A quoi mène le pompage optique des molécules? Jacques Vigué Laboratoire Collisions Agrégats Réactivité, IRSAMC Université de Toulouse UPS et CNRS UMR 5589 Pompage optique de l’iode moléculaire au laboratoire de Spectroscopie Hertzienne de l’ENS (1970-1978) Deux résultats obtenus par l’équipe de Michel Broyer à Lyon Les expériences d’interférométrie atomique de mon équipe à Toulouse Pompage optique de l’iode moléculaire au laboratoire de Spectroscopie Hertzienne de l’ENS (1970-1978) Alfred Kastler Jean Brossel Le montage expérimental Le montage expérimental la fluorescence de la vapeur d’iode excitée par laser Les résultats: effet « Hanle » = dépolarisation de la fluorescence par un champ magnétique mesure du produit gJ τ du facteur de Landé gJ de l’état excité par sa durée de vie τ excitation laser à 501.7 nm état B v = 62 J = 27 excitation laser à 514.5 nm états B v= 43, J=12 et 16 Résultats très préliminaires... rapide variation du magnétisme et/ou de la durée de vie avec les niveaux de l’état B Notre premier congrès, EGAS (European Group of Atomic Spectroscopy) à Amsterdam en Juillet 1972, nous présentons nos résultats concernant l’effet « Hanle » de plusieurs niveaux de l’état B de la molécule d’iode « une molécule diatomique, c’est un atome avec un noyau de trop » W. Hanle (président de séance) La publication de l’effet Hanle date de 1923 (Naturwiss. Vol 11 p 691) Son commentaire : « My effect in your experiments is very nice! » Copenhague 1973 Jean-Claude Gay Gilbert Grynberg Bernard Cagnac Marc Chenevier Jean-Claude Lehmann Michel Broyer Gérard Meunier Lucile Julien Deux personnes qui nous ont beaucoup aidés durant nos thèses F.W. (Bill) Dalby, University of British Columbia (Canada). Il a passé deux années sabbatiques au laboratoire de Spectro Hertzienne de l’ENS en 71-72 et en 77-78. Il a fait divers séjours à Lyon et à Toulouse. Jean-Pierre Descoubes, professeur (Université Paris 6). Il nous a très fortement aidé, en particulier pour les calculs de couplages de moments cinétiques. Le pompage optique de l’état B de l’iode moléculaire forme le sujet de nos thèses de 3ème cycle soutenues en 1973 et en 1974 de nos thèses d’Etat soutenues en 1977 et en 1978. et d’environ 25 d’articles publiés entre 1971 et 1981. Expériences très variées: effet Hanle, résonances en lumière modulée mesures des facteurs de Landé des sous-niveaux hyperfins utilisation des lasers accordables étude d’environ 300 niveaux de l’état B laser en impulsions nanoseconde mesures de durée de vie laser continu monofréquence mesures des variations du rendement quantique de fluorescence par application d’un champ magnétique ou en fonction du sous-niveau hyperfin sur un jet moléculaire pour éliminer l’effet Doppler. Les interprétations de nos expériences et de celles d’autres équipes ont nécessité de gros calculs de couplages de moments cinétiques L, S, R, J, I1 et I2, I, F. Calcul relativiste de I2 C. Teichteil et M. Pélissier Chem. Phys. 180, 1 (1994) Violations de l’approximation de Born-Oppenheimer L’effet Zeeman H = - gJ µNH JZ -gI(1- σE) µNH IZ le facteur de Landé de rotation gJ varie très vite avec le niveau de vibration le facteur de Landé nucléaire gI = 1.12 est corrigé par l’effet du déplacement chimique gI(1- σE) ≈ 20 pour le niveau v = 70 Tous ces résultats s’expliquent très bien par un calcul de perturbation où l’état B 0+u est couplé par le Hamiltonien de Coriolis, le Hamiltonien hyperfin et le Hamiltonien Zeeman aux états électroniques (un état 0+u et deux états 1u) partageant la même limite de dissociation. Ce calcul décrit aussi le Hamiltonien hyperfin: les termes d’interaction spin-spin proviennent des couplages de l’état B 0+u vers ces mêmes états (un état 0+u et deux états 1u ) mais aussi vers des états de symétrie 0-g et 1g : mise en évidence de la brisure de symétrie u-g Comparaison théorie-expérience la constante C (kHz) du terme hyperfin d’interaction spin-rotation CI.J le déplacement chimique - gI σE du facteur de Landé nucléaire le facteur de Landé de rotation gJ Tracés logarithmiques; en abscisses, la distance en cm-1 du niveau à la limite de dissociation