A la pointe de l’instrumentation Les nouvelles sources d’électrons On observe depuis quelque temps un regain d’intérêt pour le développement de nouvelles sources d’électrons pour des applications très diverses allant de la microscopie électronique aux écrans plats. Nous étudions actuellement deux types de sources, de géométrie très différente. La première est une source d’électrons dont la zone émissive est limitée à un atome unique. Le faisceau électronique émis est cohérent et permet de réaliser un microscope holographique de très grande résolution. La seconde est de géométrie plane. Elle est réalisée à partir d’un film diélectrique ultra-mince, déposé sur un métal. Cette cathode est facile à fabriquer et peut fonctionner dans un environnement agressif et à température ambiante. L ’émission d’électrons à partir d’un solide, obtenue soit par un processus thermoélectronique soit par un mécanisme tunnel à effet de champ a été utilisée industriellement et avec succès depuis plus d’un siècle pour réaliser les tubes cathodiques (K.F. Braun en 1897) ou les canons à électrons des microscopes électroniques (E. Ruska en 1931), pour ne citer que ces deux exemples. Néanmoins, nous assistons depuis plus d’une décennie à un regain d’intérêt pour de nouvelles sources d’électrons. Cela est essentiellement dû à la demande de sources cohérentes – pour des applications en microscopie électronique de type holographique et à basse énergie – et de cathodes de dimensions réduites – pour des applications industrielles, c’est-à-dire fonctionnant dans un environnement agressif, à température ambiante et nécessitant une densité de courant importante. Les domaines concernés par ces cathodes froides sont multiples et à fort potentiel économique. Nous présentons ici deux avancées récentes : une source d’électrons cohérents de dimension atomique et une cathode froide planaire fondée sur une structure de couche ultra-mince. – Laboratoire d’émission électronique, département de physique des matériaux, UMR 5586 CNRS, université Claude Bernard Lyon 1, 69622, Villeurbanne, France. LES POINTES MONOATOMIQUES : DES SOURCES D’ÉLECTRONS COHÉRENTS La cohérence d’une source dépend principalement de la largeur de la distribution énergétique des électrons émis et de la dimension de la source elle-même. Une source est d’autant plus cohérente que ces deux paramètres sont réduits. L’émission de champ obtenue par un mécanisme tunnel à la température ambiante (encadré) présente une distribution énergétique des électrons d’environ 0,3 eV. Cette largeur est au moins trois fois plus petite que pour des électrons thermoélectroniques et c’est le premier avantage d’une cathode à émission de champ comme source cohérente. Une deuxième propriété, qui favorise les cathodes à émission de champ par rapport à des cathodes thermoélectroniques, réside dans le contrôle de la zone émissive par la géométrie de la source elle-même. En effet, l’émission d’électrons par un processus tunnel exige un champ électrique F très élevé, au moins de l’ordre de 5 000 V/µm. En outre, le courant d’émission correspondant est une fonction exponentiellement décroissante de F. Ces deux propriétés conduisent à réduire la zone émissive à un seul atome. De telles valeurs du champ électrique ne peuvent être atteintes qu’en utilisant « l’effet de pointe », bien connu en électrostatique où le champ F à l’extrémité d’une pointe de rayon r portée à un potentiel V est F ≈ V / 5r. Ainsi, pour une valeur raisonnable de V = 1 250 V, F = 5 000 V/µm au niveau de l’apex d’une pointe de rayon r = 50 nm. Comme le rayon de courbure à la surface d’une pointe augmente rapidement quand on s’éloigne de son extrémité, F décroît rapidement lorsque l’on s’éloigne de son apex. La surface émissive est ainsi délimitée à quelques milliers de nm2 à l’extrémité. On peut réduire cette zone émissive en modelant, à l’échelle atomique, la géométrie de l’apex par un mécanisme de diffusion de surface sous champ électrique. En portant la pointe à haute température (1 800 K pour le tungstène par exemple) et en appliquant simultanément un champ électrique très élevé (de l’ordre de 10 000 V/µm), on peut induire à son extrémité la croissance d’une petite pyramide, dont les dimensions sont de l’ordre de quelques nanomètres. La particularité de cette nanoprotrusion est d’être terminée par un seul atome. En raison de cette géométrie, la zone émissive sera alors limitée essentiellement au dernier atome de son apex, là où le champ local est le plus important (figure 1) : c’est la nanopointe. Figure 1 - Extrémité d’une nanopointe terminée par un seul atome. Les calculs montrent que le champ électrique est le plus élevé au niveau du dernier atome de cette nanoprotrusion. 