JANVIER 2008 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 16:45 Page 1 Cahier pédagogique Concours National de la Résistance et de la Déportation Sujet de la session 2007-2008 L’aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant la Seconde Guerre mondiale : une forme de résistance ider les personnes persécutées et pourchassées constitue une forme de résistance que l’on peut qualifier de non violente : la résistance civile, dont les acteurs furent dans certains cas à leur tour pourchassés, voire déportés ou exécutés. « La résistance civile fut celle de la survie ; elle visait à sauver ce qui pouvait l’être, sans attendre le renversement du rapport des forces militaires. Il s’agissait de faire survivre des personnes pourchassées par les forces de l’occupant et de la collaboration, de faire survivre des valeurs et modes de vie profondément menacés par le régime nazi. […] Il s’agit d’une démarche altruiste, dangereuse, visant à dissimuler des personnes recherchées afin de les soustraire à une fin tragique. […] La résistance civile apparaît comme complémentaire à la résistance armée. […] A partir de 1943, elle s’intègre de plus en plus dans des schémas d’actions militaires ou paramilitaires. » A Jacques Sémelin, Résister sans armes face à Hitler. La résistance civile en Europe (1939-1943). A gauche : Diane Popowski (p.10) © Maison d’Izieu / coll. succession Sabine Zlatin A droite : Groupe de résistants au Crêt de Chalam autour de Paulette Mercier, août 1944 (p.8) (Inv. MHRD 1998.10.85, Collection Musées des pays de l’Ain) Le Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura analyse les aides apportées aux résistants par le Service de Santé des maquis de l’Ain et met en relief le rôle des Justes du département de l’Ain. Les documents réunis par la Maison d’Izieu mettent en évidence la diversité de l’aide que la « colonie » a reçue de la part à la fois d’individus isolés, ou d’organisations structurées. IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 CHRONOLOGIE 16:46 Page 2 D E S P R I N C I PA L E S M E S U R E S D ’ O P P R E S S I O N 1939 • 27 août : suspension des journaux communistes établissement de la censure • 26 septembre : dissolution du Parti communiste français 1940 • juin : 1,6 million de soldats français prisonniers sont transférés en Allemagne • 22 juillet : loi de révision des naturalisations depuis 1927 • 30 juillet : épuration de l’administration française • 2 août : le général De Gaulle est condamné à mort par contumace • 3 septembre : loi autorisant l’internement des individus dangereux • 27 septembre : première ordonnance du commandant en chef allemand en zone occupée définissant les juifs • 3 octobre : premier statut des juifs de Vichy • 4 octobre : le maréchal Pétain promulgue une loi autorisant l’internement des juifs étrangers sur décision préfectorale dans des camps spéciaux 1941 • 29 mars : création du Commissariat général aux questions juives • 26 avril : nouvelle ordonnance allemande en zone occupée concernant les juifs • 14 mai : première rafle de juifs étrangers à Paris • 2 juin : loi instaurant le recensement des juifs en France • 22 juillet : loi de Vichy pour « éliminer toute influence juive dans l’économie nationale » • 13 août : ordonnance interdisant aux juifs de posséder des postes de radio • 20 août : deuxième rafle de juifs à Paris • 22 août : ordonnance allemande dite « des otages » • 24 août : loi instituant les tribunaux d’exception contre les actions communistes • 16 septembre : exécution de 10 otages par l’armée allemande • 7 décembre : le décret allemand « Nacht und Nebel » (Nuit et Brouillard) ordonne la déportation pour tous les ennemis du Reich et des forces d’occupation dans les territoires occupés ; ils seront transférés en Allemagne et disparaîtront dans le secret absolu 1942 • 20 janvier : ouverture de la Conférence de Wannsee où sont mises au point les modalités de la « Solution finale de la question juive » • 19 février : ouverture du procès de Riom • 27 mars : premier convoi de déportation de juifs à destination d’Auschwitz • 29 mai : ordonnance allemande sur le port de l’étoile juive en zone occupée • 16-17 juillet : rafle du Vel’ d’Hiv’ • 23-26 août : les juifs étrangers de la zone sud sont livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy • 25 août : les Alsaciens et Lorrains des territoires annexés par le Reich doivent effectuer leur service militaire en Allemagne 1943 • 30 janvier : création de la Milice • 16 février : instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) • février : premières déportations de Français à Buchenwald • 21 juin : arrestation de Jean Moulin à Caluire 2 (ALLEMANDES ET FRANÇAISES) • août : 86 personnes transférées d’Auschwitz sont gazées au camp alsacien du Struthof • 14 décembre : à Nantua, les Allemands arrêtent et déportent 150 hommes en représailles 1944 • 10 janvier : Victor Basch, ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme, et son épouse Hélène sont assassinés par des miliciens à Neyron • 20 janvier : création de cours martiales expéditives pour juger les « terroristes » (résistants) • février : la ville de Belley est occupée par les Allemands • 5, 6 et 7 février : actions de répression allemande sur le plateau d’Hauteville et dans le Valromey (184 personnes arrêtées, 42 fusillées et 38 maisons incendiées) • 19-21 février : 23 partisans FTP-MOI (main d’œuvre immigrée) arrêtés en novembre 1943 sont exécutés • 18-26 mars : les troupes allemandes et les miliciens anéantissent le maquis des Glières (Haute-Savoie) • 6 avril : rafle d’Izieu, sur ordre de la Gestapo, 44 enfants juifs et 7 éducateurs sont arrêtés et déportés • 19 mai : 5 pensionnaires de la ferme de Saint-Germain, Villemotier, tombent sous les balles des SS • 5 juin : 9 lycéens résistants du lycée Lalande à Bourgen-Bresse, sont déportés • 10 juin : massacre d’Oradour-sur-Glane • 23 juin : les Allemands fusillent Joseph Viallaz, maire d’Hauteville • 10 juillet : les Allemands attaquent le maquis de Bourgen-Bresse, (1764 personnes sont arrêtées, 34 fusillées) •12-22 juillet : répression allemande à Dortan où 18 personnes sont exécutées, des femmes violées et le village incendié • 14 juillet : Dagostini, chef de la Milice de l’Ain, fait arrêter à l’hôpital de Nantua 9 blessés pour les faire fusiller • 18 juillet : les Allemands détruisent Pressiat • 19 juillet : de nouveau à l’hôpital de Nantua, la Gestapo fait conduire 9 blessés à la morgue pour y être fusillés • 21-23 juillet : liquidation du maquis du Vercors « Le Juif et la France », affiche, René Péron, septembre 1941, Inv. affiche 1018, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC) et Musée d’Histoire Contemporaine LA FRANCE E T L E D É PA R T E M E N T D E L’A I N ( J U I N 1940 / AO Û T 1944) En juin 1940, la défaite française face à l’offensive allemande se solde par un découpage du territoire. Il ne cessera d’évoluer jusqu’à la fin de la guerre : zone libre, zone occupée, zone interdite, zone italienne… En raison de sa situation frontalière avec la Suisse et de sa géographie comprenant plaines et montagnes, l’Ain se trouve pris au coeur des différents découpages qui, selon la période, favorisent la création de maquis, l’afflux de juifs persécutés, la répression allemande et la mise en place de réseaux d’aides et de sauvetages. D e juin 1940 à novembre 1942, le territoire est soumis à deux législations : celle de l’occupant au nord de la ligne de démarcation, et celle du gouvernement de Vichy au sud, dite zone non occupée, dont fait partie le département de l’Ain à l’exception du Pays de Gex intégré à la zone interdite. Le gouvernement de Vichy, engagé dans la collaboration, produit une législation antisémite, anticommuniste et xénophobe proche de celle des Allemands. Il prend seul la décision de dénaturaliser les étrangers devenus français à partir de 1927. Le 3 octobre 1940, il promulgue un premier statut des juifs suivi, le 4 octobre, d’une loi qui autorise les préfets à interner « les étrangers de race juive dans des camps spéciaux » (camps d’internement français). Les juifs sont privés de nombreux droits et exclus de plusieurs métiers dans les domaines de l’administration, de l’enseignement, de la justice, de la santé, ... Le 11 novembre 1942, après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, l’armée allemande envahit la zone sud. Les camps français sont « vidés » et les internés qui s’y trouvent sont déportés. Le territoire compris entre la rivegauche du Rhône et la frontière italienne est occupé par les Italiens jusqu’au 8 septembre 1943 et devient un refuge pour de nombreux juifs. Le département de l’Ain, en raison de sa situation frontalière, connaît un régime particulier. Sa partie située au sud d’une ligne Ambérieu-en-Bugey – Nantua – Bellegarde-sur-Valserine se trouve dans cette zone italienne tandis que le pays de Gex reste inclus dans la zone interdite. Le reste du département est occupé par les Allemands. Zone “libre” (ou zone Sud) jusqu’en novembre 1942 Zone occupée administration allemande de Paris Zone occupée administration de Bruxelles Ligne de démarcation Zone réservée Région annexée au Reich Mur de l’Atlantique (zone interdite littorale) Zone interdite au retour des réfugiés Zone d’occupation italienne après novembre 1942 Découpage de la France à partir de juin 1940 Nantua et Izieu ont en commun ces mêmes conditions spécifiques : une occupation italienne peu répressive suivie d’une brutale offensive allemande qui se traduit par des représailles, des exécutions et des rafles dès le 14 décembre 1943. Le STO Le 16 février 1943, avec la complicité active du gouvernement de Vichy l’Allemagne nazie impose la mise en place du STO (Service du Travail Obligatoire) pour compenser le manque de main d’œuvre dû à l’envoi de ses soldats sur le front russe. Les travailleurs forcés français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre Etat, et non pas par une ordonnance allemande. Le STO, durant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, consiste à réquisitionner des centaines de milliers de travailleurs français et à les transférer en Allemagne afin de participer à l’effort de guerre allemand (usines, agriculture, chemins de fer…). Les personnes réquisitionnées dans le cadre du STO sont hébergées dans des camps de travailleurs situés sur le sol allemand. Le recrutement se fait par classes d’âge entières. Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922 sont obligés de travailler en Allemagne à titre de substitut de service militaire. Au total, 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944. Le refus du STO provoque le départ dans la clandestinité de près de 200 000 réfractaires, dont environ un quart gagne les maquis en pleine formation. Cela constitue un apport considérable pour la Résistance. 3 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 CHRONOLOGIE 16:46 Page 2 D E S P R I N C I PA L E S M E S U R E S D ’ O P P R E S S I O N 1939 • 27 août : suspension des journaux communistes établissement de la censure • 26 septembre : dissolution du Parti communiste français 1940 • juin : 1,6 million de soldats français prisonniers sont transférés en Allemagne • 22 juillet : loi de révision des naturalisations depuis 1927 • 30 juillet : épuration de l’administration française • 2 août : le général De Gaulle est condamné à mort par contumace • 3 septembre : loi autorisant l’internement des individus dangereux • 27 septembre : première ordonnance du commandant en chef allemand en zone occupée définissant les juifs • 3 octobre : premier statut des juifs de Vichy • 4 octobre : le maréchal Pétain promulgue une loi autorisant l’internement des juifs étrangers sur décision préfectorale dans des camps spéciaux 1941 • 29 mars : création du Commissariat général aux questions juives • 26 avril : nouvelle ordonnance allemande en zone occupée concernant les juifs • 14 mai : première rafle de juifs étrangers à Paris • 2 juin : loi instaurant le recensement des juifs en France • 22 juillet : loi de Vichy pour « éliminer toute influence juive dans l’économie nationale » • 13 août : ordonnance interdisant aux juifs de posséder des postes de radio • 20 août : deuxième rafle de juifs à Paris • 22 août : ordonnance allemande dite « des otages » • 24 août : loi instituant les tribunaux d’exception contre les actions communistes • 16 septembre : exécution de 10 otages par l’armée allemande • 7 décembre : le décret allemand « Nacht und Nebel » (Nuit et Brouillard) ordonne la déportation pour tous les ennemis du Reich et des forces d’occupation dans les territoires occupés ; ils seront transférés en Allemagne et disparaîtront dans le secret absolu 1942 • 20 janvier : ouverture de la Conférence de Wannsee où sont mises au point les modalités de la « Solution finale de la question juive » • 19 février : ouverture du procès de Riom • 27 mars : premier convoi de déportation de juifs à destination d’Auschwitz • 29 mai : ordonnance allemande sur le port de l’étoile juive en zone occupée • 16-17 juillet : rafle du Vel’ d’Hiv’ • 23-26 août : les juifs étrangers de la zone sud sont livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy • 25 août : les Alsaciens et Lorrains des territoires annexés par le Reich doivent effectuer leur service militaire en Allemagne 1943 • 30 janvier : création de la Milice • 16 février : instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) • février : premières déportations de Français à Buchenwald • 21 juin : arrestation de Jean Moulin à Caluire 2 (ALLEMANDES ET FRANÇAISES) • août : 86 personnes transférées d’Auschwitz sont gazées au camp alsacien du Struthof • 14 décembre : à Nantua, les Allemands arrêtent et déportent 150 hommes en représailles 1944 • 10 janvier : Victor Basch, ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme, et son épouse Hélène sont assassinés par des miliciens à Neyron • 20 janvier : création de cours martiales expéditives pour juger les « terroristes » (résistants) • février : la ville de Belley est occupée par les Allemands • 5, 6 et 7 février : actions de répression allemande sur le plateau d’Hauteville et dans le Valromey (184 personnes arrêtées, 42 fusillées et 38 maisons incendiées) • 19-21 février : 23 partisans FTP-MOI (main d’œuvre immigrée) arrêtés en novembre 1943 sont exécutés • 18-26 mars : les troupes allemandes et les miliciens anéantissent le maquis des Glières (Haute-Savoie) • 6 avril : rafle d’Izieu, sur ordre de la Gestapo, 44 enfants juifs et 7 éducateurs sont arrêtés et déportés • 19 mai : 5 pensionnaires de la ferme de Saint-Germain, Villemotier, tombent sous les balles des SS • 5 juin : 9 lycéens résistants du lycée Lalande à Bourgen-Bresse, sont déportés • 10 juin : massacre d’Oradour-sur-Glane • 23 juin : les Allemands fusillent Joseph Viallaz, maire d’Hauteville • 10 juillet : les Allemands attaquent le maquis de Bourgen-Bresse, (1764 personnes sont arrêtées, 34 fusillées) •12-22 juillet : répression allemande à Dortan où 18 personnes sont exécutées, des femmes violées et le village incendié • 14 juillet : Dagostini, chef de la Milice de l’Ain, fait arrêter à l’hôpital de Nantua 9 blessés pour les faire fusiller • 18 juillet : les Allemands détruisent Pressiat • 19 juillet : de nouveau à l’hôpital de Nantua, la Gestapo fait conduire 9 blessés à la morgue pour y être fusillés • 21-23 juillet : liquidation du maquis du Vercors « Le Juif