de l’état B. La théorie ne comporte aucun paramètre ajustable. Durée de vie de l’état B0+u : prédissociation et émission radiative Prédissociation naturelle due au couplage de Coriolis vers l’état 1Πu B’’ 1u Prédissociation en présence d’un champ magnétique due au couplage Zeeman vers l’état 3Π B’ 0−u (Van Vleck 1932) La prédissociation naturelle est due au couplage de Coriolis et au couplage hyperfin. Les 3 couplages (Coriolis; hyperfin et Zeeman) interfèrent, ce qui prouve que le même état électronique 1Πu est responsable des 3 effets de prédissociation. A cause des effets d’interférences, le champ magnétique allonge ou raccourcit la durée de vie des sous-niveaux en fonction du sens de rotation de la molécule. La durée de vie radiative croît rapidement près de la limite de dissociation. Deux résultats obtenus par l’équipe de Michel Broyer à Lyon Les états de Rydberg de Na2 Les supercouches dans les agrégats de Gallium Les états de Rydberg de Na2 Le spectre complexe se simplifie dans certaines zones... pourquoi? Stroboscopie du mouvement du « noyau » Na2+ par l’électron Le spectre se simplifie chaque fois que la période du mouvement de l’électron est un multiple de la demi-période du mouvement du noyau Na2+ Spectre théorique (calcul MQDT: Multichannel Quantum Defect Theory Spectre expérimental Les supercouches dans les agrégats de Gallium En 1972, Balian et Bloch montrent que la densité d’états quantiques dans un objet sphérique présente des oscillations dont les périodes sont reliées aux trajectoires classiques fermées. Les battements entre les oscillations de périodes voisines sont appelées « supercouches ». Ces effets sont mis en évidence sur les agrégats d’alcalins (sodium, lithium) en particulier par l’équipe de C. Bréchignac à Orsay jusque vers N = 2500 électrons de valence. Pour étudier un système avec N plus élevé, il faut utiliser un atome trivalent l’aluminium mais les agrégats sont solides et les effets observés sont liés à la croissance avec des facettes le gallium permet d’observer des agrégats sphériques avec N =15 000 électrons Spectre théorique Spectres expérimentaux Ne1/3 La spectroscopie laser renseigne sur les propriétés d’un petit système quantique contenant 15 000 électrons! Les expériences d’interférométrie atomique de mon équipe à Toulouse Les ondes de matière De Broglie (1924): les particules matérielles sont décrites par une onde de longueur d’onde λdB = h / (m v) m masse et v vitesse de la particule Louis de Broglie atome de lithium à v = 1000 m/s λdB = 60 picomètres pas de bons miroirs ou de séparatrices pour ces ondes atomiques Les atomes interagissent fortement avec les champs électromagnétiques. Diffraction de l’atome de sodium par un nanoréseau de période a =100 nm 2 µm v = 1000 m/s λdB = 17 pm angle entre faisceaux diffractés: θ = λdB/ a = 170 μrad nano-réseau θ θ θ θ détecteur θ θ (expériences de l’équipe de D. Pritchard au MIT) Diffraction d’atomes par une onde stationnaire laser dans le régime de Bragg onde atomique incidente impulsion p kL θ -kL p + 2ћkL ћkL ћkL p L’atome absorbe un photon allant dans un sens et en réémet un autre en sens opposé par émission stimulée. Cas du lithium à v = 1000 m/s: λdB = 54 pm; λL = 671 nm, θ = 2λdB/ λL = 160 μrad e ω0 ωL f Probabilité de diffraction Notre interféromètre atomique de Mach-Zehnder sortie 2 x Jet de lithium sortie 1 détecteur 600 mm 600 mm Angle de diffraction =160 μrad, distance entre ondes stationnaires = 600 mm distance maximale entre les chemins = 100 micromètres. Chaque atome passe à la fois par le chemin bleu et le chemin vert pour aller de la source au détecteur. Balayage des franges x faisceau diffracté au 1er ordre λ ϕ = 2 kL(x1 + x3- 2x2) Une phase indépendante de la longueur d’onde des atomes Signaux de notre interféromètre atomique détecteur à fil chaud ionisation des atomes multiplicateur d’électrons chaque atome détecté donne une impulsion électrique compteur d’impulsions Ce signal permet de mesurer la phase des franges à ± 15 milliradians en 1 seconde. Application à la mesure de la polarisabilité électrique Un champ électrique E polarise un atome dipôle