Boite quantique dans un fil photonique

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Caractérisation de boites
quantiques InAs/GaAs incluses
dans des fils photoniques.
Vers l’expérience de nonlinéarité géante
optique dans un atome unidimensionnel.
Olivier Legrand
2ème année de master de physique
Responsable : M. Jean-Philippe POIZAT
Avril-Août 2011
1
Table des matières
1 Introduction
3
2 Les
2.1
2.2
2.3
4
4
5
6
boites quantiques
Du cristal tridimensionnel à la boîte quantique . . . . . . . . . . .
Croissance et structure en énergie des boîtes quantiques . . . . . .
Excitations dans une boîte quantique - Les excitons . . . . . . . . .
3 Les fils photoniques
8
4 Non linéarité géante
4.1 Description . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Dispositif expérimental . . . . . . . . .
4.2.1 Excitation optique . . . . . . .
4.2.2 Eléments de détection optique .
4.3 Caractérisation des échantillons . . . .
4.3.1 Description d’une expérience de
4.3.2 Résultats . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . .
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microphotoluminescence
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10
11
12
12
13
13
14
15
5 Effets de surface
17
6 Conclusion
20
2
1
Introduction
L’étude d’objets de taille submicrométrique constitue actuellement un sujet de
recherche majeur en physique de l’état solide. Cet intérêt vient d’une part de la
miniaturisation des composants de micro-électronique dont les dimensions nanométriques justifient la prise en compte de la nature quantique de l’électron[1]. D’autre
part, le développement de techniques de gravure et d’épitaxie permettent depuis
une vingtaine d’années la conception d’objets de dimension effective inférieure à
trois - cas d’un matériau massif cristallin : on parle ainsi de puits quantiques pour
des structures bidimensionnelles, de fils quantiques lorsque la dimension est égale
à 1, et enfin de boites quantiques lorsque la dimension vaut 0 - structures dans lesquelles les électrons ne possèdent plus aucun degré de liberté de translation. La fabrication de tels objets rend possible l’étude[2],[3] ou encore le contrôle cohérent[4]
de systèmes quantiques isolés. Ceci en retour, ouvre la voie à la conception de
nouveaux types de composants, et plus généralement au développement d’un encore hypothétique - ordinateur quantique, dont le principe de fonctionnement
reposerait sur la manipulation de tels objets quantiques. Ce sont ces aspects qui
ont motivé la recherche, tant théorique qu’expérimentale, des effets de la réduction
de dimension des objets sur les propriétés électroniques ou optiques, et ce depuis
une cinquantaine d’années maintenant[5],[6].
Dans ce contexte, l’un des principaux axes d’étude concerne l’interaction lumièrematière. En effet, en suivant l’idée mentionnée ci-dessus, on pourrait envisager le
stockage de l’information dans les différents états d’une boîte quantique, et transmettre cette information à l’aide de la polarisation droite ou gauche du photon.
Le stage que j’ai réalisé à l’Institut Néel avait ainsi pour objet d’étude le couplage
entre une boîte quantique incluse dans un guide d’onde nanométrique et le champ
électromagnétique. On s’attend en effet à observer dans ce système une non linéarité optique se traduisant par une variation du coefficient de réflexion en fonction
de la puissance lumineuse envoyée sur l’échantillon.
Ce stage s’inscrivait dans le cadre de la mise en évidence expérimentale de cet
effet. Ainsi, je commencerai dans une première partie par décrire les objets appelés boîtes quantiques. La deuxième partie est consacrée aux fils photoniques.
Dans une troisième partie, je donne une description -théorique- de l’effet de non
linéarité géante, ainsi que du dispositif expérimental mis en place. L’étude d’un tel
effet suppose une phase préliminaire de caractérisation des échantillons, développée également dans la troisième partie. Cette étape de caractérisation a conduit
à l’observation d’un effet inattendu de décalage en énergie des boites quantiques
au cours du temps, effet dont l’étude est présentée dans la quatrième et dernière
partie de ce rapport.