et la France », affiche, René Péron, septembre 1941, Inv. affiche 1018, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC) et Musée d’Histoire Contemporaine LA FRANCE E T L E D É PA R T E M E N T D E L’A I N ( J U I N 1940 / AO Û T 1944) En juin 1940, la défaite française face à l’offensive allemande se solde par un découpage du territoire. Il ne cessera d’évoluer jusqu’à la fin de la guerre : zone libre, zone occupée, zone interdite, zone italienne… En raison de sa situation frontalière avec la Suisse et de sa géographie comprenant plaines et montagnes, l’Ain se trouve pris au coeur des différents découpages qui, selon la période, favorisent la création de maquis, l’afflux de juifs persécutés, la répression allemande et la mise en place de réseaux d’aides et de sauvetages. D e juin 1940 à novembre 1942, le territoire est soumis à deux législations : celle de l’occupant au nord de la ligne de démarcation, et celle du gouvernement de Vichy au sud, dite zone non occupée, dont fait partie le département de l’Ain à l’exception du Pays de Gex intégré à la zone interdite. Le gouvernement de Vichy, engagé dans la collaboration, produit une législation antisémite, anticommuniste et xénophobe proche de celle des Allemands. Il prend seul la décision de dénaturaliser les étrangers devenus français à partir de 1927. Le 3 octobre 1940, il promulgue un premier statut des juifs suivi, le 4 octobre, d’une loi qui autorise les préfets à interner « les étrangers de race juive dans des camps spéciaux » (camps d’internement français). Les juifs sont privés de nombreux droits et exclus de plusieurs métiers dans les domaines de l’administration, de l’enseignement, de la justice, de la santé, ... Le 11 novembre 1942, après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, l’armée allemande envahit la zone sud. Les camps français sont « vidés » et les internés qui s’y trouvent sont déportés. Le territoire compris entre la rivegauche du Rhône et la frontière italienne est occupé par les Italiens jusqu’au 8 septembre 1943 et devient un refuge pour de nombreux juifs. Le département de l’Ain, en raison de sa situation frontalière, connaît un régime particulier. Sa partie située au sud d’une ligne Ambérieu-en-Bugey – Nantua – Bellegarde-sur-Valserine se trouve dans cette zone italienne tandis que le pays de Gex reste inclus dans la zone interdite. Le reste du département est occupé par les Allemands. Zone “libre” (ou zone Sud) jusqu’en novembre 1942 Zone occupée administration allemande de Paris Zone occupée administration de Bruxelles Ligne de démarcation Zone réservée Région annexée au Reich Mur de l’Atlantique (zone interdite littorale) Zone interdite au retour des réfugiés Zone d’occupation italienne après novembre 1942 Découpage de la France à partir de juin 1940 Nantua et Izieu ont en commun ces mêmes conditions spécifiques : une occupation italienne peu répressive suivie d’une brutale offensive allemande qui se traduit par des représailles, des exécutions et des rafles dès le 14 décembre 1943. Le STO Le 16 février 1943, avec la complicité active du gouvernement de Vichy l’Allemagne nazie impose la mise en place du STO (Service du Travail Obligatoire) pour compenser le manque de main d’œuvre dû à l’envoi de ses soldats sur le front russe. Les travailleurs forcés français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre Etat, et non pas par une ordonnance allemande. Le STO, durant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, consiste à réquisitionner des centaines de milliers de travailleurs français et à les transférer en Allemagne afin de participer à l’effort de guerre allemand (usines, agriculture, chemins de fer…). Les personnes réquisitionnées dans le cadre du STO sont hébergées dans des camps de travailleurs situés sur le sol allemand. Le recrutement se fait par classes d’âge entières. Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922 sont obligés de travailler en Allemagne à titre de substitut de service militaire. Au total, 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944. Le refus du STO provoque le départ dans la clandestinité de près de 200 000 réfractaires, dont environ un quart gagne les maquis en pleine formation. Cela constitue un apport considérable pour la Résistance. 3 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 16:47 Page 4 Les persécutions Dans toute la France, des personnes sont persécutées pour ce qu’elles sont : juives, tziganes, étrangères. D’autres sont pourchassées pour leurs actions de désobéissance civile, de refus de l’occupation : communistes, gaullistes, francs-maçons, réfractaires au STO, opposants et résistants. Le nombre total des victimes de ces répressions est mal connu : plusieurs milliers de personnes ont été assassinées par les nazis en France même, dont une partie avec la complicité directe du gouvernement français et des collaborateurs. Selon Henri Rousso, on estime à 87 000 hommes et femmes (résistants, civils, condamnés de droit commun, homosexuels…) le nombre de déportés dans les camps de concentration allemands (Dachau, Buchenwald, Ravensbrück…) dont 40% n’ont pas survécu. Sur une population estimée à 350 000 avant la guerre, environ 76 000 juifs de France ont été déportés vers les camps d’extermination de Pologne ; 2 500 ont survécu. Parmi ces déportés il y avait 2 000 enfants de moins de six ans, 8 700 enfants de 6 à 7 ans et 9 700 personnes de plus de 60 ans. Les persécutions recouvrent toutes les formes de violences possibles, de la pression psychologique à la désignation publique comme juif, à l’arrestation, la torture, la déportation et l’exécution. L ’ A I D E C I V I L E AU X R É S I S TA N T S La documentation sur les formes de secours apportées aux proscrits de la société entre 1940 et 1944 est bien souvent très parcellaire. C’est pourquoi le musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura a choisi de présenter pour le dossier seulement l’exemple du Service de Santé du maquis, pour lequel il dispose d’une documentation relativement fournie sur le sujet : collections, archives et témoignages oraux. L a situation géographique du département de l'Ain (dont les limites sont formées par les vallées de la Saône et du Rhône et par la frontière suisse à l'est) et la présence d'axes de communication européens vers la Suisse, l'Italie et l'est en font un secteur particulièrement stratégique durant la Seconde Guerre mondiale. La présence par ailleurs d'une topographie à la fois de plaines et collines à l'ouest et de la zone de moyenne montagne ouverte du Bugey à l'est, ainsi que la mise en place de la ligne de démarcation, puis de la zone d'occupation italienne dans le Bas Bugey, vont favoriser le refuge et les passages frontaliers. Les proscrits du régime de Vichy vont tenter de fuir vers la Suisse, se réfugier dans LE 4 S E R V I C E D E S A N T É D E S M A Q U I S D E L’A I N Découpage de la France. Détail de la région de l’Ain La résistance civile : le tournant de l’année 1942 Avec l’intensification de la guerre, les persécutions sont de plus en plus nombreuses et visibles. Une part croissante de la population est choquée et certaines personnes réagissent en portant secours aux victimes. Les acteurs de cette résistance civile viennent de tous les horizons de la société. Ce sont des individus isolés ou appartenant à des groupes sociaux ou politiques, qui interviennent par sympathie, esprit de solidarité « Avis très important concernant les atterrissages d’aviateurs et parachutages », 6 juillet 1943, Inv. MHRD 1998.17.30, Coll. Musées des pays de l’Ain les maquis, où se cacher dans cette zone de moyenne montagne. Les Alliés britanniques, conscients de l’intérêt de la topographie du département vont établir en Bresse et en Dombes une véritable base logistique pour approvisionner la majeure partie des groupes de résistance dans la région Rhône-Alpes et en Saône-et-Loire. Les formes d’aides apportées aux personnes persécutées ou pourchassées ont été multiples. Certains vont cacher des personnes, d’autres vont confectionner des fauxpapiers, approvisionner les maquis, soigner les résistants blessés, tenter de faire passer la frontière à des familles juives… Cette aide est le fait de personnes individuelles ou de réseaux plus ou moins organisés. ou pour des raisons culturelles, politiques ou juridiques. Les formes de résistance civile sont individuelles ou collectives, anonymes, clandestines ou publiques. Le sauvetage des juifs en est l’une des formes les plus fréquentes. L’opinion publique et les prises de position de certains responsables administratifs, juridiques, politiques ou religieux (représentants des institutions) encouragent ou provoquent des initiatives. Ainsi se développent de multiples formes d’aide : on (gendarmes, policiers, fonctionnaires) prévient les victimes désignées ; on héberge, on cache ; on ravitaille, on fournit de faux-papiers ; on fait passer la ligne de démarcation, les frontières ; on dénonce, on proteste, on manifeste. Les journaux et bulletins clandestins soutiennent ces actions en dénonçant et défiant la légitimité du pouvoir. Les premières aides apportées par des médecins à la Résistance dans l’Ain De nombreux membres du corps médical ont aidé la Résistance, le maquis, ou se sont engagés dans des mouvements de résistance dans l’Ain. A Bourg-en-Bresse, le chirurgien dentiste Rémond Charvet est responsable du Service de Renseignement des Mouvements Unis de la Résistance. Le docteur Poncet est membre du Comité Départemental de Libération clandestin et est aussi inspecteur départemental de la Santé. Le docteur Gustave Léger, médecin des prisons, facilite l’évasion de résistants et accueille à son domicile des réunions importantes des Mouvements Unis de la Résistance où sont présents Jean Moulin et le général Delestraint. A Nantua, Emile Mercier, médecin, devient chef de l’Armée Secrète et s’engage dès 1940 avec son épouse Paulette, pharmacienne, dans la Résistance. Fin 1943, il prend la responsabilité du Service de Santé des camps des maquis de l’Ain avec quelques médecins : les docteurs Noël, Bastian et Caraco de Thoirette. Dénoncé, il est fusillé lors de la rafle du 14 décembre 1943. A partir de juin 1944, s’organise un véritable Service de Santé du maquis. Les Docteurs Georges, Guillet, Parker et le Service de Santé du maquis de l’Ain Jacques Guttières dit « Docteur Georges », adhérent du mouvement « Libération » depuis 1942, est contraint de quitter son poste de médecin ORL à Villeneuve-sur-Lot, suite à son fort engagement dans la résistance locale. Sur l’ordre d’Henri Gabrielle, responsable du Comité Médical de la Résistance auprès de l’Etat Major régional des Forces Françaises de l’Intérieur, Jacques Guttières est affecté au maquis de l’Ain pour organiser un Service de Santé en avril 1944. Il est aidé par le Docteur René Guillet qui le rejoint le 24 juin 1944, et une douzaine d’autres médecins. Sa première tâche consiste à recruter de jeunes médecins et à les affecter aux groupements principaux de combattants. Ainsi par exemple, le Docteur Valentin (Paulin) est affecté au camp Rolland, le Docteur Bastien au camp Jo, le Docteur Leteyssier dans le secteur de Jujurieux, le Docteur Weiler au groupement Chabot. Il se met ensuite en quête de matériel sanitaire. Il organise par ailleurs des Postes de Secours disposant de quelques lits dans des locaux vides sous la responsabilité de médecins à Hauteville, Champagne-en-Valromey, Brénod, Bellegarde-sur-Valserine, Saint-Germain-de-Joux, Oyonnax, Chavannes-sur-Suran, Corveissiat… Des postes de repli sont prévus en cas d’attaque à Lantenay, au Poizat, à Charix. Fin juin 1944, des hôpitaux complémentaires sont installés à Oyonnax et dans l’hôtel de France à Nantua . Dans la nuit du 7 au 8 juillet, le chirurgien britannique Geoffray Edward Parker dit « Parsifal » débarque d’un avion Dakota avec du matériel. Le 9 juillet 1944, un centre chirurgical est organisé sous sa direction dans l’Ecole Pratique d’Oyonnax. Début août 1944, sur ordre d’Henri Petit dit « Romans », chef des maquis de l’Ain, « Parsifal », spécialiste en chirurgie de guerre, prend la direction du Service de Santé et est secondé par René Guillet. René Guillet, Coll. René Guillet 5 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 16:47 Page 4 Les persécutions Dans toute la France, des personnes sont persécutées pour ce qu’elles sont : juives, tziganes, étrangères. D’autres sont pourchassées pour leurs actions de désobéissance civile, de refus de l’occupation : communistes, gaullistes, francs-maçons, réfractaires au STO, opposants et résistants. Le nombre total des victimes de ces répressions est mal connu : plusieurs milliers de personnes ont été assassinées par les nazis en France même, dont une partie avec la complicité directe du gouvernement français et des collaborateurs. Selon Henri Rousso, on estime à 87 000 hommes et femmes (résistants, civils, condamnés de droit commun, homosexuels…) le nombre de déportés dans les camps de concentration allemands (Dachau, Buchenwald, Ravensbrück…) dont 40% n’ont pas survécu. Sur une population estimée à 350 000 avant la guerre, environ 76 000 juifs de France ont été déportés vers les camps d’extermination de Pologne ; 2 500 ont survécu. Parmi ces déportés il y avait 2 000 enfants de moins de six ans, 8 700 enfants de 6 à 7 ans et 9 700 personnes de plus de 60 ans. Les persécutions recouvrent toutes les formes de violences possibles, de la pression psychologique à la désignation publique comme juif, à l’arrestation, la torture, la déportation et l’exécution. L ’ A I D E C I V I L E AU X R É S I S TA N T S La documentation sur les formes de secours apportées aux proscrits de la société entre 1940 et 1944 est bien souvent très parcellaire. C’est pourquoi le musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura a choisi de présenter pour le dossier seulement l’exemple du Service de Santé du maquis, pour lequel il dispose d’une documentation relativement fournie sur le sujet : collections, archives et témoignages oraux. L a situation géographique du département de l'Ain (dont les limites sont formées par les vallées de la Saône et du Rhône et par la frontière suisse à l'est) et la présence d'axes de communication européens vers la Suisse, l'Italie et l'est en font un secteur particulièrement stratégique durant la Seconde Guerre mondiale. La présence par ailleurs d'une topographie à la fois de plaines et collines à l'ouest et de la zone de moyenne montagne ouverte du Bugey à l'est, ainsi que la mise en place de la ligne de démarcation, puis de la zone d'occupation italienne dans le Bas Bugey, vont favoriser le refuge et les passages frontaliers. Les proscrits du régime de Vichy vont tenter de fuir vers la Suisse, se réfugier dans LE 4 S E R V I C E D E S A N T É D E S M A Q U I S D E L’A I N Découpage de la France. Détail de la région de l’Ain La résistance civile : le tournant de l’année 1942 Avec l’intensification de la guerre, les persécutions sont de plus en plus nombreuses et visibles. Une part croissante de la population est choquée et certaines personnes réagissent en portant secours aux victimes. Les acteurs de cette résistance civile viennent de tous les horizons de la société. Ce sont des individus isolés ou appartenant à des groupes sociaux ou politiques, qui interviennent par sympathie, esprit de solidarité « Avis très important concernant les