d = 4πε0α E énergie de polarisabilité U = - 2πε0α E2 énergie potentielle pour l’atome. L’atome est accéléré quand il rentre dans le champ électrique et freiné quand il en sort modification de la longueur d’onde λdB = h / (m v) production d’un déphasage ϕpol ϕpol varie comme 1/v où v est la vitesse de l’atome caractéristique des déphasages dynamiques. Mesure de la polarisabilité électrique α du lithium on applique un champ électrique sur un seul des bras de l’interféromètre atomique déphasage du signal de franges égal à ϕpol Jet de lithium V=0 détecteur V=V0 V=0 V=0 V=0 50 mm Champ électrique produit par le condensateur Les deux bras de l’interféromètre séparés d’environ 100 micromètres « Septum » : feuille mince (quelques micromètres d’épaisseur) tendue et placée entre les deux bras de l’interféromètre Mesure de la polarisabilité électrique α du lithium Déphasage ϕpol induit par le champ électrique Extrême sensibilité de cette mesure Déphasage minimum détectable ϕmin ≈ 10 milliradians ≈ 2π/600 Décalage des fronts d’onde correspondant λdB/600 ≈ 10-13 mètre! Différence relative de vitesse ∆v/v ≈ 2 10-12 Notre mesure α = 164.2 1.1 u.a. Valeur théorique α = 164.112 5 0.000 5 u.a. Mesures de phases géométriques La phase d’Aharonov-Bohm (1959) I Le champ magnétique B est nul sur les trajets ACF et ABF suivis par l’électron. la force de Lorentz est donc nulle mais les ondes passant par B et par C sont déphasées Cette phase est une phase géométrique : - détectable seulement par interférométrie, - indépendante du module de la vitesse v de l’électron - change de signe avec le sens de propagation. Généralisations de la phase géométrique d’Aharonov-Bohm Aharonov-Bohm(1959) Aharonov-Casher (1984) E µ µ µ e e µ e e E µ E↔B e↔g charge électrique et magnétique e µ Dualité de Maxwell µ↔d He-McKellar-Wilkens 1993 phase duale d’Aharonov-Bohm B d d d d g d g B g g g d dipôles magnétique et électrique Première détection de la phase He-McKellar-Wilkens B d d g B g g d B g d E Bras de l’interféromètre I d E Bras de l’interféromètre 48 mm E (V/m ) = 900 V B (T) = 5.6 ×10-4 I ϕHMW (rad) = 1.28 × 10-6 VI Vmax = 800 V et Imax= 40 A ϕHMW ≈ = 41 mrad soit 6 millièmes de frange d’interférences! Dérive de phase ≈100 mrad en 10 minutes, pas exactement linéaire en temps Mesures simultanées des différentes configurations de champ au cours d’un balayage de franges de durée voisine de 20 secondes 10 5 10 (0,0) 5 10 (V,0) atom counts 5 10 (V,I) 5 10 (0,I) 5 10 5 (-V,I) 10 5 0 -6 (-V,0) -4 -2 0 2 4 Optical Michelson's phase (rad) 6 Incertitude sur environ 30 mrad après un balayage moyenne sur 100 balayages ϕHMW (V,I) en fonction du produit VI Vitesse moyenne du jet de lithium vm= 1062±20 m/s (gaz porteur argon) pente mesurée ϕHMW(V,I) /VI = -(1.315±0.071) × 10-6 rad/VA pente attendue ϕHMW (V,I) /VI = -(1.28±0.03) × 10-6 rad/VA Caractère géométrique de la phase He-McKellar-Wilkens 3 mesures pour vm= 744 m/s, vm= 1062 m/s et vm= 1520 m/s variations attendues si ϕHMW ∝ 1/vα α = 0 : phase géométrique α = 1 : phase dynamique α = 2 : phase inertielle Conclusion : la mécanique quantique permet d’aller d’un point à un autre par 2 chemins différents. Charles Addams, 1940, 1968, The New Yorker Magazine. Inc. cité par A.G. Klein dans Physica 137B (1986) p230-234 Conclusion : la mécanique quantique permet d’aller d’un point à un autre par 2 chemins différents. Cette possibilité est à la base des mesures par interférométrie des ondes de matière. L’interférométrie atomique permet de faire des mesures extrêmement sensibles tests de physique fondamentale, applications pratiques (mesure de l’accélération de la pesanteur g, navigation inertielle et gyros). Notre équipe Gérard Trénec Jonathan Gillot Alexandre Gauguet Steven Lepoutre Post-doc à Palaiseau Gilles Dolfo Matthias Büchner Boris Decamps A quoi mène le pompage optique des molécules? Message de Bill Dalby Dear Michel, ... I have such wonderful memories of working with you in your lab in Lyon on interesting problems. Perhaps my most vivid memory is of the quality and enthusiasm and atmosphere of your lab -- it's unforgettable. .... With love. Bill