3
2
2.1
Les boites quantiques
Du cristal tridimensionnel à la boîte quantique
Dans un cristal parfait tridimensionnel la densité d’état est une fonction continue de l’énergie, et les électrons se répartissent dans des bandes d’énergie, séparées
par des zones appelées bandes interdites dans lesquelles l’équation de Schrödinger
n’admet pas de solution. La fonction d’onde électronique est décrite par une superposition d’ondes de Bloch, et les valeurs que peut prendre le pseudo-moment
peuvent en très bonne approximation être considérées comme continues. Si on
confine les porteurs dans un volume suffisamment petit (typiquement de l’ordre de
la longueur d’onde de de Broglie du porteur) un effet de discrétisation des valeurs
du pseudo-moment (et ainsi de l’énergie) devient observable, et la description du
nanocristal doit alors être faite dans un cadre purement quantique - par opposition
au cadre semi-classique utilisé pour la description du cristal 3D. Les boîtes quantiques sont ainsi des systèmes dans lesquels les porteurs sont confinés selon les trois
directions de l’espace. Ce confinement a pour effet de modifier la densité d’état :
en effet, sa dépendance en fonction de l’énergie varie progressivement lorsqu’on
passe d’un système 3D (fonction continue) à un système 0D (fonction discrète),
induisant de fait un changement important dans la dynamique des porteurs.
Figure 1 – Densité d’états en fonction de l’énergie E pour des systèmes de dimensions
variables. Pour d=0, la densité d’états est discrétisée (cas de la boite quantique).
4
paramètre de maille (Å)
énergie du gap à 4K (eV)
InAs
6.06
0.42
GaAs
5.65
1.53
Table 1 – Caractéristiques des deux semi-conducteurs InAs et GaAs
2.2
Croissance et structure en énergie des boîtes quantiques
Il existe plusieurs façons de réaliser des boites quantiques, bien qu’il s’agisse
à chaque fois de "remodeler" des couches 2D préexistantes. Parmi ces techniques,
on peut citer la méthode dite de Stranski-Krastanov, qui est celle utilisée pour la
croissance de nos boîtes quantiques. On pourra trouver une description détaillée
Figure 2 – Vue au microscope AFM d’un plan de boîtes quantiques d’InAs sur substrat
de GaAs.[7]
de cette technique dans les références [7] ou [9] par exemple. L’idée consiste à faire
croître une hétérostructure à partir de deux matériaux semi-conducteurs de largeurs de bande interdite différentes et présentant une légère différence de paramètre
de maille (cf. Table 1 et Fig. 2).
Un point important est que ce procédé de croissance conduit à la formation
d’une couche d’InAs bidimensionnelle reposant en dessous des ilôts appelée couche
de mouillage, et se comportant comme un réservoir d’électrons répartis sur un
continuum de niveaux d’énergie. On obtient donc la structure en énergie décrite
Fig. 3.
5
Figure 3 – Structure énergétique d’une boîte quantique
2.3
Excitations dans une boîte quantique - Les excitons
Dans son état fondamental, un semi conducteur possède une bande de conduction vide d’électrons, et une bande de valence pleine. L’excitation avec un photon
dont l’énergie est au moins égale à l’energie de bande interdite, permet d’amener
un électron de vecteur d’onde ~k donné dans la bande de conduction, entraînant la
création d’un état inoccupé dans la bande de valence. Cette vacance est effectivement traitée comme l’apparition d’une particule de charge positive et de vecteur
d’onde −~k appelée trou. L’électron et le trou formant un couple de deux particules de charges opposées, peuvent, par interaction coulombienne, former un état
lié d’énergie inférieure à l’énergie de bande interdite (l’énergie du haut de la bande
de valence est prise comme zéro des énergies) appelé exciton.
