Le rôle de l’océan sur le changement climatique : éléments de synthèse
Ifremer - Novembre 2009
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Le rôle de l’océan sur le changement climatique :
éléments de synthèse
Selon le quatrième rapport (AR4) du Groupe Intergouvernemental pour l’Etude du Changement
Climatique (GIEC), l’activité humaine perturbe le climat terrestre. L’accumulation de chaleur dans
les couches supérieures de l’océan qui en résulte depuis 1960 est 20 fois supérieure à celle dans
l’atmosphère, ce qui souligne le rôle majeur que l’océan joue dans le système climatique.
En stockant la chaleur et le dioxyde de carbone, l’océan joue actuellement un rôle de modérateur
du réchauffement climatique. L’impact en termes d’augmentation de la température globale,
d’élévation du niveau de la mer et d’acidification des océans est aujourd’hui avéré. Cependant, le
nombre réduit d’observations limite le diagnostic sur l’amplitude des changements régionaux et
leur origine, en particulier concernant les cycles bio-géochimiques et la biologie.
La prévision de l’évolution du climat est une préoccupation sociétale majeure, qui requiert
d’améliorer notre capacité à régionaliser le diagnostic, l’attribution et la prévision du changement
climatique et de ses impacts.
L’état des connaissances actuelles
La recherche sur le climat nécessite une approche pluridisciplinaire. Elle s’organise autour de
programmes nationaux qui font intervenir de nombreux organismes de recherche dont le CNRS,
l’Ifremer, l’INRA, l’INSU, l’IRD, Météo-France, le CNES ou l’IPEV et, depuis peu, l’Agence
nationale de la recherche (ANR). Ils contribuent aux programmes internationaux dans le domaine,
principalement le Programme mondial de recherche sur le climat (WCRP) et le Programme
international géosphère-biosphère (IGBP). Les acteurs nationaux participent aussi activement au
développement et au maintien du Système Global d’Observation pour le Climat (GCOS) et au
Global Ocean Observing System (GOOS). Ces activités accompagnent la participation des
scientifiques nationaux au GIEC.
1. Ces recherches ont permis d’établir les changements récents du climat des océans :
les océans se réchauffent. Entre 1961 et 2003, le contenu thermique de l’océan
global entre 0 et 3000 m de profondeur a augmenté à un taux correspondant à une
absorption de chaleur de 0.17 à 0.25 W/m
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. Les deux tiers de cette énergie sont
concentrés dans les 700 premiers mètres. Si la période 1993-2003 a connu un taux
de réchauffement supérieur à la moyenne 1961-2003, il pourrait en revanche y avoir
depuis 2003 une tendance au refroidissement.
de plus, la période de 1955 à 1998 est caractérisée par des variations de salinité à
grande échelle.
régionalement, des changements importants de la circulation océanique sont obsers.
le 4
ème
rapport du GIEC conclut que l’augmentation globale de température de
surface observée depuis le milieu du 20
ème
siècle est d’origine anthropique. Cela est
aussi vrai pour tous les continents excepté l’Antarctique les données manquent.
L’identification à échelle régionale ou pour des périodes de temps inférieures à
quelques décennies des mécanismes de la variabilité du système est beaucoup plus
incertaine.
les cycles biogéochimiques océaniques changent. Le GIEC estime que plus d’un
tiers des émissions de dioxyde de carbone est actuellement capturé par l’océan.
Bien qu’il ne soit pas possible de tirer de conclusions définitives, il est probable que
dans le total du dioxyde de carbone produit par la combustion des énergies fossiles
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et les cimenteries, la part absorbée par l’océan soit passée de 42 % entre 1750 et
1994, à 37 % entre 1980 et 2005. Ce puits de carbone océanique a causé une
diminution du pH de l’océan de 0.1 depuis 1750 et la tendance actuelle est à une
diminution de 0.02 par décennie. Les observations montrent aussi une diminution
de la teneur en oxygène dans la thermocline de la plupart des bassins océaniques
entre le début des années 1970 et la fin des années 1990. Cette variation pourrait
être reliée à ralentissement de la circulation et du renouvellement des masses d’eau.
entre 1961 et 2003, le niveau de la mer a augmenté en moyenne de 1.3 à 2.3 mm
par an, suite à la dilation des océans sous l’effet du réchauffement et de la fonte des
glaces continentales. Cette élévation présente de forts contrastes régionaux et des
variations considérables à échelle décennale. La contribution de la dilatation liée à
l’accroissement de la température est estimée à 0.3 à 0.5 mm par an.
les données satellitaires indiquent une diminution de 2.7 % par décennie (avec une
incertitude de 0.6 %) de la couverture de glace en moyenne annuelle pour l’océan
arctique depuis 1978.