atterrissages d’aviateurs et parachutages », 6 juillet 1943, Inv. MHRD 1998.17.30, Coll. Musées des pays de l’Ain les maquis, où se cacher dans cette zone de moyenne montagne. Les Alliés britanniques, conscients de l’intérêt de la topographie du département vont établir en Bresse et en Dombes une véritable base logistique pour approvisionner la majeure partie des groupes de résistance dans la région Rhône-Alpes et en Saône-et-Loire. Les formes d’aides apportées aux personnes persécutées ou pourchassées ont été multiples. Certains vont cacher des personnes, d’autres vont confectionner des fauxpapiers, approvisionner les maquis, soigner les résistants blessés, tenter de faire passer la frontière à des familles juives… Cette aide est le fait de personnes individuelles ou de réseaux plus ou moins organisés. ou pour des raisons culturelles, politiques ou juridiques. Les formes de résistance civile sont individuelles ou collectives, anonymes, clandestines ou publiques. Le sauvetage des juifs en est l’une des formes les plus fréquentes. L’opinion publique et les prises de position de certains responsables administratifs, juridiques, politiques ou religieux (représentants des institutions) encouragent ou provoquent des initiatives. Ainsi se développent de multiples formes d’aide : on (gendarmes, policiers, fonctionnaires) prévient les victimes désignées ; on héberge, on cache ; on ravitaille, on fournit de faux-papiers ; on fait passer la ligne de démarcation, les frontières ; on dénonce, on proteste, on manifeste. Les journaux et bulletins clandestins soutiennent ces actions en dénonçant et défiant la légitimité du pouvoir. Les premières aides apportées par des médecins à la Résistance dans l’Ain De nombreux membres du corps médical ont aidé la Résistance, le maquis, ou se sont engagés dans des mouvements de résistance dans l’Ain. A Bourg-en-Bresse, le chirurgien dentiste Rémond Charvet est responsable du Service de Renseignement des Mouvements Unis de la Résistance. Le docteur Poncet est membre du Comité Départemental de Libération clandestin et est aussi inspecteur départemental de la Santé. Le docteur Gustave Léger, médecin des prisons, facilite l’évasion de résistants et accueille à son domicile des réunions importantes des Mouvements Unis de la Résistance où sont présents Jean Moulin et le général Delestraint. A Nantua, Emile Mercier, médecin, devient chef de l’Armée Secrète et s’engage dès 1940 avec son épouse Paulette, pharmacienne, dans la Résistance. Fin 1943, il prend la responsabilité du Service de Santé des camps des maquis de l’Ain avec quelques médecins : les docteurs Noël, Bastian et Caraco de Thoirette. Dénoncé, il est fusillé lors de la rafle du 14 décembre 1943. A partir de juin 1944, s’organise un véritable Service de Santé du maquis. Les Docteurs Georges, Guillet, Parker et le Service de Santé du maquis de l’Ain Jacques Guttières dit « Docteur Georges », adhérent du mouvement « Libération » depuis 1942, est contraint de quitter son poste de médecin ORL à Villeneuve-sur-Lot, suite à son fort engagement dans la résistance locale. Sur l’ordre d’Henri Gabrielle, responsable du Comité Médical de la Résistance auprès de l’Etat Major régional des Forces Françaises de l’Intérieur, Jacques Guttières est affecté au maquis de l’Ain pour organiser un Service de Santé en avril 1944. Il est aidé par le Docteur René Guillet qui le rejoint le 24 juin 1944, et une douzaine d’autres médecins. Sa première tâche consiste à recruter de jeunes médecins et à les affecter aux groupements principaux de combattants. Ainsi par exemple, le Docteur Valentin (Paulin) est affecté au camp Rolland, le Docteur Bastien au camp Jo, le Docteur Leteyssier dans le secteur de Jujurieux, le Docteur Weiler au groupement Chabot. Il se met ensuite en quête de matériel sanitaire. Il organise par ailleurs des Postes de Secours disposant de quelques lits dans des locaux vides sous la responsabilité de médecins à Hauteville, Champagne-en-Valromey, Brénod, Bellegarde-sur-Valserine, Saint-Germain-de-Joux, Oyonnax, Chavannes-sur-Suran, Corveissiat… Des postes de repli sont prévus en cas d’attaque à Lantenay, au Poizat, à Charix. Fin juin 1944, des hôpitaux complémentaires sont installés à Oyonnax et dans l’hôtel de France à Nantua . Dans la nuit du 7 au 8 juillet, le chirurgien britannique Geoffray Edward Parker dit « Parsifal » débarque d’un avion Dakota avec du matériel. Le 9 juillet 1944, un centre chirurgical est organisé sous sa direction dans l’Ecole Pratique d’Oyonnax. Début août 1944, sur ordre d’Henri Petit dit « Romans », chef des maquis de l’Ain, « Parsifal », spécialiste en chirurgie de guerre, prend la direction du Service de Santé et est secondé par René Guillet. René Guillet, Coll. René Guillet 5 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 22:43 Page 6 L’ A I D E A U X R É S I S TA N T S À L’ H Ô P I TA L D E L’aide du personnel médical de l’hôpital A l’hôpital de Nantua, dès 1940, la complicité du docteur Jacques Touillon chirurgien, de Fernand Geoffray, directeur et de la Mère Supérieure Sœur Joannas, de nombreux clandestins et résistants malades ou blessés sont cachés et soignés. Le Capitaine Romans-Petit décide à l’automne 1943, en concertation avec les docteurs Touillon, Mercier, médecin à Nantua, et Romars, de l’utilisation de l’ambulance de Nantua pour le transport de maquisards gravement blessés vers le Centre Hospitalier, les blessés légers recevant des soins sur place. La bienveillance de quelques civils L’hôpital est bien approvisionné en matériel de soins (coton, gaze, tarlatane, sparadrap…) et régulièrement ravitaillé grâce au soutien de Monsieur Nattier des Laboratoires Sajier de Bellegarde-sur-Valserine et de l’aide de Gabriel Grobon, Simon Pernod, Louis Pettini. L’ H Ô P I TA L A M B U L A N T DA N S L A F O R Ê T D ’A P R E M O N T E N J U I L L E T 1944 Afin de les soustraire aux vraisemblables représailles des Allemands envers les résistants, tous les blessés des hôpitaux d’Oyonnax et de Nantua, à l’exception des « intransportables » de Nantua (dont neuf seront fusillés le 19 juillet 1944 à la Croix-Châlon) sont évacués vers la colonie de vacances de la Gotette à Apremont le 12 juillet 1944. Suite aux risques que faisait encourir à la population civile d’Apremont ce regroupement, le capitaine Romans-Petit ordonne une dispersion. Trente blessés sont conduits dans une sapinière, dont onze grâce aux paysans d’Apremont et leurs chars à bœufs. Le maire du village, Alphonse Levrat, a quant à lui la responsabilité de cacher le matériel médical du chirurgien britannique Parker. Les blessés restent onze jours en forêt sous la surveillance médicale de Jacques Guttières (Docteur Georges), de Madame Mercier, pharmacienne, épouse du Docteur Mercier fusillé par les Allemands le 14 décembre 1943, de Lily, infirmière à Oyonnax, et de Germaine Bernardi du groupe Franc Tireur Partisan d’Oyonnax dont le frère fait partie des blessés. Le 16 juillet 1944, les Allemands fouillent toutes les habitations d’Apremont et emportent tout le matériel médical laissé à La Gotette. Ils se rendent à quelques mètres du campement en forêt sans toutefois le découvrir. Le 23 juillet 1944, un orage oblige le repli des blessés dans la maison abandonnée du maire à Apremont. Tous sont transférés le lendemain au Crêt de Chalam dans le Haut-Jura, où une infirmerie de fortune est installée par le chirurgien anglais Geoffrey Edward Parker dans une grange. Tous les blessés sont sains et saufs. Des résistants blessés soignés et cachés Lors de la rafle de Nantua du 14 décembre 1943, malgré une fouille par les Allemands de l’hôpital, aucun des 35 maquisards qui y séjournent n’est découvert. Fin juin 1944, un hôpital complémentaire est installé à l’hôtel de France de Nantua. De 1943 à 1944, plus de 550 résistants sont hospitalisés à Nantua, autant y reçoivent des soins. Colonie de vacances de la « Gotette », 6 NANTUA Coll. René Guillet IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 AIDER 22:43 Page 7 LES PERSONNES PERSÉCUTÉES ET POURCHASSÉES La tragédie de juillet 1944 à l’hôpital de Nantua A l’annonce de la progression des Allemands vers Nantua, l’évacuation de l’hôpital est décidée le 12 juillet 1944 en début d’après-midi. Une partie des blessés rejoint la forêt à pied, d’autres sont acheminés vers la colonie de vacances de la Gotette en ambulance ou camion. Il ne reste à l’hôpital qu’une dizaine d’intransportables et quatre blessés allemands prisonniers des F.F.I. Représailles Vers 16h, les Allemands, suivis de la Gestapo puis des miliciens de Dagostini, occupent l’hôpital, inspectent les salles et procèdent à des interrogatoires, opérations qu’ils renouvellent durant plusieurs jours. Le 14 juillet 1944, Dagostini, chef de la Milice de l’Ain, fait arrêter à l’hôpital 9 blessés pour les faire fusiller. L’économe de l’hôpital, Fernand Geoffray, et la Mère Supérieure s’interposent, et après une discussion orageuse obtiennent la promesse du transport des blessés à l’hôpital de Bourg-en-Bresse. Tous le sont effectivement, à l’exception d’Yves Gaillot, reconnu pour avoir tué un milicien, retrouvé fusillé le 15 juillet. Le 19 juillet 1944, la Gestapo revient, désigne neuf blessés et ordonne de les conduire à la morgue pour les fusiller. Il s’agit de Pierre Gayat, 56 ans secrétaire de Mairie de Saint-Rambert ; André Burtschell, 36 ans juge de paix à Saint-Rambert ; Joseph Marguin, 50 ans garde-champêtre à Saint-Rambert ; Albert Bertin, 17 ans ; Mohamed Kheroumi, 25 ans ; Roger Morand, 21 ans ; Lucien Gay, 24 ans ; André Bullon, 20 ans ; Jean Vuitton, 28 ans. Un blessé a déjà été transporté à la morgue lorsque le major Kock, officier de la Wehrmacht, intervient. Alerté par la Supérieure, il fait arrêter cette barbarie et négocie un transfert : UN ENGAGEMENT RISQUÉ vers un autre hôpital. Les blessés tous incapables de se tenir debout sont chargés couchés sur des matelas dans un camion à benne basculante. Les cadavres de ces hommes sont retrouvés quelques heures plus tard dans la carrière de Montréal-la-Cluse à la Croix-Châlon, alignés sur deux rangs à même le sol. Trois des victimes, Gayat, Burtschell, et Marguin étaient les rescapés d’une exécution collective qui avait eu lieu à Saint-Rambert-enBugey le 8 juillet. Ils ont donc été fusillés deux fois. Principaux maquis de l’Ain dans le Bugey, 1943-1944. Légende Camp de maquis Terrain d’atterrissage clandestin 7 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 22:39 Page 8 G E O F F R E Y E D WA R D P A R K E R D I T « P A R S I F A L » Major de l’armée britannique, spécialiste en chirurgie de guerre, il s’est porté volontaire pour soigner les maquisards de l’Ain dans le cadre de la mission Marksman du Special Operation Executive. Parachuté à Izernore dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944, il est affecté au Service Santé du maquis et de l’Armée Secrète à l’hôpital d’Oyonnax. Lors de l’attaque allemande de juillet 1944, il se replie avec le maquis au Crêt de Chalam. Il prend la direction du Service de Santé début août 1944. LE DOCTEUR RENÉ GUILLET Chef de clinique chirurgicale des Hospices Civils de Lyon, le docteur René Guillet sur recommandation du docteur Marx dit « Renaud », membre du Comité Médical de la Résistance, rejoint les maquis de l’Ain le 24 juin 1944 et aide Jacques Guttières dit « docteur Georges » à mettre en place un Service de Santé des maquis. Le capitaine Henri Petit dit « Romans », chef des maquis de l’Ain, le détache le 8 juillet 1944 auprès de Geoffray Parker dit « Parsifal » comme aide chirurgical avec mission d’aider à l’organisation d’un centre chirurgical à l’Ecole Pratique d’Oyonnax. La durée de cet hôpital fut brève, l’armée allemande déclenchant des opérations de représailles dès le 9 juillet 1944. Centre hospitalier Centre chirurgical Poste de secours Poste de repli L’organisation du Service de Santé des maquis 8 René Guillet prend l’initiative, avec l’aide du docteur Hazemann, d’évacuer tous les blessés de l’hôpital d’Oyonnax à la colonie de vacances la Gotette à Apremont où stationnait une section résistante de Francs Tireurs Partisans commandée par Louis Mathieu. A défaut d’autres moyens de transport disponibles, une trentaine de blessés lourds sont chargés dans la nuit du 11 au 12 juillet 1944 dans des bennes à ordures, les autres étant partis par leurs propres moyens dans la forêt. Le 1er août 1944, René Guillet remplace Jacques Guttières au poste de médecin départemental. LES DOCTEURS EMILE GUILLET ET BEYSSAC Né à Oyonnax en 1916, Emile Guillet, jeune Interne des Hôpitaux de Lyon, rejoint le Service de Santé des maquis de l’Ain et du Haut-Jura en juin 1944. Lors des attaques allemandes de juillet 1944, il prend en charge un Poste de Secours à Saint-Germain-de-Joux dans la clinique du docteur Guillermet avec son camarade d’internat, le docteur Lucien Beyssac. Tous deux sont ensuite responsables du Poste MédicoChirurgical de Charnod sur les premiers contreforts du Jura dans le secteur d’Elie Deschamps dit « Ravignan ». Groupe de résistants au Crêt de Chalam autour de Paulette Mercier, août 1944. Inv. MHRD 1998.10.85, Collection Musées des pays de l’Ain PA U L E T T E M E R C I E R Pharmacienne à Nantua, hostile à la défaite et au maréchal Pétain, Paulette Mercier s’engage dans la Résistance dès 1940, aux côtés de son mari, le Docteur Emile Mercier. Aux heures les plus sombres de l’antisémitisme, le couple Mercier, en relation avec des réseaux d’évasion, aide les juifs et autres clandestins à passer en Suisse et place les jeunes filles juives dans des familles du département. En juillet 1944, lors de la contre-attaque allemande, Paulette est menacée d’arrestation. Elle décide de rejoindre la colonie de vacances de la Gotette à Apremont transformée en hôpital où ont été transportés les blessés des hôpitaux de Nantua et Oyonnax. Elle demeure aux côtés des blessés durant leurs onze jours de refuge en forêt. Puis les blessés sont transférés au Crêt de Chalam où le Poste de Commandement de Noël Perrotot dit « Montréal », chef du Groupement Nord des maquis de l’Ain s’est replié. Là, Paulette assiste le chirurgien anglais « Parsifal » et dirige une équipe d’infirmières. La Libération survient quelques jours plus tard. IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 22:39 Page 9 ACCUEILLIR E T S A U V E R L E S J U I F S R É F U G I É S D A N S L ’A I N La frontière avec la Suisse puis l’occupation italienne d’une partie de l’Ain ont pour conséquence la création d’une zone refuge pour les juifs de France. Des filières de sauvetage se mettent en place, des enfants juifs sont accueillis dans des familles et une colonie est créée à Izieu. LES VO I E S D E PA S SAG E P O U R L E C A N TO N D E De tous les cantons suisses, Genève est le seul à avoir conservé les dossiers de toutes les personnes qui se sont présentées à ses frontières entre 1942 et 1945. Les témoins retrouvés sont pour les deux tiers des réfugiés parvenus à la frontière, acceptés ou refoulés, le tiers restant est composé de passeurs, de paysans habitant en bordure de la frontière et aussi de douaniers et de soldats. La politique fédérale en matière d'ac- cueil est inconstante et incohérente, mais laisse souvent une marge de manœuvre aux personnes travaillant sur le terrain, douaniers et militaires au premier plan. En novembre 1942, les soldats italiens préposés à la surveillance de la frontière franco-suisse ne font pas de zèle, ce qui ne sera pas le cas des soldats allemands venus les remplacer en septembre 1943. Les travaux de Ruth FivazSilbermann montrent que, de 1942 à GENÈVE 1945, 23 000 personnes, dont 10 000 étaient juives, ont franchi la frontière genevoise ; parmi elles, 5 des enfants d’Izieu ont trouvé refuge en Suisse. 