
4l’Avant-Garde Vol. 6 No1 Printemps 2005
Une mort digne. Pour être jugée digne, la mort doit être propre, sans odeur
et sans changement physique trop apparent. Or, le corps du mourant expri-
mant ce qui se passe à l’intérieur, peut présenter les nombreux stigmates
de la maladie. L’infirmière a donc pour rôle de faire réaliser aux familles
la difficile normalité des changements qui surviennent chez la personne
mourante.
Une mort accompagnée par des êtres aimés, en harmonie avec les siens en
dépit de l’éclatement des chemins de vie, une mort avec le pardon à tout
prix. La vie des personnes peut s’être déroulée dans la mésentente, le
mensonge et les ruptures. Il peut s’y cacher de « l’impardonnable ». Les
soignants manifestent, parfois plus que le patient, la volonté qu’il y ait
pardon des uns aux autres. Ils insistent pour que des rencontres de récon-
ciliation se fassent et il arrive que le patient et sa famille n’en veulent
pas. L’infirmière doit donc conjuguer son savoir à celui des personnes
qu’elle soigne et leur reconnaître le droit de choisir de ne pas faire la paix.
Une mort avec des adieux exprimés. Il arrive que la personne mourante
attende la visite d’un proche en provenance d’une ville éloignée. Les
équipes soignantes et les familles tentent l’impossible pour réaliser ce
type de souhait, hautement significatif pour tous. Lorsqu’il ne se réalise
pas, le deuil est souvent plus difficile et il peut être accompagné d’une
amertume impossible à camoufler. L’infirmière dans son rôle d’accompagna-
trice peut discuter de cette attente avec les survivants lorsqu’ils lui font
part de cette peine et leur laisser entrevoir la possibilité que leur proche
a peut-être préféré mourir à ce moment-ci malgré tout, contrairement à
son souhait antérieur.
Une mort plus douce que la vie menée. La vie d’une personne mourante
peut s’être déroulée dans la violence et cela peut créer un conflit de
valeurs pour les professionnels. Toutefois, une attitude d’accueil envers
le patient et sa famille demeure toujours appropriée. Le rôle de l’infirmière
consiste à identifier ses valeurs et ses sentiments dans cette situation et
à participer à l’établissement d’une ligne de conduite centrée sur les
besoins du patient, laquelle évitera de possibles dissensions dans
l’équipe.
Une mort qui suit les statistiques. Quand la mort tarde
à venir ou qu’elle déjoue complètement les prédictions,
des sentiments d’abandon, de colère, d’injustice, de
désespoir risquent d’apparaître. L’agonie semble inter-
minable et génère un non-sens. Il est donc important
que l’infirmière parle des attentes, écoute et demeure
présente à ces sentiments.
Une mort après une courageuse lutte pour la vie.
Certains patients refusent les traitements, donc la
lutte contre la mort. Pour les proches, une mort sans
lutte peut sembler bien moins « belle » et ils soutien-
nent le discours : « Il n’a pas voulu, mais ça aurait pu
marcher ! ». Un tel refus signifie la certitude d’une mort
prochaine et cette perspective, jugée intolérable pour
eux, semble par ailleurs le seul choix porteur de sens
pour le patient.
Enfin, d’autres choisissent la lutte et ne trouvent par-
fois plus de supporters, leur souffrance n’en étant pas
moins grande. Il convient donc pour l’infirmière de
nuancer les approches à l’égard de la vérité, car la
vérité elle-même est en transition pour le patient,
pour sa famille, pour les soignants. L’infirmière doit
respecter les rythmes de tous à l’égard du processus
de deuil et favoriser la communication des attentes.
Une mort après un certain temps de vie significative. La
mort d’une jeune personne peut paraître beaucoup
moins « belle » que la mort d’une personne plus âgée,
indépendamment de la manière dont elle se passe.
L’infirmière doit, avec une grande délicatesse, en dis-
cuter avec cette jeune personne et les membres de sa
famille. La discussion portera sur la possibilité que la
mort puisse survenir et le sens que cet événement revêt
à ce stade-ci de leur vie. Permettre l’expression des
sentiments constitue l’intervention prioritaire à poser.
Les représentations de la « belle mort » discutées ici
ne sont pas exhaustives. Toutefois, elles peuvent guider
la pratique des divers professionnels en soins palliatifs
tout en les questionnant sur le travail accompli
auprès des personnes touchées par une maladie grave.
L’approche de l’infirmière dans les situations de fin de
vie en est une d’accompagnement du patient et de sa
famille et ce, peu importe la façon dont la mort se
déroule. L’écoute, l’empathie, le respect s’ajoutent aux
soins essentiels de soulagement de la douleur et
d’autres symptômes.