Proceedings of the Marketing Spring Colloquy, Vol. (2). May, 2016.
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Proceedings of the Marketing Spring Colloquy (MSC)
Unit of Research & Applications in Marketing (URAM)
Special Volume: May, 2016. Vol. (2), pp: 174-185
E-ISSN: 2490-4376
Conference Paper
Le marketing de la religion: cas de l’Islam
Morsy Sahlaoui
URAM, FSEG de Tunis, Université de Tunis El Manar
Le marketing de la religion: cas de l’Islam
Résumé :
L’objectif du présent article est d'étudier la possibilité de l’application du marketing pour promouvoir
l'Islam. En fait, le marketing a été utilisé par les institutions religieuses depuis le début du 19ème siècle.
Cependant, avec le développement des mouvements de sécularisation dans l'ère postmoderne, cet outil
est devenu indispensable pour les églises. Aujourd’hui, l'Islam fait face aux mêmes difficultés
notamment la diminution d l’engagement religieux et l’islamophobie. A cet effet, l'utilisation du
marketing serait possible et aurait deux principaux objectifs: le développement de la religiosité et le
repositionnement de l'image d'Islam comme une religion ouverte tolérante et moderne.
Mots clés : Marketing, sécularisation, culture de consommation, Christianisme et Islam.
The marketing of religion: the case of Islam
Abstract:
The purpose of the present paper is to study the possible application of marketing to promote Islam. In
fact, marketing techniques were adapted to religious goals since the beginning of the 19th century. But
with the rise of the secularization movements in the post-modern era, its application becomes vital to
guaranty the survival of churches. Islam also is facing the same difficulties such as the decrease of
mosque attendance, the decrease of religious commitment and Islam phobia. So, we state that, the use
of marketing is possible and would have two major purposes: Developing Islamic engagement and
repositioning Islam’s image as opened tolerant and modern religion.
Key Words: Marketing, secularization, consumer culture, Christianity, Islam.
*Paper presented at the 2ème Conference of URAM. Hammamet, Tunisia. 6-7 May, 2011
Morsy Sahlaoui
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Le marketing de la religion : cas de l’Islam
Introduction :
La réussite des techniques de marketing
dans le domaine commercial a inspiré les
spécialistes d’autres domaines
notamment dans le cas des organisations
ayant des causes sociales. Cette réussite a
inspiré même les institutions religieuses.
En effet, les techniques de marketing ont
été appliqués à la religion et plus
précisément par l’église. Ayant une
structure hiérachique bien définie et des
objectifs religieux et financiers spécifiques,
ce type d’organisation n’a pas eu de
difficultés à adapter cette spécialité
managériale. En se basant sur le principe
même du marketing qui est celui du
développement d’échange profitable
entre les différents interlocuteurs, les
églises ont cherché à élargir leurs
auditoires et par conséquent leurs
ressources financières basées sur les
donations, leur principale promesse est la
satisfaction spirituelle. Par ailleurs l’église
a eu recours au marketing devant la
montée en puissance du matérialisme et
du désengagement religieux. Cette même
tendance a touché la plupart des
croyances dans le monde notamment
dans le cas de l’Islam qui subit depuis
l’époque coloniale, plusieurs efforts de
sécularisation. A cet effet, nous avons
proposé la problématique suivante : le
marketing à travers ses techniques de
positionnement, de segmentation, de
ciblage et d’adaptation de l’offre a pu
aider le christianisme à se développer
face aux tendances de sécularisation.
Cette même discipline peut-elle être
appliquée à l’Islam, quels en seraient
alors les objectifs ?
Pour répondre à nos interrogations
relatives à l’application du marketing à
l’Islam nous allons:
Commencer par présenter le
concept de religion.
Ensuite nous allons présenter les
facteurs qui ont favorisé
l’émergence du marketing de la
religion, et les facteurs de son
application possible dans le cas de
l’Islam.
Puis nous présenterons l’Islam et
les principales difficultés aux
quelles il fait face.
Enfin, nous développerons les
principaux objectifs visés par
l’adaptation des techniques de
marketing.
Intérêt de la recherche :
La présente recherche :
- A pour objectif l’élargissement du champ
d’application du marketing qui se veut une
discipline ayant de grandes facultés
d’adaptation.
- Elle s’inscrit aussi dans le cadre de la
considération de la religion et la religiosité
en particulier comme étant des variables
non plus indépendantes mais plutôt
comme des variables dépendantes sur les
quelles les techniques de marketing
peuvent avoir une influence.
Qu’est ce qu’une religion ?
Selon Edward Taylor (1871) la religion est
la croyance dans les êtres spirituels1.
1 Cité dans Whitehouse H (2004) Modes of
religiosity : Of cognitive theory of religious
transmission, AltaminaPress.
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Whitehouse (2004) Décrit la religion
comme étant un ensemble de croyances
partagées et des actions s’adressant à des
forces surnaturelles (p2).
Du point de vue de l’anthropologie (Geertz
1973) définit la religion comme un
système de symboles qui agissent pour
établir de puissants et permanents états
d’esprits et motivations chez l’homme (p :
90).
