POINTS FORTS DES NOUVELLES RECOMMANDATIONS
DE LA SOCIETE EUROPEENNE DE CARDIOLOGIE
DANS L'INSUFFISANCE CARDIAQUE
Changement en pratique pour les nouvelles thérapeutiques
Pr Michel Galinier
Fédération des services de Cardiologie
CHU Rangueil - Toulouse - France
PLAN
A - Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2
1. Recommandations pratiques
2. Analyse de la litterature
3. Modalités d'utilisation
4. Commentaires
B - Antagonistes des récepteurs de l'aldostérone
1. Recommandations pratiques
2. Analyse de la littérature
3. Modalités d'utilisation
4. Commentaires
C - Choix entre antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 et
antagonistes des récepteurs de l'aldostérone
1. Recommandations pratiques
2. Analyse de la littérature
3. Modalités d'utilisation
4. Commentaires
Conclusion
Les récentes modifications des recommandations du traitement médicamenteux de l'insuffisance
cardiaque portent sur le blocage du système rénine-angiotensine-aldostérone, précisant la place des
antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 et des antagonistes des récepteurs de l'aldostérone.
A - Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2
1. Recommandations pratiques
Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA 2) peuvent être utilisés comme une alternative
aux inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez les patients insuffisants cardiaques symptomatiques
intolérants aux IEC pour améliorer la morbidité et la mortalité (classe I, niveau B).
Les ARA 2 et les IEC ont une efficacité similaire au cours du traitement de l'insuffisance cardiaque sur la
morbidité et la mortalité (classe II a, niveau B).
En post infarctus du myocarde compliqué d'insuffisance cardiaque en phase aiguë ou de dysfonction
ventriculaire gauche, les ARA 2 et les IEC ont une efficacité similaire sur la mortalité (classe I, niveau A).
Chez les patients insuffisants cardiaques demeurant symptomatiques sous IEC les ARA 2 peuvent être
associés à ces derniers pour diminuer la mortalité (classe II a, niveau B) et le risque d'hospitalisation pour
insuffisance cardiaque (classe I, niveau A).
Chez les patients en classe III demeurant symptomatiques malgré la tri-thérapie comportant IEC,
bêtabloquant et diurétiques, il n'existe pas de données permettant de choisir entre ARA 2 et antagonistes
des récepteurs de l'aldostérone.
Il n'existe pas d'interaction négative entre ARA 2 et bêtabloquants au cours de l'insuffisance cardiaque ou
de la dysfonction ventriculaire gauche du post infarctus (classe I, niveau A).
2. Analyse de la littérature
Le problème de la substitution des IEC se pose en pratique devant la survenue d’une toux,
exceptionnellement d'un angio-œdème, phénomènes d’intolérance spécifiquement liés à cette classe
thérapeutique secondaire à l’inhibition par les IEC de l’enzyme de conversion qui dégrade la bradykinine
en fragments inactifs. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 qui agissent en bloquant les
récepteurs AT1 de l’angiotensine sont dépourvus d’un tel effet. Alors que l’étude ValHeFT avait suggéré
un effet favorable du valsartan dans un sous groupe de patient au faible effectif non prédéterminé ne
recevant pas d’IEC, c’est l’étude CHARM-Alternative qui a démontré le bénéfice des ARA 2 chez les
patients intolérants aux IEC. Le candesartan, à la dose cible de 32 mg/j diminue par rapport au placebo
de 23% la survenue de décès cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque qui
constituait le critère primaire de cette étude, ce bénéfice étant tout à fait comparable à celui obtenu
antérieurement par les IEC au cours de l’étude SOLVD traitement qui s’intéressait également à des
patients insuffisants cardiaques symptomatiques en stade 2 et 3 de la NYHA. Chez les patients présentant
en post infarctus du myocarde une dysfonction ventriculaire gauche ou des signes d'insuffisance
cardiaque, l’effet bénéfique des ARA2 est également démontré, l’étude VALIANT retrouvant un effet
similaire d’une forte posologie de valsartan (dose cible 320 mg/j) et de l’IEC de référence, le captopril
donné à la dose cible de 150 mg/j.