L’exciton est traité comme un système à deux corps. On a alors une quasi-particule
dont les caractéristiques sont analogues à celles d’un atome d’hydrogène. Dans le
cas d’InAs, le rayon de Bohr typique d’un exciton - qui permet de définir la taille
de ce système - vaut environ 50 nm[8]. Dans des boîtes quantiques dont la dimension vaut environ 20 nm, l’exciton est complètement confiné, et possède alors, en
suivant ce qui a été dit plus haut, un spectre en énergie discret. Lorsque le nombre
de photons est grand (puissance d’excitation élevée), la probabilité de créer un
biexciton, c’est-à-dire une quasi-particule composée de deux trous et deux électrons en interaction coulombienne augmente de façon quadratique et devient non
négligeable.
En première approximation, l’énergie du biexciton est égale au double de l’énergie
de l’exciton. Mais l’interaction de Coulomb a pour effet d’abaisser l’énergie de cette
quasi-particule, formant ainsi un état lié. L’exciton - et le biexciton - ne sont pas
des états stables : ils possèdent un temps de vie - durée séparant la création et la
recombinaison radiative ou non de la paire électron-trou-, auquel on associe une
6
Figure 4 – L’exciton et le biexciton. La structure en énergie discrète justifie
l’appellation d’atome artificiel pour ce système.
certaine largeur en énergie, conformément à l’inégalité d’Heisenberg temporelle.
Dans les boîtes quantiques InAs/GaAs, le temps de vie typique d’un exciton est
de l’ordre de 1 à 2ns, ce qui conduit à une largeur en énergie de l’ordre de 0.7µeV.
L’énergie de la transition |0>→|X> varie d’une boite à l’autre, mais typiquement
elle vaut 1.3 eV dans nos échantillons.
A condition de pouvoir adresser la transition de plus basse énergie uniquement,
i.e. celle correspondant à la création de l’exciton, on va pouvoir considérer que l’on
a bien un système à deux niveaux, condition absolument nécessaire pour pouvoir
réaliser l’expérience de non linéarité géante.
7
3
Les fils photoniques
L’étude de la non linéarité géante repose sur le modèle d’atome undimensionnel. On appelle ainsi un atome dont le coulage avec le champ électromagnétique ne
s’effectue que selon une direction spatiale. Pour réaliser cela en pratique, les boîtes
quantiques sont incluses dans des fils photoniques, qui jouent le rôle de guides
d’ondes nanométriques .
Figure 5 – Image MEB de fils photoniques. J. Claudon et. al.
Caractéristiques des fils photoniques
La méthode de gravure des fils photoniques est détaillée dans [12]. Ils sont disposés
dans nos échantillons en matrices contenant chacune 350 fils de diamètres au sommet compris entre 510nm et 4µm. Les boites quantiques sont directement incluses
dans ces fils durant leur conception - leur densité vaut environ 300 µm−2 . Leur
hauteur est constante, et vaut 18,5µm. L’intérêt de ces fils est multiple : outre le
fait, mentionné plus haut, de confiner le rayonnement issu des boîtes quantiques
selon une direction spatiale, ils permettent de collecter efficacement ce rayonnement, ou de façon équivalente d’exciter efficacement les boîtes quantiques.
– Le rayonnement est confiné selon une direction spatiale :
Le mode fondamental confiné dans le fil est le mode HE11 . Dire que le rayonnement émis spontanément par une boîte quantique est confiné selon une
direction spatiale revient donc à considérer que celui ci est essentiellement
8
émis dans le mode du guide d’onde. La grandeur physique qui rend compte
de cela est le facteur β, défini comme le rapport entre la probabilité qu’a la
boîte quantique d’émettre spontanément dans le mode du guide d’onde et la
probabilité totale d’émission spontanée dans n’importe quel mode du champ
électromagnétique. Ce facteur dépend de la largeur du fil [11] et atteint 0.95
dans nos fils pour une valeur optimale de leur diamètre égale à dopt = 0.22λ
([11],[12]).
