Spectroscopie femtoseconde de nanoobjets : les agrégats métalliques

50
Les propriétés physiques d’un
solide homogène sont généra-
lement associées à des lon-
gueurs caractéristiques, de quelques
angströms à quelques dizaines de
nanomètres, telles que la longueur
d’onde de Debye λDpour les modes
de vibrations ou de Fermi λFpour
les états électroniques, le libre par-
cours moyen pour le mouvement
électronique, etc. Lorsque la taille d
d’un objet est inférieure à l’une de
ces longueurs, les conditions aux
limites imposées par sa surface inter-
viennent et ses propriétés sont modi-
fiées par rapport à celles du milieu
massif. Elles dépendent alors de sa
taille, de sa forme et de son environ-
nement (matrice, autres nanoobjets,
molécules greffées à sa surface, …).
Ces nouveaux effets apparaissent
dans le domaine nanométrique et
sont fonction des caractéristiques
propres du nanoobjet ou agrégat
(quantification des états électro-
niques et vibrationnels, interactions
entre ces états confinés, résonance
électromagnétique, ...), ainsi que de
son couplage avec son environne-
ment (transferts d’énergie et de char-
ge à l’interface par exemple).
Les agrégats uniques ou les maté-
riaux nanostructurés formés par un
ensemble de nanoobjets dispersés
sur une surface ou dans une matrice
possèdent des propriétés optiques,
magnétiques, chimiques spécifiques
et qui peuvent être modifiées et
éventuellement contrôlées pour
répondre à une fonction donnée. Ils
sont très prometteurs pour de nom-
breuses applications technologiques,
notamment dans les domaines de la
photonique (nanooptique, photodé-
tecteurs, polariseurs, etc.), de l’élec-
tronique (nanocomposants, capteurs
solaires, nanomémoires, etc.), des
télécommunications (visualisation,
commutation optique, etc.), de la
catalyse chimique, du marquage bio-
logique, etc. Les agrégats dont le
nombre d’atomes constitutifs varie
de quelques unités à quelques mil-
liers sont également des objets très
intéressants d’un point de vue fonda-
mental, car ils constituent des entités
intermédiaires entre les molécules et
les solides. Par exemple, un agrégat
métallique sphérique de diamètre
d=4nm est formé par environ
2 000 atomes. Leur modélisation
peut être basée soit sur une approche
atomique décrivant les interactions
entre un nombre croissant d’atomes
(dynamique moléculaire), soit sur
une description de type « petit
solide », en introduisant les effets de
taille comme des perturbations de la
réponse du solide massif. Elle cor-
respond donc aux limites et à la
connexion de deux approches théo-
riques différentes.
Le développement des sources
lasers femtosecondes et des techni-
ques optiques résolues en temps a
permis d’aborder un nouvel aspect
de la physique des agrégats : leurs
propriétés dynamiques. Ces études
sont basées sur une excitation sélec-
tive des électrons et un suivi en
temps réel de la redistribution de
l’énergie dans un agrégat et vers son
environnement. Elles permettent
d’analyser sélectivement les proces-
sus qui en sont à l’origine : interac-
tions électron-électron et électron-
modes de vibration du réseau,
transfert d’énergie agrégat envi-
ronnement. Ces processus dont la
compréhension est essentielle pour
l’optimisation des nanomatériaux se
déroulent sur des échelles de temps
allant de la centaine de femtose-
condes à quelques dizaines de pico-
secondes. Leur suivi en temps réel
nécessite l’utilisation d’impulsions
optiques plus courtes, de la dizaine à
quelques dizaines de femtosecondes.
Nous avons récemment utilisé cette
approche pour étudier les interac-
tions électroniques et les modes de
vibration d’agrégats métalliques.
LES AGRÉGATS MÉTALLIQUES
Contrairement aux nanoparticules
semi-conductrices ou boîtes quan-
tiques, la discrétisation des états
électroniques (confinement quan-
tique) joue un faible rôle dans les
nanocristaux métalliques. Cette dif-
Nanoobjets sous contrôle
Spectroscopie femtoseconde
de nanoobjets :
les agrégats métalliques
Lorsque la taille d’un objet métallique est réduite à l’échelle de quelques nanomètres,
des comportements spécifiques apparaissent, liés notamment à la modification
des interactions électroniques et vibrationnelles. Ces aspects cinétiques sont directement
accessibles en utilisant la spectroscopie résolue en temps, technique qui ouvre de
nombreuses perspectives pour l’analyse et le contrôle de ces nanoobjets.
