Les nouvelles sources d`électrons

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A la pointe de l’instrumentation
Les nouvelles sources d’électrons
On observe depuis quelque temps un regain d’intérêt pour le développement de nouvelles
sources d’électrons pour des applications très diverses allant de la microscopie électronique
aux écrans plats. Nous étudions actuellement deux types de sources, de géométrie très
différente. La première est une source d’électrons dont la zone émissive est limitée à un atome
unique. Le faisceau électronique émis est cohérent et permet de réaliser un microscope
holographique de très grande résolution. La seconde est de géométrie plane. Elle est
réalisée à partir d’un film diélectrique ultra-mince, déposé sur un métal. Cette cathode est facile
à fabriquer et peut fonctionner dans un environnement agressif et à température ambiante.
L
’émission d’électrons à partir
d’un solide, obtenue soit par
un processus thermoélectronique soit par un mécanisme tunnel
à effet de champ a été utilisée industriellement et avec succès depuis
plus d’un siècle pour réaliser les
tubes cathodiques (K.F. Braun en
1897) ou les canons à électrons des
microscopes électroniques (E. Ruska
en 1931), pour ne citer que ces deux
exemples.
Néanmoins, nous assistons depuis
plus d’une décennie à un regain d’intérêt pour de nouvelles sources
d’électrons. Cela est essentiellement
dû à la demande de sources cohérentes – pour des applications en
microscopie électronique de type
holographique et à basse énergie – et
de cathodes de dimensions réduites –
pour des applications industrielles,
c’est-à-dire fonctionnant dans un
environnement agressif, à température ambiante et nécessitant une densité de courant importante. Les
domaines concernés par ces cathodes
froides sont multiples et à fort potentiel économique.
Nous présentons ici deux avancées récentes : une source d’électrons cohérents de dimension atomique et une cathode froide planaire
fondée sur une structure de couche
ultra-mince.
– Laboratoire d’émission électronique,
département de physique des matériaux,
UMR 5586 CNRS, université Claude
Bernard Lyon 1, 69622, Villeurbanne,
France.
LES POINTES MONOATOMIQUES :
DES SOURCES D’ÉLECTRONS COHÉRENTS
La cohérence d’une source dépend
principalement de la largeur de la
distribution énergétique des électrons émis et de la dimension de la
source elle-même. Une source est
d’autant plus cohérente que ces deux
paramètres sont réduits.
L’émission de champ obtenue par
un mécanisme tunnel à la température ambiante (encadré) présente une
distribution énergétique des électrons d’environ 0,3 eV. Cette largeur
est au moins trois fois plus petite que
pour des électrons thermoélectroniques et c’est le premier avantage
d’une cathode à émission de champ
comme source cohérente.
Une deuxième propriété, qui favorise les cathodes à émission de
champ par rapport à des cathodes
thermoélectroniques, réside dans le
contrôle de la zone émissive par la
géométrie de la source elle-même.
En effet, l’émission d’électrons par
un processus tunnel exige un champ
électrique F très élevé, au moins de
l’ordre de 5 000 V/µm. En outre, le
courant d’émission correspondant est
une fonction exponentiellement décroissante de F. Ces deux propriétés
conduisent à réduire la zone émissive
à un seul atome. De telles valeurs du
champ électrique ne peuvent être
atteintes qu’en utilisant « l’effet de
pointe », bien connu en électrostatique où le champ F à l’extrémité
d’une pointe de rayon r portée à un
potentiel V est F ≈ V / 5r. Ainsi,
pour une valeur raisonnable de V =
1 250 V, F = 5 000 V/µm au niveau
de l’apex d’une pointe de rayon r =
50 nm. Comme le rayon de courbure
à la surface d’une pointe augmente
rapidement quand on s’éloigne de
son extrémité, F décroît rapidement
lorsque l’on s’éloigne de son apex.
La surface émissive est ainsi délimitée à quelques milliers de nm2 à l’extrémité.
On peut réduire cette zone émissive en modelant, à l’échelle atomique, la géométrie de l’apex par un
mécanisme de diffusion de surface
sous champ électrique. En portant la
pointe à haute température (1 800 K
pour le tungstène par exemple) et en
appliquant simultanément un champ
électrique très élevé (de l’ordre de
10 000 V/µm), on peut induire à son
extrémité la croissance d’une petite
pyramide, dont les dimensions sont
de l’ordre de quelques nanomètres.