– Le mode confiné dans le fil est extrait avec une grande efficacité :
L’autre exigence est donc de pouvoir collecter efficacement le rayonnement
issu de la boîte quantique. Une fois le couplage entre ce rayonnement et le
mode confiné dans le fil optimisé, la principale cause de perte de signal provient de la diffusion qui a lieu dans toutes les directions au niveau du dioptre
entre le fil et le milieu extérieur[11]. C’est pour remédier à ce problème que les
fils ont été conçus avec une forme conique, qui permet la conversion adiabatique du mode confiné HE11 en un mode fortement déconfiné présentant une
distribution spatiale en champ lointain plus étroite, de type gaussienne[12].
D’autres solutions ont été proposées pour réaliser l’expérience de non linéarité
géante, et plus généralement pour obtenir des sources de photons uniques à l’état
solide, parmis lesquelles on peut citer l’utilisation de cavités résonantes verticales
(aussi appelées micropiliers). L’avantage de ces dernières est d’augmenter le taux
d’emission de l’émetteur, et de fournir un rayonnement émis très directif. En retour,
l’avantage d’utiliser des fils photoniques est leur large bande spectrale de fonctionnement autour de la fréquence d’émission de la boite quantique. Leur forme permet
en outre une grande efficacité de collection de l’émission de la boîte quantique - ce
qui permet de se passer de la nécessité d’augmenter le taux d’émission spontanée.
9
4
Non linéarité géante
Ce stage s’inscrivait dans le cadre de la mise en évidence expérimentale de la
non linéarité géante optique. Dans un premier temps, je commencerai par décrire la
théorie de ce processus, puis j’aborderai les moyens par lesquels nous avons cherché
à mettre ce phénomène en évidence.
Figure 6 – Effet de non linéarité géante. Les flèches indiquent le sens de propagation des
différentes amplitudes considérées. a) Etat du système avant interaction. On a représenté
ici l’amplitude du photon incident, et le système à deux niveaux dans son état fondamental.
b) Apres interaction, le système est dans une superposition linéaire de deux états : le
premier état ( |1> ) correspond au photon incident étant passé à travers le système
sans interagir, le deuxième état ( |2> ) correspond au photon réémis par le système
après interaction. Dans ce dernier cas, l’amplitude du photon est composé d’une partie
transmise, et d’une partie réfléchie. L’impulsion représentant le photon réémis est renversée
par rapport à celle représentant le photon incident à cause du déphasage de π. c) Les
amplitudes associées au photon incident et au photon réémis en voie de transmission
interfèrent destructivement : seule l’amplitude associée au photon réfléchi "survit". d)
Dans le cas de plus fortes puissances d’excitation, le système à deux niveaux est saturé
par le premier photon, et le deuxième photon peut passer à travers.
10
4.1
Description
Cet effet résulte de l’interaction entre un photon et un système à deux niveaux,
lorsque celle ci ne peut avoir lieu que selon une direction spatiale donnée. En effet,
lorsque le système à deux niveaux est couplé de façon résonante au champ électromagnétique, l’amplitude du photon émis spontanément lors de la désexcitation
du système à deux niveaux est déphasée de π par rapport au celle du photon incident. On observe donc un phénomène d’interférences totalement destructives entre
les amplitudes des photon incident et réémis, et pour l’observateur tout se passe
comme si le champ était totalement réfléchi (Fig. 6 b) et c) ). Cet effet consiste
donc en deux régimes différents mais complémentaires, qui sont les suivants :
Figure 7 – Ces graphes concernent le cas d’un système à deux niveaux dans une cavité.
