accumulation et donc la mobilité économique et sociale de
groupes d’individus comme les cadets, les allochtones, les castés, mais aussi les femmes, sont de plus
en plus discutées. L’émergence d’alternatives crédibles à l’assurance proposée par la famille élargie,
avec l’expansion des marchés du crédit et de l’assurance, des collectifs défendant un intérêt commun
(syndicats, GIE, etc.), et des programmes publics de couverture sociale et exacerbe cette tension
entre désir de mobilité – pour profiter des opportunités associées aux mutations économiques en
cours - et respect des règles de partage et des hiérarchies.
Ce panel souhaite d’abord analyser la façon dont les individus dont l’accès aux ressources est
contraint gèrent cette tension. Le conflit est une issue, mais elle ne semble pas celle privilégiée car le
réseau est désiré pour d’autres de ces fonctions (sociales, politiques, et magico-religieuses). Il semble
plus fréquent que les règles contraignant l’accumulation soient contournées, avec discrétion, ou
négociées, individuellement ou éventuellement de façon collective. Quelles sont les principales
stratégies de contournement? Quels sont leurs coûts (économiques et psychologiques) ? Dans quelle
mesure ces stratégies varient-elles suivant que l’on observe les cadets, les allochtones, les castés ou
les femmes ? Au sein de ces groupes contraints, qui sont les individus qui discutent les règles? Ce
panel posera aussi la question de la réaction du groupe face aux dissensions qui peuvent se
manifester en interne et de sa capacité d’anticipation.
Porteurs: Marie Bolt (CRED-Namur), Isabelle Chort (UMR DIAL, Paris Dauphine), Karine Marazyan
(UMR D&S, IEDES-Paris 1), Paola Villar (PSE-INED)
Discipline: Economie (axe C : économie : jeux d’échelle)