2. Par le passé, l’océan a également été à l’origine de changements abrupts du climat dans la
région Atlantique Nord en particulier lors du dernier maximum glaciaire, via la variabilité de la
cellule méridienne de retournement, appelée aussi circulation thermohaline. L’océan dans ses
composantes physiques et bio-géochimiques a également joué un rôle prépondérant dans
l’amplification du forçage orbital dans les transitions glaciaire – interglaciaire.
Par la cascade d’événements favorisant la fonte de la banquise et du permafrost, y compris en mer,
l’« amplification arctique » est caractérisée par l’enclenchement d’un cercle vicieux
(l’intensification du dégazage de méthane, puissant gaz à effet de serre, elle-
même provoquée par
le réchauffement
climatique). Le GIEC a montré que l’environnement de l’Arctique est
particulièrement vulnérable aux conséquences globales des activités humaines.
Le dégagement de méthane à partir d'hydrates de gaz
a été proposé comme une hypothèse de
processus causal clé du changement climatique. Des recherches pluridisciplinaires récentes sur le
plateau et la pente ouest Svalbard (entre 78° et 80°N dans l'ou
est du détroit de Fram, aux portes de
l’Arctique) ont conduit à la découverte de plus de 250 panaches de bulles de gaz méthane sur les
fonds marins à limite de stabilité des hydrates de gaz (actuellement à ~ 396 m d'eau). Ces panaches
sont interprétés comme étant directement alimentés par dissociation des hydrates.
L’Arctique devient donc un champ privilégié pour l’observation de l’évolution et des effets des
changements environnementaux. L’implantation d’observatoires fonds de mer
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en Arctique est
indispensable pour le suivi et l’estimation du
gagement de thane dans cette zone. Le ploiement
d’un observatoire permettrait non seulement d’y surveiller le chauffement des eaux (0,0C par en
moyenne sur 30 ans), mais aussi d’étudier l’impact du réchauf
fement climatique dans la zone de
stabilité thermodynamique de l'hydrate de thane. Le seau d’excellence européen ESONET
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contribue dans le cadre de la démonstration AOEM à la mise en place dun tel observatoire permanent.
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Les observatoires fonds de mer sont comparables à des laboratoires placés au fond des océans. Equipés d’un
ensemble d’instruments de mesure, ils sont capables d’enregistrer différents types de données servant à comprendre
les phénomènes océaniques. Placés sur les sites sensibles de la planète comme les zones de formation des eaux
profondes, les zones sismiques ou hydrothermales, ces instruments pluridisciplinaires permettront de surveiller la mer
en temps réel, d'évaluer ou prévenir les risques naturels (liés aux séismes, instabilités des pentes et tsunamis), d’assurer
le suivi à long terme des évolutions climatiques et de l’impact des changements globaux sur le milieu marin, en
particulier sur les écosystèmes et la biodiversité.
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« European Sea Observatory Network of Excellence ». Lancé en mars 2007 pour une durée de 4 ans, ESONET est
coordonné par l’Ifremer dans le cadre du 6ème Programme Cadre de Recherche et Développement (PCRD).