Ils sont qualitativement identiques à ceux obtenus dans notre cas (système à deux niveaux
dans un fil photonique). Gauche : Facteur de transmission en fonction du désaccord δω
normalisé entre la fréquence du laser d’excitation et du système à deux niveaux. κ désigne
le coefficient de couplage entre le mode de la cavité et l’extérieur. La courbe en pointillé
correspond à une cavité vide, la courbe pleine à une cavité contenant un système à deux
niveaux. L’effet de miroir sélectif en fréquence est clairement visible. Droite : Coefficient
de transmission en fonction du logarithme du paramètre de saturation x = I/Pc , où I est
l’intensité du champ incident, et Pc la puissance critique de saturation, correspondant à
un système à deux niveaux dont les deux états sont occupés avec la même probabilité. On
peut voir le coefficient de transmission varier rapidement autour de I = Pc . A. Auffèves
et al., Phys. Rev. A, 75, 053823
– A résonance le système agit comme un miroir, le signal est intégralement
réfléchi. Si on fait varier l’énergie du photon incident, on perd cet effet d’interférences destructives - on récupère donc du signal en transmission. Ainsi,
le coefficient de transmission en énergie dépend de la longueur d’onde du
photon incident - à puissance constante. (Fig. 7 gauche)
11
– Si maintenant on fait varier la puissance du faisceau incident, mais à énergie
constante, on constate une variation du coefficient de transmission, qui provient du fait que pour des puissances correspondant à plus d’un photon par
temps de vie de la transition, celle ci sature et permet ainsi aux photons suivants de passer à travers le système sans le "voir" (Fig. 6 d) et Fig. 7 droite).
Cette variation du coefficient de transmission en fonction de la puissance
incidente est un effet non linéaire ; le fait qu’il se produise à l’échelle d’un
photon par temps de vie conduit à le qualifier d’effet non linéaire géant[13].
Pour l’observer, il est donc nécessaire d’être capable de travailler à très basse
puissance, de pouvoir faire varier la fréquence du faisceau laser autour de la fréquence de la transition considérée, mais également de travailler avec une source
lumineuse dont la largeur en fréquence est bien plus faible que la largeur associée à la transition. Ces exigences sont satisfaites grâce à l’utilisation combinée de
plusieurs dispositifs optiques décrits dans la suite de ce rapport.
4.2
Dispositif expérimental
Le dispositif expérimental est schématisé sur la Fig. 8. Une brève description
des différents éléments représentés est donnée dans ce qui suit.
4.2.1
Excitation optique
Nous disposons pour l’ensemble des expériences décrites dans ce rapport de
trois sources lumineuses qui nous servent à exciter les échantillons. Une diode laser
libre est utilisée pour les expériences de microphotoluminescence : sa longueur
d’onde d’émission se situe autour de 825 nm. Nous disposons également d’un laser
titane-saphir fonctionnant en régime pulsé, accordable entre 650 et 980 nm. Chaque
impulsion a une durée typique d’environ 1 ps, le temps entre deux impulsions étant
de 12.2 ns, ce qui conduit à un taux de répétition de 80 MHz. Ce laser sert à la
fois aux expériences de microphotoluminescence, mais également aux mesures de
temps de vie de la boîte quantique. La troisième et dernière source dont nous
disposons est une diode laser munie d’une cavité externe utilisant un réseau de
diffraction permettant d’accorder la fréquence d’émission, entre 900 et 960 nm.
Cette dernière source sert à l’expérience de non linéarité géante, du fait de sa grande
pureté spectrale : sa largeur de raie vaut 1 MHz - soit 0.003µeV, à comparer à la
largeur de la raie d’émission de la boîte quantique de 0.7µeV. Un interféromètre de
Fabry-Perot, connecté en dérivation à cette source, permet de contrôler le caractère
monomode du faisceau émis.
12
Figure 8 – Schema du dispositif expérimental[7]
4.2.2
Eléments de détection optique
Le repérage sur la surface de l’échantillon se fait à l’aide d’une LED infrarouge
à large bande spectrale désignée (abusivement) sous le nom de lampe blanche sur
le schema. Pour séparer les diverses composantes spectrales du rayonnement émis
par les boîtes, nous avons à notre disposition un spectromètre dont la résolution
est de 12.3µeV. En sortie de ce spectromètre se trouve une caméra CCD d’une
part, et une photodiode à avalanche (APD) d’autre part, sensible à un très petit
nombre de photons pour les mesures résolues en temps.
La caméra CCD est constituée d’une matrice de 1340×100 pixels, chacun mesurant
20µm×20µm. La résolution de l’ensemble spectromètre - camera CCD est limitée
par le spectromètre ; l’ APD possède une résolution temporelle de 40ps, temps bien
inférieur au temps de vie typique de l’exciton dans la boîte quantique, de l’ordre
de 1ns.