23 Encadré ÉMISSION ÉLECTRONIQUE MÉCANISMES Deux mécanismes sont à la base de l’extraction des électrons à partir d’un solide : (a) l’émission thermoélectronique et (b) l’émission par effet tunnel. (a) On fournit un supplément d’énergie supérieur à la hauteur de la barrière de potentiel de surface du solide. Cela permet aux électrons de passer par dessus la barrière : on parle d’émission thermoélectronique si ce supplément d’énergie est fourni par une augmentation de la température de la cathode (schéma a). = 0 − = 3, 79F 1/2 (avec F en V /Å) (1) où est la hauteur effective de la barrière en eV, • et de la déformer, pour la partie dans le vide, suivant l’expression V (x) = E F + 0 − (e2 /4x) − eF x (2) où e est la charge élémentaire de l’électron. Avec un champ appliqué suffisamment élevé pour que la largeur x0 de la barrière, au niveau de Fermi, soit de l’ordre de grandeur ou inférieure à la longueur d’onde de l’électron dans le solide (< 1 nm), la probabilité pour qu’un électron sorte du métal par effet tunnel est, dans ce cas, relativement importante. Concrètement, une émission électronique avec une densité de courant de l’ordre de 10 à 1 000 A/cm2 est observable à la température ambiante (ou inférieure) si un champ électrique 5 000 V/µm est appliqué à la surface d’un métal de travail de sortie 0 = 4,5 eV. Schéma (a) - A 0 K, seuls les niveaux d’énergie inférieurs au niveau de Fermi sont occupés par les électrons dans un métal. Si l’on chauffe à très haute température, alors ces électrons viennent occuper des états d’énergie au-dessus du niveau du vide pour être extraits du solide. Le mécanisme d’émission thermoélectronique repose sur la statistique de Fermi-Dirac, traduite par une fonction d’occupation des états d’énergie par des électrons, qui stipule que plus la température T est élevée, plus les états d’énergie supérieure auront une probabilité d’occupation importante. Ainsi pour qu’un électron puisse sauter par dessus la barrière il faut lui fournir suffisamment d’énergie kT pour qu’il vienne occuper des états d’énergie E, avec E − E F 0 , où 0 est la hauteur de la barrière de potentiel de surface ou travail de sortie du métal. Concrètement, si un métal de travail de sortie 0 = 4,5 eV est chauffé à une température d’environ 2 500 K, la densité de courant électronique extrait est de l’ordre de 1 A/cm2. En émission thermoélectronique, tous les électrons qui occupent des états d’énergie au-dessus du niveau de Fermi et supérieurs à 0 seront émis à partir du solide. Pour une température de 2 500 K, les électrons peuplent les états d’énergie à plus de 1 eV au-dessus de 0 ; les électrons émis à partir d’une cathode thermoélectronique auront donc une distribution en énergie supérieure à 1 eV. (b) On déforme la barrière de potentiel de surface de manière à ce que sa largeur devienne suffisamment étroite, de l’ordre d’un nm, pour permettre aux électrons de la traverser par un mécanisme tunnel. Si cette déformation résulte de l’application d’un champ électrique intense, c’est l’émission par effet de champ (schéma b). La présence d’un champ électrique F a pour effet : • de réduire la hauteur de la barrière de surface d’une quantité égale à : 24 Schéma (b) - Le champ électrique F, intense, déforme la barrière de surface ; elle deviendra poreuse aux électrons à partir d’une largeur x 0 d’environ 1 nm. On dit alors que les électrons traversent la barrière par effet tunnel. En émission de champ, la probabilité pour qu’un électron soit émis par effet tunnel est inversement proportionnelle à une fonction exponentielle de x, la largeur de la barrière. Comme