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Revue des Questions Scientifiques, 2015, 186 (4) : 549-572
Pierre Duhem le physicien
et la recherche d’une thermodynamique
rationnelle
Stefano Bordoni
Università di Bologna
[email protected] [email protected]
Abstract
Duhem put forward the most original and most systematic reinterpretation of thermodynamics, which involved a bold upgrading of analytical
mechanics and a bold mathematical unification of physics and chemistry.
In 1891, he put forward what he labelled the general equations of thermodynamics, and between 1892 and 1894 his design of a generalized mechanics
based on thermodynamics was further developed: ordinary mechanics was
looked upon as a specific instance of a more general science. In 1896, purely mechanical phenomena and chemical reactions represented the opposite
poles in Duhem’s Energetics. In 1906 he published La théorie physique, son
objet, sa structure, the two volumes of Les origines de la statique, and the first
part of Études sur Léonard de Vinci : ceux qu’ il a lu et ceux qui l’ont lu. After
that he began to be considered an authoritative, even though controversial,
historian of science, and his likewise controversial researches in theoretical
physics were definitely overlooked. Only some decades after Duhem’s death,
the buried memory of his theoretical physics re-emerged and found new
implementations.
Les équations générales de Pierre Duhem
En 1891, alors qu’il enseignait à l’Université de Lille, le physicien français
Pierre Duhem commença à esquisser un plan systématique de mathématisation
550
revue des questions scientifiques
et généralisation de la thermodynamique. Il publia un essai dans les Annales
Scientifiques de l’École Normale Supérieure, où il présenta ses « équations générales de la thermodynamique ». Il précisait que l’article scientifique découlait
de son activité en tant que chargé de conférences à la Faculté de Sciences de
Lille. Il avait déjà publié une vingtaine d’articles scientifiques sur différents
sujets : magnétisme, équilibres chimiques, solutions électrolytiques, capillarité...
En 1886, il avait publié un livre sur les potentiels thermodynamiques et leurs
applications. En général, dans les textes de Duhem, les contenus physiques
s’assortissaient d’analyses historiques : c’est l’une des caractéristiques durables
de sa pratique scientifique.1
Dans l’article mentionné ci-dessus, il faisait référence à l’histoire récente
de la thermodynamique. En dehors de Clausius, qui « avait déjà consacré un
Mémoire à un exposé systématique des équations de la Thermodynamique »,
quatre scientifiques étaient crédités par Duhem d’avoir effectué « sur ce sujet
les plus importantes recherches » : Massieu, Gibbs, Helmholtz, et Arthur von
Oettingen. Si Massieu avait réussi à dériver la thermodynamique d’une « fonction caractéristique et [de] ses dérivées partielles », Gibbs avait montré que les
fonctions de Massieu « pouvaient jouer le rôle de potentiels dans la détermination des états d’équilibre » dans un système physique et chimique. Si Helmholtz
avait mis en avant « des idées analogues », Oettingen avait donné « une exposition de la Thermodynamique d’une remarquable généralité ».2 Duhem ne prétendit pas qu’il aurait fait « mieux » que les scientifiques cités, mais il pensait
qu’il y avait « intérêt à présenter l’enchaînement analytique de la Théorie mécanique de la chaleur », en faisant appel à des « méthodes très différentes ». D’après
le contexte théorique, il est clair que l’expression « théorie mécanique de la
chaleur » ne peut pas être interprétée dans le même sens que Maxwell et Boltzmann [Duhem 1891, p. 231-2].
1.
2.
En 1927, le physicien Octave Manville publia une reconstitution historique, mathématique
et conceptuelle des recherches de Duhem en physique théorique. En 1981, Paul Brouzeng
publia une dissertation doctorale qui était une biographie scientifique de Duhem. En
1984, Stanley Jaki publia une biographie/hagiographie détaillée. D’autres études ont été
mentionnées dans la Bibliographie à la fin de cet article.
En 1885, le physicien germanophone Arthur von Oettingen, titulaire de la chaire de
physique à l’Université de Dorpat (aujourd’hui Tartu, Estonie), entreprit un projet ambitieux : la construction d’une théorie mathématique, où les flux de travail mécanique et
de chaleur représentaient le point de départ d’une double structure formelle à la fois
mécanique et thermique. Une vaste famille de « capacités » thermiques et mécaniques
émergeait. [Oettingen 1885 ; Kragh 2008, p. 388 et 394 note 38].
pierre duhem le physicien
551
L’alliance entre la mécanique et de la thermodynamique conduisait à une
sorte de symétrie entre les quantités thermiques et mécaniques. Les n +1 fonctions Ra , Rb , ..., Rl , Rq jouaient le rôle de capacités thermiques généralisées, et
le dernier terme n’était rien d’autre que la capacité thermique ordinaire. Dans
le cadre de sa théorie généralisée, les fonctions énergie interne U et entropie S
� � étaient
� deux
� fonctions d’état du système. Selon Duhem, « la détermination
mécanique du système » exigeait d’abord la spécification de la fonction F , puis
la déduction des forces généralisée A, B , ... , L et, Θ et ensuite des « coefficients
calorifiques » généralisés Ra , Rb , ..., Rl , Rq . Son vocabulaire oscillait librement
entre les pôles mécanique et thermique : le fait est que les deux
� séries de forces
généralisées et de coefficients thermiques généralisés avaient un sens aussi bien
mécanique que� thermique.
Il� pensait que, du point de vue formel, il avait
� le �
vraiment perfectionné
plan théorique qu’il avait déjà esquissé dans les années
1880 : la dérivation des caractéristiques mécaniques et thermiques d’un système
physique à partir du potentiel F et de la fonction Θ [Duhem 1891, p. 234 et
251].
�
�
***
En 1892, Duhem publia, sous le titre très général de Commentaires aux
Principes de la Thermodynamique, un long article scientifique dans le Journal
de mathématiques pures et appliquées. C’était la première partie d’une sorte de
trilogie dont la deuxième et la troisième parties auraient été accueillies par le
journal mathématique en 1893 et 1894 respectivement. L’ensemble des trois
articles scientifiques n’était rien de moins qu’un traité sur la thermodynamique.
