130 | La Lettre du Neurologue Vol. XII - n° 5 - mai 2008
MISE AU POINT
La stimulation du nerf vague
dans le traitement
des épilepsies pharmaco-
résistantes de l’adulte
Vagus nerve stimulation and refractory epilepsies
E. Landré*
* Service de neurochirurgie, hôpital
Sainte-Anne, Paris.
Principes
La stimulation du nerf vague (SNV) consiste à
délivrer une stimulation électrique intermittente
(30 secondes toutes les 5 minutes) sur le trajet
cervical du nerf vague. Son mécanisme d’action
est inconnu. Cependant, l’anatomie du nerf vague
ainsi que les données issues des expérimentations
menées chez l’animal et des explorations en imagerie
fonctionnelle chez l’homme permettent d’évoquer
plusieurs hypothèses : inhibition du noyau du tractus
solitaire, effet sur le locus coeruleus, désynchronisa-
tion de l’activité électrique cérébrale, modification
de l’activité synaptique dans le thalamus. La mise
en place du générateur sous la peau (sous la clavi-
cule gauche ou près de l’aisselle) et de l’électrode
sur le trajet du nerf (figure, p. 132) s’effectue au
cours d’une procédure chirurgicale de courte durée
(45 minutes), sous anesthésie générale et dans le
cadre d’une hospitalisation de moins d’une semaine.
La stimulation est mise en route environ 8 jours après
l’intervention. Il s’agit d’une stimulation à 30 Hz,
la durée de choc étant de 500 μs. L’intensité de la
stimulation est réglée par paliers de 0,25 mA tous
les 15 jours, pour atteindre 1,5 à 2 mA en moyenne
en fonction de l’efficacité et de la tolérance. En
passant rapidement un aimant devant le générateur,
le patient (ou son entourage) a la possibilité de lancer
une impulsion supplémentaire s qu’il sent venir une
crise. Ainsi, la crise peut être bloquée, ou la durée de
la phase postcritique réduite. La fixation de l’aimant
sur le générateur permet d’arrêter transitoirement la
stimulation en cas, par exemple, d’effets secondaires
gênants durant certaines activités.
Indications dans le traitement
de l’épilepsie
Depuis 1988, la SNV est utilisée comme adjuvant des
dicaments antpileptiques (MAE) pour les patients
présentant une épilepsie réfractaire, chez lesquels une
chirurgie d’exérèse a été exclue du fait du caractère non
focal de leur épilepsie ou du risque fonctionnel majeur
qu’une exérèse corticale impliquerait. Dès 1994, le
dispositif de stimulation Neurocyberonics Prosthesis
a obtenu le marquage CE pour le traitement, en adju-
vant des MAE, des patients présentant une épilepsie
pharmacorésistante. Trois années plus tard, la United
States Food and Drug Administration a approuvé à son
tour ce dispositif comme traitement symptomatique
adjuvant de l’adulte et de l’enfant de plus de 12 ans
présentant des crises partielles pharmacorésistantes.
Depuis, plus de 65 000 patients épileptiques à travers le
monde ont pu néficier de cette approche thérapeu-
tique. En France, à partir de 1995 et pendant 10 ans, ce
dispositif a été distribué (au prix de 9 500 euros, pour
une autonomie limitée de 8 à 12 ans) dans le secteur
public uniquement, dans le cadre du budget global des
établissements hospitaliers, avec comme indication
l’épilepsie partielle ou ralisée pharmacosistante
non chirurgicale de l’enfant et de l’adulte. La confé-
rence de consensus organisée en 2004 par l’Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
et portant sur le traitement des épilepsies partielles
pharmacorésistantes a reconnu la SNV comme trai-
tement adjuvant des épilepsies partielles pharmaco-
sistantes pour lesquelles une chirurgie d’exérèse est
exclue (1). En France, plus de 800 patients souffrant
d’une épilepsie (répartis dans 40 centres) ont néficié
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Points forts
La stimulation du nerf vague (SNV) est efficace et bien tolérée comme adjuvant des médicaments dans les épilepsies
pharmacorésistantes pour lesquelles une chirurgie d’exérèse est exclue.
Après 2 ans de traitement, on observe une réduction moyenne de la fréquence des crises de 40 % et, pour un patient
sur deux, la fréquence des crises diminue d’au moins 50 %.