Du point de vue de la sociologie, la religion
est perçue comme étant la croyance dans
des agents ou des forces super naturelles
(Goody, 1961(p 45)). Cette orientation
dans la définition de la religion est
fortement imprégnée par les traditions
Judeo-chrétiennes qui donnent beaucoup
d’importance à la notion de croyance. Ceci
est partagée aussi par l’islam ( Swatos WH
Jr(1998).
Par ailleurs, la religion et les croyances
religieuses sont perçues différemment
qu’on soit dans une société occidentale
moderne ou que l’on soit dans une société
plus traditionnelle. Ainsi, dans le premier
type d’environnement la croyance
religieuse est surtout placée dans
l’expérience et son rôle dans la
compréhension de la réalité, d’où la
tendance à la désacralisation ou la
sécularisation des divinités en faveur de
l’expérience humaine. Alors que dans les
sociétés dites traditionnalistes la religion
est sacrée, elle construit et diffuse un
ensemble d’expériences sociales (Swatos
Jr (1998)).
Le marketing s’est intéressé lui aussi au
phénomène de la religion. Ainsi, McDaniel
et Burnett (1990) ont définit la religion
comme la croyance en dieu accompagné
par l’engagement à suivre les principes
qu’on croit dictés par lui (p110). Sheth et
Mithal (2004) parlent d’un système de
croyances qui s’intéresse au super
naturel, au spirituel, à dieu et au
comportement de l’être humain comme
créature de dieu et des comportements
préconisés sur terre (p 65).
La diversité des définitions qui ont été
proposés pour cerner le concept de
religion indique qu’il n’ya pas de
consensus sur un sens général pour ce
mot (Mokhlis 2009). Cependant, face à
toutes ces définitions, nous pouvons
constater que la religion peut être décrite
comme un ensemble d’attitudes et de
comportements préconisés et qui ont
pour objectif de se rapprocher de la
divinité vénérée.
A cet effet, Greely2 (1963) stipule que la
religion agit sur le comportement de
l’individu de trois manières distinctes. Elle
a une influence indirecte qui passe par les
groupes d’appartenance. La religion agit
aussi en instaurant un système social qui
inculque à l’individu certaines croyances
spécifiques et le pousse vers des
comportements particuliers.
Emergence du marketing de la
religion :
Bien que la recherche marketing s’est
souvent intéressée à la religion, en la
considérant comme une variable
indépendante, en essayant de
comprendre son effet sur le
comportement de consommation,
certaines recherches se sont focalisés sur
le marketing de la religion.
Dans ce cas, le marketing est utilisé pour
promouvoir certaines doctrines
religieuses, des concepts, des
comportements et des produits annexes
caractéristiques (Mallika N (2009).
Dans le cadre de notre objectif de
recherche qui s’intéresse à la possibilité
de l’utilisation du marketing pour
promouvoir l’islam et dans la mesure il
existe très peu de recherches qui se sont
intéressés à cela, nous nous sommes
proposé de travailler en prenant comme
2 Greeley (1963) cité dans Esso and Dibb (2005).
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référence les principes qui ont été
développés dans le cadre du marketing
pour le christianisme par les différentes
églises aux Etats Unis et en Europe.
En effet, l’utilisation des moyens
marketings au service de la religion n’est
pas nouvelle. Lors de l’invention de la
presse écrite les premières publicités qui
y apparaissaient étaient pour vendre les
bibles(Einstein M, 2008).
Beaucoup plus récemment, L’utilisation
des techniques de marketing est devenue
indispensable suite aux mutations subites
par la nouvelle société de consommation.
Certains auteurs parlent dans le contexte
moderne et postmoderne de la
sécularisation de la religion. En effet, selon
la théorie de la sécularisation, plus les
sociétés s’engagent dans
l’industrialisation et la constitution de
richesse, plus leur intérêt vers la religion
décroit (Einstein M (2008)).
A ce propos, Max Weber est considéré
comme le père de la théorie de la
sécularisation (Tschannen O(1992)). Selon
Weber, la sécularisation entraine perte de
l’intérêt pour la religion mais aussi au
changement du discours religieux qui a été
adapté en réaction aux exigences des
cultures et des mouvements de
consommateurs pour éviter d’être
marginalisé (Einstein M (2008)).
Pour le protestantisme la sécularisation
reflète un éloignement de la religion et
une consécration du matérialisme
(Tschannen O(1992)). Ainsi, les
mouvements de sécularisation tendent à
désacraliser le sacré représenté par la
religion et à sacraliser le séculaire (Einstein
M (2008)). Par ailleurs La sécularisation
qui est un mouvement social a généré un
mouvement politique qui est la laïcité qui
prône la séparation de la politique de la
religion (Charon A 1996) .
La tendance de sécularisation en Europe
et en France précisément s’est développé
dans le cadre d’un conflit avec l’église qui
par le biais de ses représentant et au nom
de la lutte contre le profane a perpétré
plusieurs injustices(Abidi L, 2000).