Il sépara les quantités géométriques d’autres quantités non géométriques comme
la température, une quantité « dont le rôle, au cours du présent travail », aurait
eu « une importance toute particulière ». En cohérence avec cette séparation, il
présenta deux séries de « coefficients calorifiques » Ra , Rb , ..., Rl et, Ra , Rb , ...,
Rl . Les variables géométriques impliquaient le mouvement du système physique dans son ensemble, et les équations ordinaires de Lagrange pouvaient être
dérivées quand les coefficients thermiques
[Duhem
� s’annulaient
�
� � 1892, p. 276,
�
3
278-9, 284, 286-8, and 320-1].
La mécanique-thermodynamique généralisée de Duhem devenait une
sorte de thermodynamique analytique, et la mécanique ordinaire pouvait être
3.
Paul Needham a récemment traduit le Commentaire de Duhem en anglais [Needham
(ed.) 2011a].
552
revue des questions scientifiques
considérée comme l’un de ses développements spécifiques. Le premier ensemble
d’équations correspondait aux équations de Lagrange pour la mécanique rationnelle et la dérivation semblait atteinte avec succès. Néanmoins, une question
se posait : est-ce que la dérivation pouvait être inversée ? En d’autres termes,
sommes-nous sûrs que, quand la mécanique ordinaire est en jeu, tous les coefficients thermiques disparaissent ? À ce stade, Duhem ne pouvait pas répondre
de manière satisfaisante à la question, et il reconnut que d’autres recherches
théoriques étaient nécessaires. À la fin de l’article, Duhem reconnaissait que la
nature de la relation formelle entre la mécanique et la thermodynamique était
en attente d’une clarification complète [Duhem 1892, p. 324].
En 1894, dans la troisième partie de son Commentaire, il étonna probablement les lecteurs en raison de sa référence à une interprétation aristotélicienne du mot « mouvement » : non seulement le mouvement était considéré
comme un processus cinématique, mais comme une transformation en général.
Il convient de citer tout le passage de Duhem :
« Nous prenons, dans ce Chapitre, le mot mouvement pour désigner non
seulement un changement de position dans l’espace, mais encore un changement d’état quelconque, lors même qu’il ne serait accompagné d’aucun
déplacement. Ainsi, il y aurait mouvement si les variables que nous avons
désignées par a, b, …, l … variaient seules, les variables a , b , …, l
gardant des valeurs fixes. De la sorte, le mot mouvement s’oppose non pas
au mot repos, mais au mot équilibre. »4
�
� � des équations
Ensuite, il ouvrit une autre voie : au lieu de partir
générales,
�
il prit en considération le cas de l’équilibre thermique ( dQ = 0), qui correspondait à l’instance mécanique spécifique, et introduisit une perturbation, qui
représentait une source d’irréversibilité pour le système physique. Les nouvelles
fonctions dissipatives représentaient « les résistances
passives que le système a à
�
surmonter ». Ces résistances dépendaient des variables généralisées a , b , …,
l , leurs dérivés par rapport au temps, et le temps t même : du point de vue
mathématique, elles étaient « résistances » au sens mécanique habituel. L’équilibre thermique était perturbé par des actions qui étaient
� la�généralisation du
frottement mécanique. Une fois de plus, pour sa thermodynamique généralisée,
�
Duhem choisit une généralisation du lexique mécanique traditionnel. Il était
en train de transformer le sens des concepts et des mots de la mécanique, afin
de mettre en place une nouvelle physique généralisée qui prétendait avoir l’am4.
Duhem 1894a, p. 222.
pierre duhem le physicien
553
pleur de la philosophie naturelle d’Aristote. Les résistances généralisées lui
permettaient de réinterpréter l’entropie : aucune transformation dans les systèmes isolés ne pourrait « faire décroître l’entropie » d’un système [Duhem
1894a, p. 223-4 et 229].
Le concept de dissipation thermique dans les phénomènes naturels était
ainsi traduit en termes de dissipation mécanique. Le deuxième principe de la
thermodynamique avait donc reçu une interprétation mécanique, mais cette
interprétation était mécanique dans un sens à préciser avec soin. Comme je l’ai
déjà souligné, il ne s’agit pas ici d’une explication ou d’une réduction des effets
thermodynamiques macroscopiques au moyen d’une mécanique microscopique. Nous trouvons une réinterprétation mécanique macroscopique, liée à
une réinterprétation du mot « mouvement » dans une nouvelle perspective aristotélicienne.
À la fin de la troisième partie de son Commentaire, Duhem avança quelques
« conclusions » générales, où il insérait son approche de la mécanique et de la
thermodynamique dans une perspective historique. Il décrivit deux voies différentes de la thermodynamique. D’une part, la plupart des pères fondateurs
de la thermodynamique avaient essayé de transformer la thermodynamique en
« une application de la Dynamique ». Ils avaient interprété la chaleur comme
« un mouvement très petit et très rapide des particules qui constituent les corps »,
et la température comme la « force vive moyenne » correspondant à ces motions.
D’autre part, d’autres physiciens avaient essayé de fonder la thermodynamique
« sur des principes qui lui soient propres ». Ils avaient cherché « à rendre la
Thermodynamique indépendante de toute hypothèse sur la nature de la chaleur », et n’avaient pas « essayé de l’établir… sur des théorèmes empruntés à la
Mécanique rationnelle ». Les premiers avaient réussi à interpréter avec succès
le premier principe, à savoir le principe de conservation de l’énergie, mais
n’avaient pas réussi à expliquer le second principe ou « principe de Carnot ». En
dépit de leurs « essais audacieux », Clausius, Boltzmann et Helmholtz n’avaient
pas réussi à dériver « le principe de Carnot… d’une manière pleinement satisfaisante des propositions de la Dynamique » [Duhem 1894a, p. 284-5].