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3. Les contributions de l’océan dans l’évolution du climat futur sont estimées de la manière suivante :
les scénarii climatiques analysés pour préparer le 4
ème
rapport du GIEC présentent une
cellule méridienne de retournement en Atlantique dont l’amplitude diminue au 21
ème
siècle de 25% en moyenne (sur les différents modèles utilisés). En dépit de son
ralentissement, les températures dans la région Nord Atlantique et en Europe
continuent de croître car l’augmentation de l’effet radiatif lié à l’augmentation des gaz
à effet de serre domine ;
tous les modèles montrent aussi la persistance d’événements de type ENSO (El Niño-
Southern Oscillation) ;
les prévisions d’augmentation du niveau de la mer entre la période actuelle (1980-
1999) et la fin du 21
ème
siècle vont de 20 à 60 cm. L’expansion thermique est la
composante la plus importante (de l’ordre de 70 à 75%). La fonte des glaciers (en
particulier du Groenland) contribuera à la montée du niveau de la mer. Compte tenu
des controverses récentes, il est utile de rappeler que la contribution de la fonte des
glaciers Groenlandais pourrait avoir été sous-estimée et une contribution
supplémentaire de 20 cm pourrait être à prendre en compte ;
tous les modèles prenant en compte les scénarii d’émission de gaz à effet de serre
s’accordent sur le fait que le changement climatique va réduire l’efficacité du système
Terre (continents et océans) à absorber le dioxyde de carbone. En d’autres termes,
l’évolution du climat pourrait s’accompagner d’une réduction de l’efficacité du puits
de carbone océanique ;
les modèles de climat convergent pour indiquer que l’augmentation des gaz à effet de
serre induira une retraite vers le nord de la glace de mer. Cela se traduira par une
diminution de l’albédo
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et une augmentation de l’absorption de chaleur par l’océan,
créant ainsi une rétroaction positive.
Les lacunes et pistes nouvelles de recherche
De nombreux rapports soulignent la nécessité de quantifier les changements climatiques en
cours dans les composantes physique, géochimique et biologique des océans. Cette information est
essentielle, non seulement pour comprendre les processus, valider les modèles, détecter et attribuer
le changement climatique et améliorer nos capacités de prévision, mais aussi pour baser les
décisions politiques sur des faits quantifiés.
Les systèmes d’observation in-situ et satellite de l’océanographie opérationnelle, dans lesquels
l’Ifremer est fortement impliqué, permettent aujourd’hui un suivi régulier et global de l’état de l’océan
superficiel et profond
(altimétrie par satellite, Argo, température de surface, couleur de l’eau,
salinité de surface)
. Ces systèmes, tout comme la structure Coriolis, qui regroupe les organismes
français, ou l’infrastructure de recherche européenne Euro-Argo, doivent être
pérennisés. Le satellite
européen SMOS a été lancé le 2 novembre 2009 afin de mesurer la salinité de surface des océans,
paramètre qui sera exploité au niveau du Centre aval de traitement des données SMOS (CATDS)
en 2010.
Dans son rapport 127 (janvier 2008), le WRCP recommande d’améliorer notre
compréhension des processus qui gouvernent la réponse du climat au forçage naturel et
anthropique afin de développer une meilleure compréhension de la dynamique des systèmes
physique, géochimique et biologique et de leurs interactions. Cette étape est nécessaire à
l’initialisation des modèles de changement climatique pour la prévision et l’estimation du
risque.
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L’albédo est le rapport de l’énergie solaire réfléchie par une surface à l’énergie solaire incidente.
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La demande sociétale liée en particulier aux besoins d’adaptation pousse à travailler sur la
prévisibilité décennale du système climatique, si possible à échelle régionale. C’est un pas de
géant en terme de recherche qui nécessite à la fois de mieux comprendre les mécanismes de la
variabilité, de mieux les représenter dans les modèles et de disposer des observations adéquates
pour initialiser et valider les modèles de prévision. Un des projets de recherche de l’Ifremer est axé
dans ce sens. La phase zéro d’un projet de régionalisation du changement climatique a commencé
en 2009 dans les régions du Golfe de Gascogne et de la Manche. Il s’agira de mettre en place des
modèles locaux dédiés capables d’estimer les variations à long terme des composantes physique,
bio-géochimique et biologique au niveau régional. En réponse aux questions de plus en plus
fréquentes reliées à l’évaluation de l’impact du changement climatique sur des régions côtières à
petites échelles spatiales, ce domaine d’activité connaîtra un développement important dans les
prochaines années.
L’étude du climat nécessitant l’acquisition de séries à long terme, l’Ifremer maintiendra sa
stratégie d’observation et de compréhension de la variabilité climatique de l’océan à échelle
globale et dans les chantiers régionaux déjà identifiés en Atlantique (Ovide et GoodHope).
Le problème global qu’est celui du changement climatique nécessite une collaboration étroite entre
les différents acteurs scientifiques. La mise en place d’une Alliance pour les sciences de la mer,
retenue dans les conclusions du Grenelle de la mer et figurant dans le contrat quadriennal 2009-
2012 de l’Ifremer, dynamisera les recherches sur ces sujets complexes qui demandent à être
menées en forte coopération nationale et internationale.
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