la barrière est en première approximation triangulaire, seuls les électrons dont les énergies sont proches du niveau de Fermi seront émis. Pour cette raison, la distribution en énergie n’est que de 0,3 eV pour une cathode froide. L’émission par effet de champ est réalisable à n’importe quelle température, en particulier à la température ambiante. C’est pour cela que les sources à émission de champ sont communément appelées cathodes froides, par opposition aux cathodes thermoélectroniques qui ne fonctionnent qu’à des températures supérieures à 1 000 K. LES ÉLECTRONS EN MOUVEMENT ONT UNE LONGUEUR D’ONDE Un électron qui se déplace avec une quantité de mouvement constante est associé à une onde monochromatique déterminée par son énergie cinétique E C = 1/2mv 2 = e × V . Sa longueur d’onde λ, après une accélération par√un potentiel V, est exprimée par la relation λ (nm) = 1,226 / (E C ) avec E C exprimée en eV. C’est donc une grandeur accordable et fixée par la différence de potentiel V entre la cathode et l’anode. Concrètement, pour une nanopointe émettant à 300 V, le faisceau électronique émis a une longueur d’onde de 0,07 nm. A la pointe de l’instrumentation L’émission électronique à partir du dernier atome de cette nanoprotrusion reflètera la structure électronique associée à un objet de dimension atomique, et en particulier son caractère « discret ». De ce fait, les électrons émis par la nanopointe ont une distribution en énergie réduite à 0,1 eV, trois fois moins que pour une pointe conventionnelle. La nanopointe allie une dimension monoatomique de source avec une émission électronique très monochromatique, la meilleure parmi les cathodes existantes. La cohérence des électrons émis peut être estimée par l’observation de franges d’interférence de Fresnel obtenues par l’interaction entre le faisceau électronique émis et un objet. La figure 2 représente l’image d’un trou de 10 nm de diamètre éclairé par un faisceau d’électrons émis par une nanopointe. L’image représente le bord du trou avec à l’intérieur des franges d’interférence de Fresnel. La netteté et le nombre de ces franges permettent d’estimer la cohérence et de remonter à la dimension de la source d’émission qui, dans cet exemple, est celle d’un seul atome. Avec la nanopointe, on dispose d’une source ponctuelle de dimension atomique. Il est alors possible de réaliser un microscope électronique à projection (figure 3), qui est fondé sur le concept de base d’un microscope traditionnel. Dans cette Figure 2 - Franges de diffraction de Fresnel obtenues expérimentalement avec une nanopointe et un trou de 10 nm de diamètre. Figure 3 - Schéma de principe d’un microscope à projection de Fresnel. Le grandissement de l’image est G = D/d. configuration très simple, le grandissement de l’image est égal, en première approximation, au rapport entre les distances source-écran D et source-objet d. Grâce à l’utilisation de moteurs piézoélectriques qui permettent de contrôler la distance entre la nanopointe et l’objet avec une précision du nm, le microscope à projection permet d’obtenir, sans lentille électrostatique ou magnétique, des grandissements de plus d’un million. Il suffit pour cela d’approcher l’objet à une distance d d’environ 0,1 µm de la nanopointe pour que l’image projetée sur un écran situé à D = 10 cm de cette source ponctuelle soit agrandie un million de fois. Sachant que la résolution spatiale de l’image est définie, en première approximation, par la dimension de la source, et qu’avec une nanopointe elle est limitée à un seul atome, ce microscope possède une résolution de l’ordre d’un nm pour une tension de travail comprise entre 50 et 500 volts. Comparativement aux microscopes électroniques conventionnels qui demandent une tension de 10 000 ou 100 000 volts pour obtenir de telles résolutions, l’observation par le microscope à projection de Fresnel est beaucoup moins agressive. L’observation d’une seule fibre d’ADN suspendue en travers d’un trou de carbone est alors aisée comme le montre la figure 4(a). L’image obtenue représente une figure de diffraction de Fresnel qui rend compte de la périodicité nanométrique de la structure le long