Il exprima sa confiance en la fertilité de sa troisième voie : la thermodynamique comme une théorie de grande ampleur qui concernait les transformations matérielles en général. Sa conception pourrait être considérée comme
une réduction de la physique à la langue de la mécanique analytique, mais en
554
revue des questions scientifiques
même temps, comme une conception antiréductionniste, qui conduisait à une
réinterprétation profonde de cette langue. Dans la « science plus générale » de
Duhem, nous trouvons la coexistence d’une approche mécanique, au sens de
la physique mathématique de Lagrange, et le rejet d’une « explication mécanique
de l’Univers », au sens de modèles mécaniques spécifiques :
« Nous avons essayé, dans le présent travail, d’indiquer une troisième position de la Dynamique par rapport à la Thermodynamique ; nous avons fait
de la Dynamique un cas particulier de la Thermodynamique, ou plutôt,
nous avons constitué sous le nom de Thermodynamique, une science qui
embrasse dans des principes communs tous les changements d’état des
corps, aussi bien les changements de lieu que les changements de qualités
physiques ».5
En 1896, Duhem publia un long essai, Théorie thermodynamique de la
viscosité, du frottement et des faux équilibres chimiques, qui avaient la dimension
d’un livre. L’analogie structurelle fondée sur la mécanique analytique fut exploitée jusqu’à ses conséquences extrêmes, et donna lieu à des équations très générales. À cette époque, il occupait la chaire de physique théorique à l’Université
de Bordeaux. Il avait été nommé à Bordeaux en 1894, et l’année suivante sa
chaire fut transformée en une chaire de physique théorique [Brouzeng 1987,
p. 163 ; Jaki 1984, p. 122-31].
Les pages introductives de l’essai étaient un résumé théorique et historique
évoluant autour du concept de « faux équilibre » qu’il avait déjà analysé trois
ans avant dans son livre Introduction à la mécanique chimique. Il analysa brièvement la série de théories thermochimiques mises en avant au cours du XIXe
siècle. Duhem rappela aux lecteurs que les théories plus anciennes avaient
identifié les combinaisons chimiques avec les réactions exothermiques, et les
décompositions avec celles endothermiques. Ensuite, une « loi de déplacement
de l’équilibre » avait été avancée : les « combinaisons exothermiques se forment
directement à basse température », mais elles « se décomposent spontanément
à haute température ». Les combinaisons endothermiques se comportaient de
façon contraire. Néanmoins, la loi semblait « contredite dans un nombre immense de cas particuliers » [Duhem 1896, p. 2-4].
Il y avait une large gamme de températures au sein de laquelle l’équilibre
était maintenu par une sorte de paresse du système : seulement au-dessus et en
dessous de cette région, le système devenait sensible aux variations de tempé5.
Duhem 1894a, p. 285.
pierre duhem le physicien
555
rature. Même dans des systèmes simples, par exemple les mélanges d’oxygène,
d’hydrogène et de vapeur d’eau, il y avait « une infinité d’états d’équilibre du
système, et ces états d’ équilibre forment une suite continue » [Duhem 1896, p. 5
et 7]. Pour l’interprétation mathématique et physique de ces phénomènes,
Duhem pouvait compter sur l’analogie structurelle entre le « faux » équilibre
chimique et la « friction » mécanique. Pour illustrer le phénomène, il prit en
compte une configuration très simple : un corps glissant sur un plan incliné.
Selon les « théorèmes de la mécanique classique », le corps ne pouvait pas être
en équilibre « sous l’action de la pesanteur ». En réalité, pour chaque plan réel,
« il y aura équilibre toutes les fois que l’inclinaison du plan sera inférieure à une
certaine limite ». Duhem faisait remarquer que l’explication courante était que
« le corps frotte sur le plan », et que « la mécanique classique ne tient pas compte
du frottement ». La situation pourrait être décrite par des mots semblables à
ceux utilisés pour décrire les faux équilibres chimiques :
« Toutes les fois que la mécanique classique, où l’on fait abstraction du frottement, fait prévoir qu’un état du système étudié est un état d’ équilibre, l’expérience confirme cette conclusion ; mais il peut arriver que le système soit en
équilibre dans des états qui ne sont pas des états d’ équilibre pour la mécanique
des corps sans frottement. »6
Il décida d’exprimer, par une représentation typographique plus synthétique, les équations générales qu’il avait formulées en 1894. Du point de vue
structurel, chaque équation était la somme de cinq termes : forces ou actions
généralisées, les dérivés du potentiel thermodynamique, les termes d’inertie,
les termes visqueux j , et les termes g qui représentaient la généralisation du
frottement statique qui avait été discuté dans l’introduction [Duhem 1896,
p. 72-5]7.
Duhem
� était en train�de construire une structure mathématique aussi
générale que souple, qui pourrait s’adapter aux particularités des systèmes spécifiques et être progressivement élargie afin de rendre compte de phénomènes
d’une complexité croissante.
Dans la deuxième partie de son livre, il continua à combler l’écart entre
la physique et la chimie ; en particulier, il essaya de décrire mathématiquement
quelques processus spécifiques qui se déroulent dans la chimie. À cet effet, il
6.
7.
Duhem 1896, p. 8.
Des termes mathématiques de ce genre avaient déjà été mis en avant dans les articles
scientifiques de Duhem sur l’hystérésis [Duhem 1894b, Duhem 1895a et Duhem 1895b].
556
�
revue des questions scientifiques
supposa que les équations correspondant aux coordonnées lagrangiennes
a , b, ..., l ne contenaient
​​
pas les termes d’inertie, et que « les variations de la
force vive et, partant, les forces d’inertie » fussent exclues. Il convient de souligner que Duhem avait visé à mettre en place une mécanique générale, qui
pouvait élargir le champ d’application de la mécanique classique. Les hypothèses qu’il mit en avant dans cette partie de son essai conduisaient à une
nouvelle mécanique, qui était une sorte de mécanique complémentaire à la
mécanique traditionnelle [Duhem 1896, p. 89-91].
Ces équations contenaient trois types de termes : si le premier correspondait aux dérivés d’un potentiel thermodynamique, les deux autres correspondaient aux deux types de dissipation j et g . Il est intéressant de remarquer que
Duhem avait ajouté les termes de dissipation aux équations de Lagrange afin
de généraliser la mécanique analytique. Quand il adapta la structure mathématique générale aux phénomènes chimiques, aucun terme d’inertie ne pouvait
� �
paraître, tandis que les termes de dissipation étaient mis en avant. D’une certaine manière, la mécanique analytique traditionnelle et la chimie représentaient deux pôles opposés au sein du nouveau cadre formel.