4.3
Caractérisation des échantillons
Nos échantillons comportent un grand nombre de fils photoniques, contenant
chacun une densité de boites quantiques de l’ordre de 300µm−2 . Tous ne pourront
pas permettre la mise en évidence expérimentale de l’effet de non linéarité géante
optique, et ceci pour plusieurs raisons liées à l’interaction entre le signal émis par
13
la boîte quantique et le mode confiné dans le fil, l’interaction éventuelle entre
plusieurs boîtes quantiques au sein d’un même fil, leurs séparations spectrales,
etc... Nous n’avons pas la possibilité de modifier chacun de ces paramètres, qui
en dernier ressort sont fixés lors de la croissance des échantillons. En revanche, le
grand nombre de fils à notre disposition permet d’espérer en trouver un certain
nombre remplissant les conditions pour être considérés comme de bons candidats
pour l’expérience de non linéarité géante. Trouver ces bons candidats constitue
donc une phase préliminaire indispensable à cette expérience, et cette recherche
est effectuée en réalisant des expériences dites de microphotoluminescence dont je
détaille le principe, les résultats et leur interprétation dans la suite.
4.3.1
Description d’une expérience de microphotoluminescence
Une expérience de photoluminescence consiste à récolter et à analyser le signal émis par l’ensemble des boîtes quantiques contenues dans un fil lorsque celles
ci sont excitées optiquement. Le préfixe micro- vient du fait qu’on utilise pour
cette expérience un objectif de microscope qui nous permet de concentrer le faisceau lumineux sur des dimensions micrométriques , c’est à dire suffisamment pour
n’exciter qu’un fil à la fois. L’excitation se fait hors-résonance, pour des raisons
Figure 9 – Principe de l’expérience de microphotoluminescence. L’excitation se fait
dans la couche de mouillage, le signal récupéré est celui provenant de la recombinaison de
l’exciton dans la boite quantique.
expérimentales : il s’agit en effet de pouvoir discriminer le signal provenant du laser
du signal de luminescence. La structure des boîtes quantiques est mise à profit :
l’excitation se fait dans la couche de mouillage, de façon à travailler à une longueur
d’onde pour laquelle le matériau GaAs est transparent. Les porteurs ainsi excités
vont ensuite relaxer vers les états d’énergie inférieure dans la boîte quantique par
interaction avec les phonons du réseau ou par recombinaison Auger avec les électrons de la matrice environnante[7], où ils pourront ensuite se recombiner et ainsi
émettre le photon de luminescence que l’on détecte sur la caméra CCD.
14
4.3.2
Résultats
Figure 10 – Spectre de microphotoluminescence.
On obtient typiquement le spectre représenté Fig. 10. La première étape consiste
à couvrir tout le domaine de longueur d’onde dans lequel on s’attend à trouver des
signaux provenant de boîtes quantiques. Bien entendu, d’un fil à l’autre le nombre
et l’aspect des pics observés varie. Au sein d’un même fil, tous les pics ne correspondent pas à une transition associée à la création d’un exciton, et même lorsque
c’est le cas, l’efficacité du couplage - qui apparaît à travers la hauteur des pics - doit
être la meilleure possible pour espérer ensuite une observation non ambiguë de la
non linéarité géante. Ainsi, cette première étape permet idéalement de sélectionner
un ou plusieurs pics qui, a priori, peuvent se prêter à l’expérience de non linéarité géante. Après cette étape quelque peu fastidieuse (il y a sur nos échantillons
plusieurs dizaines de fils qui doivent être analysés), il s’agit d’obtenir plus d’informations sur la, ou les transitions ayant retenu notre attention. La caractérisation
de ces transitions passe par une étude de la dépendance de l’intensité des pics en
fonction de la puissance injectée par le laser. Un exemple d’une telle "montée en
puissance" est donnée Fig. 11.