Pour autant, les IEC restent la première étape du traitement de l’insuffisance cardiaque qu’elle soit
symptomatique ou non, puisque les ARA 2 n’ont pu démontré un effet supérieur aux IEC que se soit chez
les patients symptomatiques au cours de l’étude ELITE II ou en post infarctus du myocarde dans l’essai
OPTIMAAL, conduits il est vrai avec une posologie qui n’était peut être pas suffisante de losartan (50
mg/j) versus une forte dose de captopril (150 mg/j). Les IEC doivent être administrés à la dose maximale
tolérée, proche de celles utilisées dans les grands essais thérapeutiques, l'étude ATLAS ayant confirmé la
plus grande efficacité des posologies élevées
Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 en association aux IEC ont démontré leur efficacité
sur les symptômes au cours de deux études chez des patients en stade II - III d'insuffisance cardiaque.
L'essai Val-HeFT , comparant le valsartan à la dose cible de 320 mg/j au placebo chez des patients sous
IEC, a retrouvé une diminution significative de 13.2 % de la morbi-mortalité, réduisant de 27% le risque
d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque sans cependant d'amélioration de la survie. Par contre, dans
l'essai CHARM-Added , le candésartan à la dose cible de 32 mg a diminué significativement par rapport
au placebo non seulement le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (-17 %) mais également
de décès cardiovaculaires (- 16 %), réduisant ainsi le risque combiné de décès cardiovasculaires et
d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 15 % qui constituait le critère principal de cette étude.
A la différence de l'étude Val-HeFT, qui avait laissé planer un doute sur la tolérance de l'association IEC,
bêtabloquants, valsartan, qui dans une analyse en sous-groupes était associée à une surmortalité, non
retrouvée cependant avec ce même antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 chez des patients
présentant une dysfonction ventriculaire gauche systolique en post infarctus du myocarde et/ou ayant
présenté en phase aiguë une insuffisance cardiaque au cours de l'étude VALIANT, l'étude CHARM-
Added a démontré l'action additive favorable de la tri-thérapie neuro-hormonale IEC, bêtabloquant,
candésartan.
En post infarctus du myocarde compliqué de dysfonction ventriculaire gauche ou d'insuffisance
cardiaque, l’adjonction d’une posologie moyenne de valsartan (dose cible de 160 mg) aux IEC, dans
l’essai VALIANT , n’a par contre pas démontré de bénéfice supplémentaire par rapport à une
monothérapie par une forte posologie de captopril ou de valsartan, alors qu’elle augmentait la survenue
d’effets secondaires. Ce manque de parallélisme entre les données concernant l’insuffisance cardiaque et
la dysfonction ventriculaire gauche systolique du post infarctus peut s’expliquer, d’une part, par la
différence de stimulation du système rénine angiotensine dans ces deux conditions, ce système étant
nettement plus activé au cours de l’insuffisance cardiaque symptomatique, et, d’autre part, par la
différence de la posologie des médicaments utilisés, la posologie d’IEC étant celle du monde réel dans les
essais CHARM et Val-HeFT (80 mg de captopril, 17 mg d’énalapril) alors qu’elle était élevée, car pré-
déterminée, dans l’étude VALIANT (150 mg de captopril) et la posologie d’ARA2 étant deux fois plus
élevée dans l’étude Val-HeFT que dans le bras association de l’essai VALIANT (dose cible de 320 et
160 mg/j de valsartan respectivement). Ces données, associées aux résultats des études ELITE II et
OPTIMAAL, où une dose de 50 mg de losartan avait semblé moins efficace que 150 mg de captopril,
plaident pour l'utilisation d'une forte posologie d'ARA 2 au cours de l'insuffisance cardiaque.
3. Modalités d'utilisation
En stratégie alternative, les modalités d'utilisation et de surveillance des ARA 2 sont identiques à celle
des IEC.
. Initier le traitement à faible posologie, si possible après une diminution de la posologie de diurétiques
s'ils ont été utilisés antérieurement.
. Augmenter progressivement les posologie jusqu'à la dose ciblée dans les essais thérapeutiques (32 mg/j
pour le candesartan, 320 mg pour le valsartan.
Surveiller la fonction rénale est les électrolytes avant la mise en route traitement, une à deux semaines
après chaque augmentation de posologie puis
au 3e mois, puis tous les 6 mois, ainsi que si un médicament pouvant altérer l
fonction rénale est associé.
. Arrêter le traîtement en cas d'aggravation substantielle de la fonction rénale.
. En pratique clinique, les posologies journalières d'ARA 2 varient de 4 à 32 mg pour le candesartan et de
80 à 320 mg pour le valsartan.
- En association aux IEC, les règles de prescription semblent identiques.
4. Commentaires
Comme pour les IEC, lors de la mise sous ARA 2 une augmentation de 10 à 15% du taux de
créatinémie, voire de 30 % d'insuffisance cardiaque sévère, peut être tolérée.