La forme exacte de la région de faux équilibres ne pouvait pas être spécifiée
par la théorie, mais par des expériences : on savait que l’ampleur de la zone
diminuait lorsque la température augmentait. La région des faux équilibres
était assez large à des températures basses, tandis qu’à des températures élevées
elle devenait une bande mince autour de la ligne d’équilibre attendue. Comme
Duhem avait déjà souligné dans son Introduction à la mécanique chimique
(1893), c’était, aux basses températures, que « des états d’équilibre extrêmement
différents de ceux que fait prévoir la thermodynamique classique » apparaissaient. La thermodynamique classique ne tenait pas compte de la généralisation
de la notion de friction : par conséquent, elle ne pouvait décrire que des phénomènes réels à des températures élevées. Pour cette raison, comme Duhem le
faisait remarquer, « la mécanique chimique donne donc lieu à des lois plus simples
aux températures élevées plutôt qu’aux basses températures ». L’augmentation de
la température jouait en chimie le même rôle que l’augmentation de la régularité de la surface de la pente pour les corps descendants en mécanique. Des
températures élevées assouplissaient la friction chimique de la même façon que
les plans les plus lissés assouplissaient la friction mécanique. Duhem faisait
remarquer que la mécanique moderne était née lorsque Galilée avait décidé de
ne pas tenir compte des frottements mécaniques. Ce choix avait donné nais-
pierre duhem le physicien
557
sance à une physique très simplifiée : Duhem avait entrepris la tâche ardue de
conduire la science moderne à saisir la complexité du monde réel [Duhem 1896,
p. 105].
Lorsque Duhem dirigeait son regard sur la notion de vitesse généralisée,
l’analogie formelle entre la mécanique et la chimie subit un gauchissement
critique. Il avait essayé de dériver « la vitesse de transformation du système »,
ou en d’autres termes, « la vitesse d’une réaction » chimique. La dérivation
semblait trop complexe, et il mit en avant certaines simplifications concernant
les deux fonctions dissipatives j et g . La « vitesse » généralisée pourrait augmenter en raison de deux effets différents : l’augmentation du numérateur ou
la diminution du dénominateur. Le numérateur augmentait lorsque le système
flottait loin des deux limites de la région de faux équilibre. Le dénominateur
� �
baissait quand la « viscosité » diminuait, à savoir lorsque le système approchait
du comportement thermodynamique classique [Duhem 1896, p. 128-131].
�
�
Lorsque la viscosité généralisée disparaissait, la vitesse devenait infinie. Les
équations générales que Duhem avait mises en avant dans la deuxième partie
de son essai contenaient aussi bien les termes d’inertie que les deux dissipatives
j et g . Quand il laissait tomber les termes de dissipation, une réinterprétation
de la mécanique traditionnelle émergeait. Quand il laissait tomber les termes
d’inertie, certaines simplifications mathématiques le conduisaient à une nouvelle mécanique de processus chimiques. Mécanique pure et réactions chimiques
représentaient alors les pôles opposés de l’énergétique de Duhem, et l’existence
de ces pôles pouvait être considérée comme le résultat d’une unification puissante. Le pouvoir unificateur des équations de Duhem pouvait englober la
physique et la chimie dans un cadre mathématique commun : la physique et
la chimie apparaissaient comme des développements différents d’une structure
formelle très générale. Celle structure mathématique flexible pouvait inclure à
la fois la science antique et la science moderne. Duhem soulignait que la nouvelle mécanique chimique pouvait être considérée comme une réinterprétation
de la philosophie naturelle d’Aristote.
En conclusion, il souligna que deux éléments méritaient d’être mis en
évidence, à savoir la nature irréductible des dissipations et la nécessité d’une
science générale des transformations :
« La doctrine que le présent mémoire cherche à faire prévaloir est, en résumé,
la résultante de deux idées fondamentales : la première est celle que nous
558
revue des questions scientifiques
trouvons déjà indiquée par Navier, dans un cas particulier : la viscosité et
le frottement ne sont pas toujours des termes fictifs introduits dans les
équations du mouvement des systèmes pour tenir compte sommairement
de perturbations compliquées et mal connues ; ce sont souvent, dans ces
équations, des termes essentiels, irréductibles et primitifs ; la seconde est
celle que Rankine formulait dans son immortel écrit sur l’Énergétique : les
divers changements de propriétés d’un système ne se réduisent pas au mouvement local ; une même science doit réunir en ses principes à la fois les lois
du mouvement local et les lois selon lesquelles se transforment les qualités
des corps. »8
En général, les physiciens contemporains n’étaient pas vraiment intéressés
par la mécanique généralisée ou l’Énergétique de Duhem, car elle se trouvait
en dehors des domaines les plus passionnants de la recherche scientifique dans
la dernière décennie du XIXe siècle. Duhem ne fut pas découragé par ce manque
d’intérêt de la communauté des physiciens théoriciens. Ni les difficultés mathématiques ni les difficultés conceptuelles n’empêchèrent le physicien de Bordeaux
d’enquêter sur des réactions chimiques à l’aide de sa théorie généralisée : en
particulier, il pensait qu’un modèle approximatif pour les réactions chimiques
explosives pouvait être déduit de ses équations. Cependant, sa mécanique généralisée attira une minorité de physiciens, de chimistes et de mathématiciens
autour du tournant du XXe siècle.9
En 1898, le physicien mathématique Helm prêta une grande attention à
la physique théorique de Duhem. Il était devenu professeur de géométrie analytique et mécanique à l’Université de technologie de Dresde en 1888, et il eut
un rôle important dans le débat sur l’énergétisme dans les pays germanophones.
Helm commença son livre sur l’histoire de l’énergétique avec un passage très
poétique qui concluait l’article scientifique que Duhem avait consacré à l’histoire de l’optique en 1894. Helm présentait Duhem comme « le promoteur
ardent de l’énergétique en France », où le mot « Énergétique » n’était pas conçu
comme une théorie spécifique, mais comme « un développement unifié de la
8.
9.
Duhem 1896, p. 205.
Duhem ne réussit pas à englober tous les phénomènes physiques et chimiques dans son
Energétique : phénomènes électromagnétiques, radioactivité, et la chaleur rayonnante
restèrent sans représentation. Comme Deltete et Brenner nous l’ont rappelé, au tournant
du XXe siècle de nouvelles interprétations de ces phénomènes avaient été mises en avant.