de la fibre. En effet, les images de projection obtenues représentent, en première approximation, l’ombre projetée de l’objet entourée de franges de diffraction de Fresnel dues à la cohérence du faisceau électronique émis par la nanopointe. Ces franges d’interférence sont bien visibles car la longueur d’onde λ associée à ce faisceau, de l’ordre de 0,1 nm (encadré), est comparable aux dimensions de l’objet éclairé. Les images de projection obtenues sont des hologrammes qui fournissent des renseignements a. Fibre d’ADN b. Fibre de PMMA c. Nanocristal d’oxyde de fer Figure 4 - Quelques exemples d’observations d’objets d’amplitude et de phase par microscopie à projection de Fresnel. 25 non seulement sur l’amplitude de l’onde associée au signal mais aussi sur sa phase. Cela permet d’espérer une visualisation à trois dimensions d’objets nanométriques, tels que des molécules organiques ou biologiques. Un autre intérêt du microscope à projection de Fresnel réside dans sa capacité à visualiser, en même temps, des objets d’amplitude et les objets de phase que sont les champs électriques et magnétiques Grâce aux figures d’interférence, il permet de localiser, avec une résolution spatiale de l’ordre du nm, la présence de champs locaux, électriques et/ou magnétiques sur un objet. Dans l’exemple de la figure 4(b), l’observation d’une fibre de polymère PMMA indique la présence d’un champ électrique localisé au niveau d’une connexion (située au milieu de la photo), par la présence de figures locales de diffraction. Dans un autre exemple d’observation avec un nanocristal ferromagnétique (figure 4c), l’image d’interférence de Fresnel indique aussi clairement la présence de champs magnétiques localisés aux deux coins. De tels hologrammes ouvrent la possibilité d’une analyse nanométrique et en trois dimensions de ces champs locaux. LES CATHODES PLANAIRES : UN GRAND PAS VERS DES APPLICATIONS INDUSTRIELLES Un tout autre domaine d’utilisation des cathodes froides concerne les applications industrielles nécessitant des sources d’électrons dans des structures miniaturisées. Ces applications sont regroupées sous la dénomination de « microélectronique à vide » et ont été initiées par Shoulder en 1961 aux États-Unis. Cette technologie, fondée sur les propriétés d’un transport balistique des électrons dans le vide, a été malheureusement introduite au moment même où le développement des composants solides de la microélec26 tronique était à son apogée. Son intérêt n’a pu être perçu que tout récemment, vers les années 80, quand les limites intrinsèques du transport électronique dans la matière ont été atteintes, et que la fabrication de cathodes planaires a pu être maîtrisée avec l’utilisation de pointes de type Spindt. Dans le cadre de l’évolution ou de la révolution industrielle actuelle associée à l’avènement des nanotechnologies, les sources d’électrons ne possèdent pas l’impact médiatique qu’ont les moteurs moléculaires ou les structures atomiques artificielles. Elles restent néanmoins pour beaucoup d’applications industrielles futures, un verrou dont la disparition permettrait d’importantes percées technologiques dans des domaines aussi variés que les radars et les moteurs pour micro-satellites, en passant par les écrans plats. Les principales caractéristiques requises pour ces cathodes à applications industrielles sont : * d’être des cathodes froides, c’està-dire fonctionnant à la température ambiante ; * d’avoir une possibilité de modulation rapide du courant d’émission ; * de nécessiter uniquement de faibles potentiels d’extraction ; * de délivrer un faisceau électronique à forte brillance, et d’avoir une émission stable même dans des conditions de vide médiocre ; * de posséder une durée de vie importante et d’avoir des conditions de fonctionnement reproductibles ; * enfin, de mettre en œuvre des processus de fabrication compatibles avec une fabrication en grande série et une grande surface émissive. En d’autres termes, le processus de fabrication doit être fondé essentiellement sur une technologie planaire. Les cathodes de type Spindt sont les premières cathodes à être utilisées pour la microélectronique à vide. Ce