2 000 d'entre elles furent refoulées, dont 900 juifs. On dénombre 117 personnes déportées à la suite de leur refoulement. Dans le contexte de l'époque, ce chiffre est des plus bas, mais il correspond tout de même à 117 vies humaines sacrifiées. Quelques exemples d’aide à des familles juives LE REFUGE DU DOMAINE DU SAPPEL En 1942, le pasteur suisse Roland de Pury installé à Lyon, membre actif de « l’Organisme de Secours aux Enfants israélites » prend contact, par l’intermédiaire de Paulette Mercier de Nantua, avec les familles Jaccard-Monney et Dupeyreix d’origine suisse, exploitantes au domaine du Sappel, pour établir une filière avec la Suisse. Situé dans le Bugey à proximité de Labalme sur Cerdon entre Lyon et Genève, ce domaine est un refuge pour plusieurs fillettes d’origine juive : Sophie et Rachèle Markowitz, Fanny Krinbert, Hélène Sismann et sa mère. Il sert également de lieu de transit vers la frontière. André Monney, relayé par la famille Fonjallaz à Prévessin-Moens, assure notamment le passage en Suisse de douze enfants juifs. Claude et Colette dans sa maison de les Croix-Rouge alliées, les œuvres campagne de Grièges jusqu’à la Libéra- catholiques, protestantes, israélites, le tion en septembre 1944. Secours Quaker, l’Aide suisse aux enfants, crée sous l’occupation différentes filières clandestines dont l’une vers la Suisse. Il RENÉ NODOT René Nodot, délégué du Service social réussit à sauver de la déportation et de des étrangers pour l’Ain et le Jura, en liai- la mort plus de 200 femmes, enfants, son avec les mouvements de Résistance, adolescents et vieillards juifs. Passage d’enfants juifs en Suisse à travers la frontière genevoise par l’OSE et les réseaux de résistance juive associés Janvier 1943 : 2 convois refoulés, 12 enfants (dont 3 accueillis) Février 1943 : 8 convois, 81 enfants Août à octobre 1943 : 36 convois, 398 enfants Mars à juin 1944 : 42 convois, 516 enfants (dont 44 arrêtés en France) Entre octobre 1942 et mai 1944, 84 enfants passent, isolés ou en mini-groupes MARIE LACROIX, Marie Lacroix héberge de 1942 à 1945 à Miribel quatre enfants juifs confiés par leurs parents. A L E X A N D R E N I C O L O T, Alexandre Nicolot fait admettre, à l’hôpital rural de Saint-Laurent-surSaône, Jules et Marthe Bloch d’origine juive. Il recueille leurs deux enfants 9 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 S’ENGAGER 16:48 Page 10 POUR LA COLONIE D’IZIEU Les documents réunis par la Maison d’Izieu mettent en évidence la diversité de l’aide que la « colonie des enfants réfugiés de l’Hérault » a reçue de la part à la fois d’individus isolés, ou d’organisations structurées. L’engagement de Sabine Zlatin Sabine Zlatin nait à Varsovie le 13 janvier 1907. Elle fuit la Pologne et arrive en France vers 1925. Elle étudie l’histoire de l’art à l’Université de Nancy où elle rencontre son époux, Miron Zlatin, juif d’origine russe, ingénieur agronome. Tous deux s’installent à Landas dans le Nord et exploitent un élevage avicole. Ils sont naturalisés français en juillet 1939. A la déclaration de guerre, Sabine Zlatin décide de se rendre à Lille suivre des cours de la Croix-Rouge pour devenir infirmière militaire. A cause de l’avancée allemande, après un bref passage à Paris et à Argentan Sabine Zlatin © Maison d’Izieu, coll. Succession Sabine Zlatin : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES où Sabine avait été affectée à l’hôpital, Miron et Sabine se replient à Montpellier. Ils s’installent dans une petite ferme dans la banlieue. Sabine Zlatin est engagée à l’hôpital militaire de Lauwe. En 1941, elle est congédiée parce qu’elle est juive. Elle contacte alors la Préfecture de l’Hérault* car elle veut « faire quelque chose » pour les étrangers juifs internés dans les camps. L’assistante sociale lui confirme « qu’il y avait, à Agde, un camp de réfugiés étrangers, juifs pour la plupart, et où se trouvaient des femmes et des enfants. » C’est l’OSE, Œuvre de Secours aux Enfants,* qui est chargée du service social. Engagée comme assistante sociale pour le camp d’Agde, Sabine est autorisée par la Préfecture à faire sortir quatre ou cinq enfants de moins de dix ans à chaque visite. « Je n’avais pas à choisir les cas sociaux, je ne pouvais que prendre les enfants dont les mères se bousculaient autour de moi. » En uniforme d’infirmière et munie d’autorisations administratives, elle agit parfois clandestinement, cachant des enfants sous sa cape d’infirmière comme la petite Diane Popowski, ou achetant les gardiens pour qu’ils ferment les yeux. L’OSE accueille de nombreux enfants sortis des camps d’internement au solarium marin de Palavas-les-Flots mis à disposition par l’abbé Prévost*. Au printemps 1942, Sabine Zlatin en prend la direction. A partir d’août 1942, les enfants juifs sont envoyés dans des convois vers les camps de la mort. L’ OSE met tous ses moyens pour sauver le maximum d’enfants en les dispersant dans différents hébergements de la zone non occupée. Fin 1942, après l’occupation de la zone sud par l’armée allemande, l’OSE ferme toutes les maisons et « quitte les lieux ». Parmi ces maisons, celle de Campestre abrite quatorze enfants. La Préfecture de l’Hérault persuade les époux Zlatin de les prendre en charge pour les conduire * Cf glossaire page 13 10 Colonie d’Izieu, été 1943. Au fond, debout sur la fontaine, Théo Reis, devant lui, Aimé Perticoz, voisin de la colonie. © coll. Philippe Dehan dans la zone d’occupation italienne ; en avril 1943, ils se réfugient à Chambéry en Savoie. Sur les recommandations de M. Fridrici, chef de division à la préfecture de l’Hérault, Sabine Zlatin rencontre à Belley Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de l’Ain. Ce dernier propose alors son aide pour installer une maison d’enfants réfugiés au village d’Izieu. Sources : Sabine Zlatin, Mémoires de la « Dame d’Izieu » collection Témoins/Gallimard, et Pierre-Jérôme Biscarat, Les enfants d’Izieu 6 avril 1944. Un crime contre l’humanité, le Dauphiné Libéré, collection Les Patrimoines S’ENGAGER POUR LA COLONIE D’IZIEU L’aide de la Sous-préfecture Aux enfants de Campestre s’ajoutent à la colonie d’Izieu de nouveaux arrivants provenant de différentes maisons d’enfants cachés. Leur nombre ne cesse de croître pour atteindre, en septembre 1943, la soixantaine. Un petit groupe d’éducateurs est chargé de leur encadrement. Quant à l’administration de l’OSE, elle verse des pensions pour les enfants dépendant de ses services. Le Sous-préfet Pierre-Marcel Wiltzer fait alors valoir son influence pour aider au bon fonctionnement de la colonie. Il est secondé activement dans sa tâche par sa secrétaire en chef, Marie-Antoinette Cojean. Pour le ravitaillement, il récupère une quarantaine de cartes d’alimentation mais elles ne suffisent pas à nourrir tous les enfants. A BrégnierCordon, la boulangerie et la boucherie donnent des denrées ainsi que la confiserie Bilbor qui distribue quelquefois des sucreries et du chocolat. Les meubles et les couvertures sont fournis par le Secours national. La bonne volonté de fonctionnaires de l’Education Nationale La volonté de scolariser les enfants va être l’un des premiers soucis de la direction de la colonie d’Izieu. Des fonctionnaires de l’Education nationale vont se mobiliser pour les aider. Le 4 mai 1943, Marcel Bulka, 13 ans, fait sa rentrée en classe de sixième, au cours du 3ème trimestre, au collège moderne de garçons de Belley. Il est le premier enfant à être scolarisé. Pour la rentrée d’octobre 1943, Marcel Bulka est accompagné de Max Balsam, 12 Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de Belley © Wiltzer : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES Carte postale datant de l’avant-guerre représentant la maison qui hébergea la colonie d'Izieu. © Maison d’Izieu / Collection succession Sabine Zlatin ans, qui rentre en cinquième ; Henri Goldberg, 12 ans, est orienté au sein du même établissement en 1ère année de l’école saisonnière d’agriculture et d’artisanat rural. En décembre, c’est un nouvel arrivant à Izieu qui fait sa rentrée, Maurice Gerenstein, 12 ans. L’accueil de ces enfants doit beaucoup à la personnalité du directeur du collège moderne de Belley : Gaston Lavoille. Marcel Ramillon, ancien élève du collège se souvient : « La carrure d’un catcheur, la poigne solide, une chevelure poivre et sel, épaisse et légèrement ondulante, toujours habillé d’une manière élégante que soulignait un éternel nœud papillon, tel apparaissait Gaston Lavoille. (...) Avant d’être le Directeur de l’Ecole Primaire Supérieure de Belley, il avait été professeur d’histoiregéographie à l’Ecole Normale de Bourg. (...) Sa formation d’historien l’a aidé à comprendre les enjeux de l’époque et à assumer pleinement sa responsabilité d’homme et de chef d’établissement : accueillir quatre enfants juifs de la colonie d’Izieu n’était pas une entreprise sans risque, Belley avait son lot de collaborateurs et de miliciens ». Un voile de discrétion entoure ces nouveaux venus. André Castelnau, qui avait leur âge, évoque l’atmosphère particulière de leur arrivée : « On nous a discrètement mis au courant en nous recommandant de ne pas trop leur parler ou tout au moins les questionner. Nous jouions tous le jeu : “bonjour”, “bonjour”, “ça va”, “ça va”. Les jours passent et à la faveur des conversations entre professeurs et les nouveaux arrivants, nous essayons de comprendre d’autant que nous avons appris qu’ils ne mangent pas au réfectoire mais qu’ils logent chez Madame et Monsieur Lavoille ». Parallèlement, dans les premiers mois de l’installation de la colonie, se pose aussi le problème de la scolarisation des plus jeunes dans le primaire. Dans ses « Mémoires », Pierre-Marcel Wiltzer, rapporte la proposition qu’il fit à Sabine Zlatin : « (...) vers le mois de juin, juillet, je proposais à mon interlocutrice de créer une classe pour ces enfants, dans le souci de leur donner un but, une occupation. Avec son accord, je demandais à l’Inspecteur Primaire, M. Gonnet, la possibilité de créer ce poste et il fut immédiatement consentant. Il n’était évidemment pas question de mêler le ministère à l’affaire : cela s’est fait en douce avec l’Inspection Académique. On a parlé d’enfants réfugiés, ce qui n’a pas posé de problème, la région de Lyon étant noyée de dizaines de milliers de réfugiés expulsés de la Moselle. » Ce qui fut fait. En plein cœur de l’été, le dossier est sérieusement suivi par M. Gonnet, l’Inspecteur de l’Enseignement Primaire de Belley. De concert avec l’Inspecteur d’Académie de l’Ain à Bourg-en-Bresse et le maire d’Izieu Henri Tissot, M. Gonnet obtient du Ministère de l’Education Nationale, le 23 septembre 1943, l’autorisation d’ « ouvrir, à titre essentiellement provisoire et pour la durée de la guerre, une classe primaire destinée aux enfants réfugiés de 11 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 S’ENGAGER 16:48 Page 10 POUR LA COLONIE D’IZIEU Les documents réunis par la Maison d’Izieu mettent en évidence la diversité de l’aide que la « colonie des enfants réfugiés de l’Hérault » a reçue de la part à la fois d’individus isolés, ou d’organisations structurées. L’engagement de Sabine Zlatin Sabine Zlatin nait à Varsovie le 13 janvier 1907. Elle fuit la Pologne et arrive en France vers 1925. Elle étudie l’histoire de l’art à l’Université de Nancy où elle rencontre son époux, Miron Zlatin, juif d’origine russe, ingénieur agronome. Tous deux s’installent à Landas dans le Nord et exploitent un élevage avicole. Ils sont naturalisés français en juillet 1939. A la déclaration de guerre, Sabine Zlatin décide de se rendre à Lille suivre des cours de la Croix-Rouge pour devenir infirmière militaire. A cause de l’avancée allemande, après un bref passage à Paris et à Argentan Sabine Zlatin © Maison d’Izieu, coll. Succession Sabine Zlatin : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES où Sabine avait été affectée à l’hôpital, Miron et Sabine se replient à Montpellier. Ils s’installent dans une petite ferme dans la banlieue. Sabine Zlatin est engagée à l’hôpital militaire de Lauwe. En 1941, elle est congédiée parce qu’elle est juive. Elle contacte alors la Préfecture de l’Hérault* car elle veut « faire quelque chose » pour les étrangers juifs internés dans les camps. L’assistante sociale lui confirme « qu’il y avait, à Agde, un camp de réfugiés étrangers, juifs pour la plupart, et où se trouvaient des femmes et des enfants. » C’est l’OSE, Œuvre de Secours aux Enfants,* qui est chargée du service social. Engagée comme assistante sociale pour le camp d’Agde, Sabine est autorisée par la Préfecture à faire sortir quatre ou cinq enfants de moins de dix ans à chaque visite. « Je n’avais pas à choisir les cas sociaux, je ne pouvais que prendre les enfants dont les mères se bousculaient autour de moi. » En uniforme d’infirmière et munie d’autorisations administratives, elle agit parfois clandestinement, cachant des enfants sous sa cape d’infirmière comme la petite Diane Popowski, ou achetant les gardiens pour qu’ils ferment les yeux. L’OSE accueille de nombreux enfants sortis des camps d’internement au solarium marin de Palavas-les-Flots mis à disposition par l’abbé Prévost*. Au printemps 1942, Sabine Zlatin en prend la direction. A partir d’août 1942, les enfants juifs sont envoyés dans des convois vers les camps de la mort. L’ OSE met tous ses moyens pour sauver le maximum d’enfants en les dispersant dans différents hébergements de la zone non occupée. Fin 1942, après l’occupation de la zone sud par l’armée allemande, l’OSE ferme toutes les maisons et « quitte les lieux ». Parmi ces maisons, celle de Campestre abrite quatorze enfants. La Préfecture de l’Hérault persuade les époux Zlatin de les prendre en charge pour les conduire * Cf glossaire page 13 10 Colonie d’Izieu, été 1943. Au fond, debout sur la fontaine, Théo Reis, devant lui, Aimé Perticoz, voisin de la colonie. © coll. Philippe Dehan dans la zone d’occupation italienne ; en avril 1943, ils se réfugient à Chambéry en Savoie. Sur les recommandations de M. Fridrici, chef de division à la préfecture de l’Hérault, Sabine Zlatin rencontre à Belley Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de l’Ain. Ce dernier propose alors son aide pour installer une maison d’enfants réfugiés au village d’Izieu. Sources : Sabine Zlatin, Mémoires de la « Dame d’Izieu » collection Témoins/Gallimard, et Pierre-Jérôme Biscarat, Les enfants d’Izieu 6 avril 1944. Un crime contre l’humanité, le Dauphiné Libéré, collection Les Patrimoines S’ENGAGER POUR LA COLONIE D’IZIEU L’aide de la Sous-préfecture Aux enfants de Campestre s’ajoutent à la colonie d’Izieu de nouveaux arrivants provenant de différentes maisons d’enfants cachés. Leur nombre ne cesse de croître pour atteindre, en septembre 1943, la soixantaine. Un petit groupe d’éducateurs est chargé de leur encadrement. Quant à l’administration de l’OSE, elle verse des pensions pour les enfants dépendant de ses services. Le Sous-préfet Pierre-Marcel Wiltzer fait alors valoir son influence pour aider au bon fonctionnement de la colonie. Il est