Elles impliquaient « quelques structures discrètes microscopiques et des discontinuités
qui ne pouvaient être acceptées par son énergétique » [Brenner et Deltete 2004, p. 223].
Voir aussi Brouzeng 1981a, p. 241-61.
pierre duhem le physicien
559
pensée » ou « une méthode spécifique pour la connaissance globale de la nature ».
La méthode correspondait à une représentation des processus naturels « aussi
directe que possible, sans l’utilisation de dispositifs mécaniques » [Helm 1898,
p. 55 et 65].
Dans ce contexte, il convient de souligner la différence entre l’énergétique
de Helm et d’Ostwald, et surtout l’écart conceptuel entre la ligne de recherche
qui allait de Rankine à Duhem et l’énergétique d’Ostwald. Tandis que Duhem
développa une théorie mathématique ample pour la physique et la chimie en
suivant le modèle de la mécanique de Lagrange, Ostwald développa une vision
du monde physique dans lequel le concept de matière, qu’il trouvait « indéterminé et contradictoire », devait être remplacé par le concept d’énergie [Ostwald
W. 1896, p. 159-60]10.
En 1897, Duhem avait publié le premier volume du Traité élémentaire de
mécanique chimique fondée sur la thermodynamique, et le volume avait attiré
une certaine attention des chimistes. Dans cette série de livres, Duhem avait
développé la théorie qu’il avait mise en avant en 1896. La même année, le
chimiste américain Wilder D. Bancroft écrivit un bref compte rendu dans la
revue américaine Science, et sa critique fut vraiment enthousiaste. Il avait étudié à Harvard, et il avait travaillé dans les laboratoires de van’t Hoff et
d’Ostwald ; en 1896, il avait fondé la revue scientifique Journal of Physical
Chemistry [Servos 1990, chapitre 4, et Laidler 1993, p. 48-50, 125 et 292-3]. Il
déclara que le livre était « doublement précieux » : il offrait « le développement
mathématique de l’objet », et le développement était présenté « magistralement ».
Bancroft reconnait qu’à cette époque « le traitement mathématique de la chimie
physique dans les livres » était « douloureusement insuffisant » par rapport à « la
manipulation exhaustive du côté expérimental du sujet » qui avait été offert par
Ostwald. L’application de la théorie mathématique de Duhem « au point de
réaction, aux vitesses de réaction et aux explosions » méritait « une attention
particulière » [Bancroft 1897, p. 625-6].
10. Dans les années 1960, le chimiste Donald G. Miller écrivit que Duhem « appartenait à
la communauté des énergétistes, avec Ernst Mach, Georg Helm et Wilhelm Ostwald »
[Miller 1967, p. 447]. La relation personnelle cordiale entre Duhem et Ostwald ne peut
pas être interprétée comme un accord sur le sens et la pratique de l’énergétique. Pour une
analyse claire et synthétique des différences entre l’énergétique de Duhem et celle
d’Ostwald et de Helm, voir Needham 2011a, p. vii.
560
revue des questions scientifiques
Bien que, dans le compte rendu du deuxième volume du livre de Duhem,
l’enthousiasme ne s’affaiblisse pas, le troisième fut très différent : son enthousiasme s’était transformé en déception. Il avait trouvé « une étude exhaustive
de l’équilibre chimique mise en forme mathématique », mais l’application des
mathématiques à la chimie était « malheureusement plus ornementale qu’utile ».
À la différence de ce qu’il avait déclaré l’année précédente, il déplora que seulement quelques-unes des « myriades de formules » pouvaient être appliquées
« à quelque cas concret ». Le point clé est la relation entre la théorie et la pratique
expérimentale : les volumes de Duhem offraient une nouvelle langue et un
nouveau cadre conceptuel pour la chimie, mais les chimistes n’étaient pas à
l’aise avec cette approche mathématique et théorique. Du point de vue d’une
reconstruction historique, nous devons prendre acte du mécontentement d’un
chimiste de laboratoire par rapport à une approche mathématique qu’il ne
maîtrisait pas [Bancroft 1898, p. 215 ; Bancroft 1899, p. 82].
En 1905, l’American Association for the Advancement of Science chargea le
physicien Carl Barus de donner « un compte rendu des progrès réalisés en
physique au cours du XIXe siècle ». Il était l’un des scientifiques américains qui
avaient étudié en Europe et avaient reçu leur doctorat d’une université allemande : il avait passé quatre ans à Würzburg avec Kohlrausch. Barus souligna
« la puissance analytique » des potentiels thermodynamiques, et mentionna les
contributions de Gibbs, Massieu, Helmholtz, Planck, et Duhem [Barus 1905,
p. 353 et 364 ; Lindsay 1937, p. 484].
La concurrence entre une approche plus formelle et mathématique des
processus chimiques et une approche plus pragmatique a traversé l’histoire de
la chimie dans les dernières décennies du XIXe siècle. Dans ce contexte, il
convient de mentionner le débat entre le chimiste théorique Johannes van Laar
et Walther Nernst, qui commença en 1896 et dura quelques années. Van Laar
offrait une approche mathématique sophistiquée de la chimie, qui culmina
dans le traité qu’il publia en 1901, Lehrbuch der mathematischen Chemie. Il
déclara qu’il aurait doté la chimie d’une structure mathématique appropriée
« de la même manière que Maxwell avait habillé la représentation de Faraday
de lignes de force » [Kragh et Weininger 1996, p. 106-7 ; Laar 1901, p. vii-viii].
pierre duhem le physicien
561
Disparitions et réapparitions
Duhem continua à publier des articles et des livres sur la physique théorique jusqu’à sa mort en 1916. En 1903, dans son analyse historique et critique
des fondements de la physique, il se demandait comment les effets de dissipation, irréversibles dans leur nature, pourraient être réduits à des mouvements
réversibles microscopiques cachés :
« La Thermodynamique impose à tous les phénomènes du monde matériel
une tendance dans un même sens ; il n’en résulte pas que ces phénomènes
ne puissent tous s’expliquer par des combinaisons de figures, de mouvements, de masses et de forces. Mais l’hypothèse que tous les effets de la
matière brute sont d’essence mécanique ne rend aucun compte de la commune tendance qui sollicite tous ces effets. »11
La relation entre la mécanique et la thermodynamique était la clé de voûte
de la physique de Duhem, et en même temps un sujet important dans son
histoire de la physique. Du point de vue méthodologique, l’utilisation de modèles mécaniques spécifiques semblait à Duhem une contrainte et un gaspillage
d’énergie intellectuelle : « chaque section de la Physique » exigerait « la construction d’un mécanisme nouveau, sans lien avec le mécanisme qui a servi à illustrer
le chapitre précédent » [Duhem 1903, p. 193].
