1
GEOCHIMIE ISOTOPIQUE
I
NTRODUCTION
Jusqu’à présent dans ce cours, on a admis l’hypothèse de la chimie classique
qui implique que tous les atomes d’un élément chimique donné sont identiques. Tous
les atomes de sodium et de chlore dans le chlorure de sodium par ex, sont supposés
identiques, i. e. que chaque échantillon de ce sel va montrer la même solubilité, le
même point de fusion, la même chaleur latente.
En fait, il y a environ un siècle, on s’est rendu compte que cela n’était pas tout à
fait vrai. Tous les atomes d’un élément sont pratiquement les mêmes, mais une
partie plus ou moins infime montre des différences au niveau de la structure
nucléaire. L’étude de ces différences fournit une multitude d’informations sur une
grande variété de sujets: âges des roches et des minéraux, températures de
formation des roches, origines des magmas et des roches, reconstitutions des
paléoclimats, études des processus biologiques…
I.
E
LEMENTS ET
I
SOTOPES
I.1. Rappels et définitions
Les atomes d’un élément donné ont tous le même nombre d’électrons en dehors
du noyau (nuclide) et le même nombre de protons à l’intérieur du noyau (c’est le
numéro atomique). En revanche, des différences peuvent exister dans le nombre de
neutrons contenus dans leur noyau (PLANCHE 1). Ces atomes diffèrent donc par
leur masse (masse atomique = nombre de neutrons + nombre de protons) ce qui leur
confèrent des propriétés chimiques et physiques légèrement différentes. Un élément
n’est donc pas nécessairement un composé simple mais doit être vu comme un
mélange de composés aux propriétés physiques et chimiques légèrement
différentes. Les différentes espèces d’un élément sont dénommées isotopes.
Certains éléments sont représentés sous la forme d’un seul isotope (fluor, sodium,
cobalt), soit 21 sur les 92 naturels; la plupart des éléments en ont au moins deux,
et quelques-uns en ont jusqu’à huit ou plus (étain, xénon, tellure). Artificiellement, à
partir d’un bombardement de neutrons, certains isotopes supplémentaires peuvent
être obtenus pour tous les éléments, excepté pour l’hydrogène.
Les isotopes d’un élément ont des propriétés chimiques et physiques légèrement
différentes. Les propriétés chimiques dépendent largement de la charge nucléaire et
2
donc de la répartition des électrons, en particulier des électrons les plus
périphériques. Etant donné que les isotopes diffèrent uniquement par leur masse
nucléaire et qu’ils ont une structure électronique identique, leurs propriétés
chimiques sont pratiquement équivalentes. Ces propriétés sont si proches, que la
plupart des réactions chimiques, à la fois celles pratiquées en laboratoire et celles
observées dans la nature, n’amène à pratiquement aucune séparation isotopique.
Seul un petit nombre d’éléments légers (ex. hydrogène, carbone, oxygène, soufre)
ont des isotopes qui présentent des différences de masse atomique suffisante pour
provoquer une séparation isotopique significative dans la nature.
Ex: C
12
6
(98,892%), C
13
6
(1,108%)
La paration isotopique des éléments plus lourds peut être réalisée en laboratoire
mais c’est en général plus difficile.
La composition isotopique originelle des systèmes planétaires est fonction des
processus nucléaires dans les étoiles (nucléosynthèse). Au cours du temps, la
composition isotopique dans les environnements terrestres sulte d’une multitude
de processus très divers comme la décroissance radioactive, l’interaction des
éléments avec les rayons cosmiques, le fractionnement (séparation) des isotopes qui
provient de réactions physico-chimique et biologiques, ou encore les activités
anthropogéniques (expérimentations nucléaires, accidents nucléaires...).
On distingue deux types d’isotopes: les isotopes radioactifs (instables) sont des
nuclides qui se désintègrent spontanément au cours du temps pour former d’autres
isotopes. Durant la désintégration, les isotopes radioactifs émettent des particules
alpha ou beta et toujours des rayons gamma. Les isotopes stables au contraire ne
montrent pas de décroissance au cours des temps géologiques mais peuvent être
eux-mêmes le produit de la décroissance d’isotopes radioactifs.
Pour de faibles masses atomiques, on observe que les isotopes sont stables lorsque
N=Z; lorsque la masse atomique croit, les isotopes sont stables jusqu’à N/Z=1,5
(PLANCHE 1).
I.2. Isotopes radioactifs/radiogéniques
Le noyau d’un isotope radioactif libère spontanément une radiation (rayon γ) et se
transforme souvent en un noyau d’un autre élément chimique. Plusieurs types de
radiations sont observés. Les radiations sont en général suffisamment énergétiques
3
pour ioniser tous les atomes qu’elles rencontrent sur leurs trajets. On parle souvent
de radiations ionisantes ou rayons ionisants. Si l’ionisation se produit dans un tissu
vivant, cela peut causer de sérieux dommages voire entraîner la mort.
Les nouveaux éléments produits par la décroissance radioactive sont appelés les
éléments fils ou éléments radiogéniques. Les éléments radiogéniques peuvent être
stables (non R*) mais aussi beaucoup plus radioactifs que leur parents (par ex: le
226
Ra (radium) et le
222
Rn (radon) beaucoup plus ionisants que
238
U); ce type
d’éléments lourds (A élevé) est en général créé grâce à l’addition de neutrons dans
le noyau, neutrons qui proviennent d’une décroissance alpha d’autres noyaux
(activation neutronique). Alternativement, l’addition d’un neutron à un noyau peut
entraîner l’éjection d’un proton créant un noyau de masse atomique (A) identique
mais de numéro atomique (Z) plus faible. Les isotopes issus de ces deux processus
sont appelés lithogéniques. La quantité de tels isotopes dans la nature résulte
souvent d’un équilibre entre les processus de formation et les processus de
décroissance. Ces éléments font partie souvent de chaînes de croissance
(PLANCHE 2).