secondé activement dans sa tâche par sa secrétaire en chef, Marie-Antoinette Cojean. Pour le ravitaillement, il récupère une quarantaine de cartes d’alimentation mais elles ne suffisent pas à nourrir tous les enfants. A BrégnierCordon, la boulangerie et la boucherie donnent des denrées ainsi que la confiserie Bilbor qui distribue quelquefois des sucreries et du chocolat. Les meubles et les couvertures sont fournis par le Secours national. La bonne volonté de fonctionnaires de l’Education Nationale La volonté de scolariser les enfants va être l’un des premiers soucis de la direction de la colonie d’Izieu. Des fonctionnaires de l’Education nationale vont se mobiliser pour les aider. Le 4 mai 1943, Marcel Bulka, 13 ans, fait sa rentrée en classe de sixième, au cours du 3ème trimestre, au collège moderne de garçons de Belley. Il est le premier enfant à être scolarisé. Pour la rentrée d’octobre 1943, Marcel Bulka est accompagné de Max Balsam, 12 Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de Belley © Wiltzer : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES Carte postale datant de l’avant-guerre représentant la maison qui hébergea la colonie d'Izieu. © Maison d’Izieu / Collection succession Sabine Zlatin ans, qui rentre en cinquième ; Henri Goldberg, 12 ans, est orienté au sein du même établissement en 1ère année de l’école saisonnière d’agriculture et d’artisanat rural. En décembre, c’est un nouvel arrivant à Izieu qui fait sa rentrée, Maurice Gerenstein, 12 ans. L’accueil de ces enfants doit beaucoup à la personnalité du directeur du collège moderne de Belley : Gaston Lavoille. Marcel Ramillon, ancien élève du collège se souvient : « La carrure d’un catcheur, la poigne solide, une chevelure poivre et sel, épaisse et légèrement ondulante, toujours habillé d’une manière élégante que soulignait un éternel nœud papillon, tel apparaissait Gaston Lavoille. (...) Avant d’être le Directeur de l’Ecole Primaire Supérieure de Belley, il avait été professeur d’histoiregéographie à l’Ecole Normale de Bourg. (...) Sa formation d’historien l’a aidé à comprendre les enjeux de l’époque et à assumer pleinement sa responsabilité d’homme et de chef d’établissement : accueillir quatre enfants juifs de la colonie d’Izieu n’était pas une entreprise sans risque, Belley avait son lot de collaborateurs et de miliciens ». Un voile de discrétion entoure ces nouveaux venus. André Castelnau, qui avait leur âge, évoque l’atmosphère particulière de leur arrivée : « On nous a discrètement mis au courant en nous recommandant de ne pas trop leur parler ou tout au moins les questionner. Nous jouions tous le jeu : “bonjour”, “bonjour”, “ça va”, “ça va”. Les jours passent et à la faveur des conversations entre professeurs et les nouveaux arrivants, nous essayons de comprendre d’autant que nous avons appris qu’ils ne mangent pas au réfectoire mais qu’ils logent chez Madame et Monsieur Lavoille ». Parallèlement, dans les premiers mois de l’installation de la colonie, se pose aussi le problème de la scolarisation des plus jeunes dans le primaire. Dans ses « Mémoires », Pierre-Marcel Wiltzer, rapporte la proposition qu’il fit à Sabine Zlatin : « (...) vers le mois de juin, juillet, je proposais à mon interlocutrice de créer une classe pour ces enfants, dans le souci de leur donner un but, une occupation. Avec son accord, je demandais à l’Inspecteur Primaire, M. Gonnet, la possibilité de créer ce poste et il fut immédiatement consentant. Il n’était évidemment pas question de mêler le ministère à l’affaire : cela s’est fait en douce avec l’Inspection Académique. On a parlé d’enfants réfugiés, ce qui n’a pas posé de problème, la région de Lyon étant noyée de dizaines de milliers de réfugiés expulsés de la Moselle. » Ce qui fut fait. En plein cœur de l’été, le dossier est sérieusement suivi par M. Gonnet, l’Inspecteur de l’Enseignement Primaire de Belley. De concert avec l’Inspecteur d’Académie de l’Ain à Bourg-en-Bresse et le maire d’Izieu Henri Tissot, M. Gonnet obtient du Ministère de l’Education Nationale, le 23 septembre 1943, l’autorisation d’ « ouvrir, à titre essentiellement provisoire et pour la durée de la guerre, une classe primaire destinée aux enfants réfugiés de 11 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 S’ENGAGER 16:49 Page 12 POUR LA COLONIE D’IZIEU : Gaston Lavoille, directeur du collège moderne de Belley. Année scolaire 1945-1946 © Coll. Roger Perticoz la Maison d’enfants d’Izieu ». Le 18 octobre, une jeune institutrice de 21 ans, Gabrielle Perrier, recrutée par M. Gonnet lui-même, fait sa rentrée devant les élèves de la colonie d’Izieu. Le rôle bienveillant de la gendarmerie Une brigade de la gendarmerie nationale se trouvait en poste à Brégnier-Cordon à 2 km au sud d’Izieu. En l’état actuel des recherches, les témoignages et les documents d’archives sembleraient nous indiquer que cette brigade était intervenue au moins à quatre reprises en faveur du personnel de la colonie d’Izieu. Le 21 août 1943, Le Préfet régional de Lyon transmet par télégramme au Préfet de l’Ain des instructions selon lesquelles il convient d’arrêter des juifs « aptes au travail » pour les diriger sur l’organisation TODT (Service du Travail Obligatoire pour les juifs de France). Le même jour, à Brégnier-Cordon, les gendarmes délivrent un sauf-conduit à un éducateur de la colonie d’Izieu, Léon Reifman, juif roumain agé de 29 ans, étudiant en médecine. Ce document lui donne le droit de se rendre librement à Chambéry du 22 au 30 août. Le 23 août, Léon Reifman quitte Izieu en possession de son saufconduit. Le 24 août, le Maréchal des Logis-chef de Gendarmerie de Brégnier-Cordon, Marcel Fontaine, se rend à Izieu en fin de soirée, à 22 heures, avec pour ordre de l’arrêter. Sans succès puisqu’il est parti la veille. 12 GLOSSAIRE DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES Dans un courrier au Préfet de l’Ain, le 30 août, Sabine Zlatin indique que Léon Reifman n’est pas rentré à la colonie et qu’il l’a avertie par téléphone qu’il ne reviendrait pas à Izieu. Le 4 septembre 1943, le Préfet de la Savoie écrit au Préfet de l’Ain pour l’informer que les recherches effectuées dans son « département en vue de retrouver la trace de cet étranger sont demeurées infructueuses à ce jour ». Nous formulons l’hypothèse que le sauf-conduit a été délivré délibérément par la gendarmerie de Brégnier-Cordon afin que Léon Reifman échappe à son arrestation. Si cette thèse se confirmait, les gendarmes auraient sauvé la vie de Léon Reifman car après avoir travaillé au sein de la TODT, les juifs étaient déportés. D’autres faits plaident en faveur de la bienveillance de la gendarmerie. En septembre ou en octobre 1943, Paul Niedermann, 15 ans, a dû précipitamment quitter Izieu : « Un jour est arrivé un gendarme. Il a dit que j’étais trop grand, que j’attirerai un jour ou l’autre l’attention. Je suis parti immédiatement à Grenoble. J’ai fini par aboutir dans un presbytère à Douvaine ; le curé, un saint-homme décédé à Buchenwald, avait des passeurs. J’ai été dans un groupe qui a réussi à franchir la frontière suisse. J’ai su que la traque était finie. » Paul Niedermann vit aujourd’hui en région parisienne. Il témoigne régulièrement pour des élèves ou des étudiants, aussi bien en France qu’en Allemagne. Autre cas, celui de Rachel et Serge Pludermarcher, éducateurs à la maison d’Izieu. Rachel est enceinte. Dans un témoignage livré à l’historienne Katy Hazan, elle raconte que lors d’une visite médicale, elle apprend par un gendarme qu’une rafle se prépare. Ce n’est pas la première fois qu’une telle rumeur se répand, mais Serge et Rachel décident de ne pas retourner à Izieu avant la naissance de leur fils Georges. Leur départ est confirmé par les archives dans un courrier de Sabine Zlatin, daté du 9 mars 1944, adressé au Préfet de l’Ain dans lequel elle précise que Rachel « a quitté notre maison ces jours-ci, munie d’un saufconduit, et m’avertit par la suite qu’elle ne reviendra plus travailler ». Sauf-conduit délivré par la gendarmerie. Enfin, Léa Feldblum, jeune éducatrice juive polonaise de 24 ans, se voit remettre un sauf-conduit par la gendarmerie de Brégnier-Cordon afin de se rendre dans l’Hérault entre le 9 et le 25 mars 1944. Elle avait pour mission de trouver un lieu pour les enfants dans un département moins exposé. Fin mars, elle est de retour à la colonie. Elle est arrêtée le jour de la rafle puis déportée à Auschwitz. Elle sera la seule du groupe d’Izieu à revenir des camps. L’aide du voisinage Les relations avec le voisinage sont bonnes, notamment avec la famille Perticoz dont la ferme se trouve à proximité de la maison. Les animaux de la ferme font partie des distractions des plus jeunes. Julien Favet, employé des Perticoz, a les faveurs de certains enfants qui lui apportent son casse-croûte quand il travaille aux champs. Des personnes du village aident la colonie. Ainsi la famille Héritier qui habite le village d’Izieu accueille Yvette Benguigui 2 ans, la petite sœur des trois frères Benguigui. Elle est hébergée plusieurs mois. Quant à la famille Borgey, elle recueille deux enfants juifs qui ne proviennent pas de la colonie mais de la famille d’un médecin lyonnais. Le 6 avril 1944, Mme Borgey ira cacher ces deux enfants dans la montagne. Ils ne seront pas inquiétés. OSE, Œuvre de Secours aux Enfants Créée en 1912 en Russie tsariste antisémite, la Société pour la protection sanitaire des populations juives décide de mener une action humanitaire envers les juifs nécessiteux. En 1923, à Berlin, elle fonde une organisation internationale, l’Union-OSE. En 1933, l’arrivée des nazis l’oblige à déplacer son siège à Paris. En 1935, sa filiale française est créée sous le nom « Œuvre de secours aux enfants et de protection de la santé des populations juives ». Après l’armistice du 22 juin 1940, l’OSE installe son siège à Vichy puis le transfère à Montpellier. En novembre 1941, elle est intégrée à l’UGIF (Union Générale des Israélites de France). Préfecture de l’Hérault Le personnel de la préfecture de l’Hérault adopte une attitude courageuse en favorisant le sauvetage d’enfants juifs. M. Benedetti, Préfet régional, M. Ernst, secrétaire général, et M. Fridrici, chef de division, délivrent des autorisations pour la libération de jeunes internés dans les camps. C’est M. Fridrici qui signale à Sabine Zlatin un groupe d’enfants à prendre en charge d’urgence. Ce sont ces enfants que Miron et Sabine Zlatin emmènent avec eux en zone italienne. L'abbé Prévost © BNF / Maison d'Izieu, collection Sabine Zlatin L’abbé Prévost Il est parfois difficile de trouver rapidement une place pour accueillir les enfants que l’OSE fait sortir des camps. L’abbé Prévost, directeur de l’Institut Saint-Jean-François-Régis à Montpellier (Hérault) propose d’utiliser le sanatorium1 Saint-Roch à Palavas-les-Flots (Hérault) comme lieu de transit. « Je voudrais ici rendre un hommage tout particulier à l’abbé Prévost pour l’accueil chaleureux qu’il me réserva toujours. Il prit bon nombre d’enfants dans son établissement, surtout des garçons. Un jour que je lui amenais cinq garçons, il appela la mère supérieure et lui dit : « Ces enfants sont juifs. Vous ne les emmènerez pas à la messe le dimanche. Débrouillez-vous. » C’était révélateur de la générosité de coeur de l’abbé Sabine Zlatin, opus cit. Prévost. » 1 Brouillon d’une lettre de Sabine Zlatin, adressée à Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de Belley, fin 1943 : « Grâce à vous, M. le Sous-préfet, une colonie d’enfants réfugiés a trouvé gîte dans votre arrondissement. Depuis notre venue à Izieu, vous nous avez témoigné votre sympathie par une multitude d’attentions auxquelles nous sommes expressément sensibles. (...) Permettez-moi, au nom de nos enfants, et de toute la colonie de vous souhaiter une bonne et heureuse année 1944, et la réalisation de tous vos voeux les plus chers. » © Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin sanatorium : maison de santé. 13 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 S’ENGAGER 16:49 Page 12 POUR LA COLONIE D’IZIEU : Gaston Lavoille, directeur du collège moderne de Belley. Année scolaire 1945-1946 © Coll. Roger Perticoz la Maison d’enfants d’Izieu ». Le 18 octobre, une jeune institutrice de 21 ans, Gabrielle Perrier, recrutée par M. Gonnet lui-même, fait sa rentrée devant les élèves de la colonie d’Izieu. Le rôle bienveillant de la gendarmerie Une brigade de la gendarmerie nationale se trouvait en poste à Brégnier-Cordon à 2 km au sud d’Izieu. En l’état actuel des recherches, les témoignages et les documents d’archives sembleraient nous indiquer que cette brigade était intervenue au moins à quatre reprises en faveur du personnel de la colonie d’Izieu. Le 21 août 1943, Le Préfet régional de Lyon transmet par télégramme au Préfet de l’Ain des instructions selon lesquelles il convient d’arrêter des juifs « aptes au travail » pour les diriger sur l’organisation TODT (Service du Travail Obligatoire pour les juifs de France). Le même jour, à Brégnier-Cordon, les gendarmes délivrent un sauf-conduit à un éducateur de la colonie d’Izieu, Léon Reifman, juif roumain agé de 29 ans, étudiant en médecine. Ce document lui donne le droit de se rendre librement à Chambéry du 22 au 30 août. Le 23 août, Léon Reifman quitte Izieu en possession de son saufconduit. Le 24 août, le Maréchal des Logis-chef de Gendarmerie de Brégnier-Cordon, Marcel Fontaine, se rend à Izieu en fin de soirée, à 22 heures, avec pour ordre de l’arrêter. Sans succès puisqu’il est parti la veille. 