La particularité de cette nanoprotrusion est d’être terminée par un seul
atome. En raison de cette géométrie,
la zone émissive sera alors limitée
essentiellement au dernier atome de
son apex, là où le champ local est le
plus important (figure 1) : c’est la
nanopointe.
Figure 1 - Extrémité d’une nanopointe terminée
par un seul atome. Les calculs montrent que le
champ électrique est le plus élevé au niveau du
dernier atome de cette nanoprotrusion.
23
Encadré
ÉMISSION ÉLECTRONIQUE
MÉCANISMES
Deux mécanismes sont à la base de l’extraction des électrons
à partir d’un solide : (a) l’émission thermoélectronique et (b)
l’émission par effet tunnel.
(a) On fournit un supplément d’énergie supérieur à la hauteur
de la barrière de potentiel de surface du solide. Cela permet
aux électrons de passer par dessus la barrière : on parle
d’émission thermoélectronique si ce supplément d’énergie est
fourni par une augmentation de la température de la cathode
(schéma a).
= 0 − = 3, 79F 1/2 (avec F en V /Å)
(1)
où est la hauteur effective de la barrière en eV,
• et de la déformer, pour la partie dans le vide, suivant
l’expression
V (x) = E F + 0 − (e2 /4x) − eF x
(2)
où e est la charge élémentaire de l’électron. Avec un champ
appliqué suffisamment élevé pour que la largeur x0 de la
barrière, au niveau de Fermi, soit de l’ordre de grandeur ou
inférieure à la longueur d’onde de l’électron dans le solide
(< 1 nm), la probabilité pour qu’un électron sorte du métal
par effet tunnel est, dans ce cas, relativement importante.
Concrètement, une émission électronique avec une densité de
courant de l’ordre de 10 à 1 000 A/cm2 est observable à la
température ambiante (ou inférieure) si un champ électrique
5 000 V/µm est appliqué à la surface d’un métal de travail
de sortie 0 = 4,5 eV.
Schéma (a) - A 0 K, seuls les niveaux d’énergie inférieurs au niveau de
Fermi sont occupés par les électrons dans un métal. Si l’on chauffe à
très haute température, alors ces électrons viennent occuper des états
d’énergie au-dessus du niveau du vide pour être extraits du solide.
Le mécanisme d’émission thermoélectronique repose sur la
statistique de Fermi-Dirac, traduite par une fonction
d’occupation des états d’énergie par des électrons, qui stipule
que plus la température T est élevée, plus les états d’énergie
supérieure auront une probabilité d’occupation importante.
Ainsi pour qu’un électron puisse sauter par dessus la barrière
il faut lui fournir suffisamment d’énergie kT pour qu’il vienne
occuper des états d’énergie E, avec E − E F 0 , où 0 est
la hauteur de la barrière de potentiel de surface ou travail de
sortie du métal. Concrètement, si un métal de travail de sortie
0 = 4,5 eV est chauffé à une température d’environ 2 500 K,
la densité de courant électronique extrait est de l’ordre de
1 A/cm2.
En émission thermoélectronique, tous les électrons qui
occupent des états d’énergie au-dessus du niveau de Fermi et
supérieurs à 0 seront émis à partir du solide. Pour une
température de 2 500 K, les électrons peuplent les états
d’énergie à plus de 1 eV au-dessus de 0 ; les électrons émis
à partir d’une cathode thermoélectronique auront donc une
distribution en énergie supérieure à 1 eV.
(b) On déforme la barrière de potentiel de surface de manière
à ce que sa largeur devienne suffisamment étroite, de l’ordre
d’un nm, pour permettre aux électrons de la traverser par un
mécanisme tunnel. Si cette déformation résulte de l’application
d’un champ électrique intense, c’est l’émission par effet de
champ (schéma b).
La présence d’un champ électrique F a pour effet :
• de réduire la hauteur de la barrière de surface d’une
quantité égale à :
24
Schéma (b) - Le champ électrique F, intense, déforme la barrière de
surface ; elle deviendra poreuse aux électrons à partir d’une largeur x 0
d’environ 1 nm. On dit alors que les électrons traversent la barrière par
effet tunnel.