Un comportement caractéristique associé à l’exciton et au biexciton, est leur
dépendance respectivement linéaire, et quadratique en fonction de la puissance du
faisceau laser (Fig. 12). Ceci provient du fait que le processus conduisant à la création d’un exciton est un processus à un photon, tandis que le processus conduisant
à la création d’un biexciton est un processus à deux photons. On peut noter également que l’intensité de la transition associée à l’exciton croît jusqu’à une certaine
valeur où elle sature, avant de décroître, contrairement à celle du biexciton. Ceci
est lié au processus de création de l’exciton et du biexciton : dans le cas de fortes
puissances, l’exciton n’a pas le temps de recombiner avant de recevoir un photon
conduisant à la formation du biexciton. La formation du biexciton devient ainsi de
15
Figure 11 – Spectres de photoluminescence obtenus pour différentes puissances d’excitation. Les différents spectres sont superposés, de façon à visualiser clairement l’évolution
des pics. Les valeurs de puissance indiquées correspondent à la puissance de la source
laser.
plus en plus favorable, et l’annihilation de l’exciton de plus en plus défavorable, ce
qui explique les courbes obtenues. Ceci est vrai lorsque la source d’excitation est
continue : dans le cas d’une source pulsée, cet effet n’est pas visible puisque entre
deux impulsions l’exciton et le biexciton ont le temps de se recombiner (la durée
entre deux impulsions vaut 12.2ns, tandis que le temps de vie typique de l’exciton
vaut 1 à 2ns). Ainsi la saturation observée vient du fait qu’à forte puissance la
probabilité de créer un biexciton tend vers 1. La désexcitation faisant intervenir
les deux transitions |XX>→|X> et |X>→|0>, il est normal d’obtenir des valeurs
de saturation identiques pour ces deux transitions. Comme expliqué plus haut,
l’intérêt de savoir que la transition retenue et bien associée à la création d’un exciton est lié à la nécessité d’avoir un système à deux niveaux pour mener à bien
l’expérience de non linéarité géante.
16
Figure 12 – Intensité intégrée en fonction de la puissance d’excitation pour l’exciton
(rouge) et le biexciton (bleu). Gauche : courbes obtenues avec la diode laser fonctionnant
en continu. On peut voir l’exciton saturer avant le biexciton (la saturation du biexciton
n’est pas visible ici). Droite : courbes obtenues avec le laser titane-saphir fonctionnant
en régime pulsé. On peut voir l’exciton et le biexciton saturer pour une même puissance
d’excitation.
5
Effets de surface
L’observation de la non linéarité géante se fait grâce à la diode laser DL100 qui
possède une largeur de raie plus fine que la largeur de raie associée à la transition
excitonique. Pour être détectable, le signal doit être intégré au cours du temps de
manière à maximiser le rapport signal sur bruit. On comprend donc que tout décalage en fréquence de la boîte quantique durant la période d’intégration aura pour
effet de détériorer, partiellement ou totalement le signal attendu. Les échantillons
sur lesquels nous avons travaillé présentent ce défaut, que nous avons cherché à
quantifier.
Cet effet est mis en évidence Fig. 13. Ce décalage en fréquence au cours du
temps est le résultat d’une modification de la structure de bande sous l’effet d’un
champ électrique local provenant de l’introduction de trous à la surface des fils,
via un mécanisme de physisorption des molécules de dioxygène résiduelles dans le
cryostat[14]. Selon leur position à l’intérieur des fils, les différentes boites quantiques ne vont pas être soumise au même effet, et donc leur vitesse de dérive peut
être différente. Nous avons réalisé des mesures de position spectrale des différentes
transitions repérées Fig. 13 en fonction du temps, dont les résultats sont présentés
Fig. 14. Nos mesures confirment cet effet de variation relative de la position des
boites quantiques au cours du temps, confirmant ainsi que ce sont des phénomènes
liés à l’état de surface des fils photoniques qui sont à l’origine de cet effet. On peut
voir Fig. 14 que les deux transitions X1 et X2 (ou de façon équivalente les deux
boites quantiques associée à ces transitions) se croisent. Les résultats de mesures
de temps de vie pour ces deux transitions, effectuées avant, pendant et après ce
croisement sont présentées Fig. 15. Le fait remarquable est l’observation, d’une
17
Figure 13 – Deux spectres obtenus dans les mêmes conditions de pression et température, mais à un jour de décalage. Les raies correspondant aux deux transitions excitoniques
sont repérées par X1 et X2. On peut voir que leurs positions, absolues et relatives diffèrent
entre les deux graphes, mettant en évidence un phénomène de décalage en énergie au cours
du temps.