12 GLOSSAIRE DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES Dans un courrier au Préfet de l’Ain, le 30 août, Sabine Zlatin indique que Léon Reifman n’est pas rentré à la colonie et qu’il l’a avertie par téléphone qu’il ne reviendrait pas à Izieu. Le 4 septembre 1943, le Préfet de la Savoie écrit au Préfet de l’Ain pour l’informer que les recherches effectuées dans son « département en vue de retrouver la trace de cet étranger sont demeurées infructueuses à ce jour ». Nous formulons l’hypothèse que le sauf-conduit a été délivré délibérément par la gendarmerie de Brégnier-Cordon afin que Léon Reifman échappe à son arrestation. Si cette thèse se confirmait, les gendarmes auraient sauvé la vie de Léon Reifman car après avoir travaillé au sein de la TODT, les juifs étaient déportés. D’autres faits plaident en faveur de la bienveillance de la gendarmerie. En septembre ou en octobre 1943, Paul Niedermann, 15 ans, a dû précipitamment quitter Izieu : « Un jour est arrivé un gendarme. Il a dit que j’étais trop grand, que j’attirerai un jour ou l’autre l’attention. Je suis parti immédiatement à Grenoble. J’ai fini par aboutir dans un presbytère à Douvaine ; le curé, un saint-homme décédé à Buchenwald, avait des passeurs. J’ai été dans un groupe qui a réussi à franchir la frontière suisse. J’ai su que la traque était finie. » Paul Niedermann vit aujourd’hui en région parisienne. Il témoigne régulièrement pour des élèves ou des étudiants, aussi bien en France qu’en Allemagne. Autre cas, celui de Rachel et Serge Pludermarcher, éducateurs à la maison d’Izieu. Rachel est enceinte. Dans un témoignage livré à l’historienne Katy Hazan, elle raconte que lors d’une visite médicale, elle apprend par un gendarme qu’une rafle se prépare. Ce n’est pas la première fois qu’une telle rumeur se répand, mais Serge et Rachel décident de ne pas retourner à Izieu avant la naissance de leur fils Georges. Leur départ est confirmé par les archives dans un courrier de Sabine Zlatin, daté du 9 mars 1944, adressé au Préfet de l’Ain dans lequel elle précise que Rachel « a quitté notre maison ces jours-ci, munie d’un saufconduit, et m’avertit par la suite qu’elle ne reviendra plus travailler ». Sauf-conduit délivré par la gendarmerie. Enfin, Léa Feldblum, jeune éducatrice juive polonaise de 24 ans, se voit remettre un sauf-conduit par la gendarmerie de Brégnier-Cordon afin de se rendre dans l’Hérault entre le 9 et le 25 mars 1944. Elle avait pour mission de trouver un lieu pour les enfants dans un département moins exposé. Fin mars, elle est de retour à la colonie. Elle est arrêtée le jour de la rafle puis déportée à Auschwitz. Elle sera la seule du groupe d’Izieu à revenir des camps. L’aide du voisinage Les relations avec le voisinage sont bonnes, notamment avec la famille Perticoz dont la ferme se trouve à proximité de la maison. Les animaux de la ferme font partie des distractions des plus jeunes. Julien Favet, employé des Perticoz, a les faveurs de certains enfants qui lui apportent son casse-croûte quand il travaille aux champs. Des personnes du village aident la colonie. Ainsi la famille Héritier qui habite le village d’Izieu accueille Yvette Benguigui 2 ans, la petite sœur des trois frères Benguigui. Elle est hébergée plusieurs mois. Quant à la famille Borgey, elle recueille deux enfants juifs qui ne proviennent pas de la colonie mais de la famille d’un médecin lyonnais. Le 6 avril 1944, Mme Borgey ira cacher ces deux enfants dans la montagne. Ils ne seront pas inquiétés. OSE, Œuvre de Secours aux Enfants Créée en 1912 en Russie tsariste antisémite, la Société pour la protection sanitaire des populations juives décide de mener une action humanitaire envers les juifs nécessiteux. En 1923, à Berlin, elle fonde une organisation internationale, l’Union-OSE. En 1933, l’arrivée des nazis l’oblige à déplacer son siège à Paris. En 1935, sa filiale française est créée sous le nom « Œuvre de secours aux enfants et de protection de la santé des populations juives ». Après l’armistice du 22 juin 1940, l’OSE installe son siège à Vichy puis le transfère à Montpellier. En novembre 1941, elle est intégrée à l’UGIF (Union Générale des Israélites de France). Préfecture de l’Hérault Le personnel de la préfecture de l’Hérault adopte une attitude courageuse en favorisant le sauvetage d’enfants juifs. M. Benedetti, Préfet régional, M. Ernst, secrétaire général, et M. Fridrici, chef de division, délivrent des autorisations pour la libération de jeunes internés dans les camps. C’est M. Fridrici qui signale à Sabine Zlatin un groupe d’enfants à prendre en charge d’urgence. Ce sont ces enfants que Miron et Sabine Zlatin emmènent avec eux en zone italienne. L'abbé Prévost © BNF / Maison d'Izieu, collection Sabine Zlatin L’abbé Prévost Il est parfois difficile de trouver rapidement une place pour accueillir les enfants que l’OSE fait sortir des camps. L’abbé Prévost, directeur de l’Institut Saint-Jean-François-Régis à Montpellier (Hérault) propose d’utiliser le sanatorium1 Saint-Roch à Palavas-les-Flots (Hérault) comme lieu de transit. « Je voudrais ici rendre un hommage tout particulier à l’abbé Prévost pour l’accueil chaleureux qu’il me réserva toujours. Il prit bon nombre d’enfants dans son établissement, surtout des garçons. Un jour que je lui amenais cinq garçons, il appela la mère supérieure et lui dit : « Ces enfants sont juifs. Vous ne les emmènerez pas à la messe le dimanche. Débrouillez-vous. » C’était révélateur de la générosité de coeur de l’abbé Sabine Zlatin, opus cit. Prévost. » 1 Brouillon d’une lettre de Sabine Zlatin, adressée à Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préfet de Belley, fin 1943 : « Grâce à vous, M. le Sous-préfet, une colonie d’enfants réfugiés a trouvé gîte dans votre arrondissement. Depuis notre venue à Izieu, vous nous avez témoigné votre sympathie par une multitude d’attentions auxquelles nous sommes expressément sensibles. (...) Permettez-moi, au nom de nos enfants, et de toute la colonie de vous souhaiter une bonne et heureuse année 1944, et la réalisation de tous vos voeux les plus chers. » © Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin sanatorium : maison de santé. 13 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 17:46 Page 14 L E S PA L L A R É S , ans l’histoire de l’aide apportée à la colonie des enfants d’Izieu, il convient de souligner l’action et le courage d’une famille de Montpellier, les Pallarés. Au printemps 1942, par le biais d’une relation de voisinage, Sabine Zlatin fait la connaissance de MarieAntoinette Pallarés et de ses enfants Guy, Paulette et Renée. Le mari, instituteur, se trouve mobilisé au Togo. Les deux filles alors adolescentes font parties des Eclaireuses de France. A ce titre, elles se chargent de porter des colis de ravitaillement préparés par les Eclaireurs israélites de Montpellier aux juifs internés dans les camps. Malgré les risques liés à la surveillance allemande, Renée se porte même volontaire pour convoyer une quarantaine d’adolescentes juives et étrangères de Montpellier à Annecy afin qu’elles puissent se réfugier en Suisse. Dans le cadre de ses actions de sauvetage, Sabine Zlatin sort du camp d’Agde une fillette âgée de deux ans : Diane Popowski, née à Luxembourg, le 22 avril 1940. Réfugiées dans le sud de la France, cachée à Prades-le-Pez dans l’Hérault, Diane et sa mère sont arrêtées par la gendarmerie française puis internées au camp d’Agde. Les parents sont déportés le 11 septembre 1942. L’enfant se retrouve seule au camp d’Agde. L’histoire raconte que D Léon Reifman, colonie d'Izieu, été 1943 © Maison d'Izieu / Coll. Henri Alexander. L’aide à Léon Reifman, le 6 avril 1944. Le 6 avril 1944, Léon Reifman, ancien éducateur de la colonie, rend visite à sa famille réfugiée à la maison d’Izieu. En cours de route, il prend en charge deux garçons qui étaient pensionnaires au collège de Belley. Sitôt arrivé, il monte à l’infirmerie. La rafle a lieu au même moment. Prévenu par sa sœur, il saute par la fenêtre du 1er étage et se cache dans un buisson. Il est trouvé par l’ouvrier agricole travaillant pour la famille Perticoz, Julien Favet. Grâce aux Perticoz, dont la ferme jouxte la colonie, il se réfugie dans un hameau voisin avant de passer plusieurs jours à Peyrieu situé à une dizaine de kilomètres d’Izieu. Il est caché par la famille de la sœur de Madame Perticoz, la famille Bouvier. Enfin, il est accueilli par la famille Cardot de Belley dont le père est l’un des responsables du maquis. Après la guerre, il devient médecin. Dès le retour de Klaus Barbie en France, en 1983, il se porte partie civile pour sa famille. Il décède en 1994, l’année de l’inauguration du « Musée-mémorial des enfants d’Izieu ». 14 U N E FA M I L L E D E JUSTES Sabine Zlatin l’aurait sortie du camp clandestinement en la cachant sous sa cape. Pour éviter que les pleurs du bébé n’alertent les gardiens, elle lui aurait calé un petit morceau de sucre dans la bouche. Vers la fin de l’été 1942, Diane est confiée à la famille Pallarés qui accueillera aussi un autre enfant âgé de 3 ans : Albert Bulka dit « Coco ». Celui-ci rejoint en mai 1943, la « colonie des enfants réfugiés de l’Hérault » à Izieu, fondée par les époux Zlatin. Aux environs du mois de juin 1943, Miron Zlatin a besoin d’aide pour s’occuper du jardin de la colonie. Pour aider son mari, Sabine Zlatin songe à faire venir deux adolescents juifs cachés dans la région d’Agen. Elle demande à Renée Pallarés d’aller les chercher. Renée est alors lycéenne. Elle convoie les deux adolescents jusqu’à Izieu. Il s’agit de Théo Reis et de Paul Nierdermann. Après ce périple, Renée passe son bac puis elle vient passer l’été 1943 avec sa sœur et son frère, à la colonie d’Izieu. La fratrie emmène avec elle, la petite Diane Popowski. Les deux sœurs sont aide-monitrices et participent activement à la bonne marche de la colonie. Renée et Paulette prirent un nombre important de photographies qui aujourd’hui nous sont parvenues. Ces clichés témoignent de la vie quotidienne : séances de pluches, En partant de la gauche : Renée, Guy et Paulette Pallarés, colonie d'Izieu, été 1943 © Maison d'Izieu / Coll. Niedermann – Pallarés-Roche. IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 17:46 Page 15 H AUTEVILLE -L OMPNES : L ES distribution du courrier, jeux, etc. Grâce à ces photographies, Serge Klarsfeld a pu compléter son dossier sur les 44 enfants raflés à Izieu en vue du procès Barbie qui s’est tenu à Lyon en 1987. Certaines de ces photographies sont exposées aujourd’hui à la Maison d’Izieu. A la fin de l’été 1943, les Pallarés doivent rentrer à Montpellier. Très attachées à Diane, qu’elles considèrent comme leur propre sœur, elles réussissent à convaincre Sabine Zlatin de rentrer chez elle avec Diane. La mère de Renée et Paulette accepte. Elles rentrent alors à Montpellier en compagnie de Diane. « On était tous les trois en admiration. Elle était extraordinaire. D’abord, elle était très jolie, très mignonne (...) Mon frère la taquinait tout le temps, nous on la pouponnait » se souvient Renée. Sans l’accueil de cette famille durant la guerre, Diane Popowski aurait été probablement déportée. En 1949, le père de Diane, rescapé d’Auschwitz, décide de récupérer sa fille. C’est à la demande de Diane, que le diplôme de « Juste des Nations », délivré par Israël à ceux qui ont sauvé des juifs, est remis à Renée Pariselle, Paulette Roche et à leur mère, Marie-Antoinette Pallarés, à titre posthume, le 16 septembre 1987, à Montpellier. Quelques mois avant, le 1er juin 1987, Paulette témoignait à Lyon pour le procès Barbie. Diane Popowski, aujourd’hui Diane Fenster, vit au Canada ainsi que son père. Renée fut la dernière à avoir témoigné de ce sauvetage. Elle est décédée le 3 août 2007. auteville est une commune du Bugey (Ain) située sur un plateau du Jura, à une cinquantaine de kilomètres d’Izieu. C’est avant tout une station climatique où l’on soigne des malades atteints de tuberculose. Zone de maquis, le plateau sera le théâtre d’actes de résistance et de répression allemande. H Dans les années 30, de nombreuses familles de juifs polonais fuyant les persécutions nazies arrivent à Hauteville. A cette époque, Hauteville et Lompnes sont deux villages distincts ; ils seront réunis en 1942. Le maire de Lompnes, Léon Bonafé, est également médecin chef du sanatorium de l’Espérance d’Hauteville. Il y héberge, soigne et cache des femmes juives. Certaines ayant des enfants, il leur indique des adresses de familles du plateau qui peuvent les accueillir. Ainsi, il crée un réseau de confiance entre les « mères de l’Espérance » et les « nourrices de Cormaranche ». Son action est soutenue dans l’ombre par l’attitude courageuse de Frédéric Dumarest, « président de la délégation spéciale » d’HautevilleLompnes. « Les enfants cachés d’Hauteville ont gardé un souvenir plutôt bon de l’Espérance et son grand parc où ils jouaient, insouciants de la guerre, près de leurs mamans. […] Les pensionnaires de l’Espérance vivaient dans les meilleures conditions possibles en temps de guerre. […] Hauteville était un monde presque paisible jusqu’à l’arrivée des Allemands. » ENFANTS DE L’E SPÉRANCE en France après l’Anschluss en 1938. Bien que connaissant l’existence de « ce sanatorium de juives », les Allemands ne procèderont à aucune rafle dans l’établissement. L’histoire d’Hauteville-Lompnes et celle de la maison d’Izieu sont liées à travers le destin des familles de deux des enfants victimes de la rafle du 6 avril 1944 à la « colonie ». Au début de l’été 1939, Séraphine Halpern née le 23 septembre 1907, commence une cure à l’Espérance. Elle y fera plusieurs séjours. Auparavant hospitalisée à Perpignan, elle a dû se séparer de son fils Georges. En septembre, quand la guerre éclate, des juifs étrangers s’engagent dans l’armée française pour prouver leur attachement à la France et leur volonté d’intégration ; parmi eux, son mari Julius Halpern. Georges Halpern, dit Georgy, né le 30 octobre 1935, d’abord placé dans la maison d’enfants de l’O.S.E. au château de Chaumont à Mainsat (Creuse) puis à la maison de Campestre à Lodève, arrive le 18 mai à la « colonie » d’Izieu avec le premier groupe d’enfants venus de l’Hérault. Georgy Halpern © Maison d'Izieu / Coll. Henri Alexander Georges Levy, Les enfants de l’Espérance. Hauteville 1939-1945 Fin juin 1941, le Préfet rappelle aux maires qu’ils doivent impérativement fournir la liste de tous les juifs. Il est demandé à la directrice de l’Espérance de donner la liste de toutes les pensionnaires et celle du personnel. Elle ne déclare que 34 juifs et en dissimule une quinzaine. Après ce recensement, le Préfet dispose d’une liste de 64 juifs de la région de Belley parmi lesquels figurent les familles Halpern et Ament, juifs autrichiens arrivés 15 25/01/08 16:50 Page 16 Il est déporté par le convoi n° 71 et assassiné à Auschwitz-Birkenau. Fin mars, trois semaines après la déportation de son mari, Ernestine Ament très malade entre à l’Espérance. Elle y décède le 7 août 1944. Hans Ament, né le 15 février 1934, rejoint la colonie d’Izieu en septembre 1943. Il est déporté par le convoi n° 75 du 30 mai 1944. Alfred, son frère aîné, est sauvé par l’OSE qui l’a fait passer en Suisse. Les recherches historiques récentes de Georges Levy ont permis de Bibliographie IZ-Lettre 2008ter Cette bibliographie indicative est constituée d’ouvrages consultables au Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura et à la Maison d’Izieu. Ouvrages généraux : • J.P Azema, François Bedarida, « La France des années noires », édition du Seuil, novembre 1993 Tome 1 : pages 387 à 392 sont traités les premiers réseaux qui organisaient des évasions Tome 2 : la page 331 traite du rôle du monde paysan dans la survie du Maquis • Olivier Wieworka « Une certaine idée de la Résistance », édition du Seuil, novembre 1995 A la page 118, est traité le thème des faux papiers • Henri Rousso « Les années noires; vivre sous l’occupation », collection découvertes Gallimard Histoire, Septembre 2005 A la page 98, l’auteur évoque la France des Justes. Hans Hament, coll. Serge Klarsfeld découvrir cette histoire d’enfants juifs hébergés ou cachés – parfois avec leurs parents, ou près d’eux – au Sud de l’Ain, à Hauteville, Lompnes et Cormaranche, grâce au courage et à la bonté de quelques habitants : un médecin, un maire, des agriculteurs, des commerçants, un enseignant. • Laurence Thibault « Les cahiers de la Résistance : les jeunes dans la Résistance », collection La Documentation Française, édition AERI, juillet 2007. A la page 142, l’auteur nous dresse un portrait d’une jeune employée de mairie, qui fabriquait des faux papiers. A la page suivante, 143, c’est un autre portrait qui est réalisé, celui d’Henri Barbot, qui appartenait à un réseau d’aide aux personnes évadées. Ouvrages locaux : n Sur l’évacuation des maquisards blessés : • Témoignage du Docteur René Guillet sur l’évacuation de maquisards blessés, de l’hôpital d’Oyonnax jusqu’à Lagotète (Apremont), fuyant la répression nazie de juillet 1944. (pages 8,9 et 17) • Jacques Guttieres « Le chemin du maquis » Récits sur les évacuations des hôpitaux de Nantua et d’Oyonnax en juillet 1944. (pages 85 à 103) • Témoignage de Fernand Geoffray, directeur de l’hôpital de Nantua • Jacqueline Di Carlo « La guerre de 39-45 à Saint--Rambert-en-Bugey » de la page 140 à 145 sont évoqués les « fusillés deux fois » de l’hôpital de Nantua, et de l’évacuation. n Sur la confection de faux papiers et la résistance dans les administrations • Marcel Royer alias « André », « Pour mieux comprendre la Résistance en Dombes » 16 A la page 6, sont relatés des faits concernant des employés de mairie résistants. La page 7 s’intitule « résistants et gendarmes, main dans la main », où certains gendarmes prévenaient les réfractaires dénoncés. • La Résistance du secteur de Bellegarde relate aussi de la confection de faux-papiers (Cristal 4 p 27 et p 79-80 dressant une typologie de faux papiers) • Il faut évoquer aussi • les moines trappistes de la Dombes, qui ont fourni tampons, appareil photo et machine à écrire. Ces trois objets sont exposés au musée de la Résistance de Nantua. • Témoignage de Henri Girardi, sur l’aide du village de Cerdon qui a ravitaillé les maquis alentours. Le maire du village Emile Rougemont, ainsi que certains gendarmes ont protégé les réfractaires. n Concernant l’aide aux réfractaires du STO, et aux maquis par extension. • Témoignage de Rose Deville, bergère à Chougeat en mars 1943, lorsque les premiers réfractaires sont arrivés dans son village. À travers ce témoignage sont évoquées les représailles contre ceux qui ont désobéi au régime de Vichy, puisque Madame Deville a été déportée avec d’autres qui comme elle, ont caché et nourri les réfractaires. • Témoignage de Louise Jeanjacquot, « 1943, l’année terrible » (pages 6 et 10) • Témoignage de René Collet (chapitres 318, 362), jeune maquisard, suite à son évasion du train de déportation vers le camp de BUCHENWALD, lors de la rafle à Nantua, le 14 décembre 1943. Monsieur COLLET a été caché et soigné durant de longues semaines dans une famille en Haute Savoie. n A propos des réseaux de passeurs • Témoignage de Pierre Marcault qui a participé a un réseau de passeurs sur la ligne de démarcation. , (page 8, chap 478) • Anne Grynberg Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français 1939-1944, éditions la découverte / textes à l’appui • Pierre-Jérôme Biscarat Les enfants réfugiés d’Izieu, 6 avril1944 : un crime contre l’humanité. Veurey : Le Dauphiné Libéré, 2003, (Les Patrimoines) • Rolande Causse Les enfants d’Izieu. Paris : Syros jeunesse, 2004 • Collection de Sabine Zlatin. Paris : Bibliothèque nationale de France ; Association du Musée-mémorial d’Izieu, 1994 Garde-le toujours : lettres et dessins des enfants d’Izieu, • Serge Klarsfeld, Les enfants d’Izieu : une tragédie juive. Paris : Les Fils et filles des Déportés Juifs de France, 2000 • Serge Klarsfeld, En souvenir de Georgy : lettres et dessins de la Maison d’Izieu. New-York : Aperture Foundation, 2002 • Georges Levy, Les enfants de l’Espérance. Hauteville 1939-1945, 2006 • Pierre-Marcel Wiltzer, Sous les feux croisés. Parole de Préfet. Chambéry : Comp’Act, 1999 • Sabine Zlatin, Mémoires de la « Dame d’Izieu ». Paris : Gallimard, 1992 n Lieux ressources • Archives départementales 1 boulevard Paul Valéry 01000 Bourg-en-Bresse T : 04 72 32 12 80 • Anciens Combattants et Victimes de Guerre (Service départemental de l’Office national) 3 rue Brillat-Savarin 01000 Bourg-en-Bresse T : 04 74 21 09 95 • Témoignage de Robert Molinatti sur des passeurs vers la Suisse (page 10) • Témoignage des Justes du Sappel des familles protestantes vivant vers le col du Sappel entre Labalme Cerdon et Vieu d’Izenave ont caché des Juifs et les ont aidés à passer en Suisse. n A propos de la persécution des juifs • Le Monde L’histoire au jour le jour. La deuxième guerre mondiale. 1939/1945 • Centre de documentation juive contemporaine L’internement des Juifs sous Vichy 17 25/01/08 16:50 Page 16 Il est déporté par le convoi n° 71 et assassiné à Auschwitz-Birkenau. Fin mars, trois semaines après la déportation de son mari, Ernestine Ament très malade entre à l’Espérance. Elle y décède le 7 août 1944. Hans Ament, né le 15 février 1934, rejoint la colonie d’Izieu en septembre 1943. Il est déporté par le convoi n° 75 du 30 mai 1944. Alfred, son frère aîné, est sauvé par l’OSE qui l’a fait passer en Suisse. Les recherches historiques récentes de Georges Levy ont permis de Bibliographie IZ-Lettre 2008ter Cette bibliographie indicative est constituée d’ouvrages consultables au Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura et à la Maison d’Izieu. Ouvrages généraux : • J.P Azema, François Bedarida, « La France des années noires », édition du Seuil, novembre 1993 Tome 1 : pages 387 à 392 sont traités les premiers réseaux qui organisaient des évasions Tome 2 : la page 331 traite du rôle du monde paysan dans la survie du Maquis • Olivier Wieworka « Une certaine idée de la Résistance », édition du Seuil, novembre 1995 A la page 118, est traité le thème des faux papiers • Henri Rousso « Les années noires; vivre sous l’occupation », collection découvertes Gallimard Histoire, Septembre 2005 A la page 98, l’auteur évoque la France des Justes. Hans Hament, coll. Serge Klarsfeld découvrir cette histoire d’enfants juifs hébergés ou cachés – parfois avec leurs parents, ou près d’eux – au Sud de l’Ain, à Hauteville, Lompnes et Cormaranche, grâce au courage et à la bonté de quelques habitants : un médecin, un maire, des agriculteurs, des commerçants, un enseignant. • Laurence Thibault « Les cahiers de la Résistance : les jeunes dans la Résistance », collection La Documentation Française, édition AERI, juillet 2007. A la page 142, l’auteur nous dresse un portrait d’une jeune employée de mairie, qui fabriquait des faux papiers. A la page suivante, 143, c’est un autre portrait qui est réalisé, celui d’Henri Barbot, qui appartenait à un réseau d’aide aux personnes évadées. Ouvrages locaux : n Sur l’évacuation des maquisards blessés : • Témoignage du Docteur René Guillet sur l’évacuation de maquisards blessés, de l’hôpital d’Oyonnax jusqu’à Lagotète (Apremont), fuyant la répression nazie de juillet 1944. (pages 8,9 et 17) • Jacques Guttieres « Le chemin du maquis » Récits sur les évacuations des hôpitaux de Nantua et d’Oyonnax en juillet 1944. (pages 85 à 103) • Témoignage de Fernand Geoffray, directeur de l’hôpital de Nantua • Jacqueline Di Carlo « La guerre de 39-45 à Saint--Rambert-en-Bugey » de la page 140 à 145 sont évoqués les « fusillés deux fois » de l’hôpital de Nantua, et de l’évacuation. n Sur la confection de faux papiers et la résistance dans les administrations • Marcel Royer alias « André », « Pour mieux comprendre la Résistance en Dombes » 16 A la page 6, sont relatés des faits concernant des employés de mairie résistants. La page 7 s’intitule « résistants et gendarmes, main dans la main », où certains gendarmes prévenaient les réfractaires dénoncés. • La Résistance du secteur de Bellegarde relate aussi de la confection de faux-papiers (Cristal 4 p 27 et p 79-80 dressant une typologie de faux papiers) • Il faut évoquer aussi • les moines trappistes de la Dombes, qui ont fourni tampons, appareil photo et machine à écrire. Ces trois objets sont exposés au musée de la Résistance de Nantua. • Témoignage de Henri Girardi, sur l’aide du village de Cerdon qui a ravitaillé les maquis alentours. Le maire du village Emile Rougemont, ainsi que certains gendarmes ont protégé les réfractaires. n Concernant l’aide aux réfractaires du STO, et aux maquis par extension. • Témoignage de Rose Deville, bergère à Chougeat en mars 1943, lorsque les premiers réfractaires sont arrivés dans son village. À travers ce témoignage sont évoquées les représailles contre ceux qui ont désobéi au régime de Vichy, puisque Madame Deville a été déportée avec d’autres qui comme elle, ont caché et nourri les réfractaires. • Témoignage de Louise Jeanjacquot, « 1943, l’année terrible » (pages 6 et 10) • Témoignage de René Collet (chapitres 318, 362), jeune maquisard, suite à son évasion du train de déportation vers le camp de BUCHENWALD, lors de la rafle à Nantua, le 14 décembre 1943. Monsieur COLLET a été caché et soigné durant de longues semaines dans une famille en Haute Savoie. n A propos des réseaux de passeurs • Témoignage de Pierre Marcault qui a participé a un réseau de passeurs sur la ligne de démarcation. , (page 8, chap 478) • Anne Grynberg Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français 1939-1944, éditions la découverte / textes à l’appui • Pierre-Jérôme Biscarat Les enfants réfugiés d’Izieu, 6 avril1944 : un crime contre l’humanité. Veurey : Le Dauphiné Libéré, 2003, (Les Patrimoines) • Rolande Causse Les enfants d’Izieu. Paris : Syros jeunesse, 2004 • Collection de Sabine Zlatin. Paris : Bibliothèque nationale de France ; Association du Musée-mémorial d’Izieu, 1994 Garde-le toujours : lettres et dessins des enfants d’Izieu, • Serge Klarsfeld, Les enfants d’Izieu : une tragédie juive. Paris : Les Fils et filles des Déportés Juifs de France, 2000 • Serge Klarsfeld, En souvenir de Georgy : lettres et dessins de la Maison d’Izieu. New-York : Aperture Foundation, 2002 • Georges Levy, Les enfants de l’Espérance. Hauteville 1939-1945, 2006 • Pierre-Marcel Wiltzer, Sous les feux croisés. Parole de Préfet. Chambéry : Comp’Act, 1999 • Sabine Zlatin, Mémoires de la « Dame d’Izieu ». Paris : Gallimard, 1992 n Lieux ressources • Archives départementales 1 boulevard Paul Valéry 01000 Bourg-en-Bresse T : 04 72 32 12 80 • Anciens Combattants et Victimes de Guerre (Service départemental de l’Office national) 3 rue Brillat-Savarin 01000 Bourg-en-Bresse T : 04 74 21 09 95 • Témoignage de Robert Molinatti sur des passeurs vers la Suisse (page 10) • Témoignage des Justes du Sappel des familles protestantes vivant vers le col du Sappel entre Labalme Cerdon et Vieu d’Izenave ont caché des Juifs et les ont aidés à passer en Suisse. n A propos de la persécution des juifs • Le Monde L’histoire au jour le jour. La deuxième guerre mondiale. 1939/1945 • Centre de documentation juive contemporaine L’internement des Juifs sous Vichy 17 25/01/08 16:51 Page 18 LE MUSÉE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE L’AIN ET DU HAUT-JURA Transmettre la mémoire et appréhender l’Histoire : de la vie quotidienne à la résistance civile en passant par les maquis ou la Déportation, le musée offre une approche pédagogique de la période adaptée à tous les niveaux. Le Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura est aujourd’hui l’un des principaux musées de France consacrés à la période de la Seconde Guerre mondiale. Installé au cœur de la ville de Nantua dans l’ancienne maison d’arrêt datant du 19e siècle, la richesse de ses collections et leur mise en valeur en font un haut lieu de mémoire et un outil pédagogique de qualité. A travers de nouveaux espaces thématiques, le musée vous invite à explorer les méandres de la Seconde Guerre mondiale. Eclairée par l’analyse historique des événements locaux et nationaux, l’exposition donne les clés pour mieux comprendre cette période complexe. LES LES EXPOSITIONS PERMANENTES L’Allemagne nazie De 1919 à 1939, l’Allemagne passe du statut d’Etat vaincu à celui de nation conquérante. Autour d’objets évoquant le régime nazi, cartes et documents décrivent la préparation du pays à une guerre totale. De la mobilisation à l’armistice Le 2 septembre 1939, une affiche annonce l’entrée en guerre de la France et la mobilisation générale. Cartes, chronologie et documents ou effets personnels retracent le chemin de la défaite. Vie quotidienne sous l’Occupation Conséquence de l’armistice, l’occupation allemande bouleverse la vie quotidienne des Français. Tickets de rationnement, gazobois, savon à la cendre, Ausweis … font leur apparition. L’image du maréchal Pétain et l’idéologie du régime de Vichy envahissent les foyers. Résistance civile Souvent réunis autour d’un journal clandestin, les premiers réseaux de résistance s’organisent pour fournir de faux-papiers ou élaborer des filières d’évasion. Portraits de résistants locaux et documents historiques témoignent de la naissance de ces mouvements pionniers. Vie au maquis et résistance armée Les reconstitutions de scènes de la vie au camp et de l’organisation d’un parachutage évoquent le quotidien de ces maquisards. Déportation Vêtements, lettres, ou objets rapportés des camps de concentration racontent le combat quotidien des déportés pour leur survie. 18 EXPOSITIONS TEMPORAIRES 2008-2009 Propagande contre propagande 1939-1945 Jusqu’en septembre 2008. Enjeu stratégique majeur, le contrôle de l’opinion engendre une propagande surabondante. Affiches, tracts, messages radio, actualités cinématographiques… illustrent l’affrontement idéologique des différents groupes engagés dans le conflit. Vue intérieure du musée, l'occupation allemande Coll. Musées des pays de l'Ain © Jorge Alves UN FONDS DE COLLECTION REMARQUABLE Le musée dispose d’une collection particulièrement riche et variée d’environ 12 000 objets, provenant essentiellement de dons de personnes ayant vécu ou connu cette période sombre de la Seconde Guerre mondiale. Objets du quotidien, collection d’affiches de propagande et administratives locales remarquables, tracts, journaux, archives, armes, munitions, matériel de sabotage, de transmission, de parachutage, matériel médical, uniformes, bannières, iconographie, souvenirs de déportation … permettent d’illustrer les événements de la Seconde Guerre mondiale de la montée des périls à la Libération à l’échelle départementale, nationale, internationale. Des images d’archives cinématographiques départementales notamment sur le voyage de Pétain à Bourg-enBresse en septembre 1942, sur le défilé de maquisards à Oyonnax le 11 novembre 1942, sur la vie au maquis, sur les bombardements de juillet 1944 et l’incendie de Dortan, sur la bataille de Meximieux en septembre 1944, sur la construction et l’inauguration du Monument à la mémoire des maquis de l’Ain permettent un éclairage local tout à fait exceptionnel. Grandes résistantes contemporaines Du 1er octobre 2008 au 30 avril 2009 Le photographe Pierre-Yves Ginet nous invite dans cette exposition à suivre l’itinéraire de femmes du monde entier dont les parcours ont été forgés par l’esprit de résistance. Différents portraits de femmes engagées dans le combat pour la paix : Lucie Aubrac, Germaine Tillon, Anna Politkovskaia… nous interrogent sur les questions d’égalité des droits de l’homme, de citoyenneté, de liberté d’expression, mais aussi d’écologie et protection de la planète encore d’actualité aujourd’hui. Vivre libre ou mourir, tract, Inv. MHRD 1998.16.26, Coll. Musées des pays de l'Ain MAISON D ’ I Z I E U , M É M O R I A L D E S E N FA N T S J U I F S E X T E R M I N É S « Cette maison sera un lieu de vie, comme une sorte de défi à ce qui s’est passé dans ces lieux. Elle accueillera des classes et des groupes qui trouveront ici des espaces de travail, d’activité et de rencontre. Des classes et des groupes de toutes origines, tous horizons, de toutes formations et toutes religions. » Extrait du discours de François Mitterrand, Président de la République, le 24 avril 1994. La rafle d’Izieu : rappel des faits Le 6 avril 1944, à l’heure du petit déjeuner, des hommes de la Wehrmacht accompagnés par la Gestapo de Lyon - sur ordre de Klaus Barbie - font irruption devant la maison, “colonie des enfants réfugiés de l’Hérault” et raflent les 44 enfants et les 7 adultes présents, parce qu’ils sont juifs. Seul Léon Reifman, un