sont des micropointes intégrées avec leurs électrodes d’extraction. Elles nécessitent la microfabrication d’une structure métallique en trois dimensions : une micropointe est située au centre d’une ouverture micrométrique qui forme l’électrode d’extraction. Leur coût de fabrication constitue actuellement un obstacle important pour leur développement à grande échelle, par exemple pour une production en grande série d’écrans plats de taille importante. En outre, leur émission électronique est extrêmement sensible à la géométrie des pointes ainsi qu’à une adsorption locale, avec pour conséquence une durée de vie et une uniformité d’émission encore difficiles à maîtriser. Comme alternative aux micropointes de Spindt, de nouvelles cathodes froides utilisent les propriétés émissives de nanotubes de carbone. L’obtention d’une émission électronique uniforme à partir de ces nanotubes reste encore problématique, bien que des progrès importants aient été réalisés récemment. Pour pallier ces difficultés, trois différents types de cathodes froides planaires, reposant sur un nouveau paradigme, ont été proposés par le Naval Research Labs (NRL, ÉtatsUnis, 1996), par l’université de Californie Santa Barbara (UCSB, ÉtatsUnis, 1998) et par l’université de Lyon 1-CNRS (UCBL, 2000). Dans ces trois nouvelles approches, on utilise les propriétés électroniques du solide sous-jacent pour abaisser la barrière de potentiel de surface. Ce contrôle est réalisé soit par le dépôt d’une multi-couche à affinité électronique progressive (NRL), soit par une couche mince piézoélectrique (UCSB), soit encore par la création d’une charge d’espace importante dans un film superficiel ultra-mince (UCBL). On minimise de ce fait l’influence de l’état de la surface sur l’émission électronique, ce qui permet d’obtenir un courant stable dans un vide médiocre. Ces propositions tranchent avec toutes les approches A la pointe de l’instrumentation Figure 5 - Schéma de principe montrant la structure d’une cathode planaire SSE. Figure 6 - Évolution de la structure de bande indiquant le mécanisme d’émission en deux étapes caractéristique d’une cathode planaire SSE. conventionnelles qui utilisaient uniquement les propriétés de surface (adsorption, courbure locale, etc.) pour contrôler le travail de sortie. La nouvelle cathode proposée à Lyon, représentée sur la figure 5, est nommée « solid-state field-controlled emitter » (SSE). Elle est composée essentiellement d’un film ultra-mince, de quelques nanomètres, d’un semiconducteur à large bande interdite, comme le TiO2, déposé sur un métal servant de réservoir à électrons. Les électrons sont émis par un processus en deux étapes (figure 6), que nous pouvons comparer aux deux mécanismes présentés dans l’encadré : * la barrière de potentiel de la surface est d’abord abaissée jusqu’à une valeur inférieure à 0,5 eV entre le niveau de Fermi et le haut de la barrière, par l’injection d’une charge d’espace électronique importante dans la couche de TiO2 à travers la jonction Schottky suivie d’une répartition des charges ; * l’émission électronique résulte, dans un deuxième temps, de la déformation et de l’abaissement progressifs de la barrière dus à l’augmentation du champ électrique appliqué. On induit initialement une émission électronique Figure 7 - Émission électronique confinée audessus d’une cathode SSE structurée en une bande de 100 µm de largeur. Figure 8 - Distribution en énergie des électrons émis par une cathode SSE. La valeur I0 correspond à la plus petite valeur de courant mesurable. par un mécanisme tunnel puis une émission de type thermoélectronique à partir de la valeur de F pour laquelle la hauteur de la barrière devient suffisamment faible pour que des électrons à 300 K puissent la franchir. Dans ce dernier cas, la surface de TiO2 possède une affinité électronique faible ou même négative. La figure 7 représente le courant mesuré par balayage d’une sonde au-dessus d’une bande de TiO2 de 100 µm de large et de 5 nm d’épaisseur. Elle indique que l’émission électronique est bien confinée dans la zone de dépôt de la couche de TiO2 et qu’elle est relativement uniforme sur toute la surface de cette