– Centre de physique moléculaire optique
et hertzienne – CPMOH, UMR 5798
CNRS, université Bordeaux I, 351 cours
de la Libération, 33405 Talence cedex.
férence résulte de leur très grande
densité électronique (5×1022 cm3)
comparée à celle mise en jeu dans les
semi-conducteurs (typiquement 1018
cm3). Dans les métaux de taille
nanométrique, les propriétés électro-
niques font donc intervenir des états
quantifiés de haute énergie, proches
du niveau de Fermi. Leur séparation
énergétique est faible par rapport à
leur largeur et à l’énergie thermique
(à température ambiante). Avec une
très bonne approximation, ils peu-
vent donc être assimilés à un quasi-
continuum d’états similaire à celui
du métal massif.
Les propriétés optiques sont ce-
pendant fortement modifiées. Les
couleurs vives et variables que l’on
obtient en dispersant des nanoparti-
cules métalliques dans une matrice
de verre sont connues empirique-
ment depuis des siècles. Cet effet a
été exploité notamment pour la fa-
brication de vitraux mais étudié seu-
lement au XIXesiècle par Faraday. Il
est lié à l’apparition d’une résonance
dans le spectre d’absorption des
agrégats : la résonance plasmon de
surface. Pour des petites sphères
d’argent (d50 nm) dans un verre,
elle se situe dans le bleu autour de
420 nm et est responsable de la cou-
leur jaune du matériau composite. La
description théorique de ce phéno-
mène a été réalisée par Mie au début
du XXesiècle. Pour des tailles suffi-
samment faibles par rapport à la lon-
gueur d’onde optique (dλ/10), il
peut être simplement relié au dépla-
cement des électrons des agrégats
sous l’action du champ électrique de
l’onde optique. La densité électro-
nique de chaque agrégat oscille alors
à la fréquence optique par rapport
aux ions du réseau, induisant une
charge oscillante à leur surface.
Celle-ci génère une force de rappel
et un champ électrique dipolaire qui
vont rétroagir sur le mouvement
électronique et l’amplitude du
champ électrique. A la résonance,
l’amplitude de ce dernier est particu-
lièrement renforcée dans les agré-
gats. La réponse optique du milieu,
diffusion ou absorption, est alors for-
tement augmentée.
Dans les métaux nobles (or, ar-
gent, cuivre), la réponse électronique
est modélisée très simplement en
assimilant les électrons de conduc-
tion à des électrons libres de densité
ne, et en faisant intervenir unique-
ment les premières bandes électro-
niques pleines, les bandes d. La
réponse optique comporte deux
types de contributions : celle due aux
électrons de conduction, associée à
l’absorption optique intrabande,
c’est-à-dire l’absorption par des por-
teurs libres, et celle due à l’absorp-
tion entre bandes électroniques
(encadré 1). Dans les agrégats métal-
liques nanométriques, le modèle de
structure de bandes du milieu massif
peut encore être utilisé pour décrire
les deux types de transitions. La fré-
quence de la résonance plasmon de
surface est alors donnée par
=ωpεib
1() +2εmεib
1
est la partie réelle de la constante
diélectrique liée aux transitions in-
terbandes et εmcelle de la matrice.
ωpest la fréquence plasma : ω2
p=
nee20me. La simplicité de cette
description fait des métaux nobles
des systèmes modèles sur lesquels se
sont focalisées les études.
SPECTROSCOPIE FEMTOSECONDE
La plupart des expériences résolues
en temps dans les métaux ont été
réalisées en utilisant une technique
de type pompe–sonde (encadré 1).
Une première impulsion optique
femtoseconde injecte sélectivement
de l’énergie dans le gaz d’électrons
par absorption intrabande en un
temps plus court que les temps ca-
ractéristiques de redistribution de
l’énergie. On crée ainsi une distri-
bution électronique athermale qui va
évoluer en un temps τeede
quelques centaines de femtose-
condes vers une distribution de
Fermi-Dirac à une température Te
supérieure à la température initiale
T0par interaction électron-électron
(figure 1). Les élévations maximales
de la température électronique sont
typiquement de quelques dizaines à
un millier de kelvins. Pendant et
après l’établissement de la tempéra-
ture électronique, de l’énergie est
transférée vers le réseau par interac-
tion électron-phonon, conduisant à
une thermalisation électron-réseau,
c’est-à-dire à la thermalisation de la
nanoparticule, en typiquement
τer1ps. L’énergie est finale-
ment transférée à l’environnement à
l’interface métal–matrice, sur une
échelle de temps τrmplus longue,
de l’ordre de quelques ps à quelques
centaines de picosecondes.