En 1906, Duhem publia le livre qui l’a rendu célèbre en tant que philosophe
des sciences, La théorie physique, son objet, sa structure. Dans ce livre, il recueillit et mit à jour le contenu de certains articles scientifiques qu’il avait publiés
dans les années 1890, principalement dans la Revue des Questions Scientifiques.
Je ne peux pas analyser le livre en détail ici, mais seulement rappeler au lecteur
que, parallèlement à une réévaluation des points de vue d’Aristote et de Pascal
sur la connaissance du monde naturel, il mit en avant de subtiles remarques
métathéoriques sur les objectifs et les méthodes de la physique. Une théorie
physique ne pouvait pas être « une explication », mais simplement « un système
de propositions mathématiques déduit d’un petit nombre de principes » qui avait
pour but de « représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement
que possible, un ensemble de lois expérimentales ». Dans le même temps, une
théorie physique était quelque chose de plus qu’une simple alliance entre les
structures mathématiques et les lois empiriques. Il y avait aussi un échafaudage
conceptuel où « le sens commun et la logique mathématique... se mêlent les uns
11. Duhem 1903, p. 156.
562
revue des questions scientifiques
aux autres, d’une manière inextricable », afin de saisir « des affinités réelles entre
les choses mêmes ». La fiabilité de ce réseau conceptuel ne dépendait ni des
procédures empiriques ni des procédures formelles. Elle était liée à l’esprit de
finesse de Pascal : elle était une sensibilité métathéorique qui aidait les scientifiques à surmonter la tension essentielle entre le « Dogmatisme » et le « Pyrrhonisme » [Duhem 1906a, p. 1-2, 26, 36, 439, et 444 ; Stoffel 2007].
Dans certains passages de son livre, Duhem mentionna et cita explicitement Pascal : en tout cas, Pascal a marqué un point de repère méthodologique
pour lui. En 1922, le mathématicien français Émile Picard affirma que Pascal
était la référence la plus significative pour la théorie de la connaissance de
Duhem. Il souligna aussi l’importance de Pascal pour Duhem dans le contexte
spécifique de la physique des milieux continus. Dans les dernières décennies,
les historiens ont remarqué que la référence de Duhem à Pascal n’avait pas été
appréciée ni par « les athées positivistes... pour qui la science offrait un paradigme fiable de la connaissance », ni par « les apologistes catholiques de formation néo-scolastique ». Ces derniers « demandaient une science fiable pour
soutenir leur théologie naturelle », et craignaient que « le scepticisme par rapport
à chaque branche de la connaissance impliquât le scepticisme religieux aussi ».
Le « défi pascalien » que Duhem avait accepté le conduisit à la recherche d’un
« juste équilibre pour la science, une position médiane entre un réalisme exclusif et un phénoménalisme désespéré » [Picard 1922, p. cxxx et cxxxv-cxxxvii ;
Martin 1991, p. 68, 90 et 115 ; Stoffel 2002, p. 196 et 345].
Duhem était conscient de la relation complexe entre les pratiques expérimentales et théoriques. D’une part, « un même fait pratique » pourrait être traduit en « une infinité de faits théoriques différents ». D’autre part, aucune
expérience physique ne pouvait être réalisée et interprétée sans présumer de la
validité de certaines théories de base. Pour cette raison, une expérience ne
pouvait pas conduire à la réfutation d’une seule hypothèse ou théorie : la réfutation avait un effet global sur « tout l’échafaudage théorique dont le physicien
a fait usage ». C’était l’échafaudage entier qui assurait l’intelligibilité de l’expérience. Selon Duhem, une théorie physique impliquait un lien conceptuel complexe entre le domaine des faits épars et le domaine des procédures
mathématiques : cette prise de conscience était une caractéristique essentielle
de la nouvelle pratique théorique qui apparut à la fin du XIXe siècle [Duhem
1906a, p. 217, 274, 303 et 328].
pierre duhem le physicien
563
En 1911, Duhem publia les deux volumes de son Traité d’ énergétique ou
de thermodynamique générale, où il recueillit et mit à jour la plupart de ses recherches en physique théorique. Une fois de plus, dans le même esprit que son
livre de 1906, Duhem souligna l’écart conceptuel entre la pratique empirique
et théorique : seulement à la fin d’un complexe processus, les résultats des
procédures mathématiques pouvaient et devaient « être comparés aux lois expérimentales ». Néanmoins, une théorie ne pouvait pas être conçue « au hasard » :
il fallait « une justification », mais la justification était « historique » plutôt que
« logique ». L’histoire de la physique n’était pas seulement la scène où l’émergence, le développement et la chute des théories physiques trouvaient leur représentation ; elle était un creuset d’expériences, d’hypothèses, d’outils
mathématiques, de modèles théoriques spécifiques, de flots conceptuels de
grande portée, et d’options métathéoriques. L’histoire de la physique montrait
comment les « principes » devaient être « modifiés, corrigés, assurant par chaque
changement un accord plus exact de leurs corollaires avec les faits ». Une théorie physique pouvait être améliorée suivant un processus dynamique qui pourrait nous amener à ce qu’il avait appelé, en 1906, une « classification naturelle »
fiable [Duhem 1911, tome I, p. 4-5 ; Duhem 1906a, p. 36].
En 1911, le rôle de l’histoire des sciences dans l’entreprise intellectuelle de
Duhem était devenu plus important. En 1905-1906, il avait publié les deux
volumes Les origines de la statique, et la première partie des Études sur Léonard
de Vinci : ceux qu’ il a lus et ceux qui l’ont lu. La deuxième partie fut publiée en
1909, et la troisième en 1913. À partir de 1913, il publia les quatre premiers
volumes de son monumental Le système du monde : Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic [Duhem 1906b ; Duhem 1906c ; Duhem 1909 ;
Duhem 1913a ; Duhem 1913b]12. Depuis lors, il fut considéré comme un expert,
bien que controversé, en histoire des sciences, et ses recherches en physique
théorique restèrent à l’arrière-plan.