En émission de champ, la probabilité pour qu’un électron soit
émis par effet tunnel est inversement proportionnelle à une
fonction exponentielle de x, la largeur de la barrière. Comme
la barrière est en première approximation triangulaire, seuls
les électrons dont les énergies sont proches du niveau de
Fermi seront émis. Pour cette raison, la distribution en
énergie n’est que de 0,3 eV pour une cathode froide.
L’émission par effet de champ est réalisable à n’importe
quelle température, en particulier à la température ambiante.
C’est pour cela que les sources à émission de champ sont
communément appelées cathodes froides, par opposition aux
cathodes thermoélectroniques qui ne fonctionnent qu’à des
températures supérieures à 1 000 K.
LES ÉLECTRONS EN MOUVEMENT ONT UNE LONGUEUR D’ONDE
Un électron qui se déplace avec une quantité de mouvement
constante est associé à une onde monochromatique déterminée par son énergie cinétique E C = 1/2mv 2 = e × V . Sa
longueur d’onde λ, après une accélération par√un potentiel V,
est exprimée par la relation λ (nm) = 1,226 / (E C ) avec E C
exprimée en eV. C’est donc une grandeur accordable et fixée
par la différence de potentiel V entre la cathode et l’anode.
Concrètement, pour une nanopointe émettant à 300 V, le
faisceau électronique émis a une longueur d’onde de 0,07 nm.
A la pointe de l’instrumentation
L’émission électronique à partir
du dernier atome de cette nanoprotrusion reflètera la structure électronique associée à un objet de dimension atomique, et en particulier son
caractère « discret ». De ce fait, les
électrons émis par la nanopointe ont
une distribution en énergie réduite à
0,1 eV, trois fois moins que pour une
pointe conventionnelle.
La nanopointe allie une dimension monoatomique de source avec
une émission électronique très
monochromatique, la meilleure
parmi les cathodes existantes. La
cohérence des électrons émis peut
être estimée par l’observation de
franges d’interférence de Fresnel
obtenues par l’interaction entre le
faisceau électronique émis et un
objet. La figure 2 représente l’image
d’un trou de 10 nm de diamètre
éclairé par un faisceau d’électrons
émis par une nanopointe. L’image
représente le bord du trou avec à
l’intérieur des franges d’interférence
de Fresnel. La netteté et le nombre
de ces franges permettent d’estimer
la cohérence et de remonter à la
dimension de la source d’émission
qui, dans cet exemple, est celle d’un
seul atome.
Avec la nanopointe, on dispose
d’une source ponctuelle de dimension atomique. Il est alors possible
de réaliser un microscope électronique à projection (figure 3), qui est
fondé sur le concept de base d’un
microscope traditionnel. Dans cette
Figure 2 - Franges de diffraction de Fresnel
obtenues expérimentalement avec une nanopointe et un trou de 10 nm de diamètre.
Figure 3 - Schéma de principe d’un microscope
à projection de Fresnel. Le grandissement de
l’image est G = D/d.
configuration très simple, le grandissement de l’image est égal, en première approximation, au rapport
entre les distances source-écran D et
source-objet d. Grâce à l’utilisation
de moteurs piézoélectriques qui permettent de contrôler la distance
entre la nanopointe et l’objet avec
une précision du nm, le microscope
à projection permet d’obtenir, sans
lentille électrostatique ou magnétique, des grandissements de plus
d’un million. Il suffit pour cela d’approcher l’objet à une distance d
d’environ 0,1 µm de la nanopointe
pour que l’image projetée sur un
écran situé à D = 10 cm de cette
source ponctuelle soit agrandie un
million de fois. Sachant que la résolution spatiale de l’image est définie,
en première approximation, par la
dimension de la source, et qu’avec
une nanopointe elle est limitée à un
seul atome, ce microscope possède
une résolution de l’ordre d’un nm
pour une tension de travail comprise
entre 50 et 500 volts.
Comparativement aux microscopes électroniques conventionnels
qui demandent une tension de
10 000 ou 100 000 volts pour obtenir
de telles résolutions, l’observation
par le microscope à projection de
Fresnel est beaucoup moins agressive. L’observation d’une seule fibre
d’ADN suspendue en travers d’un
trou de carbone est alors aisée
comme le montre la figure 4(a).
