Conférence Alès du 3 février 2011
Protestants et catholiques face au tyrannicide
C’est toujours avec un grand plaisir que je me retrouve parmi vous. Cependant,
ce soir, je vais aborder un sujet à la fois difficile et sanglant ! Qu’est-ce que le
tyrannicide ? cet acte de violence fondamentale qui s’en prend au mauvais
prince, celui qui ne gouverne plus pour le bien commun, a paradoxalement été
longuement justifié. Parmi les justifications, celles qui relèvent de la religion
sont les plus fréquentes et les mieux élaborées. On peut se révolter contre, et
même tuer, le roi hérétique. Mais qui des catholiques ou des protestants a le
plus souvent justifié le tyrannicide ?1 Parce que, en France, les protestants au
cours du XIXè siècle ont épousé la République, une histoire volontiers
rétrospective les a transformés en critiques de toujours de la monarchie :
“ monarchomaques ” dès le XVIè siècle, régicides patentés avec Cromwell2.
Une vulgate historiographique s’est peu à peu imposée selon laquelle, horrifiés
par la Saint-Barthelémy, les protestants survivants auraient élaboré de Genève
ou d’autres terres d’exil une doctrine monarchomaque, abandonnée à partir de
1584, quand la disparition du dernier frère d’Henri III, par les charmes de la loi
salique transformait le chef huguenot Henri de Navarre en héritier légitime de la
couronne des lys3. Cet épisode, pourtant très bref, campe les huguenots dans un
rôle de défenseurs des droits des minorités, et les transforme en inventeurs du
droit de résistance. Les grands moments de l’histoire protestante seraient du
côté de la protestation contre la monarchie persécutrice de la Saint-Barthélemy
à la Révocation de l’édit de Nantes.
1 Nous reprenons ici des éléments d’un article « La justification catholique du tyrannicide », Parlement(s), Revue
d’histoire politique, 2010, Hors-série N°6, Clergé et politique en France, p.107-117.
2 Elisabeth Labrousse a été l’une des premières à rompre avec cette histoire sainte en constatant le caractère
conservateur de la pensée de Pierre Bayle et en montrant combien de 1598 à 1685 les protestants français ont été
de fidèles adeptes de la monarchie absolue, Bernard Cottret, 1598, L’Edit de Nantes, Paris, 1997, p. 333 et
suivantes.
3 Dans ce schéma la monarchomaquie est toute protestante, celle des princes protestants contre Charles-Quint,
des protestants anglais contre Marie Tudor, des presbytériens écossais contre Marie Stuart, puis des calvinistes
contre la monarchie française.