bande. La forme du spectre de distribution en énergie des électrons émis donne, en général, une très bonne indication sur le mécanisme d’émission. Ainsi, l’allure des spectres des cathodes SSE et leur évolution (figure 8) indiquent une émission majoritairement par effet de champ, au tout début de l’émission quand les champs appliqués sont très faibles. Puis, au fur et à mesure que F augmente, l’élargissement du spectre vers les hautes énergies est dû à un accroissement de la contribution des électrons thermoélectroniques. De multiples mesures expérimentales, et en particulier les caractéristiques courant-tension, confirment 27 cette évolution d’un mécanisme majoritairement par émission de champ vers un mécanisme mixte, émission de champ et émission thermoélectronique, en fonction de l’augmentation du champ appliqué. Ce modèle d’émission est également confirmé par une approche numérique utilisant des méthodes ab initio pour calculer le transport électronique à travers une cathode SSE. Comparativement aux cathodes classiques, en émission de champ et thermoélectroniques, le point fort des cathodes SSE réside dans la stabilité de leur émission même dans un vide médiocre pouvant atteindre 10−4 Torr. Cette stabilité de l’émission électronique dans un vide très proche des environnements industriels est liée d’une part aux propriétés de faible adsorption de la surface de TiO2 et, d’autre part, au mécanisme d’émission dans lequel la barrière de surface est contrôlée essentiellement par les propriétés électroniques de la couche sous-jacente. Ces deux caractéristiques minimisent le rôle de l’adsorption sur la stabilité de l’émission, contrairement aux cathodes froides conventionnelles. CONCLUSIONS Les desiderata exprimés par les fabricants de l’industrie électronique vont vers une microscopie électro- nique basse tension (≈ 100 V) et de résolution nanométrique pour l’analyse et le contrôle non destructif des futurs composants de la nanoélectronique. Pour pouvoir pratiquer ces analyses en ligne, ces microscopes doivent, en outre, être miniaturisés au sein d’une structure en réseau matriciel massivement parallèle. Il est possible d’envisager, dans ce cadre, une nouvelle famille de microscopes électroniques miniaturisés, à partir de l’utilisation de nanopointes, et qui exploitera les propriétés liées à la cohérence de ces sources. Une nanopointe, fabriquée par exemple avec une technologie SSE, intégrée dans une structure de microcanons avec son électronique enfouie, permettrait d’implanter sur un « wafer » de 30 cm de diamètre une matrice de plus de 100 × 100 microscopes en parallèle de résolution nanométrique pour des tensions de travail d’une centaine de volts. apparaissent dès lors comme un très bon candidat pour de multiples applications dans le domaine de la microélectronique à vide. D’ores et déjà, les cathodes planaires SSE actuelles, avec leurs caractéristiques d’émission et leurs structures en couches ultra-minces, offrent des perspectives industrielles immédiates. Elle peuvent être obtenues soit par pulvérisation cathodique, soit par des techniques de dépôt sol-gel. Elles ont des propriétés d’émission compatibles avec un environnement agressif, et la simplicité de leur structure permet d’imaginer une fabrication industrielle à grande échelle. Elles Vu Thien Binh, Appl. Phys. Letters 78, 2999, 2001. Article proposé par : Vu Thien Binh, tél. 04 72 44 80 70, [email protected] et J.P. Dupin, D. Guillot, C. Journet, S.T. Purcell, V. Semet, P. Thévenard, P. Vincent. 28 POUR EN SAVOIR PLUS Pointes monoatomiques : Vu Thien Binh, Journal of Microscopy 151, 355-361, 1988. Vu Thien Binh, Garcia (N) et Purcell (S.T.), Adv. in Imaging and Electron Physics, 95, 63-153, 1996, Acad. Press, N.Y., USA. Cathodes SSE : Vu Thien Binh et Adessi (Ch.), Phys. Rev. Letters, 85, 864, 2000. Vu Thien Binh, Dupin (J.P.), Thevenard (P.), Purcell (S.T.) et Semet (V.), J. Vac. Sci. Technol. B 18(2), 956, 2000. Cathodes en nanotubes de carbone : Semet (V.), Vu Thien Binh, Vincent (P.), Guillot (D.), Teo (K.B.K.), Chhowalla (M.), Amaratunga (G.A.J.), Milne (W.I.), Legagneux (P.) et Pribat (D.) Appl. Phys. Letters, 81, 343-345, 2002.