L’image obtenue représente une
figure de diffraction de Fresnel qui
rend compte de la périodicité nanométrique de la structure le long de la
fibre. En effet, les images de projection obtenues représentent, en première approximation, l’ombre projetée de l’objet entourée de franges de
diffraction de Fresnel dues à la cohérence du faisceau électronique émis
par la nanopointe. Ces franges d’interférence sont bien visibles car la
longueur d’onde λ associée à ce faisceau, de l’ordre de 0,1 nm (encadré),
est comparable aux dimensions de
l’objet éclairé. Les images de projection obtenues sont des hologrammes
qui fournissent des renseignements
a. Fibre d’ADN
b. Fibre de PMMA
c. Nanocristal d’oxyde de fer
Figure 4 - Quelques exemples d’observations
d’objets d’amplitude et de phase par microscopie
à projection de Fresnel.
25
non seulement sur l’amplitude de
l’onde associée au signal mais aussi
sur sa phase.
Cela permet d’espérer une visualisation à trois dimensions d’objets
nanométriques, tels que des molécules organiques ou biologiques.
Un autre intérêt du microscope à
projection de Fresnel réside dans sa
capacité à visualiser, en même
temps, des objets d’amplitude et les
objets de phase que sont les champs
électriques et magnétiques
Grâce aux figures d’interférence,
il permet de localiser, avec une résolution spatiale de l’ordre du nm, la
présence de champs locaux, électriques et/ou magnétiques sur un
objet. Dans l’exemple de la figure
4(b), l’observation d’une fibre de
polymère PMMA indique la présence d’un champ électrique localisé
au niveau d’une connexion (située
au milieu de la photo), par la présence de figures locales de diffraction. Dans un autre exemple d’observation avec un nanocristal ferromagnétique (figure 4c), l’image
d’interférence de Fresnel indique
aussi clairement la présence de
champs magnétiques localisés aux
deux coins. De tels hologrammes
ouvrent la possibilité d’une analyse
nanométrique et en trois dimensions
de ces champs locaux.
LES CATHODES PLANAIRES :
UN GRAND PAS VERS DES APPLICATIONS
INDUSTRIELLES
Un tout autre domaine d’utilisation
des cathodes froides concerne les
applications industrielles nécessitant
des sources d’électrons dans des
structures miniaturisées. Ces applications sont regroupées sous la
dénomination de « microélectronique à vide » et ont été initiées par
Shoulder en 1961 aux États-Unis.
Cette technologie, fondée sur les
propriétés d’un transport balistique
des électrons dans le vide, a été malheureusement introduite au moment
même où le développement des
composants solides de la microélec26
tronique était à son apogée. Son intérêt n’a pu être perçu que tout récemment, vers les années 80, quand les
limites intrinsèques du transport
électronique dans la matière ont été
atteintes, et que la fabrication de
cathodes planaires a pu être maîtrisée avec l’utilisation de pointes de
type Spindt.
Dans le cadre de l’évolution ou de
la révolution industrielle actuelle
associée à l’avènement des nanotechnologies, les sources d’électrons
ne possèdent pas l’impact médiatique qu’ont les moteurs moléculaires ou les structures atomiques
artificielles. Elles restent néanmoins
pour beaucoup d’applications industrielles futures, un verrou dont la disparition permettrait d’importantes
percées technologiques dans des
domaines aussi variés que les radars
et les moteurs pour micro-satellites,
en passant par les écrans plats.
Les principales caractéristiques
requises pour ces cathodes à applications industrielles sont :
* d’être des cathodes froides, c’està-dire fonctionnant à la température ambiante ;
* d’avoir une possibilité de modulation rapide du courant d’émission ;
* de nécessiter uniquement de
faibles potentiels d’extraction ;
* de délivrer un faisceau électronique à forte brillance, et d’avoir
une émission stable même dans
des conditions de vide médiocre ;
* de posséder une durée de vie
importante et d’avoir des conditions de fonctionnement reproductibles ;
* enfin, de mettre en œuvre des processus de fabrication compatibles
avec une fabrication en grande
série et une grande surface émissive. En d’autres termes, le processus de fabrication doit être fondé
essentiellement sur une technologie planaire.
Les cathodes de type Spindt sont
les premières cathodes à être utilisées pour la microélectronique à
vide. Ce sont des micropointes intégrées avec leurs électrodes d’extraction. Elles nécessitent la microfabrication d’une structure métallique en
trois dimensions : une micropointe
est située au centre d’une ouverture
micrométrique qui forme l’électrode
d’extraction. Leur coût de fabrication constitue actuellement un obstacle important pour leur développement à grande échelle, par exemple
pour une production en grande série
d’écrans plats de taille importante.