Les différentes étapes du retour à
l’équilibre sont suivies en utilisant
une seconde impulsion femtose-
conde, de faible intensité et retardée
temporellement par rapport à la pre-
mière. Elle permet de lire les proprié-
tés optiques (transmission et/ou
réflexion) du milieu à différents ins-
tants après son excitation. Des infor-
mations sur la redistribution de
l’énergie injectée par la pompe et sur
les différents processus d’interac-
tions qui en sont à l’origine sont alors
obtenues en utilisant différentes lon-
gueurs d’onde de sonde et en reliant
propriétés optiques et électroniques.
CINÉTIQUE D’ÉTABLISSEMENT
DE LA TEMPÉRATURE ÉLECTRONIQUE
L’établissement de la température
électronique a été suivi en temps réel
en exploitant la relation directe entre
51
Nanoobjets sous contrôle
hν
matricematrice
τr-m
τr-m
réseau
τe-r
eeτe-e
Figure 1 - Schéma de principe de l’excitation
sélective des électrons par une impulsion optique
hνdans un agrégat métallique. L’énergie absor-
bée est ensuite redistribuée entre les électrons (e)
et transférée vers le réseau cristallin de la parti-
cule métallique (r) et vers la matrice (m) englo-
bant les nanoparticules, avec des temps caracté-
ristiques τee,τeret τrm.
52
Encadré 1
SPECTROSCOPIE POMPE – SONDE FEMTOSECONDE :
CAS DES MÉTAUX NOBLES
Les propriétés optiques d’un milieu sont décrites par sa
constante diélectrique. Dans le cas des métaux nobles,
sa relation avec la distribution électronique est modélisée
simplement en séparant les contributions des électrons de
conduction, décrits comme des électrons quasi libres, et des
électrons liés. La première est reliée à l’absorption intrabande
(absorption par des porteurs libres) où un électron d’énergie
E est excité vers un état inoccupé d’énergie E+ω. Cette
absorption augmente fortement dans l’infrarouge (modèle de
Drude). La seconde correspond aux transitions interbandes
entre les bandes d et la bande de conduction spau-dessus
de l’énergie de Fermi EF(figure 1). Lors de l’absorption d’un
photon, un électron change de bande et ne peut être excité que
vers un état non occupé de la bande de conduction (principe
d’exclusion de Pauli), c’est-à-dire au-dessus de l’énergie de
Fermi. Il existe donc une fréquence seuil ib pour ces
transitions, ib variant d’environ 2eV dans le cuivre à 4eV
dans l’argent. Ces transitions dominent la réponse optique
dans le domaine visible et sont à l’origine de la couleur
caractéristique de ces métaux sous leur forme massive.
Pour des agrégats de taille supérieure à 2 nm, les
mécanismes d’absorption sont similaires. En conservant la
description d’un solide, l’absorption intrabande peut alors
être également assistée par interaction avec la surface ; d’un
point de vue quantique, il s’agit d’une transition optique entre
deux états confinés.
Les techniques de spectroscopie résolues en temps sont basées
sur la réponse optique non linéaire des matériaux, c’est-à-dire
sur la modification de leurs propriétés optiques par des
faisceaux lumineux. Dans la géométrie la plus simple et la
plus largement utilisée, une première impulsion « pompe »
perturbe le milieu. La relaxation de cette perturbation et le
k
E
bandes d
hh
ω
ib
E
F
Figure 1 - Modèle simplifié de structure de bandes électroniques, éner-
gie E en fonction du vecteur d’onde k, des métaux nobles (bande de
conduction parabolique E=2k2/2mepleine jusqu’à l'énergie de
Fermi EFet bandes d pleines faiblement dispersées). Les flèches indi-
quent les transitions intrabandes à ω(assistées par un phonon pour
conserver l'énergie et l'impulsion) et le seuil des transitions interbandes
àib. Dans le cas de l’argent, EF5,5eV et ib 4eV ; dans
des agrégats la résonance plasmon de surface à R3eV est alors
associée au renforcement de l’absorption intrabande.
