Pirkey Avoth : Perek 5, Michna 10
:םדאב תודימ עברא ךלש ךלשו ,ילש ילש רמואה-.םודס תדימ וז ,ןירמוא שיו ;תינוניב הדימ וז ךלשו ,ךלש ילש
ילש --.ץראה םע ךלש ךלשו ,ךלש ילש --.דיסח ילש ילשו ,ילש ךלש --עשר.
Quatre lignes de conduite sont observables chez l’homme. (1) Celui qui dit: « ce qui est à
moi est mien, et ce qui est à toi est tien », C’est l’attitude de l’homme moyen. Certains
disent que telle était l’attitude (des habitants) de Sodome. (2) Celui qui dit: « ce qui est à
moi est tien, et ce qui est à toi est mien », C’est l’attitude de l’ignorant. (3) Celui qui dit:
« Ce qui est à moi est tien, et ce qui est à toi est tien », C’est l’attitude du juste. (4) Celui
qui dit: « Ce qui est à toi est mien, et ce qui est à moi est mien », C’est l’attitude du
méchant.
Le Talmud (Erouvine, 65b) affirme qu’il existe trois manières de connaitre véritablement un
homme : Lorsqu’il a bu, dans sa façon d’agir avec son argent, ou encore, lorsqu’il se met en
colère.
Il y a deux de ces trois comportements qui apparaissent lorsque l’homme n’est pas dans son
état « normal », ou qu’il n’est pas totalement maître de lui-même (ivre ou en colère) ; mais il
peut veiller à ne pas se mettre dans ces conditions à partir du moment où il ne boit pas, ou
lorsqu’il prend soin de se contrôler. En revanche, pour ce qui est de l’argent, qui est utilisé de
façon courante, l’homme pourrait révéler une part secrète de lui-même, sans même y prendre
garde. C’est donc dans son comportement relatif à l’argent (et de façon plus générale à la
propriété) que l’auteur de la Michna à décider de l’analyser. Ce dernier énumère quatre cas de
figures possibles, quatre façons d’utiliser l’argent, et le rapport qu’on entretient avec celui des
autres.
ילש ךלשו ,ךלש ילש--ץראה םע
Le Maharal, grand maître du XVIème siècle, dans son commentaire Derekh Haïm, cherche à
savoir pourquoi celui qui dit « ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi » est
appelé « ignorant » (am haaretz), et pour quelle raison on ne le désigne pas comme
appartenant à la moyenne (Beinoni), à l’instar de celui qui dit « ce qui est à moi, est à moi, et
ce qui est à toi, est à toi » ?
En effet, on pourrait percevoir un côté positif chez cet homme qui dit : « ce qui est à moi, est à
toi, et ce qui est à toi est à moi », étant donné que son comportement peut paraître
relativement équilibré. On aurait pu penser, que l’apparente symétrie de comportement qu’il
propose en ferait au moins une personne appelée « Beinoni ». Or selon le rédacteur de cette
Michna, on ne peut voir de qualité chez cet homme caractérisé comme « Am Haaretz ».
Lorsqu’il déclare « ce qui est à moi, est à toi », ce n’est pas par générosité, car il enchaine
simultanément « ce qui est à toi, est à moi ». Quelqu’un de réellement généreux ne va pas
donner à son prochain à condition de retrouver ce qu’il a donné. C’est la raison pour laquelle
il est écrit plus haut (Pirkey Avoth 4 ; 1) « qui est riche ? Celui qui se satisfait de sa part ». Il
est écrit de « sa » part ; il ne regarde pas ce qu’il y a chez les autres, et ne va ni les envier, ni
recevoir de leur salaire. Le Maharal continue et dit que tout ce que l’homme a acquis par son
labeur lui appartient. De ce fait, ne pas mettre de barrière, entre ce qui appartient aux uns et
aux autres, c’est manquer de discernement. De plus, la suppression de la propriété privée est
considérée, par nos sages, comme l’effet de l’ignorance, voire de la bêtise. Le Maharal
conclut qu’avoir de la sagesse, c’est savoir mettre des mesures à chaque chose.
ךלש ךלשו ,ילש ילש רמואה -םודס תדימ וז ,ןירמוא שיו ;תינוניב הדימ וז
Le Maharal rapporte ensuite deux explications concernant celui qui dit : « ce qui est à moi, est
à moi, et ce qui est à toi, est à toi ». L’auteur de la Michna nous rapporte que c’est le
sentiment de la moyenne (Beinoni). Pourquoi le sentiment de la moyenne ? Le Maharal nous
dit, tout d’abord, qu’on peut voir dans cette manière de penser un côté positif : la personne ne
veut pas profiter de l’argent de son prochain. Il l’annonce d’emblée « ce qui est à toi, est à
toi », ce qui est honorable en soi. D’un autre coté, il y a quelque chose de déplorable à agir
ainsi, puisqu’il ne veut pas non plus avoir à donner de son argent à quiconque, et avertit
aussitôt « ce qui est à moi, est à moi ». C’est pourquoi, il n’est pas possible de l’appeler
« juste », tout comme ce n’est pas acceptable de le condamner en l’appelant « mécréant ». Il
est donc normal de le nommer comme faisant partie de la moyenne.