En outre, leur émission électronique
est extrêmement sensible à la géométrie des pointes ainsi qu’à une
adsorption locale, avec pour conséquence une durée de vie et une uniformité d’émission encore difficiles
à maîtriser.
Comme alternative aux micropointes de Spindt, de nouvelles
cathodes froides utilisent les propriétés émissives de nanotubes de
carbone. L’obtention d’une émission
électronique uniforme à partir de ces
nanotubes reste encore problématique, bien que des progrès importants aient été réalisés récemment.
Pour pallier ces difficultés, trois
différents types de cathodes froides
planaires, reposant sur un nouveau
paradigme, ont été proposés par le
Naval Research Labs (NRL, ÉtatsUnis, 1996), par l’université de Californie Santa Barbara (UCSB, ÉtatsUnis, 1998) et par l’université de
Lyon 1-CNRS (UCBL, 2000). Dans
ces trois nouvelles approches, on utilise les propriétés électroniques du
solide sous-jacent pour abaisser la
barrière de potentiel de surface. Ce
contrôle est réalisé soit par le dépôt
d’une multi-couche à affinité électronique progressive (NRL), soit par
une couche mince piézoélectrique
(UCSB), soit encore par la création
d’une charge d’espace importante
dans un film superficiel ultra-mince
(UCBL). On minimise de ce fait
l’influence de l’état de la surface sur
l’émission électronique, ce qui permet d’obtenir un courant stable dans
un vide médiocre. Ces propositions
tranchent avec toutes les approches
A la pointe de l’instrumentation
Figure 5 - Schéma de principe montrant la structure d’une cathode planaire SSE.
Figure 6 - Évolution de la structure de bande indiquant le mécanisme d’émission en deux étapes caractéristique d’une cathode planaire SSE.
conventionnelles qui utilisaient uniquement les propriétés de surface
(adsorption, courbure locale, etc.)
pour contrôler le travail de sortie.
La nouvelle cathode proposée à
Lyon, représentée sur la figure 5, est
nommée « solid-state field-controlled
emitter » (SSE). Elle est composée
essentiellement d’un film ultra-mince,
de quelques nanomètres, d’un semiconducteur à large bande interdite,
comme le TiO2, déposé sur un métal
servant de réservoir à électrons. Les
électrons sont émis par un processus
en deux étapes (figure 6), que nous
pouvons comparer aux deux mécanismes présentés dans l’encadré :
* la barrière de potentiel de la surface
est d’abord abaissée jusqu’à une
valeur inférieure à 0,5 eV entre le
niveau de Fermi et le haut de la barrière, par l’injection d’une charge
d’espace électronique importante
dans la couche de TiO2 à travers la
jonction Schottky suivie d’une
répartition des charges ;
* l’émission électronique résulte,
dans un deuxième temps, de la
déformation et de l’abaissement
progressifs de la barrière dus à
l’augmentation du champ électrique appliqué. On induit initialement une émission électronique
Figure 7 - Émission électronique confinée audessus d’une cathode SSE structurée en une
bande de 100 µm de largeur.
Figure 8 - Distribution en énergie des électrons
émis par une cathode SSE. La valeur I0 correspond à la plus petite valeur de courant mesurable.
par un mécanisme tunnel puis une
émission de type thermoélectronique à partir de la valeur de F
pour laquelle la hauteur de la barrière devient suffisamment faible
pour que des électrons à 300 K
puissent la franchir. Dans ce dernier cas, la surface de TiO2 possède une affinité électronique
faible ou même négative. La
figure 7 représente le courant
mesuré par balayage d’une sonde
au-dessus d’une bande de TiO2 de
100 µm de large et de 5 nm
d’épaisseur. Elle indique que
l’émission électronique est bien
confinée dans la zone de dépôt de
la couche de TiO2 et qu’elle est
relativement uniforme sur toute la
surface de cette bande.
La forme du spectre de distribution en énergie des électrons émis
donne, en général, une très bonne
indication sur le mécanisme d’émission. Ainsi, l’allure des spectres des
cathodes SSE et leur évolution
(figure 8) indiquent une émission
majoritairement par effet de champ,
au tout début de l’émission quand les
champs appliqués sont très faibles.