0.6 0.8 1.0 1.2
-0.05
0.00
0.05 (b)
fe
E / EF
(c)
ω
ω
t < 0
(e)
t = tD
t = 0
0.6 0.8 1.0 1.2
E / EF
(f)
0.6 0.8 1.0 1.2
E / EF
(d)
x 20
0
1(a)
fe
h
h
Figure 2 - Distribution initiale de Fermi-Dirac à la température T0des
électrons de conduction d’un métal (a), création d’une distribution
athermale au temps t=0par une impulsion pompe (ω) de durée très
courte devant les temps de relaxation électronique (c) et établissement
d'une température interne à Te>T0après un temps tDde plusieurs cen-
taines de femtosecondes (tDτee) (e). Les courbes (b), (d) et (f) mon-
trent les changements de distribution correspondants, fe=fefe(T0).
retour à l’équilibre du système sont ensuite suivis dans le
domaine temporel en observant l’évolution du changement de
transmission, T(tD), et/ou de réflexion, R(tD), d’une
deuxième impulsion « sonde » retardée temporellement par
rapport à la première de tD. Pour une faible perturbation, T
et Rsont des combinaisons linéaires des changements des
parties réelle et imaginaire de la constante diélectrique du
matériau. Celles-ci reflètent les changements induits par
l’impulsion pompe sur les propriétés électroniques du métal et
permettent donc de suivre leurs évolutions temporelles.
La première étape dans la réalisation d’une expérience
résolue en temps dans un métal est la mise hors équilibre des
électrons, en un temps plus court que celui de la redistribution
d’énergie via les interactions électroniques. Elle est
réalisée par absorption intrabande d’une impulsion
femtoseconde de fréquence ω. Le nombre d’électrons de
conduction est inchangé mais leur distribution est modifiée :
un électron d’énergie initiale E comprise entre EFωet EF
passe, grâce à l’absorption d’un photon, dans un état excité
d’énergie E+ω, au-dessus de l’énergie de Fermi. Pour des
impulsions suffisamment courtes, typiquement inférieures à
100 fs, la distribution électronique excitée est athermale,
c’est-à-dire ne peut pas être décrite par une distribution de
Fermi-Dirac. Les interactions entre électrons redistribuent
l’énergie conduisant à l’établissement d’une température
électronique Tesupérieure à celle du réseau en un temps
τee. Le transfert d’énergie électron-réseau thermalise la
particule sur un temps τer. La capacité thermique du réseau
étant environ 100 fois plus importante que celle du gaz
d’électrons, l’élévation finale de température est faible
(quelques K).
l’absorption au seuil des transitions
interbandes et l’occupation des états
proches de l’énergie de Fermi EF.
L’excitation des électrons modifie le
nombre d’occupation de ces derniers
et donc l’absorption pour des fré-
quences voisines du seuil des transi-
tions interbandes, ib (encadré 1).
Dans le régime athermal, ce change-
ment est très étalé en énergie et de
faible amplitude, peu d’électrons
étant excités avec un fort excès
d’énergie. En revanche, pour une
distribution thermalisée, il est loca-
lisé au voisinage de EFet de forte
amplitude (encadré 1). Le change-
ment d’absorption α au voisinage
de ib suit la même évolution tem-
porelle et est maximum pour un sys-
tème thermal.
Cette approche a été utilisée pour
suivre les échanges d’énergie entre
électrons dans des agrégats métal-
liques dispersés dans des matrices
solides ou liquides (colloïdes). Expé-
rimentalement, le changement d’ab-
sorption mesuré dans des agrégats
d’argent présente effectivement un
temps de montée de quelques cen-
taines de femtosecondes (figure 2). Il
permet de définir expérimentalement
un temps de thermalisation τeeet
ainsi de quantifier l’efficacité des
échanges d’énergie entre électrons.
Ces premières études, réalisées dans
notre groupe, ont démontré une aug-
mentation des interactions électro-
niques, par rapport au milieu massif,
dans les agrégats de faible taille
(d10 nm). Cet effet, indépendant
de l’environnement des agrégats et
de leur technique de synthèse, est
intrinsèque et correspond aux pre-
mières conséquences du confine-
ment sur la cinétique électronique
des agrégats métalliques.