Par ailleurs, le processus de la
modernisation, a donné lieu à la culture
consommation, qui par sa diffusion a
participé au mouvement de
désacralisation des sacrés religieux.
Dans le cadre de cette culture, le produit
consommé représente une grande partie
de l'identité convoitée chez le
consommateur et sont investit d’une
certaine sacralité (V Scardigly (1983),
Wilska TA (2002) Villereal, G L.; C Jr.,
Alonzo (2005)). Les produits sont alors
choisis non plus pour leurs utilités mais
pour les symboles reflétés. Cependant
cette culture de consommation n'est pas
restée confinée dans les frontières des
pays occidentaux, elle s'est peu à peu
diffuse à travers le monde. En effet, ces
dernières décennies ont vu l'émergence
de cultures similaires dans des pays non
occidentaux grâce au développement des
moyens de communication (Chabot M
(2004)).
Cette culture de consommation a pris une
ampleur si importante qu’elle a développé
ses propres symboles sacrés, en exploitant
souvent des croyances religieuses (Russell
W. Belk (1989)).
Par ailleurs, cela suppose que le produit
désiré est immédiatement accessible à
condition de trouver les ressources
matérielles nécessaires. Dans ce cadre, la
négociation de la propre identité se fait à
travers l'acquisition des produits désirés
qui reflètent le signe gratifiant par rapport
autres consommateurs (Slater D 1997)).
La culture de consommation, vecteur de
sécularisation, est le pure produit de la
modernisation, elle est par ailleurs le
résultat de trois principaux facteurs qui
ont favorisé sont émergence (Chabot M
(2004)):
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Facteurs
Moyens
L'augmentation de la
capacité de paiement
l'augmentation des revenus et
l'augmentation du nombre de
crédits accordés aux
consommateurs par le système
bancaire commerciale.
La diffusion à travers
le monde du style de
vie urbain
Les mass-médias et
l’acculturation par contact
direct et indirect
le développement de
l'industrie publicitaire
Le développement des espaces
média et hors média
Tous ces facteurs ont contribués non
seulement à augmenter le rythme de
consommation mais aussi à exporter les
valeurs caractéristiques des cultures
occidentales, berceau de la culture de
consommation vers d'autre pays et
d'autres cultures entraînant ainsi leurs
hybridations (Berry 1987).
A travers l’analyse de séries télévisées,
Hirchman (1988) a montré que ce genre
de programmation influence les
consommations à travers, les personnages
qui correspondent à des archétypes
sociaux dont l’interaction reflète les
tensions dans la vie réelle. Dans ce cadre
elle a constaté une désacralisation du
sacré classiquement lié à la religion et
une sacralisation du séculaire
généralement éloigné des normes et des
valeurs religieuses.
Les produits de consommation ont
commencé à prendre un caractère de plus
en plus spirituel et symbolique.
Allant dans ce même contexte Belk,
Wallendorf et Sherry (1991) parlent de la
sacralisation des produits de
consommation issus du développement
technologique et reflétant une style de vie
occidentale moderne. Ils parlent aussi de
la désacralisation ou de la sécularisation
de la religion, de la tradition et des
pratiques spécifiques.
Selon Ger (2005) la culture de
consommation contrairement à d’autres
formes de cultures remplace la réalisation
des objectifs religieux par la recherche de
satisfaction des besoins à travers les biens
de consommations.
Cette tendance a été vérifiée récemment
en Amérique, le berceau de la culture de
consommation. Ainsi, le « Pew Researche
Center 3» déclare que les églises
américaines les plus influentes sont
entrain de perdre leurs fidèles. Cette
même tendance est vérifiée en Australie
et dans d’autres pays catholiques, elle est
vérifiée notamment chez les jeunes. En
effet, les jeunes de 15 à 29 ans ne
représentent que 14% des fidèles des
églises (Davis T, Yip J 2004).
-
Cette sacralisation de la consommation
s’est propagée dans le monde, entre autre
dans des pays musulmans, à travers le
processus d’acculturation qui a lieu d’une
manière directe et indirecte (Berry (1987),
Penazola1994). Cette tendance est
d’autant plus forte qu’elle a bénéficié d’un
héritage colonial favorable. En effet suite à
la période de colonisation, puis suite aux
différentes tendances de modernisation
plusieurs pays musulmans notamment la
Tunisie, l’Algérie, l’Egypte et la Turquie
connaissent une forte tendance en faveur
de la sécularisation et du désengagement
relatif ou parfois total de l’islam (Maricot
C, 2010). Cette tendance est constatée
notamment chez l’élite arabe et l’élite
magrébine en particulier (Ben Elmostafa
O, 2006). Par ailleurs la laïcité connue en
3 "U.S. Religious Landscape," (2008), dans Ann
Kuzma, Andrew Kuzma (2009)How Religion has
Embraced Marketing and the Implications for Business
, John Kuzma. Journal of Management and Marketing
Research. Vol. 2 pg. 1, 10 pgs
Les tendances de
sécularisation : La
culture de
consommation, laïcité
Le désengagement
religieux dans le
christianisme
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