
DOSSIER
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Quelle était la vision de départ, lors de la création du Centre en
2005?
Les Drs Anna-Maria Stalberg, Gabriel de Candolle et moi-même
avons eu l’idée de monter une équipe tripartite comprenant la
Clinique Générale-Beaulieu, un laboratoire et nous-mêmes.
Comme vous le savez, pour la fécondation in vitro, le laboratoire
est essentiel à l’obtention de bons résultats. Dès le départ, nous
voulions un laboratoire qui soit performant et qui réponde aux
normes du début du 21e siècle. La Clinique Générale-Beaulieu nous
offrait quant à elle une bonne infrastructure pour la réception des
patientes, les actes médicaux, comme les ponctions d’ovocytes qui
se pratiquent au bloc opératoire, et les transferts, qui nécessitent
des équipements et du personnel infirmier. A l’époque, nous tra-
vaillions déjà beaucoup au niveau de l’hormonologie et des sper-
mogrammes avec le laboratoire Unilabs. C’est donc tout naturel-
lement que nous leur avons proposé un partenariat dans le cadre
de la création d’un Centre de procréation médicalement assistée.
Unilabs a engagé un embryologiste spécialisé en PMA et monté
un laboratoire bénéficiant de la meilleure technologie à l’époque.
Cette structure tripartite était-elle unique à Genève à l’époque?
Dans le secteur privé, la structure tripartite que nous mettions sur
pied était absolument unique.
Les acteurs du projet étaient-ils déjà reconnus?
Ma consœur et mon confrère étaient actifs dans la fécondation in
vitro depuis une dizaine d’années, j’en faisais moi-même depuis
mon installation en cabinet privé en 1997. Et nous étions tous
détenteurs d’une sous-spécialisation en médecine de la reproduc-
tion et endocrinologie gynécologique, un critère incontournable
de qualité, mais également de sécurité en termes de responsabi-
lité médicale.
La situation a-t-elle beaucoup évolué en dix ans?
Les consultations pour cause d’infertilité sont en augmentation
et, de ce fait, les traitements de fécondation in vitro aussi. Cette
augmentation s’explique, d’une part parce que les patients sont
mieux informés et font plus facilement appel au médecin pour ce
genre de problèmes, et d’autre part par des aspects socioculturels.
Actuellement, les femmes font souvent des études et repoussent
la maternité de plus en plus tard. Or les chances de grossesses di-
minuant avec l’âge, elles rencontrent de plus en plus de difficultés
à concevoir. Résultat: beaucoup de patientes nous consultent, non
pas parce qu’elles souffrent d’une pathologie qui est source d’in-
fertilité, comme une obstruction des trompes, mais simplement
parce qu’elles sont arrivées à un âge où il est plus difficile d’être en-
ceinte. Aujourd’hui, en Suisse, on sait que l’âge moyen au premier
accouchement tend à augmenter constamment. Et on sait aussi
que les femmes qui consultent pour un problème d’infertilité ont
en moyenne deux ans de plus que les femmes qui ont accouché.
La croyance selon laquelle les progrès de la médecine peuvent pal-
lier le problème de l’âge n’est-elle pas une illusion?
Vous avez parfaitement raison mais les gens se trompent en
pensant que les techniques de procréation médicalement assis-
tée peuvent compenser le vieillissement des ovocytes. En tant
que spécialistes en médecine de la reproduction, nous avons un
énorme travail d’information et de prévention à faire en amont.
Certaines sociétés faîtières, comme l’American Society for Repro-
ductive Medicine, donnent des conseils précis aux femmes pour
les aider à préserver leur fertilité, éviter les maladies sexuellement
transmissibles, vivre sainement, avoir un poids normal, ne pas fu-
mer, etc. Et bien entendu songer à ne pas avoir des enfants trop
tard, car l’âge est un problème incontournable. Aujourd’hui, même
les meilleurs traitements ne permettent pas de traiter l’infertilité
liée à l’âge. Plus l’âge avance, plus la qualité des ovocytes se dété-
riore, c’est-à-dire qu’un plus grand nombre d’entre eux n’est pas
génétiquement normal et ne permet pas d’obtenir la grossesse
souhaitée.
Ces campagnes d’information sont-elles efficaces?
Malheureusement, le message a énormément de difficulté à
passer. Différentes études menées en Europe, en Australie et aux
Etats-Unis montrent que beaucoup d’étudiantes en milieu univer-
sitaire, par exemple, sont convaincues qu’elles peuvent attendre
40 ans pour avoir des enfants. Ce qui est bien sûr totalement faux.
Je suis toujours étonnée de constater à quel point des patientes,
qui sont pourtant d’un très bon niveau d’éducation, n’ont aucune
idée de la réalité de la procréation. La presse people ne nous aide
pas lorsqu’elle montre des actrices de 50 ans avec leurs jumeaux
dans les bras. Cela contribue à propager l’idée selon laquelle il est
possible d’avoir un enfant à n’importe quel âge. S’il est vrai que
certaines femmes peuvent maintenir une fertilité relativement
tard dans la vie, il s’agit d’exceptions. Les gens ne réalisent pas que
10e anniversaire du CPMA
Dre Nicole Fournet Irion