www.bekb.ch I Marchés financiers I 28 février 2017 2
Les matières premières, un inducteur potentiel
Les prix des matières premières peuvent, comme la masse moné-
taire, induire de l’ination, surtout si leur ascension est durable
ou qu’ils restent élevés, nissant par se répercuter sur l’économie
réelle par des effets de second tour. Prenez le prix du carburant :
s’il progresse vite en raison des tensions géopolitiques avant de
reuer à nouveau une fois une issue politique trouvée, il ne va pas
renchérir en Suisse. Imaginons que les tensions subsistent et que
le prix ne redescende pas : à ce moment-là, rouler va coûter plus
cher. En d’autres termes, la seule question qui vaille est de savoir
comment va évoluer le prix du pétrole. Notre scénario de base
fait l’hypothèse que le resserrement de la production décidé en n
d’année par les pays exportateurs d’or noir ne sera pas appliqué à
la lettre et que le prix du brut connaîtra un nouveau échisse-
ment. Selon nous, l’inuence des matières premières sur l’ina-
tion restera pour l’heure marginale.
Le risque d’une spirale prix-salaires
La troisième source d’ination à court terme– la plus importante
aussi– est la spirale prix-salaires. C’est une situation dans la-
quelle les salaires versés pour la production de biens et la fourni-
ture de services augmentent plus vite que la productivité
moyenne du travail, contraignant les entreprises à répercuter les
coûts de production plus élevés sur les prix naux, ce qui en-
gendre une progression de l’ination. Certaines conditions
doivent être réunies pour que la spirale s’enclenche, à commencer
par un marché du travail asséché. La demande de travail étant
élevée ou l’offre insufsante, les salariés peuvent exiger d’être
mieux rémunérés. La seconde condition est une conjoncture suf-
samment robuste pour que les entreprises puissent majorer leurs
prix. Peut-on craindre une spirale prix-salaire à l’heure actuelle ?
Aux États-Unis, le taux de chômage structurel reste proche de
son niveau incompressible, si bien qu’on peut parler de marché du
travail asséché. L’écart de production devrait être pratiquement
comblé, voire légèrement positif, si bien que le taux d’utilisation
des capacités de production dans l’industrie est nettement infé-
rieur à la moyenne de long terme. On peut donc considérer
qu’une spirale prix-salaires se met lentement en place outre-
Atlantique.
Rien de tel en Europe, où le chômage recule dans la plupart des
pays de l’UE, sans que l’on puisse pour autant considérer le mar-
ché du travail comme asséché. Les autres facteurs de production
ne sont pas, eux non plus, surutilisés, loin s’en faut. Enn, le
désendettement affaiblit la demande, empêchant une ascension
des prix. En Suisse, le taux de chômage structurel est pratique-
ment atteint, mais les entreprises peinent à imposer leurs prix, en
raison notamment du franc fort.
Les composantes structurelles
Mis à part les trois sources conjoncturelles d’ination (à court
terme), il faut tenir compte de plusieurs facteurs structurels. Au
début des années1990, la mondialisation s’est accélérée et les
accords commerciaux se sont multipliés. La concurrence accrue
qui en est résulté a fait perdre aux entreprises le pouvoir de xer
leurs prix comme elles l’entendent, ce qui a atténué la pression
inationniste. Le progrès technologique a dopé la productivité du
travail, poussant la société vers le numérique. Cette évolution est
propice à la désination.
Les médias mentionnent souvent l’évolution démographique pour
justier les tendances inationnistes. Ces dernières années, la
part de la population active a augmenté à l’échelle mondiale, et
avec elle les revenus. Les données empiriques montrent que le
Sources : Zürcher Kantonalbank, Thomson Reuters
Graphique 2 : Prix des actifs en Suisse
(indexé, jan. 2009 = 100)
80
100
120
140
160
180
2009 2011 2013 2015 2017
— Swiss Market Index (SMI) — Swiss Bond Index (AAA-BBB)
— Swiss Real Estate Index
Sources : Zürcher Kantonalbank, Thomson Reuters
Graphique 1 : Ination et masses monétaire
de la Suisse
85
90
95
100
105
0
100
200
300
400
500
600
00 02 04 06 08 10 12 14 16
— Base monétaire (mia de CHF)
— Indice des prix à la consommation (déc. 2015 = 100),
échelle de droite