En quoi la bouée « Sentinelle des Glaces » peut-elle nous informer sur le réchauffement climatique ? Avancées scientifiques et réalisations techniques. SOMMAIRE : I) Présentation du projet II) Ukiuq : un outil pour mesurer la salinité de l’océan arctique III) Banquise arctique et salinité : en relation avec le climat Conclusion et perspectives Remerciements Bibliographie Annexes I) Présentation du projet Notre travail fait partie du projet Sentinelles des glaces réalisé en partenariat avec le CNES et l’Association Délires d’encre. Il prolonge notre travail réalisé en classe de seconde l’an dernier. Notre travail en accompagnement personnalisé et en atelier scientifique l’an dernier (classe de seconde) L’an dernier, ce projet avait permis la dépose sur la banquise polaire à l’Est du Groenland par l'explorateur Emmanuel Hussenet de deux bouées : une construite par les élèves du Lycée Roland Garros de Toulouse et la nôtre : Ukiuq du Lycée Pierre-Paul Riquet de Saint Orens. . - La bouée du Lycée Roland Garros contenait des « messages à la banquise » d’élèves des écoles de primaire. - La bouée Ukiuq de notre lycée a été construite grâce au programme éducatif du CNES : Argonautica. Nous l’avions équipée de différents capteurs (salinité, température et luminosité) sur une ligne de niveau à mettre dans l’eau, à 3, 6 et 12 mètres de profondeur. Pendant 11 jours, durant toute l'expédition d'Emmanuel Hussenet, nous avons ainsi pu l’an dernier recevoir les données émises par la bouée, transmises par satellite et tracer des graphiques de la luminosité, température et salinité . Ukiuq en place sur la banquise ! Position des différents capteurs d'Ukiuq Figure : Exemple de graphique obtenu (durée3 jours) Les capteurs de luminosité et de température avaient bien fonctionné, les variations obtenues montrent : -l’alternance du jour et de la nuit (la dépose était faite au printemps) pour la luminosité ; - une température extérieure (en bleue) plus froide que celle de l’eau et des températures à 3 et 6 mètres supérieures à celles à 12 mètres. Par contre les courbes concernant la salinité ne permettaient pas d’exploitation : les capteurs n’étaient pas étalonnés avec suffisamment de précision. En parallèle, les classes de primaire ont suivi la bouée du lycée Roland Garros qui contenait leurs dessins. Celle-ci a été placée sur de la banquise pluriannuelle et nous avons pu visualiser sur « Google Earth » sa dérive le long de la côte du Groenland en direction du sud grâce à la balise Argos. Au bout de quelques mois, la pile a cessé d’émettre et à l’heure qu’il est, la bouée doit continuer de naviguer mais dans l’eau : la banquise pluriannuelle a fondu… Cette aventure a même été suivie par la presse. Notre travail cette année en TPE Suite à cette première expédition réalisée au printemps 2011, nous avons décidé de travailler sur le réchauffement climatique, précisément sur les variations de la salinité en relation avec la fonte de la banquise pluriannuelle. Les capteurs de salinité de notre bouée océanographique Ukiuq ont été retravaillés et Ukiuq est repartie sur la banquise, à l’ouest cette fois-ci : dans le détroit de Jones, au sud de l’île d’Ellesmère, au nord du Canada. Elle a été mise en place le 11 mars à partir du voilier d'expédition polaire Le Vagabond par son capitaine Eric Brossier qui est ingénieur océanographe. Figure Le Vagabond Ci-dessous le mail d'Eric reçu le 11 mars 2012 : « Bonjour à toutes ! > J'espère que la liaison était bonne vendredi dernier, et que j'ai > répondu un peu aux attentes des élèves. > La bouée est arrivée le 8 mars à bord de Vagabond, après un long voyage > en compagnie de Jean Gaumy. Elle est en place sur la banquise depuis > aujourd'hui 11 mars 17h heure locale, à environ 300m à l'ouest du > bateau. J'ai refait le noeud qui attache le lest. Il a fallu mettre le tuyau dans l'eau pour le ramollir, > il était très raide avec le froid. Les aimants ont été retirés vers > 22h30 GMT. Dîtes-moi si vous recevez les données. A bientôt, Eric Brossier » Nous avons croisé les doigts ! mail reçu hier de Frédéric Bouchar, de la société Ténum « Bonjour, La bouée est parfaitement localisée ! Ci-joint l'affichage sur Google Earth ainsi que le fichier des positions. A++ Fred» ET voilà UKIUQ dans son milieu privilégié à nouveau ! Position d’Ukiuq (vue satellite) Le détroit de Jones Ukiuq va rester en place jusqu’à juin avant d’être à nouveau récupérée. Nous allons pouvoir exploiter les données émises par la bouée par les capteurs de température, de salinité et de luminosité et voir si cela nous en apprend plus sur la banquise et l’océan Arctique. En parallèle, plusieurs