***
En 1917, un an après la mort de Duhem, Émile Jouguet, ingénieur en chef
des Mines et Répétiteur à l’École Polytechnique, publia un article dans la
Revue générale des Sciences pures et appliquées, où il donna un bref compte
rendu de la contribution de Duhem à la physique théorique. Il appréciait à la
fois la physique et les engagements métathéoriques de Duhem. Il était conscient
12. Pour une bibliographie de Duhem, voir Stoffel 1996.
564
revue des questions scientifiques
que la mécanique généralisée de Duhem était un modèle structurel ou abstrait
d’explication, une science du mouvement dans un sens général, ou une science
de transformations, conformément au sens du mot « mouvement » dans la tradition péripatéticienne. Une science unifiée pourrait décrire « aussi bien des
changements d’état que des changements de lieu ». Jouguet considérait Duhem
comme le père fondateur de la « thermodynamique des processus irréversibles » :
avant ses théories mathématiques, les phénomènes de « viscosité, frottement et
hystérésis » avaient été pris en compte seulement « exceptionnellement ». Des
nouvelles « équations différentielles du mouvement » découlaient de la « Mécanique chimique » de Duhem, qui impliquait des « variables sans inertie ». Ces
équations, tout comme les équations de la mécanique ordinaire, étaient « des
cas particuliers des équations de l’Energétique » [Jouguet 1917, p. 40-1 et 43-5].13
En 1922, à la session annuelle de l’Académie des sciences, le mathématicien
et physicien mathématique Émile Picard s’exprima sur « la vie et l’œuvre » de
Duhem. Il remarqua que Duhem avait été plus apprécié par les mathématiciens
que par les physiciens et les chimistes, bien qu’il ait « voulu être un théoricien
de la Mécanique, de la Physique et de la Chimie ». Il avait été « trop physicien
pour les mathématiciens et aussi trop mathématicien pour les physiciens et les
chimistes ». Duhem avait réussi à apprécier les liens conceptuels profonds entre
« les doctrines physiques des anciens âges » et « certaines vues de la science actuelle ». Il avait osé creuser « en dessous de la croûte superficielle » de la tradition
philosophique, où les théories anciennes avaient été conservées comme des idées
« mortes et fossilisées » [Picard 1922, p. xcix, civ, cvi et cxxxv].
En 1927, le physicien Octave Manville, « chargé de conférence » à la faculté des sciences de l’université de Bordeaux, publia un livre sur la physique de
Pierre Duhem. Deux « Mémoires » concluaient le livre : dans le premier, le
mathématicien Jacques Hadamard s’exprima sur Duhem en tant que mathématicien ; dans le deuxième, l’historien André Darbon sur Duhem comme
historien. L’analyse de Manville était très détaillée, et pendant de nombreuses
décennies son livre fut l’unique étude sur la physique théorique de Duhem. Il
13. En 1908-1909, Jouguet avait publié une histoire de la Mécanique en deux volumes dont
la première revendication était l’utilité de l’histoire afin de « mieux comprendre la nature
des principes et des lois de la mécanique ». Dans la préface, il reconnut le rôle joué par
Duhem dans la compréhension des sources antiques de la mécanique moderne. En outre,
quand il analysa brièvement la physique péripatéticienne, il souligna les liens théoriques
profonds entre cette ancienne physique, les processus irréversibles et « les fondements de
la thermodynamique » [Jouguet 1908, p. vii-viii et 4].
pierre duhem le physicien
565
a souligné que le choix de Duhem de mathématiser les qualités découlait du
rejet de la traditionnelle distinction entre les qualités primaires et secondaires
d’un corps ou d’un processus. La physique théorique « ne saurait décider si ces
propriétés sont qualitatives ou quantitatives ». À son tour, ce rejet provenait de
la méfiance envers toute prétention à expliquer le monde naturel. Selon Manville, Duhem avait accompli l’unification entre la théorie mécanique de la
chaleur, où la chaleur est transformée en travail sans conduction, et la théorie
de la conduction de la chaleur, où la conduction thermique n’effectue aucun
travail mécanique. Ensuite, il avait réalisé l’unification entre la mécanique
rationnelle et la théorie déjà unifiée de la chaleur. En bref, il avait réussi à
unifier les traditions associées à Lagrange, Carnot et Fourier [Manville 1927,
p. 18-19, 66, 69, 75 et 90].
Dans les premières décennies du XXe siècle, se réalisa une sorte d’unification
entre la physique et la chimie au moyen d’une généralisation et d’une réinterprétation de la mécanique analytique. Le physicien et historien de la physique
René Dugas souligna le lien formel entre la physique quantique et la tradition
de la mécanique analytique. Il trouvait une analogie structurelle significative
entre la réinterprétation de l’approche de Lagrange qui avait été mise en avant
par Duhem, et la réinterprétation quantique du formalisme d’Hamilton :
« Dans l’arsenal des théorèmes de Lagrange, Hamilton, Jacobi, la physique
quantique a trouvé la base de départ dont elle avait besoin ; l’équation de
Jacobi, sous forme classique ou relativiste, domine la théorie des modèles
de Bohr ; l’équation de Schrödinger prolonge celle de Jacobi. Une nouvelle
preuve est apportée par la formulation de la mécanique quantique à l’aide
d’une extension des crochets de Poisson : une notation sans valeur intrinsèque de la mécanique analytique classique devenant, grâce à un postulat
restrictif sur la commutativité de la multiplication, un outil essentiel permettant d’écrire les équations du mouvement sans la connaissance préalable
de variables canoniques. »14
La tentative de Duhem de maîtriser la complexité reçut une mise en œuvre
efficace en 1947, dans l’essai de Prigogine Étude thermodynamique des phénomènes irréversibles. Après avoir souligné « les insuffisances de la thermodynamique classique », il déclara qu’une thermodynamique plus générale était
désormais nécessaire, afin de rendre compte de phénomènes irréversibles,
d’états loin de l’équilibre, et de systèmes ouverts. Prigogine a explicitement
reconnu le rôle joué par Duhem dans la mise en place d’une thermodynamique générale, bien que ses recherches « n’eurent que très peu de retentis14. Dugas 1937, p. 70.
