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LE NATURALISTE CANADIEN, 134 NO 1 hiver 2010
ENTOMOLOGIE
système canadien d’information sur la biodiversité
Figure 3. Le bleu porte-queue de l’Est, espèce rare
au Québec. À gauche, un mâle ; à droite,
une femelle.
Approche comparative
Dans un premier temps, la liste des espèces poten-
tiellement présentes sur le mont Royal a été dressée d’après
la répartition géographique des espèces au Québec ainsi
que des conditions écologiques prévalant sur le site d’étude.
Parmi les 126 espèces de papillons diurnes considérées for-
mellement présentes au Québec, 61 ne pouvaient théorique-
ment pas se trouver dans les herbaçaies et les forêts feuillues
du mont Royal. En effet, 26 espèces sont strictement nordi-
ques et ne sont pas connues de la grande région de Montréal.
Les 35 autres espèces sont inféodées aux tourbières, aux prés
marécageux, et aux forêts résineuses (pinèdes et pessières),
dont ce flanc du mont Royal et les alentours sont dépourvus.
Ainsi, 65 espèces furent considérées comme potentiellement
présentes dans l’aire d’étude (Annexe A). Dans un deuxième
temps, les espèces connues du mont Saint-Hilaire (Hand-
field et collab., 1999 ; Forrest, 2001), une colline semblable,
relativement proche du mont Royal, ont été relevées parmi
les espèces potentiellement présentes dans l’aire d’étude.
Ces deux listes d’espèces ont servi d’élément de comparai-
son pour évaluer les effets du contexte urbain sur la com-
munauté de papillons du mont Royal. Les proportions des
espèces oligophages-polyphages, du mont Royal et du mont
Saint-Hilaire, ont été respectivement comparées avec celles
des espèces potentiellement présentes (distributions théori-
ques) à l’aide de test de χ2 de conformité. Les proportions des
espèces indigènes-exotiques et celles des espèces résidantes-
migratrices ont aussi été comparées avec celles des espèces
potentiellement présentes, mais un test exact de Fisher a été
utilisé parce que l’effectif de certains groupes était inférieur à
cinq. Tous les tests statistiques ont été effectués avec le progi-
ciel R version 2.7.2 (R Development Core Team, 2008).
Résultats
Description de la communauté
de papillons
Les 28 espèces inventoriées sur le site d’étude sont
connues du sud du Québec. Presque toutes sont communes
à l’échelle régionale, mise à part le bleu porte-queue de l’Est
(Everes comyntas) (figure 3) qui est une espèce considérée
comme rare au Québec (Handfield et collab., 1999). Cette
dernière, qui est commune aux États-Unis, mais qui atteint
sa limite septentrionale de distribution au sud du Québec, a
déjà été mentionnée à l’extrême ouest de l’île de Montréal. Il
s’agit d’une des 15 nouvelles mentions de papillons pour le
mont Royal (en se basant sur les listes de localités par espèce
de l’ouvrage d’Handfield et collab., 1999).
À l’échelle du site, les espèces inventoriées (tableau 1)
présentent des populations de tailles variables. Les dix espè-
ces dominantes en termes d’abondance relative sont : l’hes-
périe à taches argentées (Epargyreus clarus), l’hespérie des
graminées (Thymelicus lineola), l’hespérie rurale (Euphyes
vestris), la piéride du chou (Pieris rapae), le coliade du trèfle
(Colias philodice), le porte-queue du chêne (Satyrium cala-
nus), le bleu porte-queue de l’Est (Everes comyntas), l’azur
printanier (Complexe Celastrina), le croissant nordique
(Phyciodes cocyta) et le satyre perlé (Enodia anthedon). Sept
autres espèces, occasionnellement observées, peuvent être
qualifiées d’espèces secondaires du fait que les colonies sem-
blent installées, ou tout du moins qu’elles fréquentent régu-
lièrement ce milieu. Les 11 dernières espèces, avec moins de
cinq spécimens récoltés, furent considérées comme rares sur
le site, soit que leurs populations aient été très petites, soit
que les individus n’avaient fait que fourrager aléatoirement
dans ce milieu.
Parmi les 65 espèces de la région potentiellement pré-
sentes dans les habitats naturels et semi-naturels du campus,
28 (43 %) ont été observées contre 49 (75 %) connues au
mont Saint-Hilaire (tableau 2).
Par rapport à la liste des espèces potentiellement pré-
sentes sur le campus, la proportion d’espèces indigènes-exo-
tiques n’était pas déséquilibrée pour les papillons réellement
présents sur le campus (Test exact de Fisher ; p = 0,693) ni
pour les papillons connus du mont Saint-Hilaire (Test exact
de Fisher ; p = 0,999). La proportion d’espèces oligopha-
ges-polyphages réellement présentes sur le campus était
significativement déséquilibrée en faveur des espèces poly-
phages (χ2 = 5,1 ; df = 1 ; p = 0,023) par rapport à la propor-
tion théorique alors que celle du mont Saint-Hilaire ne l’était
pas (χ2 = 2,1 ; df = 1 ; p = 0,148). La proportion des espè-
ces résidantes-migratrices n’était ni déséquilibrée pour la
communauté de papillons du campus (Test exact de Fisher ;
p = 0,999), ni pour celle du mont Saint-Hilaire (Test exact de
Fisher ; p = 0,774), par rapport à la proportion théorique.
Discussion
Richesse de la communauté
En considérant exclusivement les espèces poten-
tiellement présentes sur le site d’étude, la communauté de
papillons inventoriée sur le mont Royal (28 parmi les 65 espè-
ces potentielles) est moins riche que celle connue du mont
Saint-Hilaire (49 parmi les 65 espèces potentielles). Toute-
fois, cette différence ne peut être attribuée uniquement à l’ur-
banisation sachant que seulement une quinzaine d’hectares
du mont Royal a été inventorié pendant deux ans alors que
le mont Saint-Hilaire couvre plusieurs dizaines d’hectares et
qu’il est depuis longtemps visité par des entomologistes. Un
travail d’inventaire pour les deux sites, qui standardise l’effet
de la superficie d’échantillonnage, permettrait d’évaluer plus
précisément l’impact de l’urbanisation sur la richesse des
communautés dans le contexte du grand Montréal. Même