classes de primaire (6), une classe de collège et les 7 classes de seconde de notre lycée de l'option Méthode Pratiques Scientifiques travaillent sur l’arctique et se rencontrent! Cet environnement se modifie en effet très rapidement et l’objectif du projet « Sentinelles des Glaces » est de permettre de le découvrir tant que le réchauffement climatique ne l’a pas complètement modifié … II) Ukiuq : un outil pour mesurer la salinité de l’océan arctique Placée sur la banquise, Ukiuq est un outil pour nous permettre de mesurer certaines caractéristiques de l’océan Arctique à distance. Nous souhaitons pouvoir répondre à notre problématique de TPE :En quoi les capteurs de la bouée « Sentinelle des Glaces » peuvent-ils nous informer sur le réchauffement climatique ? 1) Ukiuq : connexions et câblages,système de télémesure Ukiuq, bouée construite dans le cadre d’Argonautica, possède une carte Héra à l’intérieur : La carte Héra à l'intèrieur d'Ukiuq Cette carte possède 8 voies reliées aux capteurs de la bouée: -Deux capteurs de salinité, situés à 3 et 6 mètres -Trois capteurs de température, situés à 3, 6 et 12 mètres et un dans la bouée -Deux capteurs de luminosité situés à 3 et 6 mètres et un à l'intérieur de la bouée. Figure Schéma des voies d'Héra La carte Héra permet de convertir les mesures de ces capteurs puis de les transmettre aux satellites à partir desquels on peut récupérer les données et les convertir pour les exploiter : Chaîne d'acquisition et de réception des données 2) Choix des capteurs Après l’expérience de l’an dernier, nous avons revu certains capteurs d’Ukiuq : - Le capteur de lumière permet simplement d'avoir une indication sur une baisse ou une augmentation de luminosité. (0 V-minimum et 5V maximum) - Pour les capteurs de température, notre travail a consisté à la recherche de la tension de mesure de sortie du capteur température et à déterminer la valeur de la résistance à ajouter. IMTw 7,5 V T° 1,5 V RTw RMTw VZ 5,1V VMTw Schéma du circuit électrique du capteur température. On a limité la tension entre 0 et 5 V (limite donné par le CAN de la balise Argos) La température de l’eau varie entre +10°C et -10°C La résistance de mesure CTN varie entre 19,8kW et 42,2kW ; Pour 10°C on veut au maximum une tension de sortie de +5V (limite donnée par le CAN de la balise ARGOS) . La tension est limitée aux deux extrêmes grâce à une diode zeener de 5,1V. - Le capteur de température est situé dans l’eau à 3m, 6m et 12m. Pour R=51,5kW et une température comprise entre -10°C et +10°C V varie entre 3,46 et 5V .Il faudra essayer par la suite d'élargir cette gamme (projet pour l'an prochain?) Le schéma électronique du capteur de salinité (annexe) a permis de faire le circuit imprimé correspondant, souder, faire les connexions (travail de groupe mené en accompagnement personnalisé l'an passé avec notre classe de seconde). Circuit imprimé terminé et le capteur de salinité, bien protégé dans de la résine 3) Etalonnage des capteurs : -Test sur l'émission d'une tension par les capteurs salinité de la bouée ; A partir de relevés envoyés par Eric Brossier donnant une indication sur la salinité dans la région de l'Arctique, nous avons étalonné les deux capteurs de salinité sur une gamme beaucoup plus large de 20 à 40 g/L (la salinité en Arctique est entre 30 et 40g/L avec des variations annuelles) à partir de 14 solutions de concentration en sel différente. Nous avons mis l'ensemble dans un congélateur pour mettre les capteurs dans les mêmes conditions qu'en Arctique et de manière à stabiliser la température. Nous avons fait un relevé de tensions pour chacune de ces solutions à l'aide du capteur salinité, à la température -5°C et -10°C. Tableaux de mesures et courbes d'étalonnage pour la salinité Nous remarquons que la mesure semble dépendre de la température également. Or la conductivité d'une solution dépend de la température, la problématique donc liée à l'interprétation de la salinité en lien avec la fonte des glaces dépend donc du capteur utilisé. Les données doivent donc être corrélées entre elles (température et salinité). -Test sur l'émission d'une tension par les capteurs température de la bouée Schéma du dispositif de test Nous avons placé au congélateur un des capteurs de température et à l'aide du logiciel d'acquisition DataStudio, nous avons mesuré la tension de sortie en fonction du temps. Nous avons débranché le congélateur de manière à obtenir la tension aux bornes du capteur au cours du temps et en fonction de la température. Pour cela, une sonde de température placée à l'intérieur du congélateur reliée à l'interface permet de mesurer la température