Une amélioration de la qualité de vie est rapportée par les patients traités par VNS, même en l’absence d’une réduc-
tion significative de la fréquence des crises.
La VNS a un impact économique favorable sur la prise en charge globale des épilepsies pharmacorésistantes.
En 2008, plus de 65 000 patients épileptiques à travers le monde (plus de 800 en France) bénéficient d’un
traitement par VNS.
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Mots-clés
Stimulation du nerf vague
Épilepsie
Pharmacorésistance
Qualité de vie
Summary
Vagus nervus stimulation (VNS)
is effective and well tolerated as
an add-on therapy in patients
with refractory epilepsy. After
2 years of treatment, patients
had a 40% reduction in seizure
frequency. In 50% of patients,
the frequency of seizures even
decreased by 50%. Moreover,
even without significant seizure
reduction, patients reported
improvement in their quality
of life. VNS also has a favour-
able economic impact in the
management of refractory
epilepsy. Since 1988, 35,000
patients with refractory epilepsy
have been treated by VNS
worldwide (800 in France).
Keywords
Vagus nervus stimulation
Epilepsy
Refractory
Quality of life
de ce traitement depuis 1996. Depuis juillet 2005, le
dispositif est pris en charge par la Sécurité sociale, sous
certaines conditions : la prescription doit être faite par
un neurologue ou un pédiatre ayant une activité en
épileptologie, et le chirurgien qui implante doit être
neurochirurgien, spécialiste de la tête et du cou ou
chirurgien vasculaire. Le caractère invalidant, phar-
macorésistant et “non chirurgical” de l’épilepsie est
établi par une équipe spécialisée. Le suivi du patient
est effectué par un neurologue ou un pédiatre.
Efficacité dans le traitement
de l’épilepsie
Lefcaci de la SNV dans lépilepsie pharmacorésistante
chez l’homme a été démontrée à partir de 5 études
pilotes ayant inclus 440 patients au total : le taux de
répondeurs (patients chez lesquels la fréquence des crises
diminuait d’au moins 50 %) a été de 37 % aps 1 an de
stimulation et de 43 % après 2 ans et 3 ans de stimula-
tion, avec un taux moyen de réduction de la fréquence
des crises de 37 % après 1 an et de 44 % après 2 ans
et 3 ans de stimulation. Ce taux reste voisin de 50 %
(2, 3) après 6 ou 12 ans de stimulation. Les études
ouvertes (plus de 2 700 patients) ont confirmé l’effica-
cité de la SNV dans le traitement des épilepsies partielles
et généralies réfractaires (4). Les modifications éven-
tuelles des MAE associés à la SNV ninfluencent pas les
résultats. La place de la SNV dans le traitement des
épilepsiesfractaires par rapport aux nouveaux MAE
nest pas encore déterminée, mais l’efficacité des deux
thérapeutiques est jue comparable (5). En revanche,
certains facteurs influençant lefcacité de la stimulation
sont constatés dans de récentes séries.
Le type de crises. J.E. Rice et J.P. Valeriano (6)
ont rapporté, en 2004, chez les patients présentant
une épilepsie multifocale, un taux de diminution
de la fréquence des crises (43 % chez 13 patients)
surieur à celui obser chez les autres patients
(27 % chez 14 patients). Pour d’autres, la SNV
serait plus efficace sur les crises du lobe temporal
unilatérales (7) ou bilatérales (8, 9) que sur celles au
cours desquelles les décharges intéressent la région
frontale ou centrale.
L’étiologie de l’épilepsie. En 2004 également,
J. Janszky et al. (10), sur la base des données recueillies
chez 6 patients sans crise après 1 an de stimulation,
ont retrouvé comme seuls facteurs prédictifs de cet
excellent résultat des anomalies intercritiques unila-
térales à l’EEG et la présence d’une malformation du
développement cortical. G. Demarquay et al. (11)
ont établi le même constat : le taux de répondeurs
est plus important chez les patients porteurs d’une
malformation du développement cortical (66 % à 1 an
et 100 % à 2 ans) que chez des patients présentant
une IRM normale (38,5 % à 1 an et à 2 ans).
Chirurgie intracrânienne de l’épilepsie. Après
échec d’une chirurgie intracrânienne (cortectomie ou
callosotomie), la SNV peut être envisagée, les sultats
étant, en termes de taux de pondeurs et de patients
libres de crises, inrieurs (50 % versus 60 % de pon-
deurs et 5 % versus 8 % de patients libres de crises) [12]
ou similaires à ceux retrouvés chez des patients nayant
pas eu de chirurgie d’exérèse (13, 14).