Un des problèmes non réglé par les recommandations est le niveau de pression artérielle et de fonction
rénale à partir desquels l'association des ARA 2 aux IEC paraît plus dangereuse qu'utile. En effet, les
recommandations se limitent à réserver aux spécialistes les patients dont la pression artérielle systolique
est inférieure à 100 mmHg et la créatininémie > à 150 µmole/L. En pratique, chez les patients insuffisants
cardiaques stade II ou III, restant symptomatiques, le candesartan pourra être associé aux IEC si la
pression artérielle systolique demeure à 90 mmHg, la clearance de la créatininémie > à 30 ml/mn et la
kaliémie inférieure à 5.5 mmole/L.
L'association d'un ARA 2 aux IEC nécessitera une surveillance stricte de la créatininémie et de la
kaliémie qui devront être dosées une semaine après initiation du traitement et après chaque augmentation
de dose, puis tous les mois les trois premiers mois, puis tous les 3 mois, ainsi qu'en cas de risque de
déshydratation (fièvre, diarrhée, vomissement, canicule….). La posologie sera alors adaptée aux doses de
créatininémie à la kaliémie.
B - Antagonistes des recepteurs de l'aldostérone
1 . Recommandations en pratique
Les antagonistes des récepteurs de l'aldostérone sont recommandés en association aux IEC, aux
bêtabloquants et aux diurétiques, chez les patients en insuffisance cardiaque évoluée, en stade III ou IV de
la NYHA, pour améliorer la survie et la mortalité (classe I, niveau B).
Les antagonistes des récepteurs de l'aldostérone sont recommandés en association aux IEC et aux
bêtabloquants au cours des dysfonctions ventriculaires gauches systoliques du post infarctus chez les
patients ayant présenté en phase aiguë une insuffisance cardiaque ou diabétique, pour diminuer la
mortalité et le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (classe I, niveau B).
Le bénéfice éventuel des antagonistes des récepteurs de l'aldostérone chez les patients en classe II, reste à
établir.
2. Analyse de la littérature
L'adjonction d'un inhibiteur de l'aldostérone aux IEC a été la première voie explorée pour bloquer de
manière optimale le système rénine-angiotensine-aldostérone. Au cours de l'insuffisance cardiaque sévère
(stade III ou IV), l'association aux IEC d'une faible posologie de spironolactone (25 mg) a conduit dans
l'étude RALES à une amélioration fonctionnelle, associée à une diminution de 27 % du risque de
mortalité, portant notamment sur une réduction du risque de mort subite. Cependant dans cette étude déjà
ancienne seulement 11 % des patients étaient sous bêtabloquants.
Plus récemment, au cours de l'essai EPHESUS , chez des patients développant une dysfonction
ventriculaire gauche systolique en post infarctus du myocarde et , soit ayant présenté en phase aiguë une
insuffisance cardiaque, soit étant porteur d'un diabète, un nouvel antagoniste des récepteurs de
l'aldostérone, l'éplérénone, à la dose de 25 à 50 mg/j, a diminué de 15 % le risque de mortalité,
notamment subite, par rapport au placebo chez des patients sous IEC et bêtabloquants ainsi que le nombre
d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les effets secondaires semblent moindres avec
l'éplérénone, notamment l'apparition de gynécomasties, grâce à une action plus sélective sur les
récepteurs minéralo-corticoïdes.
3. Modalités d'utilisation
Leur utilisation est contre-indiquée si la kaliémie est > à 5 mmole/l ou la créatininémie > à 250 µmole/L.
Il faut débuter à faible posologie : 12.5 à 25 mg/j pour la spironolactone, 25 mg/j pour l'éplérénone.
La surveillance biologique impose un contrôle de la kaliémie et de la créatininémie entre le 4e et le 6e jour
après mise en route du traitement.
Si après un mois de traitement les symptômes persistent et la kaliémie reste normale, la posologie doit
être augmentée à 50 mg/j et la kaliémie et la créatininémie contrôlée une semaine plus tard.
Si en cours de traitement, la kaliémie se situe entre 5 et 5,5 mmole/L, une réduction de 50 % de la
posologie s'impose et si la kaliémie est supérieure à 5.5 mmole/L, le traitement doit être arrêté.
4. Commentaires
Chez les patients intolérants aux IEC, l'association aux ARA 2 d'un antagoniste des récepteurs de
l'aldostérone est possible. L'initiation et la surveillance de cette association sont identiques à celles de
l'association des IEC aux anti-aldostérone.
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