en temps réel. Les résultats obtenus sont les suivants : Courbes d'étalonnage du capteur température On remarque que la tension mesurée est proportionnelle à la température. Lors de l'acquisition on peut remarquer un plateau sur la courbe de température en fonction du temps qui représente la fusion de la glace du congélateur, changement d'état physique de la glace en eau liquide à température constante (O°C). III) Banquise arctique et salinité : des indicateurs du climat L’arctique, situé autour du pôle Nord, présente une grande partie couverte d’eau : l’océan Arctique. Soumis au climat polaire, cet océan présente une partie gelée en permanence : la banquise pluriannuelle. L’étendue gelée augmente considérablement en hiver, en lien avec la nuit polaire hivernale, puis fond en été : il s’agit de banquise annuelle. Formée d’eau de mer qui gèle, la banquise libère du sel en se formant. Au contraire, lorsqu‘elle fond, c’est de l’eau douce (ou presque) qui s’ajoute à l’eau de mer. La banquise pluriannuelle, qui s’est formée au cours des temps est ainsi comme un grand réservoir d’eau peu salée à la surface de l’eau liquide. 1) Salinité de l’eau de mer et banquise Nous avons fait une expérience modélisant la variation de la salinité dans l’eau de mer quand des glaces fondent : A l'aide d'un conductimètre nous avons mesuré la conductivité des différents volumes d'eau restés liquides, à la même température (température ambiante après stabilisation). En effet nous savons que la conductivité d'une solution ionique dépend de la température, il faut donc que la température soit la même dans chaque bêcher. Résultats : Analyse : On remarque que la conductivité diminue lorsque le volume de glace diminue dans un volume initial identique. Puisque la conductivité est une fonction de la concentration en sel, cela montre que la salinité varie lors de la fonte des glaces : la salinité de l'eau liquide contenue dans le bêcher diminue quand l'eau solide fond. Cette expérience montre bien que si la banquise fond, alors la salinité de l’eau liquide diminue. 2) Les apports des mesures de salinité réalisées l’an dernier Les courbes obtenues pendant les premiers jours de l'expédition d'Emmanuel Hussenet l’an dernier nous ont fourni certains renseignements. Pendant les jours 2 et 3 de l’expédition, on remarque que les deux courbes (salinité à 3 et à 6 mètres de profondeur) sont différenciées et on voit que la salinité à 6m est plus élevée qu'à 3 mètres de profondeur. L'écart est tout de même significatif : la salinité est plus importante en profondeur, ce qui pourrait indiquer une fonte avec libération d’eau douce en surface…. Comme la température varie aussi avec la profondeur, peut-être est-il encore difficile d'interpréter ces résultats en donnant des mesures précises de salinité. Il faudra corréler ces résultats avec les autres mesures et Eric Brossier nous envoie depuis le mois de mars un relevé mensuel des mesures de salinité ce qui nous permettra de comparer les mesures et de vérifier si elles ont cohérentes entre elles.. Pour la période du 5 au 6 avril on remarque que les deux courbes se rejoignent sans pouvoir donner une interprétation directe. Par la suite, nous avons vu que les capteurs de salinité s’étaient un peu oxydés… On notera que les pics de minima représentent des valeurs aberrantes que l’on pourrait exclure qui sont dues soit aux capteurs de salinité soit à l'acquisition par satellite. 3) Conséquences de la variation de salinité des eaux sur le climat Si la température (et donc le climat) provoquent une fonte de la banquise, la fonte de la banquise a elle aussi un impact sur le climat : en libérant de l’eau quasiment douce dans l’océan, la fonte modifie leur densité. En effet la densité de l’eau est fonction (entre autre) de sa salinité. Une expérience permet de le mettre en évidence : Nous avons rempli deux béchers, l'un contenant de l'eau du robinet et l'autre de l'eau salée jusqu'à saturation où nous avons ajouté un colorant bleu. Nous avons versé les deux solutions dans le « système » et observé les résultats. Début de l'expérience Fin de l'expérience Dispositif expérimental Observations : On observe des mouvements d’eau d’un tube à l’autre, jusqu’à stabilisation finale avec l’eau colorée (salée) en bas et l’eau douce en haut. Analyse : En effet, la différence de salinité entre les deux eaux a provoqué des mouvements d’un tube à l’eau. Cette circulation s’est arrêtée quand les eaux denses sont progressivement tombées au fond et les eaux douces au-dessus. Les eaux salées sont plus denses que les eaux douces. Cette modélisation permet de comprendre ce qui se passe