566
revue des questions scientifiques
sement ». Duhem, « qui le premier réalisa l’importance de la chaleur non
compensée » de Clausius, avait offert le point de départ pour une thermodynamique en mesure de décrire les processus réels [Prigogine 1947, p. 1-5
et 95-9].
Après la deuxième guerre mondiale, la mémoire perdue de la physique
théorique de Duhem réapparu ici et là. En 1950, Dugas reconnut le rôle joué
par Duhem et Jouguet dans sa propre formation scientifique et éducation intellectuelle. Duhem avait développé la tradition de « la mécanique analytique de
Lagrange » par opposition à « la mécanique physique de Poisson ». Dugas voyait
en Duhem « une réaction contre les idées atomistiques et cartésiennes », et un
retour aux « principes les plus profonds des doctrines péripatéticiennes ». En
1956, aux États-Unis, le physicien chimiste Donald G. Miller mit en avant une
approche de la thermodynamique des processus irréversibles qui n’était pas si
différente de l’énergétique de Duhem, à part quelques naïves remarques sur la
dérivation des « axiomes » de l’expérience. Comme Prigogine l’avait fait quelques
années auparavant, Miller souligna le rôle joué par « la chaleur non compensée
de Clausius » [Dugas 1950, p. 442-3 ; Miller 1956, p. 433 note 1, p 434 et p. 436
(note 11 aussi)].
Simultanément, la conception d’une thermodynamique généralisée et
entièrement mathématisée avait été mise en œuvre par Clifford A. Truesdell.
Ensuite, dans la deuxième édition (1984) de son livre Rational Thermodynamics, il rappela aux lecteurs que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, certains
chercheurs avaient tenté de combler l’écart entre les deux traditions qui étaient
nées dans la première moitié du siècle : « la ligne de Fourier, qui a examiné la
dissipation sans travail », et « la ligne de Carnot, qui considérait le travail sans
dissipation ». Il remarqua que, même dans les premières décennies du XXe siècle,
la majorité des physiciens s’étaient bornés aux états d’équilibre : en conséquence,
la thermodynamique était « inapplicable à des processus naturels », à savoir les
phénomènes irréversibles. Ils n’avaient pas réussi « à atteindre la clarté, la netteté ou le niveau conceptuel maintenu cinquante ans avant par Duhem », qui
représentait une exception notable. Truesdell regrettait que « les travaux de
Duhem étaient tombés dans l’oubli général de la mécanique classique entre les
deux guerres », bien que « la plupart des travaux depuis 1960 » avaient suivi
« l’exemple de Duhem ». Il recommandait que « les recherches de Duhem fussent
étudiées jusqu’à ce que justice leur soit faite », et qualifia la préface de Duhem
dans son Traité d’ énergétique ou thermodynamique générale comme un « pro-
pierre duhem le physicien
567
gramme de la thermodynamique rationnelle moderne » [Truesdell 1984, p. 2,
7, 24-5, 38, 40-1 et 45].15
Ce que Truesdell appelait « thermodynamique des milieux continus modernes » se composait d’une « collection » de théories concernant les « matériaux
élastiques », les « matériaux visqueux », les « matières douées de mémoire »,
« mélanges », et ainsi de suite. Néanmoins, toutes ces branches de la physique
étaient basées sur le même principe, « l’inégalité de Clausius-Duhem ». Il soutenait que cette inégalité pouvait être appliquée au « mouvement en général »,
bien au-delà des états d’équilibre : nier ce fait voulait dire nier « qu’il puisse y
avoir quelque chose comme une thermodynamique des processus irréversibles »
[Truesdell 1984, p. 123 et 157].
Conclusion
Tant l’histoire de la science que l’histoire de la philosophie offrent des
souvenirs enfouis, à savoir des tendances conceptuelles qui émergent, subissent
quelques évolutions, puis disparaissent, mais réapparaissent ensuite avec,
semble-t-il, des caractéristiques différentes. Les historiens et philosophes des
sciences ont beaucoup débattu sur la relation entre les différentes évolutions
d’un même flux conceptuel. En particulier, ils ont discuté de la signification
d’une comparaison directe entre les développements qui ont eu lieu dans des
contextes et des temps différents. Dans cette conclusion, je ne voudrais pas
traiter cette question historiographique et épistémologique, mais seulement
souligner la fécondité de certains programmes de recherche que Duhem entreprit dans les dernières décennies du XIXe siècle.
La publication de La théorie physique, son objet, sa structure fit connaitre
Duhem comme un philosophe de la science. Dans les années suivantes, la
physique subit une transformation significative, et le domaine des phénomènes
microscopiques fut exploré au moyen de nouvelles hypothèses audacieuses, de
nouveaux modèles et de nouvelles théories. D’une certaine manière, ce fut un
processus d’élargissement de la mécanique au-delà de ses frontières traditionnelles, mais les hypothèses et les modèles microscopiques étaient placés à l’ex-
15. En 1964, Louis de Broglie souligna une analogie formelle fondamentale entre la Mécanique
analytique et la Thermodynamique [De Broglie 1964, p. 25 et 49].
568
revue des questions scientifiques
térieur de l’horizon théorique et métathéorique de Duhem. Ses recherches
controversées en physique théorique paraissaient définitivement oubliées.
Néanmoins, un demi-siècle après la mort de Duhem, la complexité du
monde physique commença à attirer des physiciens et des chimistes. Dans une
certaine mesure, les physiciens d’aujourd’hui pourraient considérer la recherche
de la fin du XIXe siècle d’une thermodynamique abstraite comme un ensemble
de connaissances qui ont seulement un intérêt historique. En réalité, cette
tendance théorique remonta à la surface dans la seconde moitié du XXe siècle,
et trouva de nouveaux développements dans le cadre de la thermodynamique
rationnelle et de la thermodynamique des processus irréversibles.
Remerciements
Je voudrais remercier Jean-François Stoffel pour m’avoir suggéré d’écrire
cet article pour la Revue des Questions Scientifiques, ce même journal qui, jadis,
avait accueilli les premiers articles fondamentaux de Duhem sur la philosophie
des sciences. Je lui exprime aussi ma reconnaissance pour sa lecture attentive
de ce texte en langue française.
pierre duhem le physicien
569
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