Certains isotopes radioactifs sont formés continuellement dans la haute atmosphère
à partir d’éléments stables qui ont été frappés par des rayons cosmiques hautement
énergétiques (
14
C,
3
H,
10
Be); on parle alors pour ces éléments, d’isotopes
cosmogéniques. Parmi les 92 éléments naturels, une douzaine environ est
radioactif (radioéléments naturels). Les isotopes produits artificiellement sont pour la
plupart, des éléments radioactifs; une quantité considérable de ces isotopes a été
ajoutée à la surface de la Terre au cours du dernier siècle par l’intermédiaire des
armes et accidents nucléaires.
Il existe quatre modes principaux de décroissance radioactive qui ont un intérêt en
géochimie.
I.2.1. Les différents types de décroissance radioactive
La radioactivité alpha.
Ce type de décroissance intervient sur des noyaux lourds (A>200 et Z>83), il y a
émission d’une particule alpha (atome d’hélium).
γHeThU
4
2
234
90
238
92
+
+
(PLANCHE 2)
4
La radioactivité beta.
Ce type de décroissance est un processus dans lequel la charge du noyau change
(i.e. Z le numéro atomique) mais pas le nombre de nucléons (A, masse atomique).
La décroissance
β
ββ
β
sulte donc en l’émission d’un électron ou d’un positron. Il faut
distinguer le cas des noyaux riches et pauvres en neutrons
1. Décroissance β
-
: ici, c’est l’émission d’un électron. En général, cela
concerne les noyaux riches en neutrons (i. e. Z/N petit). Les noyaux déficients en
protons transforment un neutron en un proton et un électron. Il y a expulsion d’un
électron du noyau augmentant ainsi le numéro atomique (Z) tandis que le nombre de
neutrons est diminué de un. Ex: carbone-14
γνeNC
0
1
14
7
14
6
+++
ν
: antineutrino.
C’est le mode de décroissance le plus fréquent.
2. Décroissance β
+
: ici, c’est l’émission d’un positron. Cela concerne les
noyaux pauvres en neutrons (Z/N~1). Les noyaux pauvres en neutrons transforment
un proton en neutron, un positron et un neutrino. Ainsi, le numéro atomique (Z) est
diminué d’une unité et le nombre de neutrons est augmenté de un. Les éléments
radiogéniques sont appelés isobares. Ex: carbone-11
γνeBC
0
1
11
5
11
6
+++
ν
: neutrino.
Mode de décroissance beaucoup plus rare.
3. La capture β
-
: ici, c’est la capture d’un électron.
Cette transformation se produit dans un noyau déficitaire en neutrons (Z/N~1) et
avec Z>40. Un proton est alors transformé en neutron plus neutrino par la capture
d’un électron. Le nombre de proton (Z = numéro atomique) est ainsi diminué d’une
unité. Les éléments radiogéniques issus de ce type de réactions sont aussi des
isobares. Ex: or-195
γνPteAu
195
78
0
1
195
79
+
+
+
(PLANCHE 2)
Mode de décroissance beaucoup plus rare.
5
Remarque: il faut savoir que les radioactivités α et β sont accompagnées d’une
radioactivité γ (rayons ionisants). Il existe un autre type de radioactivité moins utilisée
en géochimie et très rare: la fission spontanée qui concerne les éléments les plus
lourds. Ces éléments présentent une certaine tendance à se scinder en deux
éléments-fils. C’est le principe de la fission nucléaire dans les centrales et les
bombes.
n)108()65Z30.(2U
1
0
238
92
+
<
<
n)108()65Z30.(2UnU
1
0
236
92
1
0
235
92
+<<+
En général, la concentration en uranium dans la nature est trop faible pour que cet
enchaînement de réactions s’enclenche. Toutefois, on s’est aperçu dans les dépôts
d’uranium d’O
KLO
au G
ABON
que le ratio
235
U/
238
U y était anormalement faible
indiquant qu’une partie du
235
U a été consommé dans une série de réactions
nucléaires naturelles. On parle du réacteur naturel d’O
KLO
.
I.2.2. Loi de décroissance radioactive
La décroissance nucléaire d’un élément suit la loi statistique de décroissance
radioactive. Le taux de croissance est seulement dépendant de la nature et de
l’état énergétique de l’élément. Ce taux de décroissance est indépendant de l’histoire
du noyau, et essentiellement des influences externes telles que la température ou la
pression. Aussi, il est impossible de prédire quand un élément va commencer à
décroître. On peut cependant, prédire la probabilité de sa décroissance sur un
intervalle de temps donné. La probabilité de décroissance d’un noyau sur un temps
très très petit, dt est
λ
λλ
λ
où
λ
λλ
λ
est la constante de décroissance. La probabilité de
décroissance pour un nombre N de noyaux pour un temps dt est
λ
λλ
λ
N. Ainsi, le taux de
décroissance pour N noyaux:
Nλ
dt
dN =
Le signe moins signifie que N décroît avec le temps.
=
t
0
N
No
dtλ
N
dN
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