lorsque la banquise se forme ou lorsqu’elle fond : modélisation Quand la banquise se forme : expulsion de sel, l’eau de surface, très salée et donc très dense, se met en mouvement vers le bas. Quand la banquise fond : de l’eau douce est libérée, cette eau, peu dense, reste en surface, il n’y a pas de mouvement vers le bas. Avec le réchauffement climatique, et fonte de la banquise, on a libération d’eau douce, c’est donc ce dernier cas qui se développe. Début VV)C Cela peut modifier la circulation générale océanique qui existe depuis très longtemps : aux pôles, la formation de banquise et la température très basse permettait l’existence d’eaux très salées et très froides en surface. Ces eaux, très denses, plongent en profondeur et permettent l’existence d’une circulation océanique à l’échelle du globe, nommée circulation thermohaline. Circulation thermohaline (source : wikipédia) Cette circulation en profondeur entraîne l’existence de courants chauds en surface. Ces courants, transportant de l’énergie, ont un impact sur les climats continentaux. En modifiant la salinité des eaux de l’arctique, la fonte de la banquise pluriannuelle peut provoquer une modification (et un arrêt ?) de cette circulation thermo haline générale et avoir des conséquences sur le climat de la Terre. Conclusion et perspectives La bouée Sentinelles des glaces Ukiuq, placée sur la banquise Arctique va nous donner des mesures pendant plusieurs mois de la zone la plus visiblement concernée par le réchauffement climatique : la banquise. Grace aux capteurs, on va enregistrer les valeurs de la salinité et de la température sous la banquise pluriannuelle. Ces valeurs varient en fonction des saisons mais aussi du réchauffement climatique. Si on peut faire un constat de la fonte des glaces par l’observation satellite, les mesures sur place réalisées par Ukiuq, avec sa ligne de niveau et ses capteurs pourront-elles nous en apprendre plus ? Nous espérons ce printemps avoir des mesures précises et pouvoir mesurer ainsi le gradient de salinité pendant tout le début du printemps lors de la fonte des glaces et corréler ces mesures celles d'Eric Brossier à bord du Vagabond. La comparaison avec des mesures effectuées d’autres années par les scientifiques pourra nous permettre de voir si cette fonte s’accélère, ce qui pourra être relié au réchauffement climatique. On peut aussi rêver que la bouée repartira vers l'Arctique l'an prochain et ainsi faire d'autres mesures.... Ce que nous a apporté ce projet : A travers ce projet « Sentinelles des Glaces », nous avons découvert une organisation étonnante, notamment au niveau professionnel, avec le mélange de plusieurs corps de métiers différents qui travaillent ensemble. Cela nous permet d’avancer dans notre avenir, en découvrant des métiers axés sur les sciences. Ainsi, chacune de nous peut envisager un métier dans le domaine scientifique, car nous avons des exemples précis. Aussi, ce projet nous permet de développer notre facilité à faire des exposés oraux, ce qui nous servira plus tard, lors d’entretien d’embauches par exemple. Un vrai travail de communication a été fait : nous avons également voulu communiquer notre travail avec Ukiuq pour faire découvrir à d’autres élèves cet environnement arctique et le problème du réchauffement climatique. Nous sommes allées au collège (Castanet) et vers des primaires, écoles dans lesquelles nous-mêmes avons été plus petites...C'était des échanges vraiment intéressants et enrichissants. Carla, Chloé et Camille, élèves de Première au lycée Pierre Paul RIQUET à SaintOrens de Gameville Remerciements -Danielle de Staerke, le service éducatif du CNES -Nathalie Briand -Muriel de grenier Clémendot -l'association Délires d'Encre Maison Municipale 5, rue de la Croix Rose 31670 LABEGE -la société Ténum -La société CLS -Emmanuel Hussenet et les Robinsons des glaces -Eric Brossier et sa famille -les enseignantes des écoles primaires -Mme Pinaud enseignante au collège Castanet et l'equipe éducative du lycée Pierre-Paul Riquet, enseignants, administratifs et assistants de laboratoire qui ont contribué à l'élaboration de ce projet Dessin : classe de CM1 et CM2 de Clermont le Fort Sites : http://www.kikiwi.fr/index.php?page=projets-argos http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/densite/ http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/chimie-2/d/salinite_4406/ http://seidbep.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=4&Itemid=4 http://www.lesrobinsonsdesglaces.org/sentinelles/ vagabond.fr http://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_thermohaline Schéma électronique du conductimètre