Dans la théorie du liquide de
Fermi d’un métal massif, les interac-
tions entre électrons sont décrites
par un potentiel coulombien écranté
par les autres électrons de conduc-
tion et par les électrons de cœur
(électrons des bandes ddans le cas
des métaux nobles). Dans les agré-
gats, les surfaces modifient la répar-
tition spatiale des électrons et donc
53
Nanoobjets sous contrôle
0 5 10 15 20 25 30
150
200
250
300
350
τe-e (fs)
Diamètre des agrégats (nm)
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8
0,0
0,5
1,0
d = 3,2 nm
d = 24 nm
∆α (normalisé)
Retard sonde (ps)
Figure 2 - Variation du temps d’établissement de la température électronique τeeen fonction de la taille
pour des agrégats d’argent sphériques dispersés dans différentes matrices BaO-P2O5(points),
Al2O3(carrés) et un polymère (triangle). Les mesures sont réalisées à température ambiante. Dans l’ar-
gent massif τee=350 fs. La courbe en trait plein est calculée en considérant les effets de surface sur la
distribution électronique. L’insert montre les changements d’absorption α mesurés pour deux diamètres
moyens (24 et 3,2 nm). Le temps de montée de α permet de définir le temps d’établissement de la tem-
pérature électronique τee. Son temps de décroissance, après son maximum, correspond au temps τerde
thermalisation de la particule (figure 3). Les impulsions de pompe à 900 nm sont délivrées par un oscilla-
teur à saphir dopé titane et les impulsions de sonde, proches du seuil des transitions interbandes
(ib 4eV,λib 300 nm), sont obtenues par triplement de fréquence. La dispersion en taille des
échantillons est inférieure à 10 %. La courbe en pointillés montre la résolution de l’expérience (corréla-
tion temporelle entre la pompe et la sonde). Les durées des impulsions pompe et sonde sont respectivement
de 25 et 55 fs.
les conditions d’écrantage. Il a été
montré que les fonctions d’onde des
électrons de conduction s’étendent
au-delà du rayon de la particule
(c’est-à-dire de la zone définie par le
réseau cristallin) sur une distance de
l’ordre de l’angström. La densité
électronique moyenne de la particule
est alors réduite. A l’inverse, les
fonctions d’onde des électrons d
sont localisées dans la partie interne
de la particule. Ils sont exclus du
voisinage de la surface dans une
zone d’environ un angström. Ces
deux effets sont à l’origine de la
modification de la fréquence de la
résonance plasmon de surface des
agrégats de faible taille, mise en évi-
dence au laboratoire Aimé Cotton à
Orsay et au LASIM à Lyon. En
réduisant l’écrantage des interac-
tions coulombiennes entre électrons
au voisinage de la surface, ces deux
processus augmentent les interac-
tions entre électrons. Les échanges
d’énergie et, par conséquent, le
temps de thermalisation τee, sont
donc plus rapides dans les petites
nanoparticules pour lesquelles les
effets de surface deviennent prédo-
minants (figure 2).
Dans ce modèle, l’évolution du
temps τeeavec la taille est intro-
duite via une correction de la des-
cription théorique du métal massif.
Bien que les résultats expérimentaux
soient globalement bien reproduits,
il ne s’agit que d’une première des-
cription phénoménologique très sim-
plifiée. Un modèle traitant les inter-
actions et l’écrantage électroniques à
partir des fonctions d’onde des élec-
trons confinés reste à développer.
ÉCHANGES D’ÉNERGIE ÉLECTRON-RÉSEAU
L’interaction électron-phonon est l’un
des aspects dominants dans les pro-
priétés électroniques des métaux. Elle
54
est, en particulier, un paramètre essen-
tiel déterminant leur résistivité et leur
supraconductivité. Les techniques
résolues en temps permettent d’accé-
der à ce paramètre dans les agrégats.
En effet, après thermalisation des
électrons, la relaxation du change-
ment d’absorption α (figure 2)
reflète celle de la température élec-
tronique et est donc corrélée au
transfert de l’énergie électronique
vers le réseau. Elle permet de mesu-
rer l’interaction électron-phonon.
De nombreuses études ont été
menées dans des agrégats de diffé-
rentes formes, tailles et natures.