ancien éducateur, parvient à s’enfuir en sautant d’une fenêtre. Les fermiers voisins, les Perticoz, l’aident à se cacher. De la colonie des enfants réfugiés de l’Hérault à la Maison d’Izieu La mémoire de la rafle d’Izieu est tout d’abord portée par Sabine Zlatin. Grâce à son engagement, une première commémoration officielle se déroule le 7 avril 1946. A cette occasion, un monument est érigé à Brégnier-Cordon et une plaque, où sont gravés les noms des enfants et des adultes raflés, est apposée sur la façade de la maison d’Izieu. La population locale entretient alors la mémoire des enfants d’Izieu et commémore chaque année le souvenir de la rafle. Au début des années 70, les époux Klarsfeld retrouvent la trace de Klaus Barbie en Bolivie. Ils parviennent à le faire arrêter en février 1983 puis à le faire extrader en France. C’est avec le procès Barbie que la mémoire d’Izieu s’inscrit véritablement dans l’histoire française. Le 4 juillet 1987, la Cour d’assises du Rhône déclare Klaus Barbie coupable de crime contre l’humanité et le condamne à la réclusion à vie. Au lendemain de ce procès, une association se constitue autour de Sabine Zlatin. Grâce à une souscription nationale, l’association acquiert en juillet 1990 la « Maison d'Izieu ». Le 24 avril 1994, François Mitterrand, président de la République inaugure le « Musée mémorial des enfants d’Izieu. » Enfants et adultes sont emprisonnés au fort Montluc à Lyon puis envoyés au camp de Drancy, où ils arrivent le 8 avril 1944. Le 13 avril, par le convoi n° 71, 34 enfants et 4 adultes sont déportés à AuschwitzBirkenau. Il en est de même pour les 8 autres enfants et 3 éducateurs partis dans les convois n° 72 (29 avril), 74 (20 mai), 75 (30 mai) et 76 (30 juin). À l’exception de Léa Feldblum, sélectionnée pour le travail, tous sont gazés. Miron Zlatin et les deux adolescents, Théo Reis et Arnold Hirsch, sont déportés le 15 mai 1944 vers l’Estonie par le convoi n° 73, uniquement composé d’hommes dans la force de l’âge. Ils sont exécutés au cours de l’été 1944. La colonie des enfants réfugiés de l’Hérault a fonctionné environ un an et a permis d’accueillir 105 enfants juifs et leurs éducateurs. On estime que la plupart de ceux qui l’ont quittée avant la rafle ont survécu. Les activités pédagogiques de la Maison d’Izieu L’histoire de la Shoah est une histoire européenne. Lieu de mémoire active et vivante, la Maison d’Izieu reçoit notamment un large public scolaire, des écoliers du primaire aux étudiants de l’université, en passant par les collégiens et les lycéens. Elle répond à sa vocation pédagogique en mettant à la disposition des enseignants les moyens de compléter leur travail ou de développer de nouveaux projets tels qu’ateliers, parcours artistiques, rencontres avec des témoins et intervenants divers, voyages sur des lieux de mémoire comme les camps d’Auschwitz en Pologne ou de Rivesaltes en France. Des projets de réflexion et d’échanges, scolaires mais aussi universitaires, permettant de saisir la dimension européenne de cette histoire, sont initiés régulièrement depuis plusieurs années, notamment en Allemagne et en Italie. Le fonds d’archives enrichi par des documents apportés par les anciens enfants d’Izieu ainsi que des travaux d’historiens permettent de reconstituer la vie de la colonie et de retracer des parcours individuels. Le centre de documentation met à la disposition des élèves de nombreux ouvrages traitant de la Shoah et des crimes contre l’humanité © Maison d’Izieu IZ-Lettre 2008ter 19 25/01/08 16:51 Page 18 LE MUSÉE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE L’AIN ET DU HAUT-JURA Transmettre la mémoire et appréhender l’Histoire : de la vie quotidienne à la résistance civile en passant par les maquis ou la Déportation, le musée offre une approche pédagogique de la période adaptée à tous les niveaux. Le Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura est aujourd’hui l’un des principaux musées de France consacrés à la période de la Seconde Guerre mondiale. Installé au cœur de la ville de Nantua dans l’ancienne maison d’arrêt datant du 19e siècle, la richesse de ses collections et leur mise en valeur en font un haut lieu de mémoire et un outil pédagogique de qualité. A travers de nouveaux espaces thématiques, le musée vous invite à explorer les méandres de la Seconde Guerre mondiale. Eclairée par l’analyse historique des événements locaux et nationaux, l’exposition donne les clés pour mieux comprendre cette période complexe. LES LES EXPOSITIONS PERMANENTES L’Allemagne nazie De 1919 à 1939, l’Allemagne passe du statut d’Etat vaincu à celui de nation conquérante. Autour d’objets évoquant le régime nazi, cartes et documents décrivent la préparation du pays à une guerre totale. De la mobilisation à l’armistice Le 2 septembre 1939, une affiche annonce l’entrée en guerre de la France et la mobilisation générale. Cartes, chronologie et documents ou effets personnels retracent le chemin de la défaite. Vie quotidienne sous l’Occupation Conséquence de l’armistice, l’occupation allemande bouleverse la vie quotidienne des Français. Tickets de rationnement, gazobois, savon à la cendre, Ausweis … font leur apparition. L’image du maréchal Pétain et l’idéologie du régime de Vichy envahissent les foyers. Résistance civile Souvent réunis autour d’un journal clandestin, les premiers réseaux de résistance s’organisent pour fournir de faux-papiers ou élaborer des filières d’évasion. Portraits de résistants locaux et documents historiques témoignent de la naissance de ces mouvements pionniers. Vie au maquis et résistance armée Les reconstitutions de scènes de la vie au camp et de l’organisation d’un parachutage évoquent le quotidien de ces maquisards. Déportation Vêtements, lettres, ou objets rapportés des camps de concentration racontent le combat quotidien des déportés pour leur survie. 18 EXPOSITIONS TEMPORAIRES 2008-2009 Propagande contre propagande 1939-1945 Jusqu’en septembre 2008. Enjeu stratégique majeur, le contrôle de l’opinion engendre une propagande surabondante. Affiches, tracts, messages radio, actualités cinématographiques… illustrent l’affrontement idéologique des différents groupes engagés dans le conflit. Vue intérieure du musée, l'occupation allemande Coll. Musées des pays de l'Ain © Jorge Alves UN FONDS DE COLLECTION REMARQUABLE Le musée dispose d’une collection particulièrement riche et variée d’environ 12 000 objets, provenant essentiellement de dons de personnes ayant vécu ou connu cette période sombre de la Seconde Guerre mondiale. Objets du quotidien, collection d’affiches de propagande et administratives locales remarquables, tracts, journaux, archives, armes, munitions, matériel de sabotage, de transmission, de parachutage, matériel médical, uniformes, bannières, iconographie, souvenirs de déportation … permettent d’illustrer les événements de la Seconde Guerre mondiale de la montée des périls à la Libération à l’échelle départementale, nationale, internationale. Des images d’archives cinématographiques départementales notamment sur le voyage de Pétain à Bourg-enBresse en septembre 1942, sur le défilé de maquisards à Oyonnax le 11 novembre 1942, sur la vie au maquis, sur les bombardements de juillet 1944 et l’incendie de Dortan, sur la bataille de Meximieux en septembre 1944, sur la construction et l’inauguration du Monument à la mémoire des maquis de l’Ain permettent un éclairage local tout à fait exceptionnel. Grandes résistantes contemporaines Du 1er octobre 2008 au 30 avril 2009 Le photographe Pierre-Yves Ginet nous invite dans cette exposition à suivre l’itinéraire de femmes du monde entier dont les parcours ont été forgés par l’esprit de résistance. Différents portraits de femmes engagées dans le combat pour la paix : Lucie Aubrac, Germaine Tillon, Anna Politkovskaia… nous interrogent sur les questions d’égalité des droits de l’homme, de citoyenneté, de liberté d’expression, mais aussi d’écologie et protection de la planète encore d’actualité aujourd’hui. Vivre libre ou mourir, tract, Inv. MHRD 1998.16.26, Coll. Musées des pays de l'Ain MAISON D ’ I Z I E U , M É M O R I A L D E S E N FA N T S J U I F S E X T E R M I N É S « Cette maison sera un lieu de vie, comme une sorte de défi à ce qui s’est passé dans ces lieux. Elle accueillera des classes et des groupes qui trouveront ici des espaces de travail, d’activité et de rencontre. Des classes et des groupes de toutes origines, tous horizons, de toutes formations et toutes religions. » Extrait du discours de François Mitterrand, Président de la République, le 24 avril 1994. La rafle d’Izieu : rappel des faits Le 6 avril 1944, à l’heure du petit déjeuner, des hommes de la Wehrmacht accompagnés par la Gestapo de Lyon - sur ordre de Klaus Barbie - font irruption devant la maison, “colonie des enfants réfugiés de l’Hérault” et raflent les 44 enfants et les 7 adultes présents, parce qu’ils sont juifs. Seul Léon Reifman, un ancien éducateur, parvient à s’enfuir en sautant d’une fenêtre. Les fermiers voisins, les Perticoz, l’aident à se cacher. De la colonie des enfants réfugiés de l’Hérault à la Maison d’Izieu La mémoire de la rafle d’Izieu est tout d’abord portée par Sabine Zlatin. Grâce à son engagement, une première commémoration officielle se déroule le 7 avril 1946. A cette occasion, un monument est érigé à Brégnier-Cordon et une plaque, où sont gravés les noms des enfants et des adultes raflés, est apposée sur la façade de la maison d’Izieu. La population locale entretient alors la mémoire des enfants d’Izieu et commémore chaque année le souvenir de la rafle. Au début des années 70, les époux Klarsfeld retrouvent la trace de Klaus Barbie en Bolivie. Ils parviennent à le faire arrêter en février 1983 puis à le faire extrader en France. C’est avec le procès Barbie que la mémoire d’Izieu s’inscrit véritablement dans l’histoire française. Le 4 juillet 1987, la Cour d’assises du Rhône déclare Klaus Barbie coupable de crime contre l’humanité et le condamne à la réclusion à vie. Au lendemain de ce procès, une association se constitue autour de Sabine Zlatin. Grâce à une souscription nationale, l’association acquiert en juillet 1990 la « Maison d'Izieu ». Le 24 avril 1994, François Mitterrand, président de la République inaugure le « Musée mémorial des enfants d’Izieu. » Enfants et adultes sont emprisonnés au fort Montluc à Lyon puis envoyés au camp de Drancy, où ils arrivent le 8 avril 1944. Le 13 avril, par le convoi n° 71, 34 enfants et 4 adultes sont déportés à AuschwitzBirkenau. Il en est de même pour les 8 autres enfants et 3 éducateurs partis dans les convois n° 72 (29 avril), 74 (20 mai), 75 (30 mai) et 76 (30 juin). À l’exception de Léa Feldblum, sélectionnée pour le travail, tous sont gazés. Miron Zlatin et les deux adolescents, Théo Reis et Arnold Hirsch, sont déportés le 15 mai 1944 vers l’Estonie par le convoi n° 73, uniquement composé d’hommes dans la force de l’âge. Ils sont exécutés au cours de l’été 1944. La colonie des enfants réfugiés de l’Hérault a fonctionné environ un an et a permis d’accueillir 105 enfants juifs et leurs éducateurs. On estime que la plupart de ceux qui l’ont quittée avant la rafle ont survécu. Les activités pédagogiques de la Maison d’Izieu L’histoire de la Shoah est une histoire européenne. Lieu de mémoire active et vivante, la Maison d’Izieu reçoit notamment un large public scolaire, des écoliers du primaire aux étudiants de l’université, en passant par les collégiens et les lycéens. Elle répond à sa vocation pédagogique en mettant à la disposition des enseignants les moyens de compléter leur travail ou de développer de nouveaux projets tels qu’ateliers, parcours artistiques, rencontres avec des témoins et intervenants divers, voyages sur des lieux de mémoire comme les camps d’Auschwitz en Pologne ou de Rivesaltes en France. Des projets de réflexion et d’échanges, scolaires mais aussi universitaires, permettant de saisir la dimension européenne de cette histoire, sont initiés régulièrement depuis plusieurs années, notamment en Allemagne et en Italie. Le fonds d’archives enrichi par des documents apportés par les anciens enfants d’Izieu ainsi que des travaux d’historiens permettent de reconstituer la vie de la colonie et de retracer des parcours individuels. Le centre de documentation met à la disposition des élèves de nombreux ouvrages traitant de la Shoah et des crimes contre l’humanité © Maison d’Izieu IZ-Lettre 2008ter 19 IZ-Lettre 2008ter 25/01/08 16:52 Page 20 Informations pratiques : Sommaire Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura 3 montée de l’abbaye 01130 Nantua. Ouvert toute l’année aux groupes sur rendez-vous. Chronologie page 2 La France et le département de l’Ain (juin 1940-août 1944) Le STO Les persécutions La résistance civile : le tournant de l’année 1942 page 3 L’aide civile aux résistants Le Service de Santé des maquis de l’Ain L’aide aux résistants à l’hôpital de Nantua Aider les personnes persécutées et pourchassées : un engagement risqué page 5 Accueillir et sauver les juifs réfugiés dans l’Ain Les voies de passage pour le canton de Genève S’engager pour la colonie d'Izieu : des solidarités institutionnelles et locales Hauteville-Lompnes : les enfants de l’Espérance page 9 Contacts service pédagogique : Florence Saint-Cyr-Gherardi Séverine Champonnois Nathalie Le Baut Tél : 04 74 75 07 50 Fax : 04 74 75 27 58 et Mounira Cherraben-Lapin, professeur relais de la DAAC de Lyon Accès 45 mn de Bourg-en-Bresse 1h de Lyon, Chambéry, Annecy et Genève Autoroute A40 sortie n°8 Saint-Martin-du-Fresne ou autoroute A404 sortie n°9 l à Cluse/Nantua Bibliographie page 16 Le Musée d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de l'Ain et du Haut-Jura page 18 La Maison d'Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés page 19 Informations pratiques page 20 Document réalisé par : le Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura à Nantua et par la Maison d’Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés La Maison d’Izieu est ouverte au public tous les jours. Les groupes, adultes et scolaires, sont accueillis sur réservation. Les services de l’accueil et de la pédagogie sont à leur disposition pour préparer leur venue. Une équipe pédagogique est à la disposition des enseignants, des scolaires et des étudiants : Marie-Ange Baron E-mail : [email protected] Pierre-Jérôme Biscarat E-mail : [email protected] Maison d’Izieu 01300 IZIEU Tél : 04 79 87 20 08 Fax : 04 79 87 59 27 et les professeurs relais de la DAAC de Lyon Sylvie Haution et Gérard Mola Collège du Bugey 113 rue du 5ème RTM, 01300 Belley, Tél : 04 79 81 02 18 Centre de documentation Accès sur rendez-vous. Stéphanie Boissard [email protected] 20 Rédaction : Marie-Ange Baron, Pierre-Jérôme Biscarat, Mounira Cherraben-Lapin et Florence Saint-Cyr-Gherardi, Sylvie Haution, Gérard Mola Crédits cartographiques : - Cadastre © droits de l'Etat réservés © Latitude - Cartagène - Mona pour la cartographie ESRI ® Data & Maps © BD ALTI ® Conseil Général de l'Ain DGAT - Service du système d'Information Géographique (SIG) décembre 2007 - Ruth Fivaz-Silbermann, 2003 Le Conseil général de l'Ain prend en charge les coûts de transport des collégiens de l'Ain qui se rendent en visite dans le cadre scolaire au Musée d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et du Haut-Jura et à la Maison d’Izieu. Graphisme : Bernadette Dressler Informations pratiques