Puis, au fur et à mesure que F augmente, l’élargissement du spectre
vers les hautes énergies est dû à un
accroissement de la contribution des
électrons thermoélectroniques.
De multiples mesures expérimentales, et en particulier les caractéristiques courant-tension, confirment
27
cette évolution d’un mécanisme
majoritairement par émission de
champ vers un mécanisme mixte,
émission de champ et émission thermoélectronique, en fonction de
l’augmentation du champ appliqué.
Ce modèle d’émission est également
confirmé par une approche numérique utilisant des méthodes ab
initio pour calculer le transport électronique à travers une cathode SSE.
Comparativement aux cathodes
classiques, en émission de champ et
thermoélectroniques, le point fort des
cathodes SSE réside dans la stabilité
de leur émission même dans un vide
médiocre pouvant atteindre 10−4
Torr. Cette stabilité de l’émission
électronique dans un vide très proche
des environnements industriels est
liée d’une part aux propriétés de
faible adsorption de la surface de
TiO2 et, d’autre part, au mécanisme
d’émission dans lequel la barrière de
surface est contrôlée essentiellement
par les propriétés électroniques de la
couche sous-jacente. Ces deux caractéristiques minimisent le rôle de l’adsorption sur la stabilité de l’émission,
contrairement aux cathodes froides
conventionnelles.
CONCLUSIONS
Les desiderata exprimés par les
fabricants de l’industrie électronique
vont vers une microscopie électro-
nique basse tension (≈ 100 V) et de
résolution nanométrique pour l’analyse et le contrôle non destructif des
futurs composants de la nanoélectronique. Pour pouvoir pratiquer ces
analyses en ligne, ces microscopes
doivent, en outre, être miniaturisés
au sein d’une structure en réseau
matriciel massivement parallèle. Il
est possible d’envisager, dans ce
cadre, une nouvelle famille de
microscopes électroniques miniaturisés, à partir de l’utilisation de
nanopointes, et qui exploitera les
propriétés liées à la cohérence de ces
sources. Une nanopointe, fabriquée
par exemple avec une technologie
SSE, intégrée dans une structure de
microcanons avec son électronique
enfouie, permettrait d’implanter sur
un « wafer » de 30 cm de diamètre
une matrice de plus de 100 × 100
microscopes en parallèle de résolution nanométrique pour des tensions
de travail d’une centaine de volts.
apparaissent dès lors comme un très
bon candidat pour de multiples applications dans le domaine de la microélectronique à vide.
D’ores et déjà, les cathodes planaires SSE actuelles, avec leurs caractéristiques d’émission et leurs structures en couches ultra-minces, offrent
des perspectives industrielles immédiates. Elle peuvent être obtenues soit
par pulvérisation cathodique, soit par
des techniques de dépôt sol-gel. Elles
ont des propriétés d’émission compatibles avec un environnement agressif, et la simplicité de leur structure
permet d’imaginer une fabrication
industrielle à grande échelle. Elles
Vu Thien Binh, Appl. Phys. Letters 78, 2999, 2001.
Article proposé par :
Vu Thien Binh, tél. 04 72 44 80 70, [email protected]
et J.P. Dupin, D. Guillot, C. Journet, S.T. Purcell, V. Semet, P. Thévenard, P. Vincent.
28
POUR EN SAVOIR PLUS
Pointes monoatomiques :
Vu Thien Binh, Journal of
Microscopy 151, 355-361, 1988.
Vu Thien Binh, Garcia (N) et
Purcell (S.T.), Adv. in Imaging
and Electron Physics, 95, 63-153,
1996, Acad. Press, N.Y., USA.
Cathodes SSE :
Vu Thien Binh et Adessi (Ch.),
Phys. Rev. Letters, 85, 864, 2000.
Vu Thien Binh, Dupin (J.P.),
Thevenard (P.), Purcell (S.T.) et
Semet (V.), J. Vac. Sci. Technol.
B 18(2), 956, 2000.
Cathodes en nanotubes de carbone :
Semet (V.), Vu Thien Binh, Vincent (P.), Guillot (D.), Teo
(K.B.K.), Chhowalla (M.), Amaratunga (G.A.J.), Milne (W.I.),
Legagneux (P.) et Pribat (D.)
Appl. Phys. Letters, 81, 343-345,
2002.
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