L’effet intrinsèque de la réduction de
taille sur ces interactions est encore
controversé. En particulier, les trans-
ferts d’énergie vers le milieu envi-
ronnant, d’autant plus efficaces que
les agrégats sont petits, peuvent
influencer les mesures. Des résultats
récents obtenus en régime de faible
excitation dans les métaux nobles
ont montré que ce temps était indé-
pendant de la matrice et diminuait
avec la taille des agrégats (figure 3).
Cette variation est semblable à celle
mise en évidence pour le couplage
électron-électron et est probable-
ment liée à un effet similaire.
EXCITATION ET CONTRÔLE DE LA
VIBRATION D’AGRÉGATS MÉTALLIQUES
La description des modes de vibra-
tion d’un réseau cristallin en terme de
phonons est basée sur son invariance
par translation. Dans le cas d’un
milieu fini, celle-ci est brisée par la
présence des interfaces qui imposent
de nouvelles conditions aux limites et
donc une nouvelle quantification des
vibrations. En partant de l’approche
physique du solide, seuls les phonons
associés à une longueur d’onde λph
supérieure ou comparable à la taille
de l’objet sont modifiés de façon
significative. Dans le cas des vibra-
tions acoustiques, de fréquence
ωph =2πvsph vsest la vitesse
du son, les modes de basse fré-
quence seront remplacés par des
modes de vibration confinés.
Pour de gros agrégats formés de
plusieurs centaines d’atomes, ces
modes peuvent être décrits en utili-
sant une approche macroscopique
(encadré 2). Ils correspondent alors
aux modes propres de déformation
d’un objet élastique homogène de
taille finie. Ils sont séparés en modes
sphéroïdaux et torsionnels, corres-
pondant à des oscillations avec et
sans changement de volume. Leurs
propriétés, fréquence et amortisse-
ment, sont corrélées avec la taille, la
forme et l’environnement des objets,
et peuvent donc être utilisées pour
analyser les nanomatériaux.
La période de ces modes se situe
dans le domaine picoseconde. Le
mouvement périodique qui leur est
associé peut être suivi dans le temps
par des méthodes optiques avec
résolution subpicoseconde. En utili-
sant une technique pompe-sonde
femtoseconde (encadré 1), l’excita-
tion et la détection du mode fonda-
mental de respiration (n=1) de
nanoparticules sphériques ont été
démontrées dans des nanoparticules
métalliques au Politecnico di Milano
et semi-conductrices à Cornell. Dans
ce type d’étude, plusieurs milliers
d’agrégats sont observés simultané-
ment. Leur mouvement, déclenché
par l’impulsion de pompe, induit une
modulation de la distance interato-
mique des atomes constitutifs des
agrégats et donc de leurs propriétés
électroniques (densité des électrons
de conduction et énergie des bandes
électroniques). Elle se traduit par
une modulation de l’absorption du
milieu (modulation de la position
spectrale de la résonance plasmon de
surface dans le cas de l’argent) qui
est détectée par l’impulsion de sonde
(figure 4).
Une telle réponse ne peut être
observée que si tous les agrégats
oscillent en phase. Dans le cas des
métaux, l’énergie donnée aux élec-
trons par l’impulsion de pompe est
rapidement transférée vers le réseau.
Il est donc chauffé en un temps
τer1ps, plus court que le temps
de dilatation d’un agrégat, c’est-à-
dire la période du mode de respira-
0102030
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
τe-r (ps)
Diamètre des nanoparticules (nm)
012
10-2
10-1
100
Ag massif
film
D = 26 nm
D = 6 nm
∆α (norm.)
Retard sonde (ps)
Figure 3 - Temps de transfert d’énergie entre les électrons et le réseau τeren fonction de la taille pour
des agrégats d’argent sphériques dispersés dans BaO-P2O5(points), Al2O3(carrés), MgF2 (diamant)
et en solution (triangles). La courbe en pointillés est une interpolation des points expérimentaux.
L’insert montre les changements d’absorption mesurés, sur une échelle logarithmique, en fonction du
retard pompe-sonde pour deux diamètres moyens (26 et 6 nm) et dans un film d’argent de 23 nm d’épais-
seur. Les décroissances observées sont exponentielles et permettent de déterminer τer. Les conditions
expérimentales sont identiques à celles de la figure 2, sauf pour l’impulsion sonde qui est à 450 nm et
de durée 30 fs.
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Spectroscopie femtoseconde de nanoobjets : les agrégats métalliques

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