L’auteur de la Michna ne s’arrête pas là. Il annonce qu’une autre interprétation est donnée par
certains, qui disent qu’agir de cette manière, c’est avoir la qualité des gens de Sodome, c’est à
dire, qu’ils ont à voir avec l’injustice. Le Maharal explique que la raison à cela réside dans le
fait qu’il faut voir les deux propositions comme consécutive. Il existe une corrélation entre le
fait de ne pas prendre ce qui appartient aux autres, et celui de ne pas donner ce qui nous
appartient. En effet, si cet homme dit « ce qui est à toi, est à toi », il ne faut pas le comprendre
comme le fait qu’il ne veut pas profiter de son prochain, mais comme le souhait de ne pas
avoir à être redevable. Pour ne pas arriver à cette situation, il préfère ne rien demander à
personne. Ainsi, dire « ce qui est à toi est à toi », l’autorise à pouvoir dire « ce qui est à moi
est à moi ». Autrement dit, « de la même façon que moi je ne demande rien à personne, alors
ne venez pas non plus me demander quoi que ce soit ». C’est cela l’attitude (des habitants) de
Sodome.
Mais la question, sur ce genre d’individu, peut être posée autrement : Pourquoi l’auteur de la
Michna admet que celui qui dit « ce qui est à moi, est à moi, et ce qui est à toi, est à toi » est
appelé « Beinoni », alors que d’autres estiment qu’il a des qualités équivoques à celles des
gens de Sodome ? Autrement dit, comment pour la même personne, certains peuvent-ils dire
que c’est un « Beinoni », tandis que d’autres pensent qu’il a la qualité des habitants de
Sodome ? Comment comprendre un tel écart d’opinion ?
La réponse pourrait résider dans le fait que tout dépend du contexte économique. En effet, si
nous vivons dans une période d’abondance, et qu’il dit « ce qui est à moi, est à moi, et ce qui
est à toi, est à toi », il n’y a pas forcément de côté pervers à cela. Il ne veut pas profiter de son
prochain, et d’un autre côté, ce dernier n’a pas réellement besoin de lui. On peut donc
l’appeler « Beinoni ». Inversement, si nous nous trouvons dans une période d’indigence, et
que la personne qui a les moyens d’aider se refuse à faire la charité et réplique « ce qui est à
moi est à moi, et ce qui est à toi est à toi ». Une telle attitude de justice rigide, dénué de tout
amour du prochain dans un contexte comme celui-là témoigne, en fait, d’une cruauté
révoltante. C’est pourquoi il est qualifié d’avoir les qualités des gens de Sodome.
Pour le Midrash Chmouel, on peut cependant expliquer que ces deux interprétations (dire de
la personne qu’elle est « beinoni », ou qu’elle a les qualités des gens de Sodome) ne sont pas
tout à fait contradictoires, et cela, dans n’importe quel contexte économique. En fait, tout
dépend de l’intention qui anime celui qui parle. Effectivement, nos sages préconisent qu’il
faut essayer, avant d’accomplir un commandement positif, de réfléchir sur l’acte que l’on va
faire. Il est nécessaire de mettre de l’intention dans ce qui va être fait, et non pas simplement
agir de manière machinale. Dans le même ordre d’idée, nous voyons que les sages, du temps
du Talmud (Berakhot), discutaient sur le fait de savoir, si une Mitsva (commandement)
réalisée sans intention, était comptabilisée comme Mitsva à part entière ou non. L’intention
dans la vie d’un homme n’est vraisemblablement pas quelque chose d’anodin, loin de là. Il
faut s’efforcer, autant que possible, de songer à ce que nous allons accomplir avant de
l’effectuer.
Ainsi, dans notre Michna, on constate qu’une personne faisant le même acte peut, tantôt, être
considérée comme ayant la qualité dite « moyenne », et tantôt, comme agissant à la manière
des gens de Sodome. Tout dépend dans qu’elle état d’esprit elle parle.
ךלש ךלשו ,ךלש ילש --.דיסח ילשו ,ילש ךלש ילש--עשר
Le dernier type de comportement, celui du « mauvais », est diamétralement opposé au juste.
Le « mauvais », c’est celui qui représente le paroxysme de l’égoïsme. Non seulement il ne
veut pas donner ce qui lui appartient, mais en plus de cela, il se permet de demander, et de
faire sien, ce qui appartient aux autres. Le juste, quand à lui, c’est celui qui sait annuler sa
volonté devant les besoins des autres. Il est prêt à donner ce qui lui appartient. Bien entendu,
il n’est pas louable de donner tout ce qui nous appartient, car, aussitôt, on se retrouverait dans
une situation de dépendance financière. Or, il est écrit dans le Talmud (Baba Bathra 110A), il
vaut mieux avoir un travail même ingrat, plutôt que de vivre aux crochets des autres, c'est-à-
dire, qu’il faut tout faire pour ne pas être dépendant des autres. Donc, lorsque le juste dit « ce
qui est à moi et à toi », il ne renonce pas à la totalité de ses biens, pour ne pas se retrouver à
son tour dans une situation de dépendance d’autrui, mais seulement à une certaine partie.
Cette mesure est fixée par nos sages dans le Talmud (Ketouboth 3A). Ainsi, celui qui décide
de renoncer à ses biens, pour les donner aux plus nécessiteux, ne peut pas se démunir de plus
de 1/5 de ce qui lui appartient. Dans notre Michna, lorsque l’auteur appel la personne qui dit
« ce qui est à moi, et à toi » comme étant « juste », c’est que ce dernier respecte, sans nul
doute, le précepte établit par nos sages.
Ménaché-E. Plantard , Elève rabbin
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