Figure 14 – Positions des différentes transitions excitoniques et de la transition associée
au biexciton au cours du temps. Les deux courbes notées X1 et X2 correspondent aux
deux transitions excitoniques (associées à deux boites quantiques différentes). La courbe
moins visible, notée XX1 correspond au biexciton associé à X1. Les deux autres transitions
visibles n’ont pas été étudiées dans le cadre de ce rapport.
part, d’une diminution du temps de vie associé à ces transitions à mesure qu’elles
se rapprochent. D’autre part, lorsque les deux transitions possèdent la même éner-
18
Figure 15 – Les différentes valeurs de temps de vie pour chacune des transitions sont
reportées directement sur la figure. Les valeurs données en dessous de la figure correspondent à des mesures réalisés un jour plus tôt, et montrent qu’on voit une différence
de temps de vie pour ces transitions à mesure qu’elles se rapprochent. Lorsque les deux
transitions possèdent la même énergie, seul un des deux temps
gie, la mesure de temps de vie donne un résultat correctement interpolé par une
fonction biexponentielle, c’est à dire possédant deux temps de vie caractéristiques.
Ces temps correspondent à 1.98ns (valeur reportée sur la Fig. 15) et 2.00ns. Bien
que l’on ne puisse, à ce stade, rien dire à propos de l’évolution du temps de vie de
chacune de ces transitions prises individuellement au moment de la "résonance",
cette variation de temps de vie en fonction de l’écart en énergie suggère l’existence
d’un mécanisme de couplage entre les deux boites quantiques. Ce mécanisme reste
à élucider, d’autres expériences doivent être menées pour comprendre ce comportement et confirmer cette hypothèse.
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6
Conclusion
Les résultats obtenus au terme de ces quatre mois sont prometteurs, mais demandent à être approfondis : la question du couplage entre les boites quantiques
discuté dans la dernière partie n’a pour le moment pas trouvé de réponse. Néanmoins, la compréhension et la maîtrise de ces effets de surface est une question
importante, parce qu’elle concerne tous les systèmes de types boite quantique dans
un fil photonique, mais aussi parce qu’elle ouvre la voie au contrôle optique de la
fréquence d’émission des boites quantiques.
Durant ce stage, j’ai été amené à réaliser des expériences d’optique dans des semiconducteurs. J’ai ainsi pu me familiariser avec certaines des techniques habituellement employées dans ce domaine, comme les expériences de photoluminescence,
de mesure de temps de vie, de réflectivité. J’ai également participé au montage du
dispositif expérimental, puisqu’il a fallu en changer la configuration au cours du
stage dans le but d’en améliorer la stabilité mécanique, ce qui fut profitable.
L’expérience de non linéarité géante constitue l’un des principaux axes d’étude
futur sur ce type de système. L’arrivée prochaine de nouveaux échantillons ayant
subi un traitement approprié permettant d’empêcher cette dérive en énergie devrait pouvoir en permettre la réalisation.
Enfin, je tiens à remercier Jean Philippe Poizat pour m’avoir accueilli dans son
équipe, Inah Yeo actuellement en thèse sur cette expérience et avec qui j’ai obtenu
les résultats présentés dans ce rapport. Je tiens également à remercier chaleureusement Aurélien Trichet, Samir Bounouar, Claire Le Gall, étudiants en fin de thèse
à l’Institut Néel, ainsi que François Medard, postdoctorant pour les nombreuses
discussions que nous avons eues et qui m’ont aidées dans la compréhension de la
physique en jeu dans le domaine de l’optique dans les semi-conducteurs.
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