Due de l’épilepsie. La SNV s’est vélée plus effi-
cace pour des patients traités dans de meilleurs délais
(15) : après 1 an de SNV, 11,8 % des patients traités
précocement (avant 6 ans dévolution) sont sans crise,
contre 4,5 % des patients traités plus tardivement.
Fonctions cognitives
et qualité de vie
Un effet que de la SNV a été démontré sur la vigi-
lance, la moire immédiate, la rétention mnésique et
l’attention-concentration, quelle que soit l’importance
de la diminution du nombre de crises et vraisembla-
blement par effet direct. En revanche, les répondeurs
constatent après 6 mois de SNV une amélioration plus
importante de leur qualité de vie que les non-répon-
deurs (16). La réduction de la durée de la confusion
postcritique et l’amélioration de la vigilance diurne
sont, pour certains patients, les principaux facteurs
d’amélioration de la qualité de vie (17).
Tolérance et effets indésirables
de la SNV
Les effets indésirables le plus fréquemment observés
après 3 mois de stimulation sont : une raucité de la
voix (63 %), une toux (43 %), une dyspnée (24 %) et
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Figure. Emplacements de
l’électrode et du générateur.
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Références bibliographiques
des paresthésies ou des douleurs pharyngées (27 %).
Leur intensité diminue avec le temps et ils sont moins
fréquents après 3 ans de SNV (raucité de la voix : 2 %,
toux : 1,6 %, apnée : 3 %). Ils ne constituent une cause
d’arrêt du traitement que pour très peu de patients
(1,8 %). Ils surviennent durant les 30 secondes de
stimulation ; une réduction de la durée du choc à 250 μs
permet de les minimiser sans entrner de modification
majeure d’efficacité (18). Létude de l’incidence de la
mortalité et de la mort subite inexpliquée (SUDEP)
réalisée sur une cohorte de 1 819 patients épilepti-
ques traités par SNV révèle une diminution du taux de
mortalité, celui-ci passant de 5,5/1 000 patients-années
aps 2 ans de stimulation à 1,7/1 000 patients-années
les années suivantes. Cette diminution serait la consé-
quence de la réduction de la fréquence des crises chez
les patients implantés (19).
Impact économique
Plusieurs études ont démontré le bénéfice écono-
mique de la SNV dans la prise en charge des patients
atteint d’une épilepsie pharmacorésistante, avec une
réduction moyenne des coûts hospitaliers (consul-
tations en urgence, hospitalisations, admissions en
réanimation) [20, 21].
Contre-indications
En dehors de la vagotomie cervicale, l’utilisation
de la diathermie à ondes courtes, à micro-ondes
ou à ultrasons thérapeutiques est la seule contre-
indication. Néanmoins, la pertinence de la SNV doit être
discutée chez les patients présentant une pathologie
cardiaque ou pulmonaire chronique ou un syndrome
d’apnées du sommeil dorigine obstructive.
Il n’y a pas de limite d’âge : dans les études ouvertes,
la VNS a été utilisée chez des patients dont l’âge
variait de 1 à 83 ans.
Aucun effet tératogène de la VNS n’a été démontré
chez l’animal ni chez l’homme (9 cas d’enfants nés
de femmes traitées par VNS ont été publiés : les
grossesses se sont déroulées sans complication et les
enfants nont présenté aucune malformation) [22].
La pratique d’une IRM est possible sous certaines condi-
tions : mettre à ro les paramètres du nérateur durant
lexamen, utiliser une IRM inférieure à 3 T et des antennes
de transmission et de réception de type “tête.
Conclusion
La SNV est indiquée comme adjuvant des traitements
médicamenteux de l’épilepsie pharmacorésistante
non chirurgicale. Efficace et bien tolérée, elle permet
d’améliorer la qualité de vie et a un impact écono-
mique favorable sur la prise en charge globale
des épilepsies pharmacorésistantes. Le profil des
meilleurs candidats à la SNV, s’il n’est pas encore
déterminé, semble émerger de quelques séries
récentes : patients présentant des crises temporales
ou une malformation corticale du développement
à l